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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
5 décembre 2017

Stockhausen, musicien envoyé spécial des cieux

« Peu de compositeurs ont attiré dans l’histoire une controverse aussi furieuse que Karlheinz Stockhausen, le compositeur qui prétendait descendre des êtres astraux et qui décrivait la composition comme "l’écoute des vibrations de l’univers". Certains disent qu’il était juste un charlatan de première catégorie, ses visions grandioses furent soutenues par le généreux système de subventions allemand et protégées du monde par une foule de femmes minutieuses et de fanatisés aux yeux étoilés. D’autres disent qu’il était vraiment le meilleur de cette grande génération de compositeurs nés dans les années 1920 et modelés par les expériences traumatisantes de la guerre. La vérité se trouve quelque part entre les deux. » (Ivan Hewett, "The Telegraph" le 7 décembre 2007).


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Le grand compositeur allemand Karlheinz Stockhausen est mort il y a exactement dix ans, le 5 décembre 2007, à l’âge de 79 ans (né le 22 août 1928). Il faisait partie de cette dizaine de musiciens qui ont cherché à innover dans la composition musicale après la guerre, n’hésitant pas à s’affranchir de la musique tonale, très influencés par les travaux d’Arnold Schönberg (1874-1951), inventeur de la musique dodécaphonique.

Faisant partie de la même génération que Pierre Boulez (1925-2016) et même Pierre Henry (1927-2017), il a proposé de la musique particulièrement créatrive nécessitant non seulement une bonne connaissance de la musique (il fut l’élève d’Olivier Messiaen), mais également une bonne connaissance en ingénierie, en particulier dans le domaine de l’acoustique et en informatique (mais pas seulement).

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Comme Pierre Henry, Stockhausen a développé de la musique électroacoustique en enregistrant certains éléments musicaux qu’il rediffusait par mixage. Mais il avait aussi étudié la spatialisation des sons (instruments, haut-parleurs, etc.).

Né dans une famille plutôt aisée matériellement et intellectuellement du côté de Cologne, Stockhausen n’a pas eu une enfance très réjouissante : sa mère a été internée dans un hôpital psychiatrique lorsqu’il avait 4 ans, et son frère Hermann est mort à la même époque. À 13 ans, il quitta le foyer familial pour un internat car il avait de mauvaises relations avec la nouvelle femme de son père. À peu près à la même époque (en pleine Seconde Guerre mondiale), il a appris que sa mère avait été tuée par les nazis : tous les malades mentaux avaient été en effet euthanasiés par les nazis par injection létale.

Au début des années 1950, lorsqu’il avait dans les 20 ans, Stockhausen, qui avait eu un apprentissage du piano et du violon, a poursuivi ses études musicales et s’installa à Paris en 1952, mais était souvent à Darmstadt, haut lieu de la culture musicale novatrice à l’époque, au cours d’universités d’été chaque année de 1946 à 1970, puis tous les deux ans par la suite.

Il y trouva Pierre Boulez et Luigi Nono (1924-1990) qui furent avec lui les pères de la musique sérielle intégrale. Il travailla aussi sur la musique concrète avec Pierre Schaeffer (1910-1995), ce dernier travaillait avec Pierre Henry (c’est dans l’équipe de musique expérimentale de Pierre Schaeffer que fut par exemple conçue la musique de la fameuse série télévisée des Shadoks). Parmi les participants de l’école de Darmstadt, on peut citer John Cage (1912-1992), György Ligeti (1923-2006), Iannis Xenakis (1922-2001), René Leibowitz (1913-1972), Olivier Messiaen (1908-1992), Edgar Varèse (1883-1965), etc.

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En 1956, Stockhausen a composé sa première œuvre électronique ("Chant des adolescents", créé le 30 mai 1956 à Cologne). En 1961, il a composé sa première œuvre de musique aléatoire où l’interprète choisit au hasard les mouvements à interpréter ("Klavierstück IX"). En 1965, il mêla à la fois musique électronique et musique concrète ("Hymnen"). En 1963, Stockhausen a pris la tête du Studio de Musique électronique à la Westdeutsche Rundfunk de Cologne créé en 1953.

Dans son dictionnaire d’histoire culturelle (éd. Bordas), Michel Fragonard a expliqué ceci : « La hardiesse même des remises en cause de toutes les conceptions musicales héritées, qui heurtent l’oreille d’un public habitué à la musique facile et à la tonalité traditionnelle, explique qu’elles apparaissent comme des recherches gratuites et incompréhensibles : il faut reconnaître que la musique contemporaine s’est coupée du grand public pour qui la musique vivante, c’est soit la musique classique, soit le rock et ses dérivés. » (1995).

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Au fil des décennies, Stockhausen, très fécond, composa plus de 360 œuvres musicales, parfois très ambitieuses ou même mégalomaniaques, presque loufoques, comme ce quatuor pour hélicoptères complètement délirant, composé en 1993. Un des élèves de Stockhausen, fréquentant assidûment l’école de Darmstadt, Wolfgang Rihm (65 ans), disait justement : « Stockhausen nous a donné le courage de penser que tout était possible dans la musique. ».

D’ailleurs le but de ce modeste article, ce n’est pas de présenter la recherche musicale de Stockhausen qui nécessiterait beaucoup de développements (on pourra lire un résumé succinct et intéressant, en français ici), mais juste de faire découvrir quelques œuvres, pas beaucoup mais suffisamment pour avoir une petite idée de ce qu’est la musique du grand maître Stockhausen.


1. Un compositeur clown ?

En regardant la première vidéo, où Stockhausen expose en 1981 un certain nombre d’idées (en anglais), l’impression de loufoquerie l’emporte dès les premières secondes, avec un talent certain pour faire rire.






2. Le "Helikopter-Streichquartett", créé le 26 juin 1995 à Amsterdam.

Initialement commandé en 1991 par le Festival de Salzbourg qui a trouvé que cette œuvre ne rentrait pas dans le budget (!), Stockhausen a pu créer l’œuvre à l’occasion du Holland Festival de 1995. Il a utilisé quatre hélicoptères de l’armée de l’air néerlandaise. C’est également la troisième scène de l’opéra "Mittwoch aus Licht". Chaque membre du quatuor joue son instrument à cordes à bord d’un hélicoptère volant dans le ciel et un chef d’orchestre assure le mixage des quatre instruments, ce qui mobilise un grand nombre de techniciens (sans compter les pilotes d’hélicoptère).






3. Opéra "Donnerstag aus Licht" [Jeudi de lumière], créé le 15 mars 1981 à La Scala de Milan.

Le premier acte de cet opéra met en scène la mort de la mère du compositeur euthanasiée par les nazis. Opéra pour trois chanteurs, huit instruments et trois danseurs. Deux autres productions de cet opéra ont été créées le 16 septembre 1985 à Londres et le 25 juin 2016 à Bâle.


















4. "Freude" [Joie] pour deux harpes, créé le 7 juin 2006 à la cathédrale de Milan.

"Freude" fut la "deuxième heure" d’un cycle de la très ambitieuse composition appelée "Klang" commencée en 2004 et qui devait contenir 24 parties (appelées "heures") pour les vingt-quatre heures du jour. Stockhausen est mort avant d’avoir fini, laissant l’œuvre inachevée avec seulement vingt et une heures.






5. "Kontackte" (I et II), créé le 11 juin 1960 au 34e Festival mondial de la musique à Cologne.






6. "Hymnen" (Région I et II), créé le 30 novembre 1967 à Cologne.

Mélange de musique électronique et de musique concrète. La première partie est dédicacée à Pierre Boulez et comprend deux hymnes, "L’Internationale" et "La Marseillaise". La deuxième partie comprend l’hymne allemand, le début de l’hymne russe et plusieurs hymnes africains.






7. "Mantra" pour deux pianistes, créé le 18 octobre 1970 au Festival de Donaueschingen.






8. "Stimmung" pour six chanteurs et six microphones, créé le 9 décembre 1968 à la Maison de la Radio, à Paris.






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 décembre 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L’art de Stockhausen : "Il est impossible d’ignorer Stockhausen pour qui veut composer".
Le site officiel de l’œuvre de Stockhausen.
Messes pour un Pierre Henry présent.
Karlheinz Stockhausen, génie.
Lionel Stoléru, chef d’orchestre.
Mata Hari, danseuse.
Luciano Pavarotti, chanteur.
Hommage à Pierre Henry (6 juillet 2017).
Le dernier concert de Pierre Henry.
La musique concrète de Pierre Henry toujours à l’honneur de l’été parisien.
Vidéo de "Symphonie pour un homme seul" (Pierre Schaeffer et Pierre Henry).
Mstislav Rostropovitch.
György Ligeti.
Yehudi Menuhin.
Les 90 ans de Pierre Boulez.
Une exposition sur Pierre Boulez.
Jean Sibelius.
Armide.
Pierre Boulez.
Henri Dutilleux.
Myung-Whun Chung.
L’horreur musicale en Corée du Nord.
Mikko Franck.
Le Philharmonique fait l’événement politique.
Concert du 14 juillet 2014.
Le feu d’artifice du 14 juillet 2014.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20171205-karlheinz-stockhausen.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/stockhausen-musicien-envoye-199335

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2017/12/05/35929009.html


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