Spoutnik, le premier satellite artificiel de l’histoire de l’homme
« Le moment viendra où un vaisseau spatial transportant des êtres humains quittera la Terre et partira en voyage vers des planètes lointaines. Aujourd’hui, cela ne semble être qu’une fantaisie séduisante, mais en fait, ce n’est pas le cas. Le lancement des deux premiers Spoutnik soviétiques a déjà jeté un pont solide de la Terre dans l’Espace, et la voie des étoiles est ouverte. » (Sergueï Korolev, 1957).
Il y a soixante ans, le 4 octobre 1957 à 19 heures 28 minutes et 34 secondes (TU), en plein guerre froide, l’Union Soviétique a eu de quoi fanfaronner : en lançant en orbite autour de la Terre le premier satellite artificiel de l’histoire de l’humanité, Spoutnik-1, elle est ainsi devenue la première puissance spatiale du monde. Il a fallu attendre 92 minutes avant de recevoir son premier signal radio.
C’était une petite sphère en aluminium de 58 centimètres de diamètre avec quatre "pattes" (quatre antennes), en tout 84 kilogrammes. Elle contenait deux parois, une première comme écran thermique et une seconde pour l’étanchéité de l’atmosphère intérieure (de l’azote). Ses batteries zinc-argent avaient vingt-deux jours d’autonomie pour émettre par radio (fréquences de 20 et 40 kiloherz captables par tout le monde) quelques données thermodynamiques de l’intérieur du satellite (pression, température). Le satellite fut donc réduit au silence le 26 octobre 1957 et perdait de l’altitude au point de rentrer le 4 janvier 1958 dans l’atmosphère et de se désintégrer au contact avec l’air après avoir parcouru autour de 70 millions de kilomètres (1 400 tours du monde).
Le satellite fut lancé par la fusée R-7 Semiorka, l’ancêtre des Soyouz, depuis le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. Baïkonour parce qu’il fallait construire en 1954 une base de lancement dans une région désertique, sans différence de relief géographique pour développer les missiles balistiques intercontinentaux. De plus, la base se situe près de la ligne de chemin de fer Moscou-Tachkent. En fait, le nom, choisi seulement en 1961, fut celui d’une ville située à plus de 300 kilomètres de cette base (pour tromper les concurrents sur sa localisation précise).
Le premier missile lancé depuis Baïkonour l’a été le 15 mai 1957 et ce fut un échec (explosion en plein vol à la 100e seconde). L’objectif d’en faire un missile balistique intercontinental fut atteint le 21 août 1957 avec un vol de 6 000 kilomètres. On utilisa la même technologie pour lancer le premier satellite artificiel quelques semaines plus tard.
À l’origine, en effet, la R-7 Semiorka devait transporter des bombes A pesant 5 tonnes, ce qui en faisait le premier missile intercontinental. Sa technologie a vite été abandonnée pour son objectif premier (pour de multiples raisons techniques), mais le missile avait la capacité de s’élever verticalement comme le démontra l’essai du 7 septembre 1957 (le cinquième tir). La version allégée qui a permis le lancement du satellite pesait 272 tonnes.
Le responsable scientifique de ces développements fut Sergueï Korolev (1907-1966), ancien ingénieur chez Tupolev ayant alimenté deux grandes qualités : grand organisateur de projets scientifiques de grande envergure et grand visionnaire sur le monde technologique du futur. Victime des purges staliniennes, il fut réhabilité en raison de son action durant la guerre et il a réussi à convaincre le pouvoir soviétique (Nikita Khrouchtchev en janvier 1956) de l’intérêt d’utiliser la technologie militaire des missiles pour faire du développement spatial et même parvenir à faire des vols spatiaux habités.
Comme l’URSS était informée que les États-Unis cherchaient, eux aussi, à lancer un satellite artificiel, les Soviétiques ont précipité les choses après le cinquième essai en plaçant sur le missile le satellite Spoutnik-1 à la place de la bombe nucléaire.
La réussite technique et politique fut si éclatante que les dirigeants soviétiques ont demandé à l’équipe d’ingénieurs de Korolev de lancer un deuxième satellite pour le 40e anniversaire de la Révolution russe, soit seulement quelques semaines plus tard. Malgré leur impréparation et le délai très court, les ingénieurs soviétiques ont réussi à envoyer un deuxième satellite, Spoutnik-2, le 3 novembre 1957, avec le premier être vivant dans l’Espace, la malheureuse chienne Laïka qui ne survécut pas au voyage, officiellement à cause d’une surélévation de la température et de son stress. On ne lui avait de toute façon pas réservé de billet retour et on lui avait laissé de la nourriture empoisonnée pour qu’elle ne souffrît pas. Elle était cependant restée vivante après la mise sur orbite, ouvrant l’ère des vols habités.
Ce fut donc aussi depuis Baïkonour (et la même rampe de lancement) que fut envoyé le premier cosmonaute de l’histoire, Youri Gagarine (1934-1968), le 12 avril 1961. Ce fut le sommet de la réputation de la technologie spatiale soviétique et la gloire pour Sergueï Korolev (qui, surmené et en mauvaise santé, termina sa vie d’un arrêt cardiaque le 14 janvier 1966, deux jours après son 59e anniversaire, sur le billard pour une opération à l’origine bénigne mais qui se compliqua après la découverte d’une tumeur cancéreuse).
La propagande soviétique amplifia la fierté d’avoir commencé la conquête spatiale, et a fait dire à Korolev : « L’Union Soviétique est devenue le rivage de l’Univers. ».
De leur côté, les États-Unis n’ont envoyé leur premier satellite artificiel que 1er février 1958, avec Explorer-1 lancé par une fusée Juno-I depuis la base de Cap Canaveral, après un premier échec le 6 décembre 1957 (le satellite Vanguard TV3 explosa au lancement, ce qui lui valut les surnoms de Flopnik ou Kaputnik !).
L’avance technologie de l’URSS a incité le gouvernement américain à créer la Nasa le 29 juillet 1958 et à lui donner des moyens humains et matériels gigantesques (en 2016, le budget était de plus de 19 milliards de dollars avec plus de 17 000 collaborateurs). Après l’élection de John F. Kennedy en novembre 1960, les États-Unis, motivés par le premier vol habité réalisé par l’URSS, réussirent à reprendre le leadership du développement spatial avec la mission Apollo et les premiers pas humains sur la Lune le 21 juillet 1969.
Depuis ce lancement de Spoutnik-1, il y a eu des milliers de satellites artificiels qui furent lancés par quelques puissances spatiales (en plus de la Russie et des États-Unis, on peut rajouter la France, le Japon, la Chine, le Royaume-Uni, l’Inde, Israël, l’Iran, l’Ukraine, la Corée du Nord et la Corée du Sud) et qui tournent autour de la Terre ou sont sur une orbite géostationnaire, pour de nombreuses applications, d’espionnage militaire, de télécommunications, de géolocalisation, de surveillance météorologique ou astronomique, etc.
Korolev, visionnaire, avait anticipé toutes ces applications : « La conquête ultérieure de l’Espace permettra, par exemple, de créer des systèmes de satellites faisant des révolutions quotidiennes autour de notre planète à une altitude de quelque 40 000 kilomètres, d’assurer des communications mondiales et de relayer les transmissions de radio et de télévision. Une telle configuration pourrait s’avérer plus intéressante, économiquement, que l’implantation de relais radio sur toute la surface de la Terre. La grande précision du mouvement de ces satellites fournira une base fiable pour résoudre les problèmes de navigation. ».
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Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2017)
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Pour aller plus loin :
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Paul Painlevé.
Les petits humanoïdes de Roswell…
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Série documentaire de Brian Greene "La Magie du Cosmos" (2012).
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