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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
11 janvier 2016

Bernard Blier et la gueule de l’emploi, façon puzzle

« Non mais, t’as déjà vu ça ? En plein paix ! Il chante et puis crac, un bourre-pif ! Il est complètement fou, ce mec ! Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère !… Je vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins de Paris, qu’on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop, je correctionne plus. Je dynamite, je disperse, je ventile ! » ("Les Tontons flingueurs", 1963).


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Un centenaire particulier se fête ce lundi 11 janvier 2016, celui de la naissance de l’acteur Bernard Blier. Inoubliable Raoul Volfoni dans sa prestation des "Tontons flingueurs" (film de Georges Lautner sorti le 27 novembre 1963) avec Lino Ventura, Robert Dalban, Francis Blanche, Claude Rich (le seul survivant de cette aventure avec Venantino Venantini), Jean Lefebvre, Sabine Sinjen et Horst Frank, Bernard Blier a été un acteur désopilant au répertoire très étendu, avec à son actif près de deux cents films !

Très connu pour ses seconds rôles, avec un physique de commissaire de police qui se fait toujours gruger, il n’a été couronné par sa profession qu’aux dernières heures de sa gloire, avec un César d’honneur, le 4 mars 1989 au Théâtre de l’Empire (des mains de Michel Serrault, très ému, un autre monstre sacré du cinéma français), soit quelques jours avant sa mort à 73 ans le 29 mars 1989 (à Saint-Cloud) des suites d’un cancer. Il avait été couronné par le cinéma italien deux ans auparavant, le 20 juin 1986, avec le Donettello du meilleur acteur dans un second rôle pour sa prestation de l’oncle Gugo dans le film "Pourvu que ce soit une fille" réalisé par Mario Monicelli et sorti le 4 juin 1986 (film tourné avec Catherine Deneuve, Liv Ullmann et Philippe Noiret). Bernard Blier et Charles Vanel (en 1981) furent les seuls acteurs français à avoir reçu à ce jour un Donatello.

Comme Michel Galabru, comédien populaire, Bernard Blier était célèbre pour ses très nombreux rôles, pas forcément très valorisants dans le scénario (le "petit gros chauve", le trompé, le policier, etc.) mais dont le jeu d’acteur était excellent avec un comique inimitable, qu’il devait à son physique autant qu’à son talent. Comme Galabru, Bernard Blier a joué dans un très grand nombre de films (plus de cent quatre-vingts entre 1936 et 1988) et aussi sur scène dans une quarantaine de pièces de théâtre (entre 1934 et 1983). Pour l’acteur, ces deux activités étaient identiques : « Il n’y a pas de différence entre le théâtre et le cinéma. Il y a deux façons de jouer la comédie : la bonne et la mauvaise. ».

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Fils d’un biologiste globe-trotter, Bernard Blier est né à Buenos Aires, en Argentine puis a vécu à Paris et a suivi des cours de théâtre. Il fut reçu au concours du Conservatoire de Paris en 1937 mais avait commencé déjà à se "produire" en 1934. À partir de 1937, il s’est lié avec Jean Gabin, François Périer, Gérard Oury et aussi Louis Jouvet qui fut son professeur et qui lui donna deux conseils : celui de toujours persévérer et celui d’accepter de tout jouer plutôt que de ne rien jouer du tout ! Le 18 mai 1975, Bernard Blier a rappelé l’enseignement de Louis Jouvet : « Toi, tu commenceras ta carrière à cinquante ans, me répétait-il toujours, et il ajoutait : Prends ton temps ! J’ai toujours suivi ses conseils. J’ai passé ma vie à observer les autres en m’amusant des travers de chacun. » ("Journal du Dimanche").

Mobilisé en été 1939, il fut arrêté en 1940 et interné en Autriche pendant une année où il maigrit énormément, ce qui lui permit de revenir en France, d’être libéré puis de jouer des rôles de jeune séducteur ! Les dialogues spécialement écrits pour lui par Michel Audiard et sa complicité avec Jean Gabin ont fait des chefs d’œuvres du cinéma populaire des années 1960, dont "Les Tontons flingueurs" sont l’éclatant symbole.

Sur les planches, Bernard Blier a joué des pièces notamment de Molière, Duvernois, Achard, Feydeau, Tchekov, Tristan Bernard, Sacha Guitry, Peter Ustinov, Balzac, Félicien Marceau, André Roussin, Henri Bernstein et Anouilh.

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Parmi les nombreux réalisateurs avec lesquels Bernard Blier a joué, on peut citer entre autres Marc Allégret, Marcel Carné, Christian-Jacque, Claude Autan-Lara, Henri-Georges Clouzot, Jean Dréville, Jean-Paul Le Chanois ("Les Misérables"), Yves Allégret ("Germinal"), André Cayatte, Sacha Guitry, Jean Delannoy, Denys de La Patellière ("Les Grandes Familles"), Gilles Grangier, Georges Lautner ("Les Tontons flingueurs", "Les Barbouzes"), Yves Robert ("Le Grand Blond avec une chaussure noire"), Henri Verneuil ("Le Président", "Cent mille dollars au soleil", "Le corps de mon ennemi"), Bertrand Tavernier, Édouard Molinaro ("Mon oncle Benjamin"), Jacques Besnard ("Le grand restaurant", "Le fou du labo 4", "C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule"), Yves Boisset, son fils Bertrand Blier ("Calmos", "Buffet froid"), Luchino Visconti ("L’Étranger"), Michel Audiard ("Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages", "Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !", "Le cri du cormoran le soir au-dessus des jonques"), Pierre Mondy, Pierre Richard ("Le Distrait", "Je sais rien, mais je dirai tout"), Jean Girault ("Jo"), Jean Yanne ("Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil"), Roger Hanin, Serge Moati, Alain Corneau, Francis Perrin, Jean-Marie Poiré ("Twist again à Moscou"), Andrzej Wajda ("Les Possédés"), etc.

Parmi tous ses films, j'en retiendrai trois qui sont assez particuliers. D’abord, "Le Président" (réalisé par Henri Verneuil et sorti le 1er mars 1961) où Bernard Blier porte les habits de Philippe Chalamont, un ancien directeur de cabinet d’un équivalent de Clemenceau qui arrive aux portes du pouvoir (je reviendrai un jour sur cet excellent film). Ensuite, "Ce cher Victor" (réalisé par Robin Davis et sorti le 21 mai 1975) où Bernard Blier joue le rôle d’Anselme, le souffre-douleur de l’implacable veuf Jacques Dufilho. Enfin, plus connu malgré son flop à sa sortie, "Buffet froid" (réalisé par son fils et sorti le 19 décembre 1979), où il campe un inspecteur de police véreux, un des trois personnages absurdes, avec Gérard Depardieu et Jean Carmet (un autre géant du cinéma populaire), qui dissertent sur la mort avec plein humour noir dans un univers glauque.

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La liste est trop grande pour énumérer tous les partenaires au cinéma de Bernard Blier, mais on peut tout de même mentionner, en dehors de ceux déjà cités ici, Isabelle Adjani, Arletty, Marie-Christine Barrault, Mireille Darc, Marie Dubois, Claude Jade, Marlène Jobert, Bernadette Lafont, Simone Signoret, Jean-Paul Belmondo, Bourvil, Pierre Brasseur, Claude Brasseur, Jacques Brel, Jean-Claude Brialy, Christian Clavier, Coluche, Louis de Funès, Patrick Dewaere, Jacques François, Fernandel, Jean-Pierre Marielle, Paul Meurisse, Claude Piéplu, André Pousse, Jean Rochefort et Jacques Villeret, la plupart des acteurs du cinéma populaire français.

La modestie, peut-être parce qu’il n’avait pas un physique de star, Bernard Blier l’a toujours nourrie tout au long de sa carrière en n’hésitant pas à user de l’autodérision, telle que cette phrase célèbre : « L’expérience est un peigne que vous donne la vie quand vous êtes devenu chauve. ».

D’un rythme très soutenu, tournant pour le cinéma français et italien (« Les Italiens sont superstitieux et se sont mis dans l’idée que je portais bonheur, mais il y a des films que vous n’avez jamais vus, grâce au ciel ! ») tout en jouant au théâtre, Bernard Blier avait refusé toute idée de retraite malgré la maladie qui, petit à petit, le rongeait et l’épuisait, au point de répondre à un journaliste qui l’avait interrogé à ce sujet : « Ah non ! Si j’arrête, c’est que je suis mort ! » ("La Revue du Cinéma" n°440).

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Lors de sa disparition, il fut même honoré par la télévision soviétique, montrant ainsi sa notoriété internationale. Il aurait voulu ne pas être cantonné dans les rôles de bonhomme tranquille ou de maladroit cynique : « J’aimerais avoir des rôles du type de ceux tenus auparavant par des gens comme Raimu ou Harry Baur. Je peux les jouer maintenant mais on ne les écrit pas. » ("Studio Magazine" n°26).

Pour conclure ce très modeste hommage personnel, je ne résiste pas à la tentation de revenir au tonton flingueur qu’il fut en reprenant les bons mots d’Audiard, comme ceux-ci, exprimant un léger énervement contre son ennemi de toujours : « Mais il connaît pas Raoul, ce mec ! Il va avoir un réveil pénible. J‘ai voulu être diplomate à cause de vous tous, éviter que le sang coule. Mais maintenant, c’est fini. Je vais le travailler en férocité, le faire marcher à coup de lattes ! À ma pogne, je veux le voir ! Et je vous promets qu’il demandera pardon, et au garde-à-vous ! » ("Les Tontons flingueurs"). Vu les rigolos qui nous gouvernent aujourd’hui, on se dit que les Tontons flingueurs auraient pu avantageusement les suppléer !!


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Yves Montand.
Gérard Depardieu.
Michel Galabru.
Bernard Blier.
Pierre Dac.
Thierry Le Luron.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160111-bernard-blier.html

http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/bernard-blier-et-la-gueule-de-l-176254

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/01/11/33163385.html


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