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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
6 novembre 2018

Nouvelle-Calédonie : un timide oui à la France

« Ce jour était le rendez-vous que les Calédoniens et l’État s’étaient donné à eux-mêmes pour surmonter les divisions. Je veux relever ici la promesse tenue depuis trente ans, sans considération des changements de majorité à Paris ou en Nouvelle-Calédonie. (…) Avec le gouvernement, nous avons tenu à la stricte neutralité de l’État dans cette consultation ; et à la plus grande transparence de l’ensemble du processus électoral. Nous avons garanti la loyauté et la sincérité de ce scrutin qui s’est fait sous le regard d’observateurs envoyés par l’Organisation des Nations Unies et les pays voisins. » (Emmanuel Macron, le 4 novembre 2018 à l’Élysée).


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Le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie est l’aboutissement d’un long processus de dialogue et de réconciliation qui a commencé en juin 1988 avec les Accords de Matignon. Ce cheminement de trente ans a permis l’installation d’une paix réelle dans un territoire qui était en état de "guerre civile" entre 1984 et 1988.

C’est pourquoi il faut se réjouir des deux éléments qui font que règne en Nouvelle-Calédonie une démocratie apaisée : aucune violence n’a été observée (fort heureusement) et le taux de participation a été particulièrement élevé ; 80,6% des 174 999 électeurs inscrits sont allés en effet voter. De plus, il n’y a pas eu plus de 2% de bulletins blancs ou nuls. Ces deux dernières données montrent que la règle du jeu a été acceptée par tous.

Cependant, les résultats du référendum sont contrastés (voir les résultats officiels ici). Selon les résultats définitifs sur les 284 bureaux de vote, le "non" à l’indépendance l’a emporté avec 56,7% des voix (soit 78 734 votes) contre 43,3% (60 199 votes) en faveur du "oui".

Si le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française l’a largement emporté, il l’a emporté avec environ dix points de moins que ce que les sondages laissaient prévoir. Il n’y a eu que 45,0% des électeurs inscrits qui se sont prononcés contre l’indépendance.

Le score est donc beaucoup plus "juste" que prévu, et le retournement de 9 300 électeurs aurait suffi à faire basculer la Nouvelle-Calédonie dans l’aventure de l’indépendance. Aventure, car socialement et économiquement, malgré une économie dynamique avec le nickel, la population tient socialement grâce à la structure sociale et financière que lui apporte la France.

Si l’on regarde plus en détail les résultats, c’est-à-dire localement, la situation est encore plus contrastée. Les collectivités où habitent très majoritairement les populations d’origine kanake sont très majoritairement favorables à l’indépendance : la Province Nord a voté à 75,8% pour le "oui", encore plus la province des Îles Loyauté à 82,2%. Les communes de Hienghène à 94,8%, Lifou à 79,9%, Ouvéa à 84,2%, Koné à 64,3%, Poindimié à 79,3%, Thio à 83,1%, etc. En revanche, la Province Sud a voté contre l’indépendance à 73,7%, et la commune de Nouméa contre à 80,5%.

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Il faut pondérer ce grand contraste géographique avec l’abstention car si les deux Province Nord et Sud ont beaucoup voté (respectivement 86,0% et 83,0% de participation), les Îles Loyauté ont eu beaucoup d’abstention, 41,1%, or les Îles Loyauté ont deux fois plus d’électeurs que la Province Nord (et deux fois moins que la Province Sud).

Cette fracture territoriale va donc nécessiter la poursuite d’un dialogue constructif pour réduire les inégalités en Nouvelle-Calédonie. Les anti-indépendantistes vont avoir du mal à convaincre le gouvernement d’annuler la possibilité de deux autres référendums d’autodétermination d’ici à 2020 et à 2022, comme l’impose l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998 négocié par Lionel Jospin.

Après sa visite officielle au Vietnam, le Premier Ministre Édouard Philippe s’est rendu en Nouvelle-Calédonie ce lundi 5 novembre 2018 pour tirer les premières conclusions de ce référendum dont il avait fixé la date et la question à la suite du dernier Comité des Signataires de l’Accord de Nouméa après une longue nuit de négociation du 27 au 28 mars 2018.

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Édouard Philippe, accompagné de la Ministre des Outremers Annick Girardin, a rencontré, à Nouméa, les forces politiques, le Comité des Sages, la commission de contrôle des opérations de vote, les étudiants de l’Université de Nouvelle-Calédonie, et s’est déplacé à Koné pour rencontrer également Paul Néaoutyne, le président de la Province Nord, et Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne (parti indépendantiste, composante du FLNKS).

Pour Édouard Philippe, ce référendum est un « véritable succès démocratique et populaire » et il a donné rendez-vous à toutes les forces politiques néo-calédoniennes à Paris en décembre 2018 pour se focaliser sur les sujets économiques et sociaux : « Il faudra que nous trouvions aussi le temps et la méthode pour échanger, État et forces politiques, sur ces enjeux de société. ».

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Si le "oui" a été si faible, c’est peut-être parce que le gouvernement a refusé de prendre position. Pour Emmanuel Macron et Édouard Philippe, l’enjeu était également international. L’ONU considère que la Nouvelle-Calédonie est un territoire colonisé et la stricte neutralité du gouvernement français ainsi que la sincérité du référendum sont des éléments visant à rejeter cette critique de colonisation.

Dans son allocution télévisée (dont on peut lire le texte intégral ici) qui a eu lieu ce 4 novembre 2018 à 13 heures, heure de Paris, et donc 23 heures, heure de Nouméa, Emmanuel Macron a cependant exprimé sa fierté du résultat : « Les électeurs ont pu choisir souverainement, en connaissance de cause, la relation entre la Nouvelle-Calédonie et la France. Ils se sont exprimés aujourd’hui, majoritairement pour que la Nouvelle-Calédonie reste française. Je dois d’abord dire l’immense fierté que nous ayons ensemble passé cette étape historique. Je veux aussi dire la fierté pour le chef de l’État que la majorité des Calédoniens ait choisi la France. C’est pour nous une marque de confiance dans la République française, dans son avenir et dans ses valeurs. Cette fierté, chacun peut la ressentir et la partager. ».

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S’adressant aux indépendantistes qui ont échoué : « Je veux dire que l’État est engagé au côté de la Nouvelle-Calédonie, pour garantir dans la durée, la dignité de toutes les composantes de la société autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Ces valeurs sont celles de la République française, comme elles sont celles de l’Océanie. Nous pouvons les partager au-delà de nos divergences dans l’humilité et dans le respect. ».

L’Exécutif va devoir faire preuve de beaucoup d’habileté pour rassurer les anti-indépendantistes sur les perspectives d’autres référendums d’autodétermination et les indépendantistes sur la notion d’une plus grande égalité sociale et économique. Le feu peut toujours se rallumer, ce qui explique l’extrême prudence du gouvernement pendant cette campagne référendaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (06 novembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nouvelle-Calédonie : un timide oui pour la France.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 novembre 2018 sur la Nouvelle-Calédonie.
Résultats du référendum du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie.
Paris à l’écoute de la Nouvelle-Calédonie.
Discours du Président Emmanuel Macron le 5 mai 2018 à Nouméa.
Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2017 à Nouméa.
L’assaut de la grotte d’Ouvéa selon Michel Rocard.
Jacques Lafleur.
Dick Ukeiwé.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
Lionel Jospin.
Michel Rocard.
Edgard Pisani.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181104-nouvelle-caledonie.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/nouvelle-caledonie-un-timide-oui-a-209315

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2018/11/06/36845052.html



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