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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
30 mai 2019

Andry Rajoelina a 45 ans

« Je mesure l’ampleur des défis que Madagascar devra relever ces prochaines années pour assurer son développement économique et éradiquer la pauvreté. Je tiens à vous assurer du soutien de la France, partenaire historique, voisin et ami de Madagascar, dans les réformes que vous entreprendre pour atteindre ces objectifs. Soyez certain de ma détermination à densifier nos relations politiques, mais aussi économiques et culturelles, qui reposent sur des liens historiques et humains forts. » (Lettre d’Emmanuel Macron à Andry Rajoelina, le 14 janvier 2019).



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Quelques jours après les élections législatives malgaches, le Président malgache Andry Rajoelina fête ses 45 ans ce jeudi de l'Ascension, 30 mai 2019.

La République de Madagascar va-t-elle enfin sortir de ses crises politiques et institutionnelles incessantes pour enfin entrer dans l’ère de l’efficacité et de la reconstruction ? Il y a tout juste dix ans, le pays était tombé dans une grande confusion. La légalité constitutionnelle en prenait un mauvais coup avec ce qu’il fallait bien appeler le coup d’État du 17 mars 2009.

Après deux mois de manifestations contre le pouvoir en place, tenu démocratiquement par le Président Marc Ravalomanana, l’armée malgache l’a contraint à donner sa démission et à remettre la réalité du pouvoir à Andry Rajoelina, élu le 12 décembre 2007 maire de Tananarive et principal leader de la protestation populaire.

Si ce n’avait été qu’une simple révolution de palais, cela n’aurait été qu’une péripétie de plus dans l’incapacité récurrente de la classe politique malgache à avoir une gouvernance tournée vers l’intérêt général, mais les manifestations du 7 février 2009 se sont soldé par 28 personnes tuées et 212 blessées par l’armée qui a tiré sur la foule qui marchait vers le palais présidentiel. Andry Rajoelina s’était autoproclamé "en charge de la République" le 31 janvier 2009, mais ne fut pas suivi par les manifestants et fut destitué de ses fonctions de maire de Tananarive le 3 février 2009.

De la répression sanglante du 7 février 2009, on ne connaîtra probablement jamais les vrais coupables, la volonté (irresponsable et effrayée) du pouvoir en place de se maintenir malgré la foule ou la provocation des insurgés voulant prendre le pouvoir et montrer qu’ils étaient victimes d’un pouvoir tyrannique ? Il faut bien se rappeler, sans faire toutefois des généralités, que les Malgaches constituent un peuple très majoritairement pacifique et s’ils sont souvent en désaccord entre eux, c’est plus par la discussion que par la violence qu’ils l’expriment.

Les morts du 7 février 2009 pourraient paraître d’un nombre limité, un peu le même que lors du coup d’État du futur Napoléon III le 2 décembre 1851. Ils n’ont rien à voir avec les révolutions sanglantes qu’on a pu hélas observer dans de nombreux pays du monde, mais ces 28 morts ont beaucoup bouleversé l’ensemble des Malgaches à l’époque, si bien que l’abdication, le mot est un peu caricatural, disons plutôt la démission rapide de Marc Ravalomanana le 17 mars 2009, désavoué par l’armée, avait surtout pour but de ne plus faire encore couler du sang.

Dès le 17 mars 2009, Andry Rajoelina s’est autoproclamé chef de l’État, et fut le Président de la Haute Transition jusqu’au 25 janvier 2014, sans autre base juridique légale que le soutien des forces de l’ordre. Après avoir dissous le 19 mars 2009 tant l’Assemblée nationale que le Sénat, Andry Rajoelina avait alors tout fait pour rester le plus longtemps possible au pouvoir, sans aucune légitimité électorale et en perdant tous les soutiens financiers internationaux dans un pays plongé dans un véritable chaos social, alimentaire et sanitaire (avec la recrudescence de certaines maladies qu’on croyait disparues dont la peste). La suppression des aides internationales a d’ailleurs fait accélérer l’arrivée des investisseurs chinois à Madagascar.

Il est difficile cependant de dire qu’Andry Rajoelina était un dictateur entre 2009 et 2014 parce qu’il a nommé des gouvernements composés souvent de nombreuses forces politiques. La preuve, c’est qu’une cour électorale spéciale a interdit en 2013 la candidature des deux protagonistes de la crise de 2009, Marc Ravalomanana mais aussi Andry Rajoelina, ce qui a n’a fait que retarder de cinq ans la résolution politique du problème.

Après un long processus de médiation internationale (initié par l’organisation des pays d’Afrique australe, la SADC), la mise en place d’une nouvelle Constitution, adoptée par le référendum du 17 novembre 2010 (74,2% de "oui" avec 52,6% de participation) et promulguée le 11 décembre 2010, a permis de remettre Madagascar dans un certain cadre institutionnel mais il a fallu encore attendre trois ans avant l’organisation de nouvelles élections.

Ce fut ce retour au légalisme qui a encouragé le Président de la République française Nicolas Sarkozy à recevoir Andry Rajoelina à l’Élysée le 7 décembre 2011, lui apportant quelques aides financières françaises, même si les sanctions internationales n’ont été levées qu’après le déroulement de l’élection présidentielle des 25 octobre 2013 (premier tour) et 20 décembre 2013 (second tour).

Dix années plus tard, en 2019, la situation est radicalement changée. L’ancien Ministre des Finances d’Andry Rajoelina, Hery Rajaonarinamampianina, soutenu par Andry Rajoelina, fut élu Président de la République le 20 décembre 2013 et prit ses fonctions le 25 janvier 2014.

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Néanmoins, si le légalisme constitutionnel fut complètement rétabli, la gouvernance manqua d’efficacité et il y a eu plutôt cinq années d’immobilisme économique et diplomatique, avec les mêmes problèmes institutionnels que depuis l’élection (démocratique) du Président Albert Zafy, à savoir une opposition récurrente de l’Assemblée nationale face au Président, même lorsque ce dernier jouissait d’une majorité (c’est l’opposition permanente entre régime présidentiel et régime parlementaire qui n’a toujours pas été tranchée malgré les différentes constitutions). Hery Rajaonarinamampianina fut ainsi contesté par les députés très rapidement (critiqué pour autocratisme) et une instance juridictionnelle l’obligea à démissionner le 7 septembre 2018 pour pouvoir se présenter à sa réélection.

Hery Rajaonarinamampianina n’a obtenu que 8,8% des voix au premier tour du 7 novembre 2018, placé en troisième position. Cela pourrait être considéré comme un énorme désaveu électoral pour un Président sortant, mais il faut replacer dans le contexte et il s’en est finalement sorti assez honorablement, car toute l’élection (aux très nombreuses candidatures, trente-six !) avait pour véritable enjeu le clivage du début 2009, à savoir le duel tant attendu entre Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina. Seule une élection pouvait enfin départager les deux hommes. Sauf que dix ans plus tard, ils avaient vieilli de dix ans et changé. Marc Ravalomanana (69 ans) se présentait bien moins dynamique que Andry Rajoelina (44 ans). Ce dernier a atteint la première place au premier tour (avec 39,2% des voix) et fut élu le 19 décembre 2018 au second tour par 55,7% des voix. Les deux candidats du second tour avaient notamment débattu à la télévision le 10 décembre 2018 de manière courtoise.

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Tout l’enjeu de cette élection présidentielle de 2018 fut le consensus sur le nom du vainqueur, quel que soit le vainqueur. En ce sens, il fallait probablement que le plus responsable des deux fût le perdant pour installer une réelle démocratie. Andry Rajoelina fut proclamé élu Président de la République par la Haute Cour Constitutionnelle le 8 janvier 2019 (arrêt n°01-HCC/AR).

Ce qui a été historique, ce fut que, pour la première fois qu’il y a des élections présidentielles qui se veulent démocratiques (depuis 1993), le candidat qui a perdu au second tour a reconnu sa défaite. Marc Ravalomanana l’a reconnu dès le 9 janvier 2019, mais il ne pouvait pas faire autrement avec un si grand écart de voix (plus de 500 000 voix), même si les deux candidats, préventivement, avaient, tous les deux, contesté certains points dans l’organisation de l’élection (notamment la composition de la liste électorale) pour pouvoir la contester ulltérieurement.

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Andry Rajoelina a pris officiellement ses fonctions de Président de la République le 18 janvier 2019, en présence de son successeur direct, Rivo Rakotovao, Président de la République par intérim en tant que Président du Sénat (depuis le 12 novembre 2017), mais aussi en présence du Président élu sortant Hery Rajaonarimamapianina. Le lendemain, le samedi 19 janvier 2019, son investiture fut célébré par une grande cérémonie au grand stade de Mahamasina en présence des anciens Présidents. Cette cérémonie, qu’on pourrait assimiler à un "sacre", était nouvelle en ce sens qu’elle a été universellement partagée à Madagascar, au contraire des précédentes fois.

Sa situation est donc aujourd’hui très différente que celle entre 2009 et 2014. Andry Rajoelina bénéficie maintenant de l’onction du suffrage universel, sincère et libre. Il est le second Président malgache à avoir été un Président démocratiquement illégitime, puis à avoir reçu, par la suite, après avoir quitté le pouvoir, la légitimité démocratique.

Avant lui, l’amiral Didier Ratsiraka, dictateur communiste du 15 juin 1975 au 22 mars 1993, systématiquement élu et réélu par des élections peu démocratiques (de façade), fut élu, cette fois-ci démocratiquement, lors de l’élection présidentielle des 3 novembre 1996 (premier tour) et 29 décembre 1996 (second tour) avec 50,7% des voix (au second tour) face à Albert Zafy (le Président sortant destitué par les députés). Mais Didier Ratsiraka fut finalement battu à l’élection suivante du 16 décembre 2001 débouchant sur une période de plus de six mois de très grave crise politique et économique car lui et son camp n’avaient pas voulu reconnaître leur défaite face à Marc Ravalomanana, à l’époque maire de Tananarive (Marc Ravalomanana s’était proclamé Président le 22 février 2002 et Didier Ratsiraka avait reconnu sa défaite seulement le 5 juillet 2002).

Christian Ntsay, Premier Ministre de consensus nommé le 4 juin 2018 à l’issue d’une énième crise politique, a été confirmé à son poste par Andry Rajoelina et a formé son nouveau gouvernement le 24 janvier 2019 (décret n°2019-026 portant nomination des membres du gouvernement).

En deux mois de Présidence, Andry Rajoelina a su redéployer la diplomatie malgache et notamment, vis-à-vis de ses partenaires africains (intervention au 32e Sommet de l’Union Africaine, visite d’État à l’Île Maurice, etc.) et de la France dont les liens noués sont historiquement particuliers et importants.

Ainsi, Andry Rajoelina a pu rencontrer (pour la première fois depuis son élection) le Président de la République française Emmanuel Macron le 14 mars 2019 à Nairobi, en marge du 3e One Planet Summit dont Emmanuel Macron était le coprésident. La courte discussion (une vingtaine de minutes) avait pour sujet la coopération globale, la sécurité, la protection des côtes malgaches, la reforestation et l’agriculture (le sujet des Îles Éparses n’aurait pas été abordé).

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Pour une fois, Andry Rajoelina s’est trouvé en face d’un homologue plus jeune que lui (Emmanuel Macron a 41 ans). Andry Rajoelina a tweeté le 14 mars 2019 : « Un excellent échange avec le Président Emmanuel Macron dont je salue le leadership sur le climat. À Nairobi, nous avons réaffirmé les liens solides et constructifs entre nos deux pays et posé les fondations d’un partenariat renouvelé. Vive l’amitié ! ». Emmanuel Macron n’avait pas pu venir à la cérémonie d’investiture à Tananarive le 19 janvier 2019 et s’était fait représenter par Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, qui était accompagné pour l’occasion par l’ancien Président Nicolas Sarkozy.

À la tribune de ce sommet de Nairobi, Andry Rajoelina a déclaré : « Nous voulons faire de la biodiversité un moteur de croissance et ainsi répondre à la complexe question de l’industrialisation verte et du développement durable. La volonté politique est plus que jamais présente et l’optimisme est là : Madagascar est prête à s’engager dans le virage de la croissance verte ! ».

Sur le plan intérieur, Andry Rajoelina a prononcé un important discours devant le gouvernement, à Tananarive le 20 février 2019, contre la corruption : « Lutter activement pour faire reculer la corruption voire l’éradiquer constitue une priorité de l’État afin de promouvoir l’intégrité, la redevabilité et la transparence (…). Au regard de l’ampleur, de l’étendue et de l’enracinement de ce fléau dans notre société et notamment dans l’administration, il est important d’instaurer une politique de zéro tolérance et d’exemplarité de la sanction en la matière. Comme dans tout État de droit, cette politique s’applique à tous sans exception. ».

Pour l’anecdote, même le statut de la première dame (Mialy Rajoelina) a été codifié par la Présidence de la République de Madagascar qui a communiqué le 6 février 2019 quelques règles qui prévaudront comme : « La première dame s’abstient d’effectuer toute intervention sur une autorité ou sur l’administration publique en général. ». Sur les conditions matérielles de son action : « La première dame ne perçoit aucune rémunération et ne bénéficie ni d’un cabinet ni d’un budget alloué au titre de son rôle de femme du chef de l’État. Toutefois, elle peut disposer d’une assistante pour gérer son agenda et l’accompagner dans ses déplacements. ».

La prochaine étape démocratique cruciale pour Madagascar sera la tenue des prochaines élections législatives qui auront lieu le 27 mai 2019 (la date a été fixée le 2 février 2019). Le dépôt des candidatures a été clos en principe le 12 mars 2019 et fait apparaître 376 dossiers de candidatures pour les 151 sièges à pourvoir, selon Fano Rakotondrazaka, rapporteur général de la CENI (Commission électorale nationale indépendante).

219 candidatures proviennent de personnalités indépendantes et pas d’organisation politique. L’alliance soutenant le Président (le MAPAR) a présenté des candidats dans toutes les 119 circonscriptions électorales. Le nombre de candidats reste très faible par rapport aux élections législatives du 20 décembre 2013 où 1 180 candidats avaient tenté leur chance. Le mode de scrutin est double : 87 sièges sont pourvus au scrutin majoritaire uninominal à un tour et 64 autres au scrutin proportionnel plurinominal à liste bloquée (sans panachage ni vote préférentiel).

Certaines circonscriptions n’ont reçu qu’une seule candidature, mais des intempéries ont également rendu difficiles certains dépôts de candidature. Du coup, la CENI a prolongé de deux jours le délai de candidature. La liste officielle des candidatures validées sera publiée le 19 mars 2019. Tout porte à croire qu’Andry Rajoelina obtiendrait une majorité dans la future Assemblée, mais il ne faudrait pas qu’elle le soit par défaut de candidature d’opposants.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 mars 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Madagascar : Andry Rajoelina, dix ans plus tard.
Résultats définitifs officiels du second tour de l’élection présidentielle malgache du 19 décembre 2018 (communiqué de la HCC).
Madagascar : Andry Rajoelina, élu peu contestable.
Résultats définitifs officiels du premier tour de l’élection présidentielle malgache du 7 novembre 2018 (communiqués par la HCC).
Madagascar : retour vers le futur, en 2013 avant HR.
L’élection présidentielle malgache du 7 novembre 2018.
La liste officielle des 36 candidats à l’élection présidentielle malgache du 7 novembre 2018 (publiée le 22 août 2018).
Albert Zafy.
Le massacre de 1947.
Le pire n’est jamais sûr (28 janvier 2014).
Le gouvernement de Roger Kolo (18 avril 2014).
Discours d'investiture de Hery Rajaonarimampianina du 25 janvier 2014 (texte intégral).
Vidéo du discours d'investiture de Hery Rajaonarimampianina.
L'angoisse de la page blanche.
Résultats de la CENIT (3 janvier 2014).
Nuages noirs sur le processus électoral.
Le second tour de la présidentielle.
Duel Robinson vs Rajaonarimampianina.
Les résultats officiels du 1er tour de la présidentielle malgache (à télécharger).
Victoire du processus électoral malgache.
Jour J de la démocratie malgache : présentation des candidats.
L’élection présidentielle du 24 juillet 2013 aura-t-elle lieu ?
La feuille de route adoptée.
Un putsch en bonne et due forme.
Le prix du sang.
Et si cela s’était passé en France ?
La nouvelle Constitution malgache.
Le gouvernement malgache pour appliquer la feuille de route.
Liste de mai 2013 des candidats à l’élection présidentielle.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190530-rajoelina.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/05/27/37385170.html


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