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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
31 octobre 2016

Poisson qui s’en dédit !

Jean-Frédéric Poisson, l’intrus de la primaire LR.


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Le 13 octobre 2016, lors du premier débat entre les sept candidats de la primaire "Les Républicains", un seul était inconnu du grand public, Jean-Frédéric Poisson. Il s’est amusé à lire, juste après sa prestation télévisée, les enquêtes de notoriété le concernant : à 53 ans, il était passé en une soirée de l’ombre à la lumière, de 19% à 43% de notoriété, ce qui met généralement dix ans pour un homme politique ordinaire.

Et il a eu de la chance, car il n’avait montré aucune aspérité et plutôt une quiétude rassurante. Face à des candidats voulant tout bouleverser, il était plutôt social, prêt à défendre les centrales syndicales traditionnelles et à rejeter toute mesure libérale (par exemple, le travail le dimanche), fort de son expérience en ressources humaines dans le secteur privé.

Cette bonhomie plaisante n’est pas usurpée. Ceux qui ont suivi les débats parlementaires sur la fin de vie ont pu entendre un député travailleur, courtois, à la fois bienveillant et persévérant.

Gamin d’un naturel bagarreur, Jean-Frédéric Poisson a connu une révélation à 19 ans, le 30 janvier 1982 à 9 heures 15 (« une très grande paix et une grande conviction que j’étais aimé par Dieu »), et s’est converti au catholicisme. À 28 ans, il termina ses brillantes études en soutenant une thèse de doctorat en philosophie à la Sorbonne sur les premières lois françaises sur la bioéthique promulguées en 1994.

Membre de l’UMP de 2001 à 2009, il ne fut d’abord que le suppléant d’un ou d’une autre. Comme adjoint élu en mars 2001, il est devenu maire de Rambouillet du 7 juillet 2004 au 17 juin 2007 pour remplacer Gérard Larcher nommé Ministre du Travail de Jean-Pierre Raffarin puis Dominique de Villepin. Et, comme suppléant élu en juin 2007, il est devenu député des Yvelines du 20 juillet 2007 au 24 juillet 2009, pour remplacer Christine Boutin nommée Ministre du Logement et de la Ville de François Fillon.

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Comme Christine Boutin ne voulait plus revenir au Palais-Bourbon après avoir été évincée du gouvernement, Jean-Frédéric Poisson fut élu d’extrême justesse le 27 septembre 2009, avec 5 voix d’avance face à sa concurrente écologiste, avec seulement un quart de participation. Le Conseil Constitutionnel a annulé l’élection le 20 mai 2010 car il n’y avait plus qu’une voix d’avance, après recomptage, et une contestation sur un acte de campagne la veille du scrutin alors que c’est interdit (acte qui aurait pu influencer une personne et donc remettre en cause l’issue de l’élection). Jean-Frédéric Poisson fut alors battu par sa même concurrente le 11 juillet 2010 (il n’a obtenu que 48,3% au second tour). Il retrouva son siège le 17 juin 2012 en battant la députée sortante avec 53,7% des voix, avec le soutien non seulement de son petit parti, mais de l’UMP, du MPF de Philippe de Villiers et des centristes.

Héritier de Christine Boutin, Jean-Frédéric Poisson l’est doublement, tant comme député que comme président du petit "Parti chrétien-démocrate" depuis le 16 novembre 2013. Ce mini-parti (le parti de Christine Boutin) est membre de l’UMP puis de "Les Républicains" comme parti associé et son appartenance à ce parti lui a permis de concourir à la "primaire de la droite et du centre" sans les conditions de parrainage très rigoureuses imposées aux "simples" membres de LR (Hervé Mariton, Frédéric Lefebvre, Henri Guaino, Geoffroy Didier, Jacques Myard et Nadine Morano ont été ainsi exclus de la primaire).

Il a, entre autres, été le premier vice-président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Macron en 2015. Rejetant le libéralisme et la globalisation des échanges, Jean-Frédéric Poisson a affirmé dans "L’Express" fin septembre 2016 : « Je ne suis pas libéral, je suis plus à gauche qu’Emmanuel Macron. ». Mais une "gauche" qui se situe très proche du FN… Le thème de sa campagne, c’est « d’enterrer cet esprit soixant-huitard, fossoyeur depuis presque cinquante ans de la vitalité française ». Un thème très guainolien.

Rugbyman, judoka (n’ayant « pas peur de l’affrontement physique »), et aussi, blagueur. Une belle qualité, l’autodérision, il l’a cultivée toute sa vie avec son patronyme. Au lieu de laisser les autres s’en moquer, il s’en amuse lui-même. Le 1er avril 2013, il a ainsi annoncé dans "Le Parisien", en guise de "poisson", qu’il allait déposer une proposition de loi « pour protéger les députés portant nom d’animal aquatique ».

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Sortir de l’obscurité et de l’anonymat n’est pas qu’une chance, c’est aussi un risque. Celui de mettre en lumière les aspérités de la personnalité. Jaloux pour certains (mais jaloux de quoi ? de la notoriété naissante ?) et surtout, curieux pour les autres (qui est ce monsieur ?) ne cessent donc d’en connaître plus sur ce cher monsieur Poisson. Et loin de l’image assez consensuelle et lisse du premier débat, Jean-Frédéric Poisson frappe par ses controverses. Et les semaines qui ont suivi le premier débat montrent que les controverses ne sont pas seulement fictives.

Les controverses, les premières furent antérieures à sa candidature à la primaire LR annoncée le 14 septembre 2015. En particulier, en politique étrangère. Ainsi, le 13 juillet 2015, Jean-Frédéric Poisson a été reçu à Damas en grandes pompes par le Président syrien Bachar El-Assad, alors que la France le considérait comme un ennemi qu’il fallait renverser. Ses positions souverainistes l’ont également conduit à soutenir la candidature très controversée de Donald Trump aux États-Unis « pour les intérêts français et pour l’équilibre international ».

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Ce fut justement sur les élections américaines que la première polémique a eu lieu après le premier débat de la première LR. Dans "Nice-Matin", le 19 octobre 2016, Jean-Frédéric Poisson a effectivement dénoncé la candidate démocrate Hillary Clinton d’une manière assez puante : « La proximité de madame Clinton avec les superfinanciers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes sont dangereuses pour l’Europe et la France. ».

Ces propos ont choqué l’ensemble de la classe politique parce que, comme l’a fait remarquer le lendemain le politologue Brice Teinturier sur France 5, cette phrase est un résumé condensé d’expression antisémite que l’on a pu entendre déjà dans les années 1930. Elle met en équivalence les Juifs et la puissance financière de manière générale. De plus, elle est assez excessive quand on sait que l’adversaire d’Hillary Clinton est un multimillardaire qui, avec les Tours Trump à New York, symbolise ce que le comportement capitaliste a fait de pire aux États-Unis !

Face à l’unanimité des protestations des autres candidats à la primaire LR, Jean-Frédéric Poisson a donc exprimé son incompréhension le 21 octobre 2016, très mollement, concédant de vagues regrets plus pour les conséquences que pour le fond de ses propos. Le 24 octobre 2016 sur France Info, il a enfin regretté plus franchement ses propos, en demandant pardon aux institutions juives. La polémique fut terminée le 26 octobre 2016 quand le responsable de l’organisation de la primaire LR, Thierry Solère (député de Boulogne-Billancourt), a classé l’affaire.

Mais la polémique a rebondi sur un autre sujet, politiquement plus conséquent, quand Jean-Frédéric Poisson a déclaré le 25 octobre 2016 à "Lyon People" qu’il n’exclurait pas de voter Marine Le Pen en cas de second tour qui opposerait la candidate du FN à Alain Juppé, l’un de ses concurrents à la primaire LR.

Or, cette hésitation exprimée publiquement a remis en cause sa participation même à la primaire LR dont la règle est que les candidats à celle-ci se sont engagés à soutenir le candidat choisi par cette primaire, engagement réaffirmé publiquement au cours du premier débat de la primaire LR le 13 octobre 2016 (chaque protagoniste ayant répondu "oui" ou "oui bien sûr" à cette question très précise).

De plus, politiquement, elle a signifié que Jean-Frédéric était nettement plus proche du FN que de certains membres du parti LR. Il avait déjà dit qu’il fallait en finir avec le cordon sanitaire entre le FN et LR.

Pour Nathalie Kosciusko-Morizet, une autre concurrente, invitée par LCP le 26 octobre 2016, cette déclaration est allée à l’encontre des valeurs défendues par la "primaire de la droite et du centre" et repositionnerait cette primaire en "primaire de la droite et de l’extrême droite".

Elle met aussi au grand jour que le programme de Jean-Frédéric Poisson n’a rien à voir avec celui de LR et des centristes, à savoir, il est anti-européen (souverainiste), antilibéral (paternaliste) tant en économie qu’en mœurs, et favorable à une alliance avec le FN (alors que le FN a pour objectif de phagocyter LR). Alors, pourquoi Jean-Frédéric Poisson est-il allé dans cette galère de la primaire LR ? Seulement pour sa notoriété ? La réponse peut-être au cours du deuxième débat le 3 novembre 2016 …s’il n’est pas exclu de la primaire d’ici là.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 octobre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Christine Boutin.
Gérard Larcher.
Jean-Frédéric Poisson.
Premier débat de la primaire LR 2016.
Alain Juppé.
Nicolas Sarkozy.
François Fillon.
Nathalie Kosciusko-Morizet.
Jean-François Copé.
Bruno Le Maire.
L’élection présidentielle 2017.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161013-jean-frederic-poisson.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/poisson-qui-s-en-dedit-186045

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/10/31/34502214.html


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