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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
25 août 2020

Barbara Pompili, "l’écolo" de service

« Je remercie vivement M. le Président de la République et M. le Premier Ministre pour la confiance qu’ils m’apportent en me confiant une immense et lourde tâche, sur laquelle je sais que je suis très attendue par tout le monde. Je mesure parfaitement l’ampleur de la tâche, des attentes et les énormes obstacles. Mais je sais aussi mon immense volonté de faire bouger les choses : je n’y arriverai pas toute seule, mais M. le Premier Ministre m’a assuré, et je l’en remercie, que je pourrai compter sur l’ensemble du gouvernement, sur cette équipe qui me soutiendra et avancera avec moi. » (Barbara Pompili, le 8 juillet 2020).



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Bâton de maréchale, avec un e, que cette nomination tant espérée. Troisième dans l’ordre protocolaire après Jean Castex et Jean-Yves Le Drian. Barbara Pompili, députée LREM, a été nommée le 6 juillet 2020 à cet important poste gouvernemental de Ministre de la Transition écologique (elle a perdu le "solidaire" voulue par Nicolas Hulot) dans le gouvernement de Jean Castex.

Il y a une trentaine d’années, on aurait haussé les épaules, mais depuis 2007, la fonction est essentielle, parfois accompagnée du prestigieux titre de "Ministre d’État" comme ce fut le cas pour Alain Juppé, Jean-Louis Borloo, Nicolas Hulot et François de Rugy, et même sans ce titre, il y a eu des poids lourds politiques, Nathalie Kosciusko-Morizet, Ségolène Royal, ou moins lourds, Nicole Bricq, Delphine Batho, Élisabeth Borne… Pour Barbara Pompili, c’est le résultat d’une stratégie personnelle réussie d’une vingtaine d’années d’opportunisme politique.

Barbara Pompili, diplômée de l’IEP de Lille, est encore assez jeune, 45 ans, mais elle a déjà beaucoup de "bouteille" dans la politique. Elle s’est engagée en 2000 chez les écologistes, à savoir chez les "Verts" puis "Europe Écologie". Elle a été collaboratrice parlementaire du député écologiste Yves Cochet (qui est devenu Ministre de l’Environnement dans le gouvernement de Lionel Jospin). Barbara Pompili s’est présentée aux élections législatives de juin 2007 à Paris (contre Jean-François Lamour) où elle n’a obtenu que 2,3% des voix. Aux élections municipales dans le 15e arrondissement (contre le maire sortant Philippe Goujon) en mars 2008, elle n’a guère recueilli plus de voix, seulement 4%. Des scores désastreux en raison de ses candidatures autonomes.

Tout a changé avec la campagne très dynamique de Daniel Cohn-Bendit aux élections européennes de juin 2009, où les écologistes ont fait jeu égal avec les socialistes. Martine Aubry, première secrétaire du PS, a alors négocié avec EELV (Europe Écologie Les Verts) de nombreuses circonscriptions afin de garantir un soutien à la candidature socialiste à l’élection présidentielle (et cela malgré la candidature de l’ancienne juge Eva Joly). Barbara Pompili a obtenu une investiture à Amiens. Résultat, grâce à ce parachutage bienveillant (sans candidat du PS), Barbara Pompili fut élue députée en juin 2012, de justesse, avec 50,8% des voix, contre un proche de l’ancien ministre Gilles de Robien, et fut réélue en juin 2017 sous une autre étiquette (voir plus bas), face à un candidat FI.

Entre juin 2012 et février 2016, elle fut la coprésidente du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale : c’était dans les accords avec le PS d’avoir pu former un groupe parlementaire dans chacune des assemblées. Barbara Pompili coprésida donc le groupe à l’Assemblée Nationale avec François de Rugy (le statut de "coprésident" n’est en fait pas reconnu officiellement, il faut un seul nom), tandis qu’au Sénat, les écologistes, toujours grâce aux accords très favorables avec le PS, ont pu former aussi un groupe dès septembre 2011, présidé par Jean-Vincent Placé, ancien collaborateur parlementaire de l’ancien député-maire radical de gauche Michel Crépeau.

Barbara Pompili, François de Rugy et Jean-Vincent Placé sont ce que j’appellerais des "écologistes opportunément opportunistes", à savoir, comme les animaux domestiques, ils vont là où la gamelle est pleine. Je suis sans doute un peu dur mais comment dire autrement ? Ces parlementaires n’ont dû leur mandat parlementaire qu’au bon vouloir du parti socialiste, ils auraient été socialistes que leurs électeurs n’y auraient vu que du feu.

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Pour l’heure, ce n’était pas "leur" moment. Martine Aubry a perdu la primaire du PS en octobre 2011 et l’élection de François Hollande a consacré le leadership des écologistes de Cécile Duflot au gouvernement à partir de mai 2012, jusqu’à la nomination de Manuel Valls à Matignon, en mars 2014. Prétextant l’arrivée de ce dernier, Cécile Duflot a claqué la porte du gouvernement, histoire de se refaire une virginité en vue de l’élection présidentielle de 2017 (sans succès).

Pour les "écologistes opportunistes", c’était la fin du rêve ministériel : comment être ministre en dehors d’un quinquennat socialiste ? La question reste d’actualité et Yannick Jadot (le leader d’aujourd’hui) semblerait avoir quelques prétentions à s’éloigner des socialistes. En 2014, la perspective d’un retour de la droite parlementaire semblait déjà acquis pour 2017.

Heureusement, les manœuvres de François Hollande avaient les mêmes objectifs que ces "écologistes opportunistes" : il suffisait de négocier. Le prix à payer fut assez cher d’ailleurs pour ces derniers. Barbara Pompili et Jean-Vincent Placé ont obtenu des strapontins dans le gouvernement de Manuel Valls en février 2016, pour un an, donc, tandis que François de Rugy a obtenu une vice-présidence de l’Assemblée Nationale. Mais le prix était très élevé : la dissolution du groupe écologiste à l’Assemblée Nationale. Les "écologistes opportunistes" ont dû quitter EELV et ont créé leur propre parti au nom si fade qu’il n’est même pas utile de le citer. Dans cette opération, François Hollande a surtout réussi à convaincre la secrétaire nationale de EELV en titre, Emmanuelle Cosse, de rejoindre le gouvernement, ce qui était un débauchage plus méritant que celui des deux autres.

Ainsi, Barbara Pompili est devenue Secrétaire d’État auprès de Ségolène Royal chargé de la Biodiversité du 11 février 2016 au 10 mai 2017. Travailleuse, elle a terminé de défendre la loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. François de Rugy, hors du gouvernement, s’est, quant à lui, présenté à la primaire du PS en janvier 2017, ce qui montrait que ce petit groupe était encore à fond dans une alliance avec les socialistes.

La désignation de Benoît Hamon et la forte popularité du candidat Emmanuel Macron ont bouleversé la situation : Manuel Valls, François de Rugy et Barbara Pompili, au lieu de soutenir le candidat socialiste officiel, ont soutenu Emmanuel Macron à l’élection présidentielle, et les deux derniers ont clairement adhéré au parti président LREM, ce qui leur retirait leur "écologisme de parti" (même s’ils sont toujours membres d’un microparti écologiste intégré à LREM).

Le soutien de Barbara Pompili à Emmanuel Macron avait un certain courage puisque ce fut la première fois qu’un membre du gouvernement prenait position en faveur d’Emmanuel Macron, le 21 mars 2017. Jean-Yves Le Drian, par exemple, n’a pas eu le cran de s’engager officiellement avant elle. Certes, à cette date, Emmanuel Macron pouvait déjà être considéré comme le favori du scrutin présidentiel, reprenant des électeurs déçus tant de François Fillon que du PS qui ne se reconnaissaient ni dans un candidat assombri par un nuage judiciaire ni par un candidat qui remettait en cause la doctrine même du PS (Benoît Hamon). En tout cas, cela aurait été nécessairement le bon choix pour des "opportunistes de gauche", s’ils ne voulaient pas être laminés aux élections législatives suivantes.

L’investiture LREM a permis la réélection très confortable de Barbara Pompili avec 61,9% des voix (sa circonscription était celle de l’entreprise Whirpool). Elle ainsi que François de Rugy sont donc arrivés dans la Macronie avec une longueur d’avance sur les jeunes et nouveaux députés LREM : ils ont déjà l’expérience politique, parlementaire voire ministérielle. Ils sont donc devenus des "barons". François de Rugy est parvenu à se faire élire au perchoir, tandis que Barbara Pompili s’est contentée de la présidence de la commission du développement durable de l’Assemblée à partir de juin 2017. À ce poste, elle a été très active. Après la démission de François de Rugy pour cause de nomination au gouvernement, Barbara Pompili s’est présentée à la primaire LREM pour se faire élire au perchoir mais Richard Ferrand a gagné.

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C’était donc normal que son tour allât venir au gouvernement. Jeune, femme, expérimentée et étiquetée "écologiste" même si le vert semble très pâle, elle avait tout pour retourner au gouvernement par la grande porte (d’autant plus que François de Rugy, à cause des homards, ne pouvait plus lui faire d’ombre). Sa véritable rivale dans la formation du gouvernement fut plutôt Ségolène Royal qui était prête à vendre chèrement son ralliement à Emmanuel Macron.

Une petite anecdote a été racontée par "Le Canard enchaîné" du 29 juillet 2020 à cette occasion. Jean-Yves Le Drian, socialiste, aurait sondé Ségolène Royal pour faire son retour au gouvernement. Il est vrai que Jean Castex et Emmanuel Macron cherchaient un poids lourd pour occuper l’Écologie. Jean-Yves Le Drian aurait alors envoyé un sms à Emmanuel Macron pour lui dire que ce serait possible avec Ségolène. Le Président aurait alors répondu à son ministre : pas la peine, nous mettrons Barbara. Et Jean-Yves Le Drian de répondre : "Pompili très bien, c'est quand même mieux que l'autre folle de Ségo". Le problème, c’est qu’il aurait envoyé ce sms à Ségolène Royal elle-même !…

Lorsque Barbara Pompili s’est présentée ministre de la transition écologique pour la première fois devant les députés, le 8 juillet 2020, répondant à une question bienveillante de la députée LREM de Grenoble Émilie Chalas, elle a prononcé maladroitement ces premiers mots : « Je vous remercie, chère collègue, pardon, madame la députée… J’ai encore du mal à passer de l’autre côté de la barrière ! (…) Je commencerai par vous dire combien je me sens émue d’être là, dans notre maison commune que j’aime tant et où je sais compter beaucoup d’amis et d’appuis. ».

Sur le plan politique, Barbara Pompili occupe aujourd’hui une place stratégique dans le dispositif gouvernemental puisqu’elle va devoir convaincre "l’opinion publique" sur le tournant écologique du quinquennat d’Emmanuel Macron.

La première présentation de son programme n’a cependant pas été très concluante. Le 27 juillet 2020, en effet, s’est tenu le Conseil de défense écologique dont la mission est de mettre en place les propositions de la Convention citoyenne pour le climat : « C’est une première pierre avec une focalisation sur les sujets majeurs pour la lutte contre le réchauffement climatique que sont la rénovation thermique des bâtiments et la lutte contre la bétonisation des terres naturelles. Une autre étape arrivera rapidement avec le projet de loi dédié aux propositions de la Convention qui est en cours de préparation, ainsi que le plan de relance. ».

Le principal point de ce programme concerne la rénovation énergétique des bâtiments. Au-delà de l’interdiction des chauffages extérieurs sur l’espace public (terrasses de restauration), de l’obligation de fermer les portes de tous les bâtiments chauffés ou climatisés ouverts au public, à la fin de l’hiver 2020-2021, ainsi que de l’obligation, à partir de janvier 2022, de remplacer les chaudières fioul ou charbon en fin de vie par une chaudière plus vertueuse sur le plan environnemental (cela concerne 3,6 millions de résidences principales), le point principal concerne évidemment les logements : « Prise en compte de la consommation d’énergie dans la définition des logements indécents. Concrètement, il sera possible, à partir de 2023, d’obliger à réaliser des travaux de rénovation, voire d’interdire à la location les logements les moins performants sur le plan énergétique. ».

Un premier décret va fixer le seuil définissant "l’indécence énergétique", à compter du 1er janvier 2023, à 500 kWh/m2/an. Un second décret prévu à publication début 2021 donnera l’objectif d’interdire la mise en location de logements "énergiquement indécents". Cela concerne plus de 5 millions de "logements passoires énergétiques".

Comme on le lit, les mots "obligation" et "interdiction" sont très fréquents et donc, déterminent le principe d’une écologie punitive qui sera considérée comme contrainte et pas comme progrès par les gens. Rien de nouveau dans cette habitude très française de réglementer, imposer, interdire, obliger. Écologie restera alors synonyme de frais supplémentaires sans pour autant avoir l’absolue certitude que cela se fera pour le "bien" de la planète. L’aide à la rénovation énergétique du parc privé atteindra 2 milliards d’euros, ce qui signifie que le montant de l’aide ne sera en moyenne que de 400 euros par "logement passoire", ce qui, évidemment, est très nettement insuffisant.

Mais la ministre est sur plusieurs fronts. Ce mardi 25 août 2020, Barbara Pompili visitera le camping municipal d’Olivet, près d’Orléans, pour vérifier sur le terrain l’efficacité de la lutte contre l’usage de produits phytosanitaires. La législation actuelle interdit l’usage des produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des jardins et espaces verts, aux collectivités publiques à partir du 1er janvier 2017 et aux particuliers à partir du 1er janvier 2019, ce qui a permis de réduire de 70% l’usage des pesticides.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 août 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les écolo-pastèques.
Barbara Pompili, "l’écolo" de service.
François Bayrou sera-t-il le Jean Monnet du XXIsiècle ?
Secrétaires d’État du gouvernement Castex : des nouveaux et des partants.
Nomination des secrétaires d’État du gouvernement Castex I.
Gérald Darmanin, cible des hypocrisies ambiantes.
Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 16 juillet 2020 au Sénat (texte intégral).
Discours du Premier Ministre Jean Castex le 15 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale (texte intégral).
La déclaration de politique générale de Jean Castex le 15 juillet 2020.
Interview du Président Emmanuel Macron le 14 juillet 2020 par Léa Salamé et Gilles Bouleau (retranscription intégrale).
Emmanuel Macron face aux passions tristes.
L'enfant terrible de la Macronie.
Composition du gouvernement Castex I.
Le gouvernement Castex I nommé le 6 juillet 2020.
Jean Castex, le Premier Ministre du déconfinement d’Emmanuel Macron.
Discours du Président Emmanuel Macron devant la Convention citoyenne pour le climat le 29 juin 2020 à l’Élysée (texte intégral).
Après-covid-19 : écologie citoyenne, retraites, PMA, assurance-chômage ?
Édouard Philippe, le grand atout d’Emmanuel Macron.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Convention citoyenne pour le climat : le danger du tirage au sort.
Les vrais patriotes français sont fiers de leur pays, la France !
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
Retraites : Discours de la non-méthode.
La réforme de l’assurance-chômage.
Emmanuel Macron explique sa transition écologique.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200708-barbara-pompili.html

https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/barbara-pompili-l-ecolo-de-service-226616

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/07/10/38422755.html




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