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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
19 mars 2018

SNCF : un statut des cheminots à défendre ?

« Ce bourreau de l’esprit, quel est-il ? C’est l’envie. » (Voltaire, 1734).


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Depuis un mois, le monde ferroviaire est en émoi. Et ce monde-là, ce n’est pas que le monde des employés de la SNCF mais de tous les Français puisque tout le monde a eu l’occasion, une fois ou tous les jours, pour des raisons exceptionnelles ou pour des trajets quotidiens, étudiants ou dans la vie active ou à la retraite, d’utiliser les services de la SNCF.

La raison ?

D’abord, les déclarations du Président Emmanuel Macron le 1er juillet 2017 lors de l’inauguration de la ligne TGV Le Mans-Rennes : « Pour être franc, je pense que le modèle sur lequel on a vécu, le mythe de la SNCF, n’est pas celui sur lequel on construira la SNCF du XXIe siècle. Votre défi sera de ne pas rester sur la protection du passé (…). Le vrai défi sera de dire : si vous voulez défendre votre entreprise, il faut la réinventer. ».

Puis la remise du rapport très "audacieux" de Jean-Cyril Spinetta, ancien patron d’Air France, au Premier Ministre Édouard Philippe le 15 février 2018 sur l’avenir de la SNCF, commandé par le gouvernement le 16 octobre 2017 (qu’on peut télécharger ici). Initiative particulièrement peu "délicate" qui tape sur le principe même du service public. Par exemple, en proposant de supprimer les lignes non rentables qui desservent des zones rurales, outil pourtant indispensable à un aménagement du territoire équitable.

Une provocation visant à donner le beau rôle au gouvernement "temporisateur" dans ce domaine : pas question de toucher aux petites lignes ! (Notons néanmoins que certaines petites lignes ont déjà été supprimées). Dans sa conférence de presse du 26 février 2018, Édouard Philippe a ainsi expliqué sa méthodologie pour réformer la SNCF. Peu de décisions concrètes pour l’instant mais des perspectives qui inquiètent (à juste titre) les syndicats.

Enfin, à l’issue du conseil des ministres du 14 mars 2018, la Ministre chargée des Transports Élisabeth Borne a présenté à la presse son projet de loi d’habilitation permettant de réformer la SNCF par ordonnances.

Résultats : les syndicats appellent à la grève dès ce jeudi 22 mars 2018, et certains syndicats ont déjà déposé le préavis de 36 jours de grèves entre mars et juin 2018. Amis voyageurs, n’oubliez pas de consulter ce nouveau calendrier avant d’organiser vos déplacements ! La présidente du conseil régional d’Île-de-France Valérie Pécresse est très inquiète car de nombreux trains de banlieue sont cogérés par la RATP et la SNCF et une grève suivie risquerait de paralyser la région parisienne.

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Le CV d’Élisabeth Borne (56 ans), X1981-IPC1984, est très élogieux : directrice de la stratégie de la SNCF entre 2002 et 2007, directrice générale de l’urbanisme à la mairie de Paris entre 2008 et 2013, préfète de la région Poitou-Charentes entre 2013 et 2014, directrice de cabinet de Ségolène Royal au Ministère de l’Écologie entre 2008 et 2013 et présidente de la RATP entre 2015 et 2017. Elle est visiblement très compétente, mais peut-être pas très expérimentée sur le plan politique.

Deux remarques à ce stade.

D’une part, on voit que la nomination d’un gouvernement essentiellement composé de "techniciens" a ses inconvénients. À part Jean-Michel Blanquer qui a toujours eu l’esprit d’analyse politique et Muriel Pénicaud qui savait comment fonctionnait un ministère, la plupart des autres ministres techniciens sont peu portés à prendre leur sujet autrement que sur le plan technocratique. Même s’ils ont raison de manière comptable, la politique, c’est d’abord de convaincre qu’ils ont raison, ce n’est pas d’avoir raison ! Dans l’histoire électorale, ce sont même ceux qui ont dit le plus de bobards qui ont gagné ! C’est le principe pour diriger un pays : c’est convaincre le peuple que la voie proposée est la bonne. On ne peut pas faire de réforme contre le ressentiment de tout un peuple. Même si le peuple n’a pas forcément (toujours) raison. En d'autres termes, ce gouvernement manque d'empathie pour ceux qui souffrent le plus.

D’autre part, la législation par ordonnances n’a rien de choquant. C’est une erreur des syndicats, à mon sens, de faire une focalisation sur la méthode. D’abord, cette méthode est parfaitement acceptable dès lors qu’elle fait partie des outils proposés par la Constitution (qui a été acceptée par le peuple français le 28 novembre 1958 par 82,6% des suffrages exprimés, 65,9% des inscrits, je le rappelle à ceux qui l’auraient oublié), et ensuite, il faut rappeler que toutes les grandes réformes ont été réalisées par ordonnances, en particulier la réalisation du programme de François Mitterrand en 1981 et 1982 et à l’époque, je n’avais entendu aucun syndicat contester le principe des ordonnances. Elles ne sont pas antidémocratiques puisqu’elles font l’objet d’une double discussion et double vote au Parlement : pour l’habilitation puis pour la ratification. Certes, la seule critique qu’on puisse faire, c’est que c’est du "tout ou rien" pour les parlementaires, mais le référendum se base sur le même principe, et personne ne considère que le référendum est antidémocratique parce que le peuple ne peut pas modifier à sa convenance le projet de loi qu’on lui aurait soumis.

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Je reviens à la réforme de la SNCF. Sa nécessité semble une évidence quasi-unanime, et c’est donc heureux qu’un gouvernement soit prêt à prendre le taureau par les cornes. En cause, essentiellement, la très lourde dette du secteur ferroviaire, d’un montant de 62,5 milliards d’euros (au 31 décembre 2016), supportée par la puissance publique. On peut mettre les carences de la SNCF sur le compte principal de tous les gouvernements (précédents) depuis plusieurs décennies.

Rappelons par exemple une décision complètement aberrante du Président François Hollande le 3 octobre 2016 pour préserver le site industriel de Belfort (dont la fermeture avait été annoncée le 7 septembre 2016) en imposant à la SNCF de commander à Alstom 16 rames TGV pour des lignes Intercités, ce qui faisait un investissement de 70 millions d’euros ! On croyait rêver ! Le Premier Ministre de l’époque Manuel Valls avait déclaré le 2 octobre 2016 sur RTL : « L’activité ferroviaire à Belfort sera maintenue et le site sera sauvé. ». Commande confirmée lors de la visite de François Hollande dans l’usine Alstom de Belfort le 22 février 2017, en pleine campagne présidentielle.

Parmi les mesures évoquées, on parle beaucoup du statut des cheminots. "Cheminot" est un terme qui ne correspondant pas forcément au seul personnel roulant, mais à l’ensemble du personnel de la SNCF (comme on parle de "métallurgiste" ou de "verrier", etc. selon la convention collective concernée).

Le gouvernement voudrait supprimer le statut pour les nouvelles recrues de la SNCF, mais n’envisage en aucun cas de le supprimer pour ceux qui ont été recrutés : « Aux nouvelles générations, aux apprentis, à tous ceux qui veulent s’engager dans la SNCF, nous disons qu’ils bénéficieront des conditions de travail de tous les Français, celles du code du travail. (…) À l’avenir, à une date qui sera soumise à la concertation, il n’y aura plus de recrutement au statut. » (Édouard Philippe, le 26 février 2018).

En d’autres termes, il souhaite faire comme l’avait fait un ancien gouvernement avec France Télécom (Orange) et La Poste en 1988, ne plus recruter de fonctionnaires des PTT mais des salariés en CDI (en d’autres termes, des contractuels). À la SNCF, ces contractuels, ils sont passés de 8 000 à 15 000 entre 2005 et 2015.

Le rapport Spinetta n’a pas proposé autre chose le 15 février 2018 : « Dans le cadre de la loi, il pourrait être mis un terme au recrutement au statut des nouveaux embauchés, en préservant strictement les droits individuels du personnel en bénéficiant. Les nouveaux recrutements devront s’opérer, pour toutes les catégories de personnel, dans un cadre conventionnel à parachever. » (Recommandation 38).

Ce statut (téléchargeable ici), créé en 1920 (à la suite d’un premier statut en 1909 qui a notamment fixé le régime des retraites), fait d’ailleurs l’objet depuis quelques semaines d’une véritable fixation. On a pu dire tout et n’importe quoi, dire des mensonges ou des vérités, parfois des demi-mensonges et des demi-vérités car dans une entreprise de 148 910 salariés (en 2016, dont 92% au statut), il est normal qu’il y ait beaucoup de situations différentes et un journaliste pourrait donc facilement trouver une situation pour en infirmer une autre.

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Déjà, une réflexion d’ordre général : il est difficile d’évaluer le coût global du statut, mais cela doit tourner probablement autour de 400 à 500 millions d’euros chaque année (dont 100 millions en voyages gratuits). C’est-à-dire à peine 3% du financement public annuel ! Selon le journaliste Éric Béziat, le coût de la SNCF est évalué « pour les finances publiques au sens large (en incluant aussi les dépenses des collectivités locales) : 10,5 milliards d’euros par an de subventions, 3,5 milliards pour payer les retraites des cheminots et 3 milliards d’augmentation de la dette ; au total, plus de 17 milliards d’euros par an » ("Le Monde", le 1er mars 2018).

C’est clair que, d’un point de vue comptable, toute action sur (j’allais écrire contre) le statut des cheminots a peu de sens. La CFDT affirme de son côté : « Il est illusoire et non fondé de considérer que le coût du statut cheminot serait de nature à avoir un effet positif sur la dette du système ferroviaire. » (Colloque du 14 décembre 2017).

Plus généralement, ce n’est le statut qui va modifier les coûts, ni la qualité du service d’exploitation, et la seule chose qu’on peut imaginer, c’est que remettre en cause le statut créera nécessairement une certaine frustration chez les employés qui n’aura certaine pas pour effet d’améliorer leur productivité sur leur lieu de travail.

Ensuite, dans le journal "Le Monde" du 1er mars 2018, Éric Béziat évoque une deuxième considération (très libérale) sur la capacité à renforcer l’efficacité de l’entreprise : « Pour dire les choses plus crûment, il est plus difficile de mettre la pression à des salariés sous statut qu’à des employés classiques. C’est, d’après mes informations, une opinion partagée par la direction de la SNCF. ».

Enfin, on peut évoquer le statut sur un plan plus philosophique, une question plus équitable, plus égalitaire entre les Français. C’est sur ce plan-là, symbolique, qu’a été adoptée la loi de la moralisation de la vie politique. Réduire la cagnotte des parlementaires ne réduira pas la dette monstrueuse de l’État (de l’ordre de 100% du PIB). Mais réduira le sentiment d’inégalité entre le peuple et une certaine élite, sentiment qui alimente généralement les discours les plus populistes.

Mais justement, parlons plutôt de cette symbolique-là.

Les syndicats mettent en avant les conditions de travail difficiles, les décalages horaires, la nuit, le week-end, dans des conditions climatiques épouvantables parfois, etc. pour justifier le statut. Certes, mais justement, d’autres travailleurs ont aussi ces conditions de travail difficiles, et ne bénéficient d’aucun statut favorable. On peut citer de nombreuses professions, j’en cite quelques-unes, mais il y en a plein d’autres : les infirmières, les hôtesses de caisse dans les hypermarchés, les ouvriers qui font les 3x8, etc.

En face, certains qui voudraient supprimer le statut, parfois de manière lourdingue, disent parfois n’importe quoi, comme parler de la retraite à 50 ans. C’est faux car le système a déjà été réformé, et même si c’était vrai pour 53 ans dans certains cas, ce n’est pas de l’âge de la retraite qu’il faut discuter mais du nombre d’annuités pour atteindre la retraite à taux plein, et depuis le 1er janvier 2017, il faut avoir cotisé 41,5 ans pour avoir le taux plein, c’est équivalent, à quelques trimestres près, au régime général des retraites, pas de quoi en faire un fromage. Cela donne 61 ou 62 ans comme âge de la retraite pour le taux plein, rien de scandaleux sur le plan éthique. Plus contestable, certes, c’est le calcul du taux plein, sur les six derniers mois au lieu des vingt-cinq dernières années, mais avec des salaires en moyenne plus faibles que la moyenne du secteur privé.

On parle d’autres avantages du statut (sauf le principal sur lequel je reviendrai juste après), mais ces avantages sont ceux de toute entreprise et d’autres en ont aussi. On peut certes toujours discutailler sur l’un ou l’autre, sur le fait que les beaux-parents d’un cheminot puissent voyager plusieurs fois par an gratuitement à la SNCF. Mais rien de très nouveau, pas si coûteux de ça (évalué entre 21 millions, selon la SNCF, et 100 millions d’euros par an, selon la Cour des Comptes, soit 3% du déficit annuel), rien de scandaleux par rapport à d’autres grands groupes. Chaque grande entreprise met en place une stratégie pour attirer ou garder du personnel qualifié et il est normal qu’elle propose un "package" qui n’est pas que salarial (surtout que le "salarial" à la SNCF est assez faible).

Le seul réel intérêt et privilège du statut des cheminots, surtout depuis une quarantaine d’années où la vie active d’un salarié du privé peut régulièrement être entrecoupée de périodes de chômage, c’est l’emploi à vie, l’impossibilité d’être licencié (sauf en cas de faute grave), en somme, comme un fonctionnaire. Dans la situation actuelle de chômage très élevé, c’est un avantage bien plus important que quelques trajets gratuits ou même quelques jours de RTT en plus.

Mais c’est important de comprendre les raisons de cet "emploi à vie".

La formation est un élément qui compte beaucoup et souvent plusieurs années sont nécessaires pour qu’un employé soit opérationnel dans des fonctions très techniques. Cette formation est évidemment un investissement et l’employeur a besoin d’être sûr que l’employé formé puisse exercer au sein de la même entreprise. En situation de monopole, il n’y a donc pas beaucoup de risque pour que ces employés formés aillent ailleurs.

C’est justement la raison de "l’emploi à vie". En situation de monopole, celui qui a développé une carrière technique dans le ferroviaire, si jamais il était licencié, il n’aurait aucune possibilité de rebondir puisque aucune autre entreprise n’aurait intérêt à utiliser ses compétences. Ce serait pour lui un véritable désastre en raison de la nature du marché du travail dans ce secteur.

Ce statut est donc un indispensable complément du monopole de la SNCF pour pouvoir recruter. L’impossibilité du licenciement permet à la SNCF de dire aux nouvelles recrues : développez vos compétences, vous pourrez toujours les valoriser puisque vous travaillerez toujours avec nous. Et réciproquement, c’est un moyen aussi de garder les salariés chèrement formés : pourquoi aller ailleurs à partir du moment où le statut assure une situation confortable, peut-être pas du point de vue salarial mais du point de vue de son emploi assurément ?

Donc, non seulement je ne considère pas que le statut des cheminots est un "privilège", mais il m’apparaît comme avoir été indispensable à la situation du secteur ferroviaire jusqu’à maintenant. Il n’y a aucune injustice par rapport aux autres employés, ou alors, il faudra aussi le dire des fonctionnaires. Souvent, ceux qui s’opposent à de tels statuts sont des "envieux". L’envie des autres forme les ressentiments personnels.

Mais après tout, personne n’interdit un envieux de postuler à un emploi avec statut. C’est accessible à tout le monde. C’est un peu comme ceux qui critiquent les enseignants : pourquoi ne le deviendraient-ils pas, si c’est un métier si privilégié avec trois mois de vacances ? En oubliant d’ailleurs de dire que les enseignants sont payés sur une base de dix mois répartis sur les douze mois de l’année. Ce ne sont donc pas trois mois de vacances "donnés", mais il faut considérer cet emploi plutôt comme du temps partiel avec le manque à gagner associé pour le salaire.

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Revenons à la SNCF. L’argumentation du gouvernement est maintenant la suivante : dès lors que le secteur ferroviaire s’ouvre à la concurrence, c’est-à-dire, que le monopole soit désormais supprimé, le maintien du statut des cheminots est-il pertinent ?

En d’autres termes, dès lors qu’il existe d’autres employeurs potentiels dans le secteur ferroviaire, un employé formé de la SNCF qui aurait été licencié (pour une raison ou une comme, comme dans le secteur privé) aurait la capacité à rebondir chez un concurrent de la SNCF pour exercer le même type de métier en valorisant ses compétences acquises. Et réciproquement, un employé de la SNCF, s’il ne se sentait pas dans un développement épanouissant de sa carrière professionnelle, aurait la possibilité de changer d’air et d’aller voir chez un concurrent. Cela signifie que la SNCF devra adopter une politique de ressources humaines dynamiques pour conserver son personnel dans les meilleures conditions.

Historiquement, le statut a été créé justement dans un contexte concurrentiel, obligeant les six entreprises ferroviaires privées présentes sur le marché d’accorder à leurs salariés certains mêmes avantages. Ce statut a perduré après la mise en place du monopole en 1937. Rien n’empêche donc la continuation de ce statut avec l’ouverture à la concurrence.

La concurrence, dans le marché du travail, joue toujours dans les deux sens. Certes, l’habitude qu’il y ait plus de demandeurs d’emploi que d’offreurs d’emploi laissait une ascendance chez l’employeur, mais la réciproque est possible en cas de retour durable à la croissance. La recherche de candidats qualifiés pourrait aussi amorcer un cercle vertueux en faveur des salariés (il suffit de voir comment cela s’est passé à la fin des années 1990 dans le secteur de l’informatique).

Dans un article de Samuel Chalom publié dans la revue "Capital" le 15 mars 2018, il est évoqué une "source proche de la direction de la SNCF" (convaincue que la SNCF sera un jour privatisée) qui a confié que la suppression du statut pourrait coûter plus cher à la SNCF qu’auparavant : « Une partie du coût actuel de la main d’œuvre pour la SNCF provient de [l’existence du statut], notamment avec les retraites. Mais tout ce qui touche au temps de repos, aux horaires, sont des règles qui font partie d’autres dispositions, indépendantes du statut. (…) Le statut est plus avantageux pour l’entreprise publique [donc pour l’employeur] que le droit du travail commun, notamment s’agissant des travaux de nuit. ».

Et cette "source" de mettre en garde : « Quand on transforme une entreprise publique en société anonyme, immédiatement, tous les accords d’entreprise tombent. Dans une entreprise privée, l’essentiel du coût du travail provient de ces accords d’entreprise. Et le scénario d’accords qui seraient finalement plus avantageux pour les cheminots que le statut actuel n’est pas à exclure. ».

La "source" a donné un exemple d’ouverture à la concurrence, mise en place entre 1994 et 1997, chez nos voisins britanniques : « Cela a plutôt été une réussite, et le réseau est en bon état. Mais la seule chose qui embête les Britanniques, c’est qu’ils n’ont pas réussi à maîtriser les coûts de personnel. (…) Ce scénario pourrait très bien se répéter en France. Ce à quoi il faut aussi ajouter le cas des cheminots avec des compétences qui, au fil du temps, deviendront très rares, et qui pourront donc très bien négocier leur situation. » ("Capital" le 15 mars 2018).

Le maintien du statut des cheminots dans un cadre concurrentiel est-il pertinent ? Je suis convaincu que cela ne gênerait nullement une réorganisation de la SNCF ni même l’ouverture à la concurrence. Comme je l’ai rappelé plus haut, le coût du statut est négligeable par rapport au coût supporté par les contribuables (évalué à 200 euros par an et par personne) et le statut n’est pas responsable des difficultés de fiabilité sur certaines lignes. Ce sont donc d’autres mesures qu’il faut prendre sur la stratégie et sur l’organisation générale pour améliorer le service de la SNCF aux usagers.

La CFDT, par exemple, considère que la suppression du statut serait une "provocation" : « Le statut est le socle de l’unité sociale des cheminots de la SNCF. Le remettre en cause revient à stigmatiser les agents dans un contexte où la mobilisation de tous est indispensable pour le service public ferroviaire. ».

Après tout, puisque je l’ai évoqué rapidement, le secteur de l’enseignement est aussi concurrentiel, il y a des écoles publiques, avec des enseignants fonctionnaires, des écoles privées sous contrat avec des enseignants contractuels payés par l’État selon le régime général (comme un CDI), et enfin, les écoles privées sans contrat (mais assurant l’instruction obligatoire selon la loi) avec des enseignants payés directement par ces écoles. Les conditions de recrutement des écoles privées hors contrat peuvent probablement être très diversifiées en fonction de l’organisme employeur, mais il est clair que dans les deux autres cas, les enseignants de l’école publique ont plus d’avantages que les enseignants d’une école privée sous contrat, et cela n’a choqué personne jusqu’à maintenant.

L’ouverture à la concurrence interviendra en France entre 2019 et 2023. Deux types de mise en concurrence : sur les lignes commerciales (TGV) et sur les lignes régionales (subventionnées par les régions). Sur les premières lignes, d’autres entreprises que la SNCF pourront proposer des voyages ferroviaires sans que cela empêche la SNCF de poursuivre son offre (même si son chiffre d’affaires sera forcément impacté). Sur les lignes subventionnées, les régions feront des appels d’offre et l’entreprise choisie sera chargée d’assurer les liaisons régionales. Cela signifie que si la SNCF n’était pas choisie, tous ses employés travaillant pour ces lignes seraient transférés à l’entreprise choisie à l’issue de l’appel d’offre. Rien n’empêcherait donc à ces employés de rester sous statut, puisque tous les droits seraient de toute façon maintenus.

Le journaliste Éric Béziat a indiqué que dans les pays qui ont ouvert le transport ferroviaire à la concurrence, « la réforme a entraîné une baisse des coûts, une hausse de la qualité du service, mais pas une baisse des prix des billets, et parfois même des augmentations » ("Le Monde", le 1er mars 2018).

Dans tous les cas, les entreprises qui voudraient éventuellement entrer dans le marché national du ferroviaire et qui feraient concurrence à la SNCF seraient forcément en situation de faiblesse face à la SNCF qui a déjà l’expérience, la compétence, et la réputation (comme France Télécom dans le secteur des télécommunications). Pour attirer des personnes compétentes et motivées, ces nouveaux concurrents devraient donc nécessairement proposer des avantages (en termes de salaires ou de progression de carrière) avantageux pour les "enlever" à la SNCF, statut maintenu ou pas.

Les mouvements sociaux qui commencent ce 22 mars 2018 seront donc décisifs. À mon sens, le statut des cheminots ne "vaut" la paralysie économique du pays. En revanche, la réforme de la SNCF est indispensable. Ce statut pourrait n’être que l’arbre qui cache la forêt. Au gouvernement de revenir à l’essentiel et de lâcher du lest sur le reste !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 mars 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
SNCF : un statut des cheminots à défendre ?
Le rapport Spinetta du 15 février 2018 sur la SNCF (à télécharger).
Le statut des cheminots (texte complet à télécharger).
L’industrie de l’énergie en France.
La France est-elle un pays libéral ?
L’écotaxe.
Notre-Dame-des-Landes.
L'investissement productif.
La concurrence internationale.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20180226-sncf.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/sncf-un-statut-des-cheminots-a-202483

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/03/19/36242124.html





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