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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
27 juin 2019

La preuve par la canicule ?

« Profitons de la canicule pour doucher notre ego, laver notre âme, inonder notre cœur et noyer nos chagrins. » (Bernard Pivot, Twitter le 24 juin 2019).


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La belle affaire, il fait "chaud" l’été. En fait, si c’est normal que la température monte, c’est moins normal qu’elle monte aussi haut et aussi longtemps. Depuis ce lundi 24 juin 2019, la France et avec elle, une grande partie de l’Europe, vivent en état de canicule. Canicule vient de chien, en latin, plus précisément, "petite chienne" (canicula) qui était l’appellation de l’étoile Sirius.

En raison d’une baisse d’actualités (actualités françaises, car il reste bien des sujets préoccupants actuellement), les médias se sont logiquement emparé de ce thème dit marronnier : la canicule. Les gestes pour lutter contre les fortes chaleurs, les conséquences du changement climatique, etc. Est-ce que les médias en font trop ? Est-ce que les pouvoirs publics en font trop ? Peut-être, mais de toute de façon, on leur reprochera, soit d’en faire trop, soit d’en faire pas assez.

Autant alors trop : il y a toujours trop d’inconscients qui n’imaginent pas l’effet des très hautes températures sur le corps humain. Nous autres, êtres vivants, nous ne vivons que dans une très étroite fenêtre thermodynamique : température, pression, acidité, humidité, etc. sont des éléments qui ont un effet essentiel sur le corps, son fonctionnement mécanique, ses réactions chimiques, etc.

Quand je parle d’inconscients, c’est pour dire qu’on peut encore voir quelques sportifs à midi en pleine canicule. Comme l’a rappelé un haut fonctionnaire du Ministère de la Santé, il n’y a pas que les personnes fragiles (enfants, personnes âgées, personnes en situation de handicap, personnes dépendantes) qui sont "à risque". Tout le monde, y compris les jeunes bien portants, peuvent fléchir sous le coup de la chaleur. Comme on peut voir des "promeneurs" en montagne capables de monter jusqu’à plusieurs milliers de mètres d’altitude avec un bébé sans se préoccuper particulièrement de la baisse d’oxygène, des radiations solaires, etc. Dans les personnes à risque, il y a évidemment les travailleurs extérieurs, par exemple, dans le secteur du bâtiment. Boulot infernal en plein soleil.

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Donc, il vaut mieux en parler trop que pas assez pour la santé publique. J’habite à côté d’un réacteur nucléaire (comme tous les habitants, je reçois périodiquement ma dose d’iode), et j’imagine que s’il y avait une "catastrophe" nucléaire, on ne reprocherait pas au gouvernement ni aux médias de trop communiquer pour protéger la population de la radioactivité. On leur reprocherait plutôt de ne pas assez communiquer, dans un tel cas.

J’ajoute que les progrès de la médecine permet de prolonger l’espérance de vie (et également l’espérance de vie en bonne santé), et que, par un effet mécanique, la population "vivante" est composée d’une part croissante de personnes fragiles, fragiles au sens que sans ces progrès de la médecine, que ce soit à la naissance ou tout au long de la vie, maladie, accident, vieillesse, certaines personnes n’auraient jamais survécu. Par conséquent, en termes de santé publique, il y a plus à perdre aujourd’hui qu’hier de ces événements météorologiques, d’où ces communications répétitives.

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En France, on vit encore sous le précédent désastreux de 2003. Entre les 1er et 20 août 2003, la canicule aurait provoqué le décès de 14 802 personnes, selon un rapport de l’INSERM publié le 25 septembre 2003, une surmortalité de 55%. Le pic de canicule a eu lieu entre les 7 et 12 août 2003, où il a fait pendant quatre jours 39°C à Paris, avec des nuits de 25°C. Le record en France fut 44,1°C, température relevée à Conqueyrac, une commune du Gard. Ce mercredi 26 juin 2019, le record au-dessus de 40°C fut à Peyrolles-en-Provence, dans le massif du Lubéron, dans les Bouches-du-Rhône.

Certes, il a déjà fait chaud. On parle régulièrement de la sécheresse de 1976, mais il y a eu aussi dans certaines régions des étés très chauds, en Lorraine, en 1985 et 1986, mais chacun a ses propres souvenirs. Il se trouve cependant que les canicules se rapprochent les unes des autres, se prolongent de plus en plus longtemps. Cette année, en juin, c’est exceptionnel. D’où la décision de reporter les épreuves du brevet pour permettre l’examen dans de meilleures conditions.

Des quatre étés statistiquement les plus chauds de ces dernières décennies, trois sont dans les années récentes : l’été 2003 avec une moyenne de 23,1°C, puis l’été 2018 avec une moyenne de 22,0°C, puis les étés 2017 et 2015, tous les deux avec une moyenne de 21,4°C.

Si l’on rajoute à cela quelques autres "épisodes météorologiques" : fortes chutes de neige, fortes inondations (au-delà des crues prévisibles), glissements de terrain, coulées de boue, fortes tempêtes (celle du 26 décembre 1999 reste dans les mémoires), etc., cela fait beaucoup pour une région au climat dit tempéré.

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La tentation est donc forte de rapprocher ces périodes de canicule avec les changements climatiques qui s’observent à grande échelle, tant géographiquement et temporellement. Ce serait à mon avis une erreur intellectuelle, ne serait-ce que parce que les effets du changement climatique, en clair, du réchauffement planétaire global, devraient être au contraire un refroidissement de notre petit bout d’Europe en raison d’une perturbation du Gulf Stream (pour certains, cependant, la perturbation serait très négligeable par rapport aux courants en jeu).

Effet du réchauffement climatique ? C’est difficile de le dire la tête dans le guidon. Il faudrait attendre plusieurs décennies, peut-être siècles pour en être sûr. Effet de la pollution humaine ? Là encore, il est difficile d’avoir des certitudes, c’est l’objet d’un grand débat depuis plusieurs dizaines d’années sur l’origine anthropique des bouleversements climatiques. Il est clair que notre planète vit et n’a jamais été stable, qu’il y a mille causes naturelles aux changements climatiques, non seulement d’origine terrestre mais aussi extraterrestre, à savoir d’origine solaire (taches solaires, éruptions solaires, etc.).

Mais il y a une certitude : c’est que la pollution que l’homme produit n’est pas bonne pour la sauvegarde de notre environnement. Et cela autant à court qu’à long terme.

Court terme, c’est une évidence : les sommets de chaleur anticyclonique entraînent des pics de pollution dans les grandes agglomérations. Qu’on ne trouve que l’interdiction de véhicules dits polluants (soit 4,7 millions de véhicules en France) comme unique parade paraît bien maigre quand on sait que la pollution automobile du bassin parisien, par exemple, n’est à l’origine que d’environ 10% de la pollution globale de l’atmosphère. Chauffage et climatisation, industrie, agriculture sont également des causes non négligeables de pollution. Cela dit, cela ne me paraît pas inquiétant que les maires prennent ces mesures de circulation différenciée (qui est plus intelligente que la circulation alternée). C’est du temporaire. Après tout, lorsqu’il y a une tempête de neige, on recommande aussi de ne pas prendre sa voiture.

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Long terme : tout le débat est de savoir si la pollution humaine bien réelle a une part déterminante ou négligeable dans l’évolution climatique de ces dernières décennies. Pour Brune Poirson, la Secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, il n’y a pas de doute : « Des années de recherches l’ont prouvé, jamais le climat ne s’est réchauffé aussi rapidement dans l’histoire. Mais on trouve encore des personnes pour affirmer que ce n’est pas lié aux activités humaines. Avec des réflexions de ce type, nous perdons du temps très précieux. » (Twitter du 24 juin 2019).

Ceux qui ont l’habitude de faire une vingtaine de kilomètres pour aller d’un endroit proche de la campagne vers une grosse agglomération peuvent rapidement s’apercevoir qu’il y a facilement entre 1 et 3 degrés de différence sur le thermomètre du véhicule (qu’importe ce qu’il mesure, c’est la différence qui est notable). Les villes ont une température toujours plus élevée que les campagnes, ce qui n’est ni surprenant, ni anormal. Il y a donc un élément intuitif, confirmé par la communauté scientifique internationale, que l’activité humaine élève la température. On peut même avoir cette sensation très basiquement lorsqu’il fait froid dans une pièce : à partir d’une dizaine ou centaine de personnes, cette pièce se réchauffe naturellement par l’effet de la respiration des présents. C’est une question d’équilibre thermodynamique. Quand on rajoute des activités qui consomment ou transforment de l’énergie, ou qui laissent échapper des gaz à effet de serre, nécessairement, la température globale augmente.

Le gouvernement actuel a bien saisi l’urgence qu’il faut faire quelque chose, mais il veut le faire en accord avec la population pour ne pas recommencer la crise des gilets jaunes (lancée par une écologie punitive, l’augmentation des taxes). C’est tout le doigté du gouvernement actuel comme des suivants, de faire le bon équilibre entre  l’environnemental (le futur, parfois proche) et le social (le présent). D’où l’adjectif "solidaire" collé à l’expression "transition écologique".

C’était d’ailleurs le sujet de l’intervention du Premier Ministre Édouard Philippe lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale le 25 juin 2019. Répondant au président du groupe communiste, André Chassaigne, Édouard Philippe a effectivement rappelé les mesures de court terme, moyen terme et long terme.

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Le très court terme : « La première des choses à faire (…) est d’être attentif et de rappeler les conseils qui (…) relèvent du bon sens : s’hydrater ; donner accès à des salles plus fraîches lorsqu’elles existent ; prendre soin de nos concitoyens (…) en veillant à ce qu’ils aillent bien, en s’informant sur l’état de santé de ses voisins, en étant attentif aux premiers signes de déshydratation chez ceux que nous croisons, soit dans la rue, soit au travail. Être attentif et vigilant. ». Aussi : « Report des épreuves du brevet prévues jeudi et vendredi. (…) Ces épreuves auront donc lieu lundi et mardi prochains, lorsque la température sera retombée. ». Vigilance dans tous les services publics : « dans tous les lieux qui accueillent du public : crèches, établissements pénitentiaires, écoles ou hôpitaux, bref, tous les lieux d’accueil, notamment des publics vulnérables ».

La justification de la transition écologique : « De tels épisodes se succèdent à une fréquence de plus en plus élevée, de sorte que l’anormal, sous l’effet du réchauffement climatique, tend à devenir le normal. (…) Nous devons (…) adapter notre société, notre bâti, notre urbanisme, notre architecture et nos service publics, afin d’être à la hauteur de cette transformation déjà à l’œuvre, et qui continuera à produire ses effets. ». Cela passe, pour Édouard Philippe, notamment par la végétalisation de certains bâtiments pour "rafraîchir" les villes que propose la loi ELAN (Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique).

Le long terme enfin : « Nous devrons anticiper (…) leur aggravation dans les années qui viennent. Nous le faisons (…) à travers des mesures ambitieuses que vous connaissez très bien et qui, bien entendu, produiront leurs effets dans le temps. Celles-ci témoignent de la volonté du gouvernement d’être à la hauteur des enjeux que j’évoquais. ».

Pour résumer l’action du gouvernement : « Urgence, vigilance, adaptation, prévention : c’est en nous mobilisant sur tous ces aspects (…) que nous serons à la hauteur des enjeux. Ceux-ci sont considérables et, nous le savons, ils n’iront pas diminuant au cours des années qui viennent. ».

Le gouvernement a beau être critiqué pour son action écologique qui serait considérée comme insuffisante, il marche sur des œufs. L’essentiel, c’est que le discours gouvernemental (le besoin de faire une "transition écologique et solidaire") donne un cadre durable, et bien plus durable que la seule durée de vie de ce gouvernement, pour des actions de long terme des pouvoirs publics.

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Puisque la mode est aux plaisanteries courtes de Twitter, et que tout événement tend à nourrir la créativité des internautes, je propose de terminer par ces quelques perles lues sur Twitter : « "Je vais bien", Valéry Giscard d’Estaing. » (23 juin 2019). Celle du Gorafi : « Combustions spontanées de plusieurs motos de BFM-TV qui suivaient en direct l’arrivée de la vague de chaleur sur la France. » (24 juin 2019). Celle de Bernard Pivot : « Été ? Saison ou participe passé ? La nostalgie de nos participes passés aux êtres brûlants de notre jeunesse. » (21 juin 2019).

Et la dernière, à connotation plus douteuse : « Entendu au bureau : "Est-ce que suer, c’est tremper ?" » (24 juin 2019). Je ne saurai y répondre personnellement, mais si jamais vous suiez, je ne pourrais que vous conseiller de boire beaucoup d’eau pour compenser.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (26 juin 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Canicule de juin 2019.
Inondation à Paris.
Épisode de neige.
Circulation alternée.
L’écotaxe en question.
La COP21.
Rapport du GIEC sur le changement climatique publié le 8 octobre 2018 (à télécharger).
Rapport de l’IPBES sur la biodiversité publié le 6 mai 2019 (à télécharger).

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190625-canicule.html

https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/la-preuve-par-la-canicule-216179

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/06/26/37458977.html




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