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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
15 janvier 2018

Nasser, l’autocrate charismatique du nationalisme arabe

« Mes concitoyens, mon sang coule pour vous et l’Égypte. Je vivrai pour votre salut et mourrai pour le salut de votre liberté et votre honneur. Laissons-les me tuer ; cela m’importe peu car j’ai insufflé la fierté, l’honneur et la liberté en vous. Si Gamal Abdel Nasser doit mourir, vous serez tous Gamal Abdel Nasser. (…) Gamal Abdel Nasser est l’un d’entre vous et il est prêt à sacrifier sa vie pour la nation. » (Alexandrie le 26 octobre 1954).


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Cela ne fait qu’un siècle, ce lundi 15 janvier 2018, qu’est né Gamal Abdel Nasser à Alexandrie. Officier puis homme politique égyptien, il fut l’un des grands leaders du panarabisme et des pays non-alignés en pleine guerre froide. Cela ne fait que cent ans, parce que Nasser fut un leader jeune : lieutenant-colonel, il renversa la monarchie à l’âge de 34 ans puis dirigea l’Égypte d’une main de fer pendant presque deux décennies.

Nasser fut avant tout un autocrate qui s’est fait élire le 25 juin 1956 par 99,84% des voix et réélire le 15 mars 1965 par 100,0% des voix (!) et qui a cherché à maintenir son pouvoir en faisant de l’armée un véritable État dans l’État. Ce qu’elle reste encore en Égypte, après Hosni Moubarak et avec le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, Président de la République depuis le 8 juin 2014 (élu le 28 mai 2014 avec 96,1% des voix).

La situation de l’Égypte et plus généralement du "monde arabe" (Proche- et Moyen-Orient et Égypte et Libye) est la conséquence en quelques sortes de la politique du Président Woodrow Wilson qui a proposé de mettre ces pays encore sous domination européenne sous "mandat" de la Société des nations (SDN) dans le but de superviser la transition vers l’indépendance et l’autodétermination des peuples.

En 1952, l’Égypte vivait sous une monarchie. Y régnait, le roi Farouk (1920-1965) depuis le 28 avril 1936 (couronné à l’âge de 17 ans le 29 juillet 1937). Avant la Seconde Guerre mondiale, il était populaire et avait basé son régime sur une alliance avec les Frères musulmans. Par ailleurs, Farouk ne cherchait pas à rejeter la présence britannique en Égypte où des actes de résistance contre le Royaume-Uni se multipliaient (les troupes britanniques ont quitté finalement l’Égypte en mai 1948 sauf autour du canal de Suez). La corruption et le goût du luxe ont enfermé Farouk dans une spirale fatale, d’autant plus fatale que l’Égypte a perdu la première guerre israélo-arabe du 15 mai 1948 au 24 février 1949.

À la suite de la défaite égyptienne contre Israël, un groupe de jeunes officiers égyptiens se constitua pour prendre le pouvoir au Caire. Il fut dirigé par l’un des héros de cette guerre, Nasser, jeune lieutenant-colonel, qui avait dirigé le 6e bataillon d’infanterie en Palestine et qui avait été blessé à Fulaja le 12 juillet 1948 par les forces israéliennes. Entre 1949 et 1952, il a réussi à structurer clandestinement ce mouvement dit des officiers libres dont les objectifs étaient la fin de la domination britannique, la fin de la monarchie, la fin du capitalisme, la justice sociale, la mise en place de la démocratie et la création d’une armée puissante. Pour renforcer son poids politique, ce mouvement a convaincu le général Mohammed Naguib (1901-1984), très respecté pour s’être opposé à la présence britannique en 1942, de le rejoindre. De plus, Nasser pensait qu’il n’était pas en mesure, simple lieutenant-colonel, de se faire accepter pour mener la révolution.

Les 25 et 26 janvier 1952, des tirs des troupes britanniques ont tué 40 policiers égyptiens près du canal de Suez et des émeutes ont fait 76 morts au Caire. Après ces affrontements, pour s’opposer à la présence des Britanniques au canal de Suez, Nasser voulait perpétrer de nombreux attentats contre les responsables gouvernementaux. Il a participé à un premier attentat qui s’est soldé par un échec. Seule, une personne qui passait par là fut blessée et Nasser renonça à poursuivre cette action terroriste qui pouvait atteindre "injustement" des "innocents" (thème très actuel, à l’époque, de la pièce d’Albert Camus, "Les Justes" créée le 15 décembre 1949). Notons que le mot "innocents" se comprenait dans l’esprit terroriste par "non impliqués" et que tuer des "responsables" n’aurait pas été plus "juste".

Le coup d’État militaire a eu lieu dans la nuit du 22 au 23 juillet 1952, quelques semaines après que rumeurs disaient que le roi Farouk avait identifié les noms des futurs insurgés et comptait purger l’armée. Le putsch a été un succès sans combat. Prévenus quelques jours auparavant par Nasser, le Royaume-Uni et les États-Unis laissèrent faire. Sans soutien étranger et avec l’accord de Nasser (contrepartie de la neutralité des puissances anglo-saxonnes), le roi Farouk s’est enfui et a abdiqué le 26 juillet 1952. Son fils Fouad II (né en 1952) lui a succédé, à l’âge de six mois.

Dès le 23 juillet 1952, les putschistes ont créé le Conseil de commandement révolutionnaire égyptien dont Mohammed Naguib a pris la Présidence (Nasser la Vice-Présidence). Ils ont demandé à Ali Mahir Pacha (1882-1960), plusieurs fois Premier Ministre dans le passé (du 30 janvier 1936 au 9 mai 1936, du 18 août 1939 au 27 juin 1940 et du 27 janvier 1952 au 2 mars 1952), de reprendre la tête du gouvernement. Ali Mahir Pacha démissionna le 7 septembre 1952 en raison de nombreux désaccords avec Nasser (sur la réforme agraire, les institutions, etc.).

Mohammed Naguib fut désigné Premier Ministre le 7 septembre 1952 et son Vice-Premier Ministre fut Nasser. Le bébé roi régna quelques mois. La monarchie fut abolie le 17 juin 1953 et la République fut proclamée par Naguib sur la pression de Nasser. Mohammed Naguib fut Président de la République du 18 juin 1953 au 14 novembre 1954. Il cumula en même temps ses fonctions de Premier Ministre jusqu'au 25 février 1954 puis du 8 mars 1954 au 18 avril 1954.

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Au fil des mois, les dissensions entre Naguib et Nasser furent de plus en plus grandes et nombreuses. Naguib était trop proche des Frères musulmans par exemple. Le 24 février 1954, Naguib donna sa démission après une réunion du Conseil du commandement révolutionnaire sans lui. Nasser prit la tête du gouvernement et plaça Naguib en résidence surveillée, mais une partie de l’armée et de nombreux manifestants imposèrent à Nasser de remettre Naguib à la tête du gouvernement. Nasser a juste eu le temps de nommer un chef des forces armées proche de lui, Abdel Hakim Amer (1919-1967), qui le resta jusqu’au 11 juillet 1967 (en plus d’autres fonctions), mais qui fut accusé ensuite de trahison par Nasser et assassiné en prison.

Pendant plusieurs mois, la tension était forte entre Naguib et Nasser, aussi entre ceux qui voulaient revenir à la situation d’avant 1952 et les révolutionnaires. Nasser fit arrêter de nombreux partisans de Naguib. Le 18 avril 1954, Nasser reprit la tête du gouvernement comme Premier Ministre.

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L’événement qui légitima complètement Nasser aux yeux du peuple égyptien fut son discours du 26 octobre 1954 à Alexandrie où il fut victime d’une tentative d’attentat perpétré par un membre des Frères musulmans qui l’écoutait près de lui. Il en réchappa. Il venait d’annoncer le retrait des troupes britanniques du canal de Suez. Il utilisa cet attentat pour asseoir son pouvoir personnel, d’autant plus qu’il avait fait preuve d’un grand courage en continuant son discours face à une foule paniquée. En effet, il en profita pour mener des vagues d’arrestations contre ses opposants, des Frères musulmans, des proches de Naguib et des communistes. Plusieurs furent condamnés à mort et exécutés. Il poussa Mohammed Naguib à la démission le 14 novembre 1954 et le plaça en résidence surveillée (ce dernier le resta jusqu’à la mort de Nasser en 1970).

Gamal Abdel Nasser est devenu le chef tout-puissant de l’Égypte, d’abord comme Président du Conseil de commandement de la révolution du 14 novembre 1954 au 26 juin 1956, puis comme Président de la République du 26 juin 1956 jusqu’à sa mort le 28 septembre 1970. Il fut élu deux fois, le 23 juin 1956 et le 15 mars 1965, en candidat unique (élections et plébiscites se confondaient). Il cumula ses fonctions de chef d’État avec celles de Premier Ministre du 14 novembre 1956 au 29 septembre 1962 puis du 19 juin 1967 au 28 septembre 1970. Ministre de la Défense de 1956 à 1967, le général Abdel Hakim Amer fut l’un d’une douzaine de Vice-Présidents de la République sous Nasser, du 7 mars 1958 au 30 septembre 1965, comme Anouar El-Sadate le fut également du 17 février 1964 au 26 mars 1964 et du 19 décembre 1969 au 14 octobre 1970.

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Dès 1954, Nasser renforça le contrôle sur la presse, instaura le parti unique (le sien), prononça des discours partout dans le pays pour aller à la rencontre du peuple, et organisa un certain culte de sa personnalité pour le rendre encore plus populaire. Il cultiva le nationalisme arabe (le panarabisme). Après la défection du "camp occidental", il se rapprocha de l’URSS et signa le 27 septembre 1955 un contrat d’achat d’armement avec la Tchécoslovaquie.

La conférence de Bandung (en Indonésie) du 18 au 24 avril 1955, réunissant les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques, conforta le rôle de Nasser sur la scène internationale, à la fois médiateur, meilleur représentant du monde arabe et interlocuteur de Chou En-Laï (Chine), Jawaharlal Nehru (Inde) et Sukarno en Indonésie. Cette conférence illustra l’émergence du Tiers-monde et son non-alignement dans la guerre froide que se livrèrent les États-Unis et l’Union Soviétique. À son retour au Caire le 2 mai 1955, Nasser fut accueilli avec des acclamations par le peuple égyptien.

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Cette popularité renforcée et exclusive lui a permis d’éliminer politiquement tous ses anciens compagnons du Conseil de commandement de la révolution et d’instaurer ses propres institutions : la nouvelle Constitution fut approuvée par référendum le 23 juin 1956 par 99,8% des votants. Si une assemblée nationale était élue, c’était avec des candidatures uniques choisies par le parti unique et le Président pouvait mettre un veto au travail législatif. C’est avec cette considération qu’il faut par exemple apprécier le droit de vote accordé aux femmes.

L’année 1956 fut l’année aussi du renforcement du sentiment national arabe contre les anciennes puissances coloniales. Nasser aida les indépendantistes algériens, s’opposa au Pacte de Bagdad signé le 24 février 1955 par le Royaume-Uni, la Turquie, l’Irak, le Pakistan, l’Iran (et plus tard les États-Unis) qui permettait de réduire l’influence soviétique au Moyen-Orient. Les États-Unis regrettèrent aussi la neutralité de Nasser face à la Chine communiste et à l’URSS. Les États-Unis et le Royaume-Uni coupèrent le financement du barrage d‘Assouan le 19 juillet 1956, ce qui renforça chez Nasser son sentiment nationaliste. Le dernier soldat britannique était parti le 13 juin 1956 du canal de Suez conformément à l’accord du 19 octobre 1954.

Dans un discours à Alexandrie le 26 juillet 1956, Nasser annonça la nationalisation de la compagnie qui exploitait le canal de Suez, afin de financer la construction du barrage d’Assouan. Cette décision historique, un défi aux "puissances occidentales", fut pour Nasser un triomphe tant intérieur qu’extérieur, devenu le symbole du Tiers-monde et du panarabisme.

La réaction des nations lésées (principalement la France, la Grande-Bretagne et Israël) ne fut pas, pour elles, un épisode très glorieux de leur histoire. Du 21 au 24 octobre 1956, le Protocole de Sèvres fut signé secrètement entre la France (représentée par Guy Mollet, chef du gouvernement, Maurice Bourgès-Maunoury, Ministre de la Défense, Christian Pineau, Ministre des Affaires étrangères, et le général Maurice Challe, chef d’état-major des armées), le Royaume-Uni (représenté par les diplomates Selwyn Lloyd et Patrick Dean) et Israël (représenté par David Ben Gourion, chef du gouvernement, Moshe Dayan, chef d’état-major, et Shimon Pérès, directeur général du Ministère de la Défense).

Ces trois pays s’engagèrent dans une intervention militaire, du 29 octobre 1956 au 7 novembre 1956, pour reprendre le contrôle du canal de Suez, qui se solda par un échec diplomatique cinglant. Lors du cessez-le-feu le 7 novembre 1956, ce fut d’abord un succès militaire (les troupes égyptiennes ont été battues très rapidement), mais les États-Unis, refusant de rompre les équilibres fragiles au Proche-Orient, désavouèrent l’initiative de ses alliés. La force d’urgence de l’ONU, décidée par l’Assemblée générale des Nations Unies réunie en session extraordinaire du 2 au 10 novembre 1956, arriva le 27 novembre 1956 et les forces du Protocole de Sèvres quittèrent les lieux le 22 décembre 1956. La France et le Royaume-Uni comprirent qu’ils n’étaient plus des puissances mondiales autonomes.

Le Premier Ministre britannique Anthony Eden (1897-1977) a été poussé à la démission le 9 janvier 1957 en raison de cet échec diplomatique, tandis que Nikita Khrouchtchev, "chef" de l’URSS, profita de cette "diversion égyptienne" pour réprimer froidement l’insurrection à Budapest le 4 novembre 1956. Par ailleurs, Lester B. Pearson (1897-1972), futur Premier Ministre du Canada du 22 avril 1963 au 20 avril 1968, reçut le Prix Nobel de la Paix le 12 octobre 1957 pour son action dans la résolution de la crise de Suez. Il était alors Ministre canadien des Affaires étrangères (du 10 septembre 1948 au 20 juin 1957) et fut celui qui a imaginé le principe de la force de maintien de la paix des Nations Unies (il avait aussi été élu Président de l’Assemblée générale de l’ONU lors de la 7e session en septembre 1952).

Grâce à cette aura internationale, Nasser a accompli des miracles. Par exemple, il a su créer le 1er février 1958 un nouvel État en fusionnant l’Égypte et la Syrie dans la République arabe unie (RAU) dont la capitale était évidemment Le Caire et le Président Nasser, désigné par le référendum du 21 février 1958. La Syrie, alors présidée par Choukri Al-Kouatli (du 17 avril 1943 au 30 mars 1949 et du 6 septembre 1955 au 22 février 1957), était l’un des rares pays qui n’était pas lié à une alliance avec le Royaume-Uni.

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La fusion a duré trois ans avec la Syrie qui s’est désengagée de l’Égypte le 28 septembre 1961 après un coup d’État militaire en Syrie. En 1958, le Proche-Orient fut en ébullition par cette nasseromania : le Yémen du Nord s’est incluse dans la République arabe unie le 8 mars 1958 pendant une courte période (jusqu’en 1959), beaucoup da nationalistes arabes voulurent cette fusion en Irak (le jeune roi Fayçal II fut renversé et assassiné le 14 juillet 1958 à 23 ans), au Liban (une courte guerre civile y éclata entre le 15 juillet 1958 et le 25 octobre 1958 entre les partisans d’une absorption dans l’Égypte et les autres, et le Président sortant Camille Chamoun demanda de l’aide aux États-Unis qui débarquèrent au Liban le 15 juillet 1958), en Jordanie (qui a demandé l’aide des troupes britanniques), etc.

Le roi Hussein de Jordanie avait créé le 14 février 1958, avec l’Irak de son cousin Fayçal II, la Fédération arabe d’Irak et de Jordanie qui explosa le 21 août 1958, après le coup d’État militaire en Irak. Le général Abdel Karim Kassem (1914-1963), nouveau maître de l’Irak (comme Premier Ministre du 14 juillet 1958 au 8 février 1963), était prêt en octobre 1958 à faire intégrer l’Irak à la République arabe unie après avoir dénoncé le Pacte de Bagdad, mais finalement, avide de pouvoir personnel, il préféra se rapprocher directement de l’Union Soviétique à se mettre sous la domination de Nasser.

Cette fusion panarabe ne pouvait pas durer parce qu’elle n’était que la Grande-Égypte, en plus sous un régime dictatorial dirigé par Nasser. Il a fallu attendre le 2 septembre 1971 pour que l’Égypte abandonnât l’appellation "République arabe unie" pour "République arabe d’Égypte". Pendant quelque temps, revendiquant l’héritage de Nasser après la mort de ce dernier, Mouammar Kadhafi (1942-2011), arrivé au pouvoir le 1er septembre 1969 (il y resta jusqu’à son renversement le 23 août 2011), était prêt en 1971 à construire la fusion entre la Libye (devenue République arabe libyenne) et l’Égypte.

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La situation en Irak et en Syrie se retourna en faveur de Nasser : le coup d’État du 8 février 1963 renversa en Irak le général pro-soviétique Kassem (qui fut exécuté le lendemain), au profit d’un nassériste, Abdel Salam Aref ; le coup d’État du 8 mars 1963 en Syrie favorisa aussi Nasser. Un projet d’État fédéral arabe avec l’Égypte, la Syrie et l’Irak fut proposé le 17 avril 1963 pour mise en œuvre planifiée en mai 1965 mais le Parti Baas qui avait pris le pouvoir en Irak et en Syrie s’opposa au pouvoir personnel de Nasser.

Nasser n’a pas réagi au (premier) coup d’État militaire en Syrie en 1961 car il était surtout préoccupé par la situation politique très instable du Yémen du Nord et à l’attitude de l’Arabie Saoudite. En effet, un coup d’État militaire soutenu par Nasser a renversé la monarchie yéménite et a proclamé le 27 septembre 1962 la République arabe du Yémen. Cela amorça une guerre civile entre, d’une part, les nationalistes arabes républicains (soutenus par l’Égypte) et, d’autres part, les monarchistes (soutenus par l’Arabie Saoudite et la Jordanie, elles aussi monarchies). Les 70 000 soldats égyptiens se sont enlisés au Yémen et les républicains yéménites se défiaient de la toute-puissance de Nasser. Finalement, après un accord avec l’Arabie Saoudite en 1965, l’Égypte quitta le Yémen du Nord en 1967, après avoir été battue pendant la Guerre de Six-Jours (du 5 au 10 juin 1967), contre Israël.

Là encore, Nasser n’a pas eu la puissance militaire de ses ambitions géopolitiques. Son armée a été décimée et a ruiné l’économie égyptienne (voir plus loin). Le Sinaï fut désormais sous contrôle des troupes israéliennes, peu éloignées du canal de Suez. À la fin de sa Présidence, l’Égypte était dans un sale état diplomatique : en froid avec la Jordanie, l’Irak, la Syrie, l’Arabie Saoudite, défait par Israël… À partir de 1968, Nasser laissa à Yasser Arafat, bientôt président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à partir du 4 février 1969, qu’il aida militairement, le leadership de la politique palestinienne face à Israël (ce fut Nasser qui encouragea les Palestiniens à créer l’OLP le 28 mai 1964 au Caire, d’abord dirigée par Ahmed Choukairy, un avocat très proche de Nasser).

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Après la défaite de la Guerre des Six-Jours, Nasser donna sa démission le 9 juin 1967 au profit de Zakaria Mohieddine (1918-2012), Ministre de l’Intérieur de 1953 à 1962, Vice-Président de la République du 16 août 1961 au 23 mars 1964 et du 1er octobre 1965 au 20 mars 1968, Premier Ministre du 3 octobre 1965 au 10 septembre 1966, puis, face à la demande de la foule, est revenu sur sa décision et resta au pouvoir, le cumulant avec le poste de Premier Ministre à partir du 19 juin 1967.

Nasser a cependant failli être renversé par un coup d’État en été 1967. Il limogea de la tête des armées Abdel Hakim Amer qu’il fit arrêter le 24 août 1967 et qui se suicida en prison le 14 septembre 1967. Nasser purgea l’armée pour éviter tout coup d’État à son encontre. Dès le 11 juillet 1967, il prit aussi personnellement les fonctions de chef des armées.

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Gamal Abdel Nasser fut également Secrétaire Général du Mouvement des non-alignés du 10 octobre 1964 au 8 septembre 1970. Ce mouvement, formellement créé le 1er septembre 1961 sur la base de la déclaration du 19 juillet 1956 à Brioni rédigée par Nasser, Tito, Nehru et Sukarno, regroupe maintenant 120 pays (en 2012). Parmi les secrétaires généraux, il y a eu notamment Josip Tito (1961-1964), Houari Boumédienne (1973-1976), Fidel Castro (1976-1978 et 2006-2008), Robert Mugabe (1986-1989), Suharto (1992-1995), Nelson Mandela (1998-1999), Thabo Mbeki (1999-2003), Raül Castro (2008-2009), Hosni Moubarak (2009-2011), Mohamed Morsi (2012), Mahamoud Ahmadinejad (2012-2013), Hassan Rohani (2013-2016) et Nicolas Maduro (depuis 2016).

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Sur le plan intérieur, Nasser socialisa la production égyptienne et en 1961-1962, il nationalisa plus de la moitié de l’économie (notamment la presse afin d’encore mieux la contrôler). Il relâcha le socialisme en 1966 à partir du moment où la croissance s’enlisait et la dette s’alourdissait. Nasser renforça la bureaucratie en Égypte, qui est passée de 400 000 fonctionnaires en 1960 à 1,6 million en 1970 ! C’était le résultat d’une promesse, que chaque personne ayant obtenu un diplôme universitaire reçût un emploi public. Les dépenses militaires connurent une hausse exceptionnelle, de 7% du PNB en 1960 à 19% en 1970.

Ayant abandonné toute idée de révolution arabe à l’extérieur car ayant besoin de l’aide financière des monarchies du Golfe, Nasser a consolidé son pouvoir à l’intérieur de l’Égypte en proposant de nouvelles réformes approuvées par le référendum du 2 mai 1968 qui ont permis des candidatures multiples (mais toutes issues du parti unique !) aux élections législatives de 1969.

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Après une attaque cardiaque quelques années auparavant, Nasser succomba d’une crise cardiaque le 28 septembre 1970 au Caire à l’âge de 52 ans, quelques heures après un Sommet de la Ligue arabe où il évita un conflit entre Palestiniens et Jordaniens. Il fut enterré le 1er octobre 1970 au Caire accompagné d'une très nombreuse foule (cinq millions de personnes).

Un de ses Vice-Présidents, Anouar El-Sadate (1918-1981), qui fut aussi Président de l'Assemblée Nationale de 1964 à 1969, a pris la succession de Nasser le jour même (élu le 15 octobre 1970 et réélu le 2 octobre 1976) et s’écarta de sa doctrine de Nasser très rapidement pour se rapprocher des États-Unis et même d’Israël afin de commencer à imaginer (enfin) la paix. Son Premier Ministre entre le 20 octobre 1970 et le 17 janvier 1972 fut Mahmoud Fawzi (1900-1981), ancien Ministre des Affaires étrangères de Nasser entre 1952 et 1964, puis Vice-Premier Ministre (Mahmoud Fawzi fut ensuite Vice-Président de la République du 16 janvier 1972 au 18 septembre 1974).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (15 janvier 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Gamal Abdel Nasser.
Abdel Fattah Al-Sissi et Mohamed Morsi.
Hosni Moubarak.
Marine Le Pen en Égypte.
Les révolutions arabes de 2011.
Entre vert moutarde et vert croissant.
Et si l’on écoutait Michel Rocard ?
Moubarak démissionne.
L’obélisque de la Concorde.
Transition égyptienne : entre colère et raison.
L’Égypte, fin janvier 2011.
Une autre victime au Caire le 22 février 2009.

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