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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
18 avril 2017

Fillon ou Macron, pour redresser l'économie ?

« Nous avons toujours été aux rendez-vous de l’histoire (…). Nous sommes le pays des prix Nobel et des médailles Field, le pays des satellites et de la chirurgie cardiaque (…). Le monde nous connaît par la puissance de notre esprit, la grandeur de nos réalisations, une littérature incomparable. Nous avons triomphé des guerres, des défaites, des occupations. Nous sommes toujours là, toujours debout (…), et parmi les cinq premières nations du monde depuis plus de mille ans. Et l’on voudrait nous faire croire que notre place est au bord du chemin, à regarder mélancoliquement les réussites des autres ? » (François Fillon, le 9 avril 2017 à Paris).


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L’incertitude demeure à quelques jours du premier tour. Les sondages ont beau sonder tous les jours, avec les erreurs calculées, personne ne peut vraiment donner l’ordre d’arrivée des quatre premiers candidats à l’élection présidentielle : deux en tête mais dont les intentions de vote décroissent, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et deux en retard, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon, mais dont les intentions de vote remontent ? Lesquels arriveront au second tour ? Les médias vacillent parce qu’ils ont peur qu’on leur reproche leur mauvais pronostic.

Quatre candidats et s’ils sont tous les quatre très différents, on pourrait les classer deux à deux : nouveaux candidats (Macron, Fillon) ; anciens candidats (Mélenchon, Marine Le Pen), déjà présents en 2012. Clivage plus important : voulant donner les meilleurs atouts à la France pour concourir à la mondialisation (Macron, Fillon) ; voulant sortir de tous les partenariats internationaux et en premier lieu, l’Europe (Marine Le Pen, Mélenchon). Ou encore : voulant plus d’autorité de l’État (Marine Le Pen, Fillon) ; prônant moins d'exigence dans le régalien, justice, police (Macron, Mélenchon).

En reprenant les onze candidats, on peut aussi "classer" les candidats par expérience ministérielle. Trois seulement en ont une : François Fillon qui a un CV qui dépasse en densité tous ses concurrents, Benoît Hamon dont les vingt-sept de fonction ministérielle n’ont pas abouti à grand chose, Jean-Luc Mélenchon, deux ans obscur sous-ministre, et Emmanuel Macron, deux ans à Bercy, et de son passage, il est resté une petite loi qui se voulait ambitieuse économiquement et dont il ne reste plus que les …"cars Macron".

Avant de gérer la France, c’est bien d’apprendre à gérer une collectivité territoriale, et là, c’est toujours le désert dans l’offre électorale. À part François Fillon qui a dirigé tous les types de collectivités territoriales (commune, intercommunalité, département, région, État à Matignon), ce qui n’a engendré aucune contestation sur sa manière de gérer, seuls Nicolas Dupont-Aignan a l’expérience d’une gestion municipale à Yerres, et Jean Lassalle dans une commune rurale. Aucun autre candidat n’a été à la tête d’un budget public, ne serait-ce d’une petite commune !

La logique politique voudrait donc qu’au second tour s’affrontent deux logiques politiques, et le chômage étant l’urgence prioritaire, le clivage devrait être en premier lieu économique. Si bien qu’un second tour opposant Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon ou encore Emmanuel Macron à François Fillon n’aurait pas beaucoup de sens démocratique car, dans ces deux cas, une moitié des électeurs ne se sentirait plus représentée au second tour.

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Comme tout est possible, les sondages vont naturellement influencer les électeurs. C’est la logique du vote utile : on ne voterait pas complètement pour ses idées mais pour celui des candidats qui, sans être son préféré, serait le meilleur, selon soi, parmi ceux qui pourraient gagner l’élection. C’est assez tortueux car les sondages évoluent.

Ainsi, Benoît Hamon pouvait dire il y a deux mois aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon que c’était utile de voter pour lui car il était largement au-dessus du candidat de la France insoumise dans les sondages. Cette logique s’inverse maintenant que le rapport s’est inversé.

De même, Marine Le Pen étant donnée battue au second tour dans tous les cas de figure (ce qui ne signifie rien de la réalité électorale, j’insiste), ses électeurs pourraient imaginer voter pour un autre candidat proche de leurs idées capables de gagner le second tour, par exemple François Fillon pour les plus régaliens, ou encore Jean-Luc Mélenchon pour ceux qui veulent, au contraire, tout bousculer.

Quant à Emmanuel Macron, le favori, gagnant dans tous les cas de figure du second tour selon les sondages, il pourrait avoir des difficultés à être présent à ce second tour et des électeurs de François Fillon pourraient être tentés de voter Emmanuel Macron au premier tour pour éviter un second tour Jean-Luc Mélenchon vs Marine Le Pen.

Toutes ces considérations de billard à deux ou trois bandes sont tortueuses et ne sont issues que de l’évolution des sondages. Or, ces sondages évoluent aussi en raison de ces considérations. Le chat qui se mord la queue. Il faut se rappeler par exemple que le débat présidentiel du premier tour en 1995 s’était installé sur la rivalité entre Édouard Balladur (le grand favori) et Jacques Chirac, et finalement, ce fut Lionel Jospin qui arriva en tête du premier tour.

Le mieux pour les électeurs est donc de voter selon leurs idées politiques, leurs convictions, plutôt que selon une douteuse tactique électorale.

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Je m’arrête sur le choix du réalisme économique. La mondialisation n'est pas une idéologie, c'est une réalité. Deux candidats proposent des réformes en prenant comme base de départ cette réalité économique de la France plongée dans la mondialisation : Emmanuel Macron et François Fillon. Si l’un des deux se retrouve au second tour sans l’autre, il aura besoin des électeurs de l’autre, c’est évident.

Cela signifie que la rivalité fait rage entre ces deux candidats pour être celui qui sera présent au second tour, mais il faut que cette lutte ne soit pas trop définitive pour permettre le rassemblement au second tour. Du côté des électeurs d’Emmanuel Macron, cela ne semble pas trop poser de problème de se reporter éventuellement sur un vote Fillon au second tour. L’inverse est moins vrai : selon certains sondages, seulement un gros tiers des électeurs se reporterait au second vers le vote Macron, tandis qu’un autre tiers s’abstiendrait et un autre petit tiers voterait pour Marine Le Pen.

Le problème d’Emmanuel Macron, c’est qu’il dit tout et son contraire à longueurs de meetings et d’interventions médiatiques, dans le plus grand style de son mentor François Hollande qui n’a pas osé se représenter. Il a même nommé un proche de la mouvance islamiste comme responsable de son parti dans le Val d’Oise, qu’il s’est empressé d’éloigner lorsque cela s’est su, mais sans vraiment donner sa position réelle sur le communautarisme islamique. Pourquoi ? Parce qu’il cherche à préserver l’ambiguïté le plus longtemps possible pour s’attirer les voix des contraires.

Le problème, c’est qu’une telle attitude ne fera pas une majorité à l’Assemblée Nationale. Aucun des soutiens dits de droite d’Emmanuel Macron ne va avoir une influence aux élections législatives, car Les Républicains et l’UDI ont signé le 14 mars 2017 une alliance électorale et leur cohésion est totale aux législatives (certains disent même que François Baroin tablerait sur une cohabitation entre Emmanuel Macron à l’Élysée et une majorité LR au parlement qui le propulserait à Matignon).

En dehors de François Bayrou qui aurait peut-être un petit groupe de députés indépendants, dans le cas d’une élection d’Emmanuel Macron, ceux qui auraient une influence aux élections législatives, ce seraient les soutiens des élus du PS et du PRG, et donc, essentiellement, des éléphants hollandistes : Jean-Yves Le Drian, Manuel Valls, Gérard Collomb, Bertrand Delanoë, Jean-Paul Huchon, etc. Rien à voir avec le ni droite ni gauche répété à l’envi par Emmanuel Macron. Ce serait une majorité typiquement "hollandiste", ce qui est assez paradoxal quand on connaît l’extrême impopularité du quinquennat de François Hollande.

Les mesures que propose Emmanuel Macron sont souvent des demi-mesures. Il ne réduit que de 10 milliards d’euros les dépenses publiques, ce qui ne supprimerait pas le déficit public. Le thème de l’endettement était pourtant très cher à François Bayrou, mais c’est sûr qu’il ne fait pas rêver. Emmanuel Macron préfère surfer sur une certaine démagogie, la seule mesure innovante qu’il propose d’ailleurs, la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des ménages, ce qui non seulement supprimerait toute autonomie aux communes (qui sont aujourd’hui libres de fixer leur politique fiscale) mais également réduirait nécessairement leurs recettes.

François Fillon, lui, propose le plein emploi. C’est le seul candidat qui le propose. Au contraire d’un candidat qui propose le "plus d’emploi du tout", Benoît Hamon, au point de proposer un revenu de substitution, le revenu universel. C’est certes osé, d’imaginer que tout n’a pas été fait pour enrayer le chômage, contrairement à la fameuse formule de François Mitterrand, gourou du ni-ni. Pourtant, le programme de François Fillon s’est attaqué à tous les freins à l’emploi.

Son programme est-il anti-social comme ses adversaires l’affirment ? François Fillon a répondu notamment à Marseille le 11 avril 2017 : « Devant mon projet, certains m’accusent de vouloir affaiblir notre modèle social. Mais de quel modèle social parlent-ils ? Avec 6 millions de François qui pointent à Pôle Emploi, 2 200 milliards de dettes, avec la pauvreté qui augmente, ce sont eux, avec leurs mesurettes et leur démagogie, qui vont ruiner notre modèle social ! ».

Et d’énumérer ce qui pourrait renverser la tendance : « Moi, je me bats pour une France productiviste, une France qui crée des emplois, qui crée des richesses, et, ce faisant, une France qui peut financer la santé pour tous, les retraites de nos anciens, l’aide aux plus démunis. Je me bats pour la vraie justice sociale, pas celle qui est financée sur la dette qui, un jour, s’écroulera sur les épaules des classes moyennes et sur celles de nos enfants. » (11 avril).

Sur le plan extérieur, François Fillon a compris que la puissance économique était un paramètre de souveraineté nationale et d’influence internationale : « Le désendettement est la condition d’un État fort, respecté, maître de son destin. C’est un enjeu politique, parce qu’à travers la dette, c’est la souveraineté de la nation qui est en cause. C’est un enjeu moral, parce que ce fardeau, nous le faisons peser sur les générations futures. C’est un enjeu social, parce que c’est tout notre modèle français de solidarité qui risque d’être un jour ruiné par notre incapacité financière. » (9 avril 2017).

La situation internationale est très tendue. Après avoir bombardé la Syrie, Donald Trump est en train de menacer la Corée du Nord qui refuse d’être sous contrôle de la Chine et veut poursuivre son ostentation nucléaire. La Turquie se radicalise (référendum organisé le 16 avril 2017), les attentats islamistes se multiplient (en Suède, en Russie, en Allemagne, en Égypte, etc.), le monde est dangereux et difficile. Garder ses nerfs, savoir raison garder avec la dissuasion nucléaire sont des qualités indispensables : une expérience d’homme d’État pour la personne qui dirigera la France dans quelques semaines serait quand même la bienvenue !

François Fillon l’a exprimé de cette manière à la Porte de Versailles de Paris le 9 avril 2017 : « Personne ne nous attendra. Personne ne nous fera de cadeaux. Et si nous continuons de nous affaiblir, tant de pays pour qui nous étions un modèle finiront par détourner les yeux loin de nous. Mais si nous nous relançons, une chance historique se présente à nous. Avec une Amérique désarçonnée par les dernières élections, un Royaume-Uni accaparé et préoccupé par le Brexit, une France qui aura retrouvé sa crédibilité se replacera au centre du jeu. Elle affirmera la liberté de sa voix et de ses choix. C’est le moment ou jamais de rassembler nos forces pour donner un coup d’accélérateur et s’engouffrer dans l’ouverture. L’Europe est à un tournant de son histoire et la responsabilité de la France est immense. ».

Avec de tels discours, François Fillon aurait dû avoir un boulevard devant lui. Il l’a eu d’ailleurs lors de la primaire LR. Mais le PenelopeGate qui a surgi fin janvier 2017 a changé la donne. Des soupçons sur son honnêteté ont considérablement terni son image. Ce qu’on lui reproche est mille fois moindre que ce qu’ont fait François Mitterrand ou encore Jacques Chirac, mais cela l’a privé d’une caisse de résonance sur son programme et d’une certaine crédibilité, même si aucun de ses actes comme chef d’un exécutif local n’a jamais été l’objet d’un reproche ou d’un soupçon quelconque.

L’idéal, évidemment, c’est d’élire un candidat qui soit à la fois honnête, compétent et efficace. L’essentiel dans le choix du candidat, c’est de savoir mettre les priorités sur ces qualités.

Emmanuel Macron est à l’évidence compétent. Son honnêteté, à ce jour, n’a pas été mise en doute. En revanche, son efficacité future laisse à désirer. Ses demi-mesures, ses positions ambiguës sur de nombreux sujets pour ratisser large, et son incapacité à convaincre qu’il pourrait bénéficier d’une majorité parlementaire cohérente et toute concentrée derrière lui est un handicap majeur, car ce fut déjà la cause de l’échec du quinquennat de François Hollande dont je ne peux mettre en cause la bonne volonté.

François Fillon a la compétence à l’évidence également, sa grande expérience d’homme d’État le rendra opérationnel immédiatement à la tête de l’État. Son efficacité paraît atteignable grâce à une alliance qui a su montrer, dans le passé, sa capacité à rassembler aux élections législatives. Enfin, effectivement, son honnêteté est mise en doute. La présomption d’innocence que sous-entend une mise en examen n’a aucun contre-effet sur l’effet médiatique d’une mise en cause personnelle, parce que ce n’est pas la légalité qui est en cause (et je ne pense pas qu’il fût en faute pour cela), mais sa moralité.

Lors de sa conférence de presse du 1er mars 2017, François Fillon s’était prêté à un exercice rhétorique qui pourrait d’ailleurs être utilisé pour d’autres occasions mais qui n’en est pas moins vrai : « La France (…) est plus grande que mes erreurs. Elle est plus grande que les partis pris d’une large part de la presse. Elle est plus grande que les emballements de l’opinion elle-même. Et c’est parce que je suis totalement décidé à servir cette France-là que je m’opposerai, de toutes mes forces, à ce que le hasard ou le calcul décident de son sort et de l’avenir des Français au moment d’une consultation décisive. Je vous le dis avec gravité, ne vous laissez pas abuser ! ».

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Le choix entre François Fillon et Emmanuel Macron, c’est le choix entre d’un côté une moralité mise effectivement en doute, mais une efficacité à redresser l’économie de la France reconnue de tous les grands acteurs économiques, et de l’autre côté, une honnêteté qu’on ne peut mettre en doute (aujourd’hui), mais une inefficacité inéluctable par son positionnement mi-figue mi-raisin et par la configuration institutionnelle qui lui apporterait, le cas échéant, une majorité sans cohérence politique, ce qui aboutirait à cinq nouvelles années d’immobilisme et de retard.

En somme, la campagne présidentielle rappelle que l’exercice du pouvoir ne peut exclure une certaine dose de cynisme. C'est regrettable. C’est loin d’être idéal car l’idéal, c’est bien entendu l’honnêteté à tous les étages, mais la politique, c’est l’art du réalisable, l’équilibre périlleux entre le souhaitable et la réalité.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (18 avril 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Qui sera nommé à Matignon en mai 2017 ?
Emmanuel Macron.
François Fillon.
Marine Le Pen.
Jean-Luc Mélenchon.
Benoît Hamon.
Fillon ou Macron pour redresser l’économie française ?
Marine Mélenchon et Jean-Luc Le Pen.
L’autorité et la liberté.
Défendre la Ve République.
Interview de François Fillon dans le journal "Le Figaro" le 20 avril 2017 (texte intégral).
Interview de François Fillon dans le journal "Le Parisien" le 19 avril 2017 (texte intégral).
Discours de François Fillon le 15 avril 2017 au Puy-en-Velay (texte intégral).
Discours de François Fillon le 14 avril 2017 à Montpellier (texte intégral).
Discours de François Fillon le 13 avril 2017 à Toulouse (texte intégral).
Tribune de François Fillon le 13 avril 2017 dans "Les Échos" (texte intégral).
Discours de François Fillon le 12 avril 2017 à Lyon (texte intégral).
Discours de François Fillon le 11 avril 2017 à Marseille (texte intégral).


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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20170224-fillon-macron.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/fillon-ou-macron-pour-redresser-l-191786

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/04/18/35162888.html


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