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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
7 juillet 2019

L’aller sans retour de Vincent Lambert

« Vincent n'est as en fin de vie, Vincent n'est pas un légume. Moi, je n'ai jamais vu un légume qui tourne la tête quand on l'appelle. J'ai énormément de photos, de vidéos qui montrent tout le contraire de ce qui est raconté dans la presse. (...) Ce qui m'a traumatisée (...), la veille du jour où le médecin avait décidé d'arrêter son alimentation et une partie de son hydratation, écoutez, le dimanche, nous lui rendions visite et Vincent était très ému, je lui ai dit : "mais qu'est-ce que tu as, Vincent ?" et il s'est mis à pleurer. Et ça, je peux dire que c'est un signe pour moi que Vincent a bien une conscience. (...) J'avais demandé au personnel qu'on ne lui parle de rien. J'estimais que c'étaient nous, parents, qui devions le préparer puisque nous étions confrontés à cette situation. Eh bien non ! Non, on lui en avait parlé ! Et Vincent, quand il nous a vus, le dimanche, la veille du jour où on devait arrêter l'alimentation, Vincent a pleuré. (...) Je crie tout haut que Vincent, on veut l'assassiner. C'est le vrai mot. Vincent, je l'ai vu, je lui ai donné parfois des cuillères de compote, des cuillères de crème, et Vincent déglutissait. Pourquoi ? Pourquoi ne pas nous entendre ? » (Viviane Lambert, sa mère, le 1er juillet 2019 lors de la 41e session du Conseil des droits de l'homme de l’ONU à Genève).


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Hélas, il est en train de partir. Victime d'une mécanique judiciaire et médicale à visée euthanasique implacable, Vincent Lambert est en train de partir dans un monde qui, espérons-le, accepte un peu mieux qu'ici-bas les personnes fragiles en grande dépendance. Souffrance et émotion, je pense à ses parents, à son épouse, aux autres membres de sa famille, à ses amis, etc. Au-delà de ce drame individuel et singulier, il faudra conduire une réflexion sur ce nouveau paradigme, celui qui va permettre à une société, en toute légalité, contre l'avis d'une partie de la famille, d'amener à la mort un de ses citoyens les plus vulnérables.

Dans un email adressé à chacun des membres de la famille de Vincent Lambert, son médecin au CHU de Reims avait annoncé le mardi 2 juillet 2019 qu’il venait de reprendre le même jour la procédure d’arrêt des traitements. En d’autres termes, que Vincent Lambert est entré dans une période de mort programmée imminente, sans alimentation et sans hydratation. Un premier arrêt de traitements avait eu lieu le 20 mai 2019 jusqu’à ce que la cour d’appel de Paris ordonnât de suspendre la procédure quelques heures plus tard, mais la Cour de cassation a cassé cette décision le 28 juin 2019.

Rien ne peut interrompre ce processus surréaliste du laisser-mourir qui s'apparenterait plutôt à du faire-mourir. Le Comité international des droits des personnes handicapées de l'ONU a pourtant réitéré, pour la troisième fois, le 2 juillet 2019 sa demande de maintenir l'alimentation et l'hydratation de Vincent, et le 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté un nouveau recours des avocats des parents de Vincent. En refusant d'écouter l'ONU, la France se met en violation de la convention internationale qu'elle a elle-même signée. Selon Grégor Puppinck, directeur de l'ECLJ (voir plus bas), sur la base de la jurisprudence des comités, il est certain que la France sera condamnée par l'ONU dans ces conditions. Mais ce sera trop tard pour sauver Vincent.

J’ai déjà expliqué ici que Vincent Lambert n’est pas en fin de vie mais en situation de très lourd handicap. Sept établissements spécialisés ont déjà proposé de l’accueillir pour qu’il reçoive les soins adaptés à sa situation, ce qui n’est pas le cas dans l’unité de soins palliatifs du CHU de Reims où il se trouve. J’ai expliqué aussi pourquoi les décisions judiciaires et médicales d’arrêter son alimentation et son hydratation restent incompréhensibles.

Je propose ici, pour compléter, la réflexion de deux personnalités qui sont très compétentes en matière d’éthique médicale et qui ont beaucoup réfléchi sur les problèmes que soulève "l’affaire Vincent Lambert".

Emmanuel Hirsch ne comprend pas, lui non plus, la précipitation du CHU de Reims à vouloir laisser mourir Vincent. Il est docteur en philosophie et professeur d’éthique médicale à l’Université de Paris-Saclay, par ailleurs directeur de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neurodégénératives. Le 29 juin 2019, évoquant la décision de la Cour de cassation de la veille, il l’a qualifiée de « décision légale d’exclure M. Vincent Lambert de notre République exemplaire ».

Selon lui, alors que souvent, par le "syndrome du glissement", les patients tendent au contraire à vouloir mourir, « M. Vincent Lambert témoigne, résolu à vivre dans le confinement d’une chambre d’hôpital, d’un non abandon, d’un non renoncement à son existence. ». Par cet « acte de résistance », Vincent nous enseigne « à sa façon, dans son étrange présence, celle d’un frère en humanité, une leçon de dignité, une sagesse et peut-être l’idée d’une forme inédite, voire paradoxale de résistance éthique ».

Et d’ajouter : « M. Vincent Lambert est le symbole de la vulnérabilité extrême dans le handicap et la maladie, le symbole d’une médecine qui réanime en des circonstances extrêmes et doute de ses obligations lorsque la tentative déçoit les promesses. ». Emmanuel Hirsch craint une évolution de l’application des lois de bioéthique, malgré un discours toujours lénifiant, prétendument soucieux des « valeurs humaines fortes et intangibles » alors que « la position du gouvernement a été de saisir la Cour de cassation afin que, dans l’urgence, elle valide le processus de sédation profonde et continue jusqu’au décès d’une personne en situation de handicap neurologique ».

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Autre personnalité très compétente dans le domaine éthique, notamment parce qu’il a été membre du Comité consultatif national d’éthique de 1992 à 2004, le professeur Axel Kahn, généticien, qui vient d’être choisi président de la Ligue contre le cancer, a fait une déclaration importante sur ce thème dans la matinale de France Info le 2 juillet 2019.

En effet, il a posé peut-être la bonne question : « Ce que je vais dire n’est absolument pas de jeter l’opprobre sur personne, mais en théorie, ce que l’on veut éviter, c’est qu’une personne qui est ayant droit, même sans vouloir mal faire, ait des pulsions, des motivations pour envisager plutôt favorablement l’hypothèse d’une fin de vie. De ce point de vue-là, on voit bien qu’entre la mère et la femme, on peut se poser la question : qui a le moins de raisons de pouvoir avoir des motivations l’incitant à considérer que la fin de vie, pour sa propre vie à elle, est très importante. Donc, c’est un problème qui n’est absolument pas simple. ».





En clair, des deux "parties" (l’épouse qui veut la fin de vie de Vincent et la mère qui veut au contraire continuer à le soigner), qui a des motivations qui ne concernent pas seulement le bien de Vincent, mais aussi les conséquences sur sa propre vie ?

Je rapelle le cri désespéré de cette mère courageuse et complètement démunie face à cette froide procédure qui allait tuer son fils dans les prochains jours. Si le médecin a peut-être du cœur pour Vincent en choisissant la solution qui correspondrait le mieux à sa conscience, on peut se demander s’il a du cœur pour la mère de son patient en l’endeuillant, alors  qu’elle s’est battue si longtemps pour que son fils vive et soit soigné dans un établissement adapté.

Elle a fait sa déclaration dans le cadre d’un colloque à Genève, le lundi 1er juillet 2019 après-midi, au sein du Conseil des droits de l’homme de l’ONU et dont je retranscris ci-après la bande vidéo.





« Madame la vice-présidente,

Je vous adresse aujourd’hui un appel au secours. Sans votre intervention, mon fils, Vincent Lambert, sera euthanasié par un médecin, en raison de son handicap cérébral. Il est en état de conscience minimale mais il n’est pas un légume ! Il dort la nuit, se réveille le jour, me regarde quand je lui parle. Il a seulement besoin de recevoir sa nourriture par une sonde. Et c’est d’elle que son médecin veut le priver pour le faire mourir alors que les experts judiciaires ont affirmé qu’il ne subit pas d’acharnement thérapeutique.

Le 19 mai dernier, veille de sa mort programmée, il a pleuré en nous voyant, nous en sommes encore bouleversés. C’est pourquoi nous avons saisi le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU, car la Convention des droits des personnes handicapées interdit de priver une personne de nourriture et de boisson en raison de son handicap. Sinon, ce serait une discrimination.

À deux reprises, ce Comité a demandé à la France de ne pas faire mourir Vincent. Mais le gouvernement français refuse, il viole de façon éhontée ses obligations internationales. Je vous supplie d’intervenir auprès de la France pour lui rappeler son obligation de respecter les mesures conservatoires prescrites par le Comité, et de ne pas faire mourir mon fils. Au-delà de mon fils, c’est la vie des 1 700 autres personnes qui partagent son état qui est menacée. Je vous en prie, aidez-nous. Je vous remercie. » (Viviane Lambert, le 1er juillet 2019 à Genève).

Enfin, je termine sur une réflexion essentielle publiée le 5 juillet 2019 par Christophe Foltzenlogel, expert juridique au ECLJ depuis 2012, sur le site de l'organisation. L'ECLJ est l'European Center for Law and Justice (Centre européen pour le droit et la justice), qui est une organisation internationale non gouvernementale créée en 1998 et dédiée à la promotion et la protection des droits de l'homme en Europe et dans le monde. Il est proposé une réponse à chacune des "dix affirmations courantes favorables à l'euthanasie de Vincent Lambert". Je ne propose ici que les affirmations évoquées et les réponses sont indiquées à ce lien.

1. "Sa mère n’a qu’à prendre son fils chez elle et s’en occuper elle-même !"
2. "Personne ne voudrait vivre comme ça, ce n’est pas une vie !"
3. "Il a dit qu’il ne voulait pas qu’on le maintienne dans un tel état, respectez sa volonté !"
4. "Il n’a plus conscience de lui-même, c’est un légume !"
5. "Non à l’acharnement thérapeutique !"
6. "Je suis contre l’euthanasie, mais là…"
7. "Sa mère est une catholique traditionaliste qui fait subir à son fils ses croyances, c’est ignoble !"
8. "Quels coûts pour la sécurité sociale !"
9. "L’ONU n’a rien voir dans cette affaire. Les exigences de ses comités n’ont aucune valeur en France."
10. "Toutes ces années de procédures, c’est de l’acharnement judiciaire en plus de l’acharnement médical !"

Mes plus émues pensées pour Vincent et tous ceux qui l'aiment.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (07 juillet 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
L'aller sans retour de Vincent Lambert.
Réponses à 10 affirmations courantes favorables à l'euthanasie de Vincent Lambert, par Christophe Foltzenlogel (ECLJ).
L’acharnement à laisser mourir Vincent Lambert.
Vincent Lambert, c’est nous tous !
Vincent Lambert n’est pas en fin de vie.
Vincent Lambert n’est pas encore sauvé…
François-Xavier Bellamy, la dignité et l’instrumentalisation de Vincent Lambert.
Vincent Lambert doit-il mourir ?
Déclaration de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, sur Vincent Lambert le 13 mai 2019 (texte intégral).
Réflexion du Père Bruno Saintôt, directeur du département Éthique biomédical aux facultés jésuites de Paris, sur Vincent Lambert le 13 mai 2019 (texte intégral).
Déclaration de la Conférence des évêques de France sur la fin de vie le 22 mars 2018 (texte intégral).
Vincent Lambert, sa vulnérabilité et son droit à la vie bafoué.
Le destin tronqué de Vincent Lambert.
Vincent Lambert entre la vie et la mort.
La tragédie judiciaire et médicale de Vincent Lambert.
Le retour de la peine de mort prononcée par un tribunal français.
Le livre blanc des personnes en état de conscience altérée publié par l’UNAFTC en 2018 (à télécharger).
Vincent Lambert et la dignité de tout être humain, des plus vulnérables en particulier.
Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
Le départ programmé d’Inès.
Alfie Evans, tragédie humaine.
Pétition : soutenez Vincent !
Vers une nouvelle dictature des médecins ?
Sédation létale pour l’inutile Conseil économique, social et environnemental.
Vincent Lambert et Inès : en route vers une société eugénique ?
Le congé de proche aidant.
Stephen Hawking et la dépendance.
Le plus dur est passé.
Le réveil de conscience est possible !
On n’emporte rien dans la tombe.
Le congé de proche aidant.
Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
Un fauteuil pour Vincent !
Pour se rappeler l'histoire de Vincent.
Dépendances.
Sans autonomie.
La dignité et le handicap.
Alain Minc et le coût des soins des "très vieux".
Euthanasie ou sédation ?
François Hollande et la fin de vie.
Les embryons humains, matériau de recherche ?
Texte intégral de la loi n°2016-87 du 2 février 2016.
La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
La leçon du procès Bonnemaison.
Les sondages sur la fin de vie.
Les expériences de l’étranger.
Indépendance professionnelle et morale.
Fausse solution.
Autre fausse solution.
La loi du 22 avril 2005.
Chaque vie humaine compte.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190707-vincent-lambert-fdv2019ct.html




http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/07/05/37479318.html




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