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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
28 octobre 2018

Le tempérament en acier trempé de Bernadette Lafont

« Je voudrais une minute de silence en pensant à une femme, une actrice que j’aime beaucoup, dont je ne peux pas parler à l’imparfait, qui est Bernadette Lafont, qui est partie il y a quelques semaines assez brutalement et dont on n’a pas beaucoup parlé finalement. (…) Voilà, je pense souvent à elle depuis qu’elle est partie cet été. » (Catherine Deneuve, le 15 septembre 2013 sur France Inter).


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Symbole d’une jeunesse atypique, en dehors des canons classiques (oserais-je dire blondiques ?) de la beauté, mais aussi d’un tempérament en acier trempé, d’une spontanéité qui en fait sa vitalité, l’actrice Bernadette Lafont aurait déjà 80 ans ce 28 octobre 2018… mais elle est partie il y a cinq ans, le 25 juillet 2013 à Nîmes, dans une relative discrétion, celle de l’été, celle de la pudeur. Deux crises cardiaques, le 28 juin 2013 dans les Cévennes, puis le 22 juillet 2013 à Grau-du-Roi où elle se faisait soigner. Un départ brutal, à presque 75 ans, presque aussi brutal que son irruption dans le monde du cinéma : « Pétillante, rigolote, avec un zeste d’insolence, mais jamais vulgaire, pleine de spontanéité, de charme et d’une beauté qu’elle a gardé jusqu’au bout du chemin de sa vie. » selon les mots de l’actrice qui lui avait donné l’envie d’être actrice, Brigitte Bardot le 26 juillet 2013.

Née à Nîmes dans une famille protestante, Bernadette Lafont commença par apprendre la danse à l’opéra de Nîmes quand elle était adolescente. À 16 ans, elle rencontra l’acteur Gérard Blain (1930-2000), au physique de James Dean, qui faisait une répétition d’une pièce à Nîmes. Un an plus tard, les voilà mariés (Gérard Blain était encore marié à une autre femme lors de la première rencontre).

À Paris, François Truffaut (1932-1984), jeune réalisateur, proposa au couple de jouer dans son premier film. François Truffaut avait peu de moyens. Ce fut le court-métrage "Les Mistons" de moins d’une vingtaine de minutes qui montra son potentiel (sorti le 6 novembre 1958). François Truffaut fit de Bernadette Lafont l’actrice principale de son film "Une belle fille comme moi" (sorti le 13 septembre 1972).





Ainsi révélée, la carrière cinématographique de Bernadette Lafont fut "lancée" et ne s’est arrêtée qu’il y a cinq ans. Elle fut l’une des égéries de la Nouvelle Vague de la fin des années 1950 et des années 1960. Elle joua dans plusieurs films de Claude Chabrol (1930-2010), dans les premiers rôles, comme "Le Beau Serge" (sorti le 6 juin 1958) et "Les Bonnes Femmes" (sorti le 22 avril 1960).





Elle apporta avec son jeu d’actrice de la fraîcheur, une image moderne de la femme, une indépendance d’esprit, un sacré caractère, un certain naturel, un parler populaire et une beauté au regard plongeant au fond des yeux.

Dans "La Fiancée du pirate", réalisé par Nelly Kaplan, sorti le 3 décembre 1969, Bernadette Lafont a le premier rôle : « En fille insoumise, en vamp pétroleuse, en Antigone de la bouse de vache, elle est du tonnerre de Belzébuth. Quel œil ! ça pétille jusque dans les coins, et quel sourire ! Réservoir des sens et championne du mauvais esprit, elle ravage tous les plans. » selon Jean-Louis Bory dans "Le Nouvel Observateur" du 8 décembre 1969.

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Dans "La Maman et la Put@in", réalisé par Jean Eustache (1938-1981), sorti le 17 mai 1973, l’un des chefs-d’œuvre du cinéma français, d’une très longue durée (trois heures quarante !), Bernadette Lafont joue la femme qui entretient le bel Alexandre, intello sans le sou, joué par Jean-Pierre Léaud, qui butine aussi chez une autre, formant un scandaleux trio juste après mai 1968.

À l’occasion d’un hommage à Jean Eustache par la Cinémathèque française, Éric Neuhoff a expliqué ce film épris de Bernanos, dans sa chronique au "Figaro" le 2 mai 2017 : « Cette longue romance d’un jeune homme pauvre, cette musique de chambre en noir et blanc est une œuvre à part, un grand film ténébreux, bavard, alcoolisé. Le temps y passe à une vitesse qui ne ressemble à aucune autre. L’oisiveté y est célébrée à coups de rencontres, de Jack Daniels, de scènes de ménage, d’anecdotes dérisoires. ».

Le réalisateur Olivier Assayas a considéré ce film ainsi : « Eustache a dans ce film résumé et accompli une idée qui était celle de la Nouvelle Vague. Il a fait le film qui avait été théorisé par la Nouvelle Vague. (…) Eustache a très peu tourné. "La Maman et la Put@in" est le film de quelqu’un qui, dans un seul film, avait besoin de tout mettre : son rapport a monde, au cinéma. (…) C’est criant de justesse, de vérité, et ce film acquiert une espèce d’éternité. » (2001).

Les ayants droit ont accepté sa diffusion sur Internet, ce qui permet de le voir dans son intégralité ici.





En tout, Bernadette Lafont a joué dans environ 150 films au cinéma, certains au titre amusant, souvent dans les années 1970, comme "Les Gants blancs du Diable" de Laszlo Szabo (1973), "Je, tu, elles" de Peter Foldès (1973), "Une baleine qui avait mal aux dents" de Jacques Bral (1975), "L’Ordinateur des pompes funèbres" de Gérard Pirès (1976) avec Jean-Louis Trintignant, "Le Trouble-fesses" de Raoul Foulon (1976), "Chaussette surprise" de Jean-François Davy (1978), "La Frisée aux lardons" d’Alain Jaspard (1979) ou "Cap Canaille" de Juliet Berto et Jean-Henri Roger (1983).

Un autre film avec un titre fantaisiste, "Nous maigrirons ensemble", de Michel Vocoret (sorti le 15 août 1979), est surtout centré sur le personnage joué par Peter Ustinov.





Je cite aussi l’excellent film "La Gueule de l’autre" de Pierre Tchernia (sorti le 12 décembre 1979), surtout basé sur Michel Serrault et Jean Poiret, où Bernadette Lafont joue la femme d’un acteur médiocre qui retrouve de l’importance en remplaçant son cousin ministre qui lui ressemble.

Le film qui lui a valu la reconnaissance de la profession fut "L’Effrontée" réalisé par Claude Miller (sorti le 11 décembre 1985), avec un César de la meilleure actrice dans un second rôle en 1986. Elle fait office de "nounou" d’une ado qui manque de confiance en elle, jouée par l’éblouissante Charlotte Gainsbourg.





Bernadette Lafont a également reçu un César d’honneur pour l’ensemble de sa carrière en 2003. Ses derniers films furent "Paulette" de Jérôme Enrico (sorti le 16 janvier 2013) et "Attila Marcel" de Sylvain Chomet (sorti le 30 octobre 2013, après la mort de l’actrice). Dans "Paulette", elle a le premier rôle, celle d’une vieille veuve aigrie et rouspéteuse habitant dans un quartier chaud.





Bernadette Lafont a également joué dans environ 70 téléfilms. La dernière production pour la télévision fut un court-métrage, "L’habit ne fait pas le moine" de Sandrine Veysset, avec Jeanne Moreau, Guy Bedos et Charles Aznavour, dans l’épisode 4 de la série "Le tourbillon de Jeanne", qui fut diffusé le 6 novembre 2013 sur Canal+.

En outre, elle a joué dans une vingtaine de pièces de théâtre (de 1963 à 2013), dans des œuvres notamment de Tourgueniev, Copi, Sacha Guitry, Christine Albanel, Alphonse Daudet, Laurent Ruquier, Proust, Pagnol, et aussi dans "Les Monologues du vagin" d’Eve Ensler. Sa dernière scène fut en 2013, dans l’opérette "Ciboulette" (texte de Reynaldo Hahn, mise en scène de Michel Fau) à l’Opéra-Comique

L’une des raisons de sa "boulimie" au cinéma, au théâtre et à la télévision, ce fut le chagrin infini. En effet, elle a perdu sa fille Pauline Lafont (1963-1988), également actrice, en 1988 dans un accident de randonnée dans les Cévennes, disparue pendant trois mois avant d’être retrouvée.

Son deuxième mari qui fut le père de ses trois enfants, dont Pauline, le sculpteur hongrois Diourka Medveczky (1930-2018), est mort il y a quelques semaines, le 27 septembre 2018 (dans l’indifférence la plus totale) deux ans après un séjour de plus d’un an sur la paradisiaque Île aux Nattes à Madagascar. Il avait réalisé et achevé le 25 octobre 1969 son unique long-métrage, "Paul", avec Bernadette Lafont et Jean-Pierre Léaud, film qui n’est sorti qu’en DVD le 6 novembre 2012. Ce film était considéré par la critique comme « l’un des plus importants tournants en France » mais qui n’a pas eu de lendemain. Sa femme a toujours su le protéger de ses propres ennuis…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 octobre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bernadette Lafont.
Pauline Lafont.
Marthe Mercadier.
Jean Piat.
Jacques Brel.
Charles Aznavour.
Charlie Chaplin.
Maurice Chevalier.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181028-bernadette-lafont-0.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/01/01/36983707.html





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