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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
15 novembre 2018

Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?

« Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. (…) Et ça, ça me touche profondément ! » (Emmanuel Macron, le 14 novembre 2018, sur TF1 à Toulon).


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Comme de nombreux Français prêts à manifester, voire à bloquer les routes le 17 novembre prochain, le Président de la République Emmanuel Macron s’est déclaré à la fois "impatient" et "en colère". Mais pas pour les mêmes raisons que les "gilets jaunes".

Après avoir dit au conseil des ministres qu’il fallait respecter et écouter les futurs protestataires du 17-novembre, Emmanuel Macron a accordé une interview d’une trentaine de minutes au journaliste Gilles Bouleau sur TF1 à 20 heures ce mercredi 14 novembre 2018, dans un cadre très régalien puisque les deux hommes étaient à bord du porte-avions De Gaulle à Toulon.

Au cours de cet entretien très attendu à cause du "vent de révolte" qui se prépare trois jours plus tard, Emmanuel Macron n’a pas beaucoup parlé de la taxation des carburants si ce n’est pour placer devant leurs contradictions ceux qui faisaient partie des anciennes majorités, que ce fussent LR ou PS, et qui avaient décidé les mêmes hausses des taxes sur les carburants. L’actuelle majorité n’a fait que poursuivre cet "élan" sans pour autant dire qu’en 2022, le supplément de taxes serait d’environ 15 milliards d’euros pour les caisses de l’État, soit à peu près l’équivalent de la taxe d’habitation amenée à être totalement supprimée la même année…

La colère, Emmanuel Macron l’a ressentie contre lui-même (j’interprète le "contre lui-même" mais à qui d’autre pourrait-il s’en prendre ?) sur un point essentiel qui faisait son "nouveau monde", qui faisait le cœur de sa campagne présidentielle : « Je n’ai pas réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants. ». C’est un constat amer et très lucide, et cela ne manque pas de panache. Ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande n’auraient avoué un tel diagnostic.

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Pour autant, il n’entend pas modifier sa ligne politique. Sa cohérence est là, et s’il admet préférer avoir de bons sondages, il refuse de gouverner en fonction de ces sondages. Un discours souvent entendu. De mauvais sondages, c’est prévisible depuis trente ans lorsqu’on est au pouvoir, il n’y a là aucune surprise.

Mais « ce divorce m’inquiète », divorce entre dirigeants et peuples, car il n’a pas lieu seulement en France mais aussi en Europe voire ailleurs. Pour Emmanuel Macron, ce sera son travail d’Hercule numéro un, retrouver la confiance du peuple. Pour lui, l’essentiel est formé de trois points. Il faut que les Français sentent : « qu’on les considère, qu’on les protège, qu’on leur apporte des solutions ».

Cette déclinaison en trois temps (écoute et respect, protection et sécurité, solutions) devrait se faire, selon lui, en se confrontant en permanence au terrain. En envoyant les directeurs d’administration centrale sur le terrain avant de pondre un décret ou un arrêté.

Cette franchise a un but, montrer que le Président de la République n’est pas si déconnecté que l’on croit des Français. C’était aussi le but de son "itinérance mémorielle" où il a pu rencontrer les Français, visiter les entreprises, connaître les initiatives pour redynamiser le tissu industriel national.

C’était le volet "colère", exprimé en seconde partie. Sur le volet "impatience", qu’il a développé dans la première partie de son intervention, il est possible qu’il ne soit pas à la même longueur d’ondes que ses concitoyens. Que signifie "impatience" ? Impatience parce que les réformes tardent à être concrétisées ? Ou impatience parce que ces réformes tardent à porter ses fruits, ou du moins, les fruits attendus ?

Toujours est-il que la vision de la France et des réformes reste claire dans sa tête si ce n’est dans la tête de ses compatriotes. La transformation en profondeur de la France restera progressive et lente, et l’on ne pourra pas la juger avant la fin de son mandat, selon lui (refusant de donner, comme son imprudent prédécesseur, une date pour l’éventualité de l’inflexion de la courbe du chômage).

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Cinq grands chantiers ont été cités par Emmanuel Macron dans son agenda. Ce sera ses points de repère et je me réjouis qu’il n’ait pas cité la réforme des institutions à laquelle il ne semble même plus croire lui-même.

Le premier chantier est la réforme de l’État : le rendre plus efficace, plus simple, plus rapide. C’est sans doute la plus ambitieuse des réformes car elle nécessite beaucoup d’imagination et d’innovation. Et elle est très anxiogène pour les fonctionnaires. La réforme de la SNCF a donné un aperçu social.

Le deuxième chantier est connu, c’est la réforme des retraites. Elle est politiquement casse-cou, mais elle est assez claire dans les esprits. Il n’y a pas besoin d’imagination, plutôt de persuasion sur l’intérêt et l’utilité d’une telle réforme.

Le troisième chantier est à mon avis socialement et historiquement le plus important et s’il arrive à l’achever, ce sera certainement la réalisation la plus grande de son quinquennat : prendre en compte la dépendance, c’est-à-dire, en faire un nouveau pilier de la protection des Français. Nicolas Sarkozy avait souhaité déjà la faire en 2010 mais n’en a pas eu l’occasion financière avec la grave crise de l’euro. François Hollande a refusé de la prendre en compte car elle nécessitait de trouver de nouvelles sources de financement.

Le quatrième chantier est également casse-cou pour le Président de la République, c’est celui de permettre à l’islam d’être une religion compatible avec la République française. Faut-il modifier la loi de 1905 ? En proposer une autre spécifiquement pour les musulmans ? Le sujet est ultra-sensible et s’il n’est pas présenté correctement le ou les buts à atteindre, autrement que le vague "vivre ensemble", il y a des risques d’une incompréhension de tous les bords.

Enfin, le cinquième chantier est la souveraineté de la France et de l’Europe. Les tweets ironiques de Donald Trump quelques heures plus tôt (qui se moquent des sondages bas et des 10% de demandeurs d’emploi) ont permis de montrer le grand calme "olympien" du locataire de l’Élysée : comme la France et les États-Unis ont toujours été des amis et des alliés qui se respectent mutuellement, et ont travaillé dans les situations parfois les plus difficiles, il n’est pas question pour Emmanuel Macron de prendre en considération ces tweets et donc, de les commenter. C’est tout à son honneur mais aussi à celui de la France que de ne pas alimenter une polémique qui ne serait qu’une dispute de cour de récréation ("don’t feed the troll", dit-on).

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La souveraineté européenne passe forcément par une armée européenne et Emmanuel Macron est heureux de pouvoir dire qu’il n’est plus le seul, en Europe, à la proposer : sans beaucoup de bruit médiatique en France, la Chancelière allemande Angela Merkel a également soutenu cette idée très ambitieuse lors de sa venue à Strasbourg, devant les députés européens, le 13 novembre 2018. Un moyen de montrer que le couple franco-allemand n’est pas qu’une vitrine à visée de politique intérieure.

"Gilet jaune", il ne l’est probablement pas malgré sa colère et son impatience. Emmanuel Macron cherche avant tout à ne pas être à la tête d’un pays complètement bloqué. Un blocage le samedi sera économiquement moins paralysant qu’un jour de la semaine. Il reste qu’il ne faut pas que le blocage perdure. Pas sûr qu’il ait convaincu les 17-novembards


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 novembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Le Mouvement du 17-novembre.
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 novembre 2018 à Paris.
10 et 11 novembre 2018 : la paix, cent ans plus tard.
Emmanuel Macron et le Vel’ d’Hiv’.
Dossiers de presse à télécharger sur les célébrations de 1918.
La Grande Guerre, cent ans plus tard.
Maréchal, vous revoilà !
Texte intégral de l’allocution du Président Emmanuel Macron le 16 octobre 2018.
Emmanuel Macron : la boussole après les horloges.
Les nouveaux ministres dans le détail (16 octobre 2018).
Les étagères de l’Élysée.
La Cinquième République.
La réforme des institutions.
L’affaire Benalla.
La démission de Gérard Collomb.
La démission de Nicolas Hulot.
La démission de François Bayrou.
Emmanuel Macron et l’État-providence.
Emmanuel Macron assume.
Édouard Philippe, invité de "L’émission politique" sur France 2 le 27 septembre 2018.
La France conquérante d’Édouard Philippe.
Le second gouvernement d’Édouard Philippe du 21 juin 2017.
Le premier gouvernement d’Édouard Philippe du 17 mai 2017.
La relance de l’Europe à la Sorbonne.
Discours d’Emmanuel Macron au Congrès de Versailles le 3 juillet 2017.
Programme 2017 d’Emmanuel Macron (à télécharger).
Le Président Macron a-t-il été mal élu ?
Audit de la Cour des Comptes du quinquennat Hollande (29 juin 2017).
Pourquoi voter Bayrou ?
Les élections sénatoriales de 2017.
La XVe législature de la Ve République.
Les Langoliers.
Forza Francia.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181114-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-futur-gilet-jaune-209586

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/11/14/36868015.html




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