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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
1 juin 2020

Olivier Mazerolle et le covid-19

« Les maladies du cœur, aussi bien que celles du corps, viennent à cheval et en poste, mais elles s’en revont à pied et au petit pas. » (Saint François de Sales, protecteur des journalistes, 1609).



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Longtemps journaliste de la radio RTL, de 1980 à 2001 (et aussi de 2015 à 2017), Olivier Mazerolle est devenu une star du journalisme politique à la télévision. Ce qu’on appelle "mandarin" chez les médecins. Il a longtemps animé l’une des émissions politiques les plus anciennes du paysage audiovisuel français, "Le Grand Jury" sur RTL avec des partenaires divers en fonction des périodes ("Le Monde", "Le Figaro", LCI, etc.). Olivier Mazerolle a eu aussi des fonctions managériales, comme directeur de l’information puis directeur général adjoint de RTL.

Passé au service public comme directeur de l’information de la chaîne France 2 de 2001 à 2005, Olivier Mazerolle a fait partie de ces journalistes qui comptaient, avec l’animation de l’émission politique régulière de la chaîne (avec Alain Duhamel puis avec Arlette Chabot). C’est lui qui a notamment recruté David Pujadas en 2001 en poste sur LCI. Une "mésaventure" à propos d’une "fausse information" annoncée trop prématurément en février 2004 (sur le retrait politique de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé) a réduit une certaine arrogance, celle de croire planer sur l’information nationale.

Disons-le, c’est connu dans tous les métiers, dans toutes les professions, quand on atteint des postes très en vue, c’est toujours difficile de résister et de garder la tête froide. Les journalistes ne sont pas plus arrogants que les autres, seulement ils s’affichent plus facilement car c’est leur métier de s’afficher. À cela, il faut ajouter qu’un bon journaliste est maintenant celui qui a de l’audience, pas celui qui analyse bien. Et un accroc rend souvent plus humble.

Olivier Mazerolle a ainsi trouvé une terre d’asile sur BFM-TV de 2005 à 2013, puis, après une aventure provençale (Bernard Tapie lui a proposé la direction de la rédaction de "La Provence" de 2013 à 2014), et un retour sur RTL, le voici maintenant sur …LCI.

Ce mercredi 27 mai 2020, c’était donc un nouvel embauché qui se retrouvait sur le plateau de LCI, interrogé par …son ancien poulain, David Pujadas (lui-même évincé de France 2 et repêché par LCI). Un entretien plein d’humilité et même si c’était pour un drame, un drame hélas assez commun en temps de crise sanitaire, humilité a rimé avec sincérité. Envolée l’arrogance, envolé ce sentiment d’être convaincu d’être les meilleurs. Humilité.

Olivier Mazerolle n’était plus l’intervieweur mais l’interviewé, pour témoigner. Car il a été malade du covid-19 et il a été hospitalisé (comme plus de 100 000 Français). Je crois qu’il est sorti de l’hôpital le 18 avril. Il a simplement raconté sa mésaventure. Simplement, sans se victimiser, sans non plus de l’égocentrisme (il sait bien qu’il n’a pas été le seul), mais juste pour faire savoir. Son témoignage l’honore d’autant plus qu’il était très loin de vouloir s’impliquer dans une polémique pseudo-médicale (voir plus loin) qui le concernait pourtant.

Il a commencé à avoir les symptômes du covid-19 le 15 mars. Une fièvre qui frôlait les 39°C. Suivi par son médecin traitant, il est allé aux urgences. Toujours pour refuser la polémique, il a refusé de dire dans quel hôpital, car il n’en voulait à aucun soignant mais voudrait dénoncer un système. Aux urgences, il se sentait vraiment pris pour un c@n. On lui a dit de repartir chez lui avec du Doliprane, et en cas de difficultés pour respirer, d’appeler le 15. C’était très commun. Et angoissant. L’idée d’être abandonné dans la nature.

Plusieurs jours sont passés et la fièvre s’est intensifiée. Le médecin traitant lui a conseillé de retourner aux urgences. Il y est allé (ailleurs ?) avec un mot de recommandation de son médecin. Là, il a été très bien suivi, on l’a hospitalisé, mis sous oxygène. C’était grave, mais autant les quatre jours restés chez lui l’ont beaucoup angoissé, l’impression de ne pas avoir été pris en charge, autant, une fois hospitalisé, il a eu l’impression d’être comme un bébé, l’impression qu’on s’occupait (enfin) de lui, même si c’était parfois assez dur (perfusion, prise de sang, etc.).

Pendant ces jours de début d’hospitalisation, il était encore conscient mais parfois dans les vapeurs, et un membre de sa famille et lui-même aussi ont insisté pour être soigné avec l’hydroxychloroquine (voyez pourquoi je parle de polémique plus haut). Cela a duré quelques jours pour se décider : certains médecins étaient opposés à sa prescription et après réunion des médecins du service, il a finalement été accepté le principe de le traiter à l’hydroxychloroquine, comme traitement dit compassionnel (il ne fait pas d’effet, mais il est demandé par le patient et s’il sait ce qu’il risque, pourquoi pas ?). Et en effet, il a été informé des risques pour son cœur. Il a quand même… 77 ans (eh oui), ce n’est pas rien. Il a signé une décharge et a été soigné à l’hydroxychloroquine.

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Dans son témoignage, il a expliqué sans passion qu’il n’a pas de position sur cette molécule mais qu’il a constaté, une fois sorti de l’hôpital, en lisant son dossier médical, que cela allait mieux les jours après avoir pris ce médicament. Évidemment, il est conscient que cela ne constitue pas une preuve scientifique et que peut-être que cela aurait mieux allé aussi sans cette molécule (il était bien suivi). Son témoignage n’a pas eu pour but de replonger dans la polémique avec le professeur Didier Raoult, mais plutôt pour dénoncer quelques dysfonctionnements.

Cependant, restons brièvement sur l’hydroxychloroquine et insistons pour dire que lorsque les "partisans" de sa supposée efficacité passent leur temps à démolir une étude (de "The Lancet") qui conclut à son inefficacité (confirmée dans tous les pays par quasiment toutes les études), c’est toujours suspect : ils feraient mieux (ce serait logique) de passer du temps plutôt à prouver son efficacité. Refuser de faire les tests cliniques selon les protocoles de recherche reconnus, c’est admettre finalement que la molécule n’a aucun effet.

Quant à Olivier Mazerolle, visiblement, il n’a pas pris l’hydroxychloroquine selon la procédure Raoult puisqu’il était déjà très engagé dans la maladie, sous assistance d’oxygène depuis plusieurs jours et avec une forte fièvre (on lui a d’ailleurs dit que s’il était venu aux urgences un jour plus tard, il aurait été en réanimation avec tout ce que cela comportait en termes de mortalité).

Bref, Olivier Mazerolle est revenu de loin et après plus d’un mois de convalescence, il lui a paru nécessaire d’apporter son témoignage. Bravo à lui pour ce courage et surtout, sa volonté de neutralité et d’objectivité.

Ce qu’il a dit est intéressant car il a confirmé d’autres témoignages d’anciens malades et aussi, cela en dit long sur le système de santé : il y a un véritable fossé entre la médecine de ville (les généralistes) et la médecine hospitalière. Et c’est à son avis (et je pense qu’il a raison) un grand dysfonctionnement car qui connaît mieux le patient que son médecin traitant ? Il a eu l’impression d’avoir été un numéro aux premières urgences et que la connaissance du patient ne comptait pas.

C’est une impression et quand on lit aussi certains témoignages d’urgentistes dans la seconde quinzaine de mars (au plus fort de l’épidémie), l’aspect très impersonnel pouvait se concevoir en raison du nombre de patients à traiter. L’un a mis dans son journal de bord qu’à un moment, comme seule connaissance du patient aux urgences, c’était : à intuber ou pas ?

Mais ce fossé entre les deux médecines est effectivement regrettable. Les médecins de ville ont été mis "dans la boucle" du covid seulement très tardivement, au milieu du mois de mars (avant, c’était l’hôpital qui s’en occupait), ce qui a fait qu’ils ont mis un certain temps à comprendre cette nouvelle maladie. Ce n’est que vers la fin mars qu’on a su, par exemple, que parmi les symptômes les plus fréquents, il y avait la perte de goût et d’odorat, or, à l’hôpital, on ne s’occupe que des cas les plus graves, souvent placés en coma artificiel et ce que ressentent les patients sans forme sévère n’était pas la priorité (et impossible à savoir puisque renvoyés chez eux).

Les médecins de ville ont l’avantage de connaître les patients, leur histoire, de pouvoir discuter avec eux sans être en permanence en situation d’urgence. Ils sont donc complémentaires aux médecins des hôpitaux qui sont évidemment indispensables et précieux en cas de complication.

D’ailleurs, même les statistiques sont hospitalières. Le gouvernement n’a misé que sur la médecine hospitalière, si bien qu’il a fallu attendre le 4 avril pour avoir des statistiques complémentaires aux hôpitaux, à savoir le nombre de cas et de décès en EHPAD et assimilés. Néanmoins, cela ne fournit pas les statistiques des personnes malades du covic-19 qui meurent chez eux. Un syndicat de médecins généralistes avait estimé, selon une étude, 9 000 décès à domicile du covid, néanmoins, cette étude ne m’a paru pas très rigoureuse puisqu’ils ont fait une règle de trois entre les quelque 2 000 médecins qui avaient répondu à un questionnaire et les quelque 55 000 médecins généralistes que compte le pays, pas très rigoureuse car rien n’indique que ceux qui ont répondu soient représentatifs, en termes de covid, à l’ensemble du pays.

Inutile de dire aussi que les tests cliniques ne sont réalisés qu’à l’hôpital, et cela pour plusieurs raisons : il faut une surveillance accrue (pour l’hydroxychloroquine, par exemple, surveillance du cœur), et il faut aussi avoir un retour du patient, c’est-à-dire, pouvoir les observer, pouvoir connaître l’évolution de l’état du patient selon son traitement, or, à domicile, le taux de réponse est très faible tandis qu’à l’hôpital, forcément, le patient est accessible immédiatement pour connaître l’évolution de son état.

La crise d’urgence sanitaire a déjà permis quelques évolutions à mon sens favorables, comme les téléconsultations par Internet de son médecin traitant, quand il n’est pas nécessaire d’avoir une auscultation précise (par exemple, la prescription de médicaments permanents), la consultation à distance paraît la meilleure solution pour les deux, patients et médecins (j’avoue que je n’y croyais pas avant cette crise, je trouve finalement que c’est très efficace). Il reste cependant un effort à faire pour connecter médecin traitant et hôpital, ou plus exactement, service des urgences. Cela risque de se résoudre par un dossier médical partagé plus systématiquement (c’est déjà un peu le cas).

Olivier Mazerolle a eu la formule avec un léger humour de dire qu’il a continué à faire du journalisme, mais en immersion, à la place des malades… parce que malade. Je l’ai donc trouvé très courageux, d’une part, de parler de lui sans faire trop d’ego mais aussi sans trop de pudeur, pour évoquer les dysfonctionnements qu’il a vécus et que beaucoup de patients dans son cas ont vécus, et d’autre part, de ne pas sombrer dans la polémique de l’hydroxychloroquine au contraire de certains de ses contemporains. S’il voulait en prendre, c’est parce qu’il n’imaginait pas ne rien faire pour tenter de guérir.

Au crépuscule de sa carrière de "grand" journaliste, Olivier Mazerolle a repris humblement les habits d’un petit reporter. Inutile de dire qu’il voit la vie maintenant d’un autre œil, éprouvé. Un peu comme Jean d’Ormesson, lui qui n’avait jamais eu aucun souci dans la vie, très éprouvé par sa maladie, et après une accalmie, avait pu témoigner sur le si grand dévouement du personnel soignant avant hélas de sombrer et s’éteindre.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 mai 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Olivier Mazerolle.
Alain Duhamel.

_yartiMazerolleOlivier03



http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200527-olivier-mazerolle.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/olivier-mazerolle-et-le-covid-19-224851

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/05/28/38329048.html



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