Gandhi et l’extrême non-violence
« Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais aucune cause pour laquelle je suis prêt à tuer. » ("Autobiographie ou mes expériences de vérité", 1927).
S’il n’y avait qu’un seul homme du XXe siècle à pouvoir receviur un Prix Nobel de la Paix ou même devenir un Saint, ce serait évidemment Mohandas Karamchand Gandhi, avocat indien et père de l’indépendance de l’Inde, dit plus couramment le Mahatma Gandhi ("grande âme", appellation qu’il refusait par humilité). Mais Gandhi n’était pas chrétien et son opposition politique avec le Royaume-Uni l’empêchait d’obtenir un Prix Nobel. Destin tragique pour cet apôtre de la non-violence qui fut assassiné il y a soixante-dix ans, le 30 janvier 1948, à Delhi, à l’âge de 78 ans (il est né le 2 octobre 1869). Trois balles. Il avait été déjà victime d’une tentative d’assassinat dix jours auparavant, mais la bombe avait éclaté trop loin (commise par le frère de l’assassin).
Le Premier Ministre et ami Jawaharlal Nehru a annoncé cette tragédie à ses compatriotes à la radio de cette manière : « Amis et camarades, la lumière a quitté nos vies, l’obscurité est partout, et je ne sais pas trop quoi vous dire et comment vous le raconter. Notre dirigeant bien aimé, Bapu, comme nous l’appelons, le père de la nation, n’est plus. Peut-être ai-je tort de dire cela, néanmoins, nous ne le verrons plus comme nous l’avons vu toutes ces années, nous ne pourrons plus lui demander conseil ou consolation, et c’est un coup terrible pas seulement pour moi, mais pour des millions et des millions de personnes dans ce pays. ».
En 1952, Nehru l’a ainsi décrit : « Il était clair que ce petit homme compensait son physique ingrat par une âme d’acier ou de roc qui refusait de ployer devant la force brute. Malgré son visage peu impressionnant, son pagne, sa nudité, il y avait en lui quelque chose de royal qui forçait à lui rendre obédience. ». En octobre 1939, Albert Einstein était, lui aussi, conscient du caractère exceptionnel de l’homme : « Les générations à venir auront peine à croire qu’un tel homme ait existé en chair et en os sur cette Terre. ».
Deux millions de personnes ont assisté à ses funérailles et ses cendres ont été dispersées dans le Nil, la Volga et la Tamise. Son assassin lui-même, un fanatique nationaliste hindou favorable à la création d’un Hindoustan (un État religieux hindou, pas un État laïque comme l’Union indienne) et qui lui avait reproché la partition des Indes, fut condamné à mort et exécuté par pendaison le 15 novembre 1949.
Entre le 13 et le 18 janvier 1948, Gandhi avait fait un jeûne pour s’opposer aux conflits très violents entre hindous et musulmans depuis l’indépendance des Indes, et surtout, pour "protéger la vie, les biens et la religion des musulmans". La guerre civile, les émeutes, etc. ont coûté la vie de 400 000 personnes (certaines estimations parlent même de près d’un million de personnes tuées) et fait déplacer près de 20 millions de personnes lors de la partition de l’Inde et du Pakistan (État indien musulman).
Gandhi avait longtemps refusé la partition des Indes, prêchant la bienveillance et l’harmonie entre hindous et musulmans, mais après les terribles affrontements, il avait abandonné cette idée au profit de deux États indépendants (on retrouve sans doute la même problématique qu’entre Israéliens et Palestiniens). Gandhi aimait ses "ennemis" : « Les paroles de Mahomet sont un trésor de sagesse, pas seulement pour les musulmans mais pour l’humanité entière. ». Hindouiste ? « Oui, je le suis. Je suis aussi un chrétien, un musulman, un bouddhiste et un Juif. ».
Gandhi a été un auteur prolifique qui a écrit de très nombreux articles de journaux, une multitude de lettres à des correspondants du monde entier, et plusieurs ouvrages, en tout, ses œuvres correspondent à 100 volumes comprenant 50 000 pages, publiées dans les années 1960.
Sa non-violence s’appliquait aussi aux animaux : « Jamais je ne consentirai à sacrifier au corps humain la vie d’un agneau. J’estime que, moins une créature peut se défendre, plus elle a droit à la protection de l’homme contre la cruauté humaine. » (1927). Il était végétalien : « L’image des procédés barbares que les govâls [autorités] de Calcutta employaient pour traire leurs vaches et leurs buffles jusqu’à la dernière goutte de lait, m’avait hanté alors. J’avais eu aussi le sentiment que, de même que la viande n’était pas nourriture humaine, le lait non plus ne pouvait l’être (…). Je me refuse à prendre du lait, les produits dans lesquels entre du lait, et aucune viande. Si ce refus devait signer mon arrêt de mort, mon sentiment est que je n’y devrais rien changer. ».
Ce qui était très frappant pour celui qui a fait ses études en Angleterre, qui a vécu plus de vingt ans en Afrique du Sud et qui a combattu les Britanniques pendant trente ans pour l’indépendance des Indes, c’était que ce combat ferme et politique n’était pas associé à la violence (ce fut le même enjeu pour Nelson Mandela dans son combat contre l’apartheid), mais à la non-violence, la paix, le pardon, la bienveillance pour ses "ennemis".
Gandhi fut donc un homme exceptionnel car il allait contre l’idée très "naturelle" de la loi du talion, en considérant ainsi les choses : « Œil pour œil et le monde finira aveugle. ». Toute violence lui était insupportable et sa réflexion continue, en ce qui me concerne, à m’aider à résoudre un problème philosophique grave.
Pour moi aussi, toute violence est insupportable, et je crois n’avoir jamais porté atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne, je dis "je crois" car cela n’a pas empêché des "chamailleries" quand j’étais enfant. Par ailleurs, j’ai eu l’extrême chance, un privilège, pas rare de nos jours mais si rare dans l’histoire de l’humanité, grâce à une unité de temps et une unité de lieu qui m’ont privilégié, nous ont privilégiés, moi et ma génération, de ne pas avoir connu la guerre, et plus exactement, de ne pas avoir été combattant dans une guerre. Car ce terrible destin échappe très largement à l’individu.
Et l’une de mes réflexions insupportables, que j’ai depuis mon adolescence, c’est : que faire si, soldat, je me retrouvais face à un ennemi prêt à me tuer ? Si je tirais le premier, j’aurais une "chance" de le tuer. Ou pas. Mais si je ne tirais pas, je serais tué avec une grande certitude. Je ne connaîtrais pas cet ennemi, je n’aurais jamais rien eu contre lui, et j’imaginerais qu’il serait comme moi, pas mieux pas pire que moi, juste un soldat d’un autre camp qui subirait comme moi un sort pas choisi.
Par "ennemi", on peut élargir le concept avec "terroriste", ou encore avec "meurtrier" qui viendrait s’en prendre aux miens. Si je laissais la spontanéité naturelle s’exprimer, l’instinct de survie s’imposer, la réflexion serait vite écourtée : je tirerais. Mais comment ensuite m’imaginer être un tueur ? m’imaginer vivre le restant de mes jours en ayant tué ? avoir retiré la vie à quelqu’un que je ne connaissais pas ?
Évidemment, si la décision ne dépendait que de moi, on pourrait accepter mon éventuel "sacrifice". Mais si la vie des miens était en jeu, ce serait déjà plus délicat à concevoir. Et en cas de guerre, l’enjeu serait mon pays, sa liberté, son indépendance. Avec le nazisme, la cause irait même bien plus loin, l’enjeu serait carrément une certaine idée de l’humanité. Alors, mon refus de tuer pourrait être considéré comme un caprice égoïste qui ferait gagner les "forces du mal". Où serait donc la solidarité avec mes prochains ?
La position du pacifiste en temps de guerre est intenable. Ce fut le cas des socialistes français sous la Première Guerre mondiale dont la majorité acceptèrent l’Union sacrée (les responsables qui continuaient à rester pacifiques, comme Louis Malvy ou Joseph Caillaux, furent considérés comme des "traîtres" à la nation). Le grand pacifiste Jean Jaurès fut assassiné pour son pacifisme, dans la même abomination que Gandhi.
Sous la Seconde Guerre mondiale, les hésitations étaient pires puisque la règle d’État était la paix après juin 1940. Donc la tolérance au nouvel ordre européen établi par les nazis. Sans résistances, intérieure ou extérieure, des Français ou des Alliés, la dictature nazie aurait prospéré. Heureusement qu’il y a eu ces forces morales que furent De Gaulle et Churchill pour s’opposer fermement et agglomérer les résistances, quitte (évidemment) à tuer l’ennemi.
Et c’est à ce niveau-là que la doctrine de non-violence de Gandhi est très difficile à saisir, à comprendre. Il a toujours séparé le mal et l’homme qui faisait le mal : « Alors qu’une bonne action doit appeler l’approbation, et une mauvaise, la réprobation, le fauteur de l’acte, qu’il soit bon ou mauvais, mérite toujours respect ou pitié, selon le cas. "Hais le péché, non le pécheur", c’est là un précepte que l’on applique rarement, s’il est aisé à comprendre ; et c’est pourquoi le venin de la haine se répand si vite dans le monde. (…) S’opposer à un système, l’attaquer, c’est bien ; mais s’opposer à son auteur, et l’attaquer, cela revient à s’opposer à soi-même, à devenir son propre assaillant. ».
La raison, c’était sa foi : « Car le même pinceau nous a peints ; nous avons pour père le même Créateur, et de ce fait, les facultés divines que nous recélons en nous sont infinies. Manquer à un seul être humain, c’est manquer à ces facultés divines, et par là même, faire tort non seulement à cet être, mais, avec lui, au monde entier. ».
Pas si éloignée du christianisme : « Et le roi leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » (Évangile selon saint Matthieu, 25,40).
Et encore : « Vous avez appris qu’il a été dit : "œil pour œil et dent pour dent". Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. À qui veut te mener devant le juge pour te prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. » (Évangile selon saint Matthieu, 5,38-42).
La réflexion de Gandhi est à la fois très réaliste d’un point de vue philosophique, mais effrayamment idéaliste d’un point de vue politique : « Quelle différence cela fait-il aux morts, aux orphelins et aux sans-abri, que la destruction aveugle ait été amenée au nom du totalitarisme ou au nom sacré de la liberté et de la démocratie ? ».
Point de paroxysme, Gandhi a écrit à Hitler le 23 juillet 1939 pour lui demander de ne pas vouloir atteindre ses objectifs par la guerre. Il faut se rappeler que les nationalistes hindous, dans leur combat contre les colons britanniques, avaient été peu motivés à combattre le nazisme à leurs côtés pendant la guerre, et certains même n’hésitaient pas à voire le nazisme d’un œil tolérant. Mais la démarche de Gandhi n’avait rien à voir avec la politique. Son objectif n’était pas politique, mais simplement humain : éviter à tout prix la guerre.
Néanmoins, on ne peut être qu’étonner de lire ce qu’il prônait aux Britanniques en 1940, quand le Royaume-Uni était devenu le dernier rempart contre l’impérialisme nazi : « J’aimerais que vous déposiez les armes que vous possédez comme étant inutiles pour vous sauver, vous ou l’humanité. Vous inviteriez Herr Hitler et Signor Mussolini à prendre ce qu’ils veulent des pays que vous appelez vos possessions. (…) Si ces gentlemen choisissaient d’occuper vos foyers, vous les leur laisseriez. S’ils ne vous laissaient pas partir, vous vous laisseriez massacrer, hommes, femmes et enfants, mais vous refuseriez de leur prêter allégeance. ».
Pourtant, ce que prônait Gandhi était très loin de la lâcheté. Au contraire, il considérait que cette forme extrême de non-violence était un courage suprême. Et sur la lâcheté, ses recommandations étaient très claires, répondant à l’une de mes interrogations évoquées plus haut : « Ma non-violence n’autorise pas qu’on s’enfuie du danger en laissant les siens sans aucune protection. Je ne peux que préférer la violence à l’attitude de celui qui s’enfuit par lâcheté. Il est tout aussi impossible de prêcher la non-violence à un lâche que faire admirer un beau spectacle à un aveugle. La non-violence est le summum du courage. ». Ou encore : « Je crois que s’il y a seulement le choix entre la violence et la lâcheté, je conseille la violence. ».
Du coup, ses conseils n’étaient pas forcément d’abandonner la force armée : « Je répétais à chaque réunion l’avertissement qu’à moins qu’ils ne sentent qu’avec la non-violence, ils avaient une force infiniment supérieure à celle qu’ils possédaient avant, ils ne devaient pas appliquer la non-violence et reprendre les armes. ».
Deux mots sont importants pour comprendre la pensée très complexe de Gandhi, mots que je ne me risquerais pas à définir très précisément.
Le mot "ahimsha" qui signifie le "respect de la vie" (toute forme de vie, y compris animale et végétale, ce qui explique que certains refusent non seulement de se nourrir d’animaux mais aussi de racines, dont la consommation détruit la plante, au contraire des fruits), mais aussi "bienveillance", clairement, le "fait de ne causer de nuisance à aucune vie" : « Marcher sur le tranchant effilé de l’ahimsa n’est pas chose facile dans ce monde plein de himsa [fait de causer des nuisances]. La richesse ne nous y aide pas ; la colère est un ennemi de l’ahimsa ; et l’orgueil est un monstre qui la dévore. » (21 octobre 1926).
Le mot "satyagraha" qui signifie "recherche de la vérité" : « En appliquant le satyagraha, j’ai découvert, dans les dernières manifestations, que la recherche de la vérité ne devait admettre qu’aucune violence ne soit infligée à un adversaire, mais qu’il doit sortir de l’erreur par la patience et la sympathie. Parce que ce qui apparaît comme vérité à l’un peut apparaître erreur à l’autre. Et la patience signifie souffrance personnelle. Donc, la doctrine signifie la revendication de la vérité, pas en infligeant des souffrances à son l’adversaire, mais à soi-même. » (5 janvier 1920).
Le problème avec le pacifisme, c’est qu’on ne peut pas faire la paix tout seul, et si l’adversaire est pour la guerre, il faudra bien faire la guerre aussi. C’est toute la difficulté des pacifistes. Et la distinction entre lâcheté et courage faite par Gandhi est essentielle dans la réflexion. Le problème de la non-violence, c’est qu’il faut avoir une force morale exceptionnellement élevée, presque surhumaine. C’est facile dans des situations de tous les jours, mais problématique dans le cas d’une invasion nazie ou pour tout conflit majeur.
D’ailleurs, Gandhi a eu la terreur de se rendre compte que le combat non-violent qu’il avait mené pendant trente ans pour aboutir à l’indépendance des Indes n’était pas une victoire de la non-violence, car une fois l’indépendance acquise, les nationalistes musulmans et les nationalistes hindous se sont massacrés les uns les autres au point de rendre indispensable leur séparation politique dans deux États différents.
Dans une lettre le 21 juillet 1947 à Kishorelal G. Mashruwala (l’oncle de sa belle-fille, l’un des interprètes de sa pensée), Gandhi ne regretta toutefois pas son action car la non-violence a été une exigence qui a abouti à des résultats politiques réels (décolonisation) : « Comment la non-violence peut-elle surmonter la violence qui prévaut ? En traversant la tourmente, je me suis rendu compte que même si notre lutte pendant trente ans pouvait être qualifiée de non-violente, elle n’était pas solidement fondée sur la non-violence et n’aurait donc pas dû être ainsi qualifiée. Si elle n’avait pas été considérée comme non-violente, mon énergie n’aurait pas été dépensée pour cela. C’est pourquoi Dieu m’a rendu aveugle et m’a permis d’être utile. Comment pouvons-nous créer de la non-violence à partir de ce qui a été appelé à tort non-violence mais qui était vraiment de la violence ? N’est-ce pas toute l’éducation qui est à revoir ? ».
Pour Gandhi, la fin commence déjà par les moyens : « C’est une erreur de croire qu’il n’y ait pas de rapport entre la fin et les moyens, et cette erreur a entraîné des hommes considérés comme croyants à commettre de terribles crimes. C’est comme si vous disiez qu’en plantant des mauvaises herbes, on peut récolter des roses. » (1910).
Malgré la folie de la non-violence, folie quand on imagine tant de violence dans ce monde, Gandhi n’était pas un simple prophète de la bonne parole, il était capable de donner un espoir vivant, positif du monde : « Quand je désespère, je me souviens qu’à travers toute l’histoire, les chemins de la vérité et de l’amour ont toujours triomphé. Il y a eu des tyrans et des meurtriers, et parfois, ils ont semblé invincibles, mais à la fin, ils sont toujours tombés. Pensez toujours à cela. » (1927). C’était cette extraordinaire capacité de se placer dans une perspective historique et d’anticiper la suite qui a donné à Gandhi ce courage et cette volonté, comme à De Gaulle, du reste, qui a compris que la victoire de l’Allemagne sur la France en juin 1940 n’était que provisoire et que c’était une guerre mondiale.
Comme je l’expliquais au début, Gandhi n’a jamais eu le Prix Nobel de la Paix alors qu’il était parmi les "candidats cités" en 1937, 1938, 1939 et 1947. Pour les trois premières années, le comité Nobel a gardé l’avis négatif d’un examinateur : « C’est un combattant de la liberté et un dictateur, un idéaliste et un nationaliste. C’est souvent un Christ, puis, soudain, un politicien ordinaire. ». En 1947, la guerre civile entre musulmans et hindous était un mauvais contexte pour attribuer un Nobel à un Indien. En 1948, le comité Nobel a failli lui attribuer le Prix à titre posthume, puis finalement, y a renoncé et à renoncer à attribuer un Prix cette année-là. Lorsque le dalaï-lama a reçu le Prix Nobel de la Paix en décembre 1989, le président du comité Nobel lui a affirmé que son attribution était associée à la mémoire de Gandhi.
Je termine sur la non-violence et ce respect universel et extrême de la vie par la pensée de Gandhi sur l’euthanasie. Certains considèrent que Gandhi était favorable à l’euthanasie à partir de certaines citations que je vais reproduire. Mais il faut noter qu’en 1926, l’état de la médecine était très différent de 2018. Notamment sur le traitement de la douleur et plus généralement, sur le traitement de maladies considérées alors comme incurables.
Dans le journal "Young India", le 4 novembre 1926, Gandhi a écrit : « Détruire pour donner la paix à des créatures qui souffrent atrocement dans leur corps ne peut pas être considéré comme himsa, pas plus que la violence inévitable à laquelle on est contraint pour assurer la protection de ce qui nous est confié. ».
Le 18 novembre 1926, il est revenu sur le sujet : « Beaucoup d’hommes en Inde ont acquis une horreur instinctive de tuer des êtres vivants dans quelques circonstances que ce soient. On a même proposé d’enfermer les chiens enragés et de les laisser mourir d’une mort lente. L’idée que je me fais de la charité me rend cette solution absolument inacceptable. Je ne pourrais souffrir un seul instant de voir un chien, ou d’ailleurs, n’importe quelle créature, abandonné sans secours à la torture d’une longue agonie. Si, dans les mêmes circonstances, je ne donne pas la mort à un être humain, c’est parce que je dispose de remèdes moins désespérés. Mais si je tue un chien qui se trouve dans le même cas, c’est parce que je n’ai pas de remède pour le guérir. Si mon enfant était atteint de rage et qu’il n’existât aucun remède permettant d’alléger ses souffrances, je considérerais comme de mon devoir de lui donner la mort. Le fatalisme a des limites. Nous devons nous en remettre au sort uniquement lorsque nous avons épuisé tous les remèdes. L’un des moyens, qui est définitif, de soulager un enfant dans les affres d’une atroce souffrance, est de lui donner la mort. ».
Ce que Gandhi a écrit, c’est qu’il ne fallait pas laisser une personne souffrir. Ce n’était pas forcément de la tuer, mais de traiter sa souffrance. Car le concept général de la non-violence, c’est justement de respecter la vie. En revanche, cette fin de vie ne doit pas être souffrance. C’est important de souligner cette nuance essentielle : aujourd’hui, sauf dans de très rares situations, les progrès de la médecine ont permis de soulager une personne de la douleur sans forcément l’intention de lui donner la mort.
C’est tout l’enjeu de la loi n°2016-87 du 2 février 2016 (loi Claeys-Leonetti). Alors que les États-généraux de la bioéthique ont commencé le 18 janvier 2018, beaucoup de doctrinaires de la culture de la mort voudraient revenir sur cette loi qui est pourtant issue d’un très long processus législatif (de plusieurs années ) et d’un grand consensus (vote quasiment à l’unanimité au Parlement). Cette loi, qui vise justement à donner le pouvoir aux patients eux-mêmes et à supprimer toute forme de souffrance dans les soins des patients en fin de vie, mérite une évaluation au bout de cinq ou dix ans, avant toute modification législative éventuelle.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 janvier 2018)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Les animaux ont-ils une âme ?
Le vivant sur Terre.
Nelson Mandela.
Le dalaï-lama.
Desmond Tutu.
Le pardon.
Respecter la vie humaine.
Gandhi et l’extrême non-violence.
La partition des Indes.
Indira Gandhi.
L’attentat de Peshawar.
Le Pakistan dans le chaos du terrorisme.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180130-gandhi.html
https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/gandhi-et-l-extreme-non-violence-201057
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