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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
1 août 2020

Bioéthique 2020 (7) : l’inquiétante instrumentalisation du vivant

« Votre souci de répondre au désir de femmes très minoritaires, d’accéder à la PMA sans père, justifie-t-elle de bouleverser la filiation, de créer des gamètes artificiels, des embryons transgéniques ou chimériques ? N’y aura-t-il plus aucune limite à la toute-puissance de la volonté des adultes ? Notre société n’est-elle plus capable de répondre négativement aux demandes d’accès à la technique, si celles-ci ne sont pas humainement souhaitables ? (…) On ne commande pas des enfants : ils ne sont pas un bien, une marchandise, un dû. » (Thibault Bazin, le 27 juillet 2020 à l’Assemblée Nationale).



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Le 28 juillet 2020, Jean Castex a déclaré dans l’Hémicycle : « J’écoute, dans la fonction qui est désormais la mienne, les évolutions de la société. Je m’inscris, avec la majorité parlementaire, dans une démarche de progrès. J’affermis l’autorité de l’État et la laïcité de la République. Je construis le dialogue social et la libération des territoires. ». Étrange fin de réponse (hors sujet) du Premier Ministre à une question posée sur …la bioéthique : « C’est du bla-bla », scanda alors en réponse le député Pierre Cordier.

Comme je l’expliquais dernièrement, le projet de loi sur la bioéthique dont la seconde lecture était en discussion à l’Assemblée Nationale du 27 au 31 juillet 2020, ne porte pas seulement sur toute la problématique de la PMA élargie à toutes les femmes, mais également sur beaucoup de mesures très inquiétantes concernant l’expérimentation sur les embryons humains.

L’opposition LR à l’Assemblée Nationale a souhaité en faire un combat politique pour s’opposer à la fois au fond (multiple) du texte mais aussi à la forme, vouloir "en catimini" faire adopter un texte majeur dans la torpeur estivale en plein milieu d’une double crise sanitaire et économique. Il suffit de voir la très faible "couverture" médiatique des débats… Même la Chaîne parlementaire (LCP) semble s’en moquer puisqu’elle ne retransmet pas les débats à la télévision, du moins en direct.

Si plusieurs députés LR ont fait front, il faut cependant remarquer que le groupe LR lui-même est très partagé et la direction de LR a laissé la liberté "absolue" de vote pour un texte sociétal où la position est plus de l’ordre de la conscience individuelle que de la posture politique. Ainsi, seulement une partie du groupe s’est opposée à l’introduction de la PMA pour toutes, votée le mercredi 29 juillet 2020 dans la soirée.

Il me paraît très incertain que le texte complet soit adopté avant la fin de la session extraordinaire, avant la pause du mois d’août et ce sera bienheureux. Il est nécessaire de prendre du temps, et si le gouvernement explique que ce temps a déjà été pris (le texte a été déposé au bureau de la Présidence de l’Assemblée Nationale il y a un an, le 24 juillet 2019), il suffit de faire un petit sondage sur 1° la connaissance de toutes les mesures contenues dans le texte (hors PMA, seule mesure qui a reçu une publicité médiatique), 2° quelles sont les enjeux que sous-tendent ces mesures ? 3° quelle est votre avis ? La dernière question est très compliquée car il faut comprendre de quoi on parle et que veut faire passer en force le gouvernement ou sa majorité qui semble plus "radicale" à ce sujet.

En outre, le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran n’a quasiment pas pris part aux travaux de la commission spéciale pour préparer l’examen du texte en seconde lecture, ce qui ne montre pas un respect très éclatant pour la représentation nationale. Si la raison, c’était que le ministre avait beaucoup d’autres fronts (la pandémie du covid-19 n’est pas terminée), alors, pourquoi le gouvernement s’obstinerait-il tant à aller si vite que ses ministres ne suivent pas ?

Dès le 21 juillet 2020 aux questions au gouvernement, le groupe LR a protesté car ni le Président de la République Emmanuel Macron dans son interview du 14 juillet 2020 ni le Premier Ministre Jean Castex dans sa déclaration de politique générale le 15 juillet 2020, n’avaient ne serait-ce qu’évoquer le projet de loi de bioéthique, et c’est pourtant le premier texte de loi significatif qui passe à la discussion quelques jours après la nomination du nouveau gouvernement. Là, on n’est plus avec l’attentisme concernant la réforme des retraites, mais c’est vrai que les embryons humains n’ont pas la capacité de se mobiliser et de faire la grève comme ce fut le cas pour de nombreux salariés avant la crise sanitaire.

Ainsi, Annie Genevard (LR), par ailleurs vice-présidente de l’Assemblée, a interpellé le gouvernement : « C’est au cœur de l’été, en pleine crise économique, que vous avez voulu présenter en catimini la seconde lecture du texte bioéthique. Le 14 juillet, le Président de la République n’a pas dit un mot sur le sujet. Pas un mot non plus dans votre déclaration de politique générale, monsieur le Premier Ministre. C’est pourtant l’un des premiers textes que le gouvernement que vous dirigez soumet au Parlement. Personne ne comprendrait que vous restiez silencieux sur un texte aussi fondamental, à moins de vouloir vous dérober. » (21 juillet 2020).

Jean Castex n’a pas répondu à la question (Olivier Véran a répondu) et il a fallu attendre la séance de questions du 28 juillet 2020 pour qu’il daignât enfin se manifester sur le sujet. Deux fois même.

La première fois, répondant à une députée de la majorité (présidente de la commission spéciale, Agnès Firmin Le Bodo) : « Sur le fond, à l’initiative du gouvernement dirigé par mon prédécesseur et dans le cadre des engagements pris devant la nation par le Président de la République, on a abouti à un texte représentant une avancée considérable pour les familles, pour les patients et pour la recherche. Il s’agit bien sûr (…) des dispositions relatives à la PMA et à ses conséquences sur le droit à la filiation et à l’accès aux origines. Derrière tout cela, il y a parfois des drames mais aussi beaucoup d’espoirs, autant de situations humaines que nous allons alléger sinon régler. Et nous pouvons tous en être fiers. Comme nous pouvons être fiers des autres dispositions qui vont permettre d’importants progrès en matière de recherche scientifique, de dons d’organe et de thérapies ; je pense également aux avancées en matière d’éthique et d’encadrement de certaines pratiques, dont le traitement de données issues de l’intelligence artificielle pour les actes de soins. Oui, mesdames, messieurs les députés, je parle d’avancées très significatives et d’un équilibre qui a su être trouvé, sans drame sur des sujets dont je n’ignore pas la grande sensibilité, qui font miroir aux évolutions de notre société et interpellent le plus profond de nos consciences. (…) La GPA demeure notre ligne rouge ! D’autres sujets viendront légitimement en débat, telle la réservation des ovocytes pour le partenaire, la PMA postmoderne, ou encore le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdes [DPI-A] ou les tests génétiques en population générale : ils ne recueilleront pas plus qu’avant l’approbation du gouvernement ! Ce projet de loi, dans sa version équilibrée correspondant parfaitement à la pensée du Président de la République et de moi-même, va constituer une avancée majeure ».

C’est clair que cette première prise de parole de Jean Castex sur le sujet n’est pas convaincante : il ne fait que suivre des consignes extérieures (l’Élysée) et n’a pas une vision personnelle du texte, n’en a présenté aucun enjeu, ce qui a fait dire par un député LR (Philippe Gosselin) : « Ce n’est pas du niveau d’un Premier Ministre ! ». En somme, j’ai l’impression que Jean Castex se fiche comme de l’an 40 de cette loi de bioéthique et qu’il la fait passer car on lui a demandé de la faire passer, mais visiblement, le texte le dépasse largement. On n’apprend pas la bioéthique à l’ENA…

Je trouve par ailleurs scandaleux qu’il ose parler d’une avancée pour la recherche scientifique sans parler de l’expérimentation sur des embryons humains vivants ! Ce texte de loi, loin d’être équilibré, a définitivement fait admettre par l’État la réification du vivant. C’est une bride qui a éclaté et cela aura des conséquences ultérieures particulièrement fâcheuses (prenons date aujourd’hui).

La seconde fois où Jean Castex s’est exprimé sur le sujet, c’était quelques minutes plus tard quand Damien Abad a pris la parole. Damien Abad est une personnalité qui monde au sein de LR, élu président du groupe LR quand Christian Jacob a été élu président de LR. Damien Abad n’était évidemment pas satisfait par la réponse du Premier Ministre : « On voit combien vous êtes embarrassé, à tel point que vous avez préféré répondre à la majorité plutôt qu’à l’opposition sur un thème pourtant fondamental. ».

Damien Abad a évoqué alors l’inquiétude de certains parents : « À l’image des parents de la jeune Adélaïde, que j’ai rencontrés ce week-end en Ardèche. Ces derniers, qui sont tout simplement fiers et heureux de voir leur fille pleine de vie, s’interrogent et ne comprennent pas pourquoi votre majorité s’obstine à vouloir maintenir l’article 19 sur le diagnostic préimplantatoire et la détection systématique des aneuploïdes. Accepter un tel diagnostic pour toutes les trisomies, et surtout la trisomie 21, c’est faire un premier pas vers le tri des embryons (…). Mes chers collègues, vous ne pouvez pas jouer à la roulette russe avec les embryons. Vous ne pouvez pas jouer aux apprentis sorciers sur des questions aussi fondamentales que la vie humaine. (…) Dites la vérité : allez-vous retirer cette mesure potentiellement dangereuse et particulièrement offensante pour les familles d’enfants atteints de trisomie ? ».

La question avait le mérite de poser le vrai problème du gouvernement, car Jean Castex venait justement de dire son opposition à la mesure décriée par Damien Abad (donc, sur le fond, les deux hommes sont en accord). Mais c’est le groupe LREM qui est divisé car beaucoup voudraient pousser le texte bien plus loin que le point dit d’équilibre selon Jean Castex qui voudrait conserver le texte voté en première lecture : « Le texte a fait l’objet d’une longue concertation et a été amplement débattu. Ce processus, et j’en félicite toutes celles et ceux qui y ont contribué, a permis de progresser par rapport au texte gouvernemental, en prenant en considération différentes contributions, y compris venant des bancs de la droite. C’est un texte équilibré, je le répète, et je vous invite à ne pas remettre en cause cet équilibre. La majorité, j’en suis persuadé, partagera cette volonté. Nous faisons face à la nécessité de comprendre les évolutions de notre société et de l’apaiser. ».

Évidemment, la réponse du Premier Ministre n’a pas semblé rassurer Damien Abad : « Monsieur le Premier Ministre, je vous entends. Mais votre majorité est favorable à cet article [article 19], votre ministre des solidarités et de la santé a voté pour en première lecture [Olivier Véran était encore député], comme quasiment tous vos rapporteurs. La question centrale qui se pose est la suivante : est-on aujourd’hui sûr et certain que cela ne nous mènera pas à cette dérive dont les Français ne veulent pas et qui serait terrible pour notre société ? Au-delà de ce point, et puisqu’il est question de chimères, la bioéthique mérite mieux que des slogans. ».

Dans la discussion générale, le député LR Thibault Bazin, le 27 juillet 2020, laissa exprimer son inquiétude et sa colère : « Nous regrettons ce calendrier imposé : le texte est examiné alors que la session extraordinaire devait déjà se terminer la semaine dernière, en pleine période estivale pour que nos concitoyens ne puissent se mobiliser ni être informés de sa nouvelle version, bien pire que les précédentes. Nous déplorons aussi la manière dont s’est déroulé l’examen en commission spéciale, dans un temps contraint, à marche forcée, avec la présence du gouvernement pour un seul article sur une trentaine. Cela a permis le débordement du texte et le franchissement de nouvelles lignes rouges, comme sur la ROPA. Dans un contexte de difficultés économiques, sociales et sécuritaires profondes, que l’actualité récente nous a cruellement rappelées, n’est-ce pas une manière pour le gouvernement de faire diversion ? En tout cas, c’est faire fausse route pour répondre aux attentes des Français car, selon un récent sondage, l’inscription de la bioéthique à l’ordre du jour ne fait pas partie de leurs préoccupations et ce projet de loi divise profondément la société française. ».

Pour information, la ROPA est la réception de l’ovocyte par le partenaire, une disposition qui avait été adoptée par la commission spéciale pour la seconde lecture, qui permet le don d’ovocytes au sein d’un couple de femmes, ce qui fait que le dispositif s’apparenterait plutôt à une GPA, la mère porteuse était la partenaire féminine de la mère biologique. Cette disposition n’a finalement pas été retenue par les députés le 29 juillet 2020, ni non plus la PMA post mortem.

Thibault Bazin s’est "insurgé" sur le fond du texte : « Cette révision des lois bioéthiques, qui ne se résume pas à la PMA, tant s’en faut, prétend répondre aux progrès de la science et aux évolutions de notre société. Mais il faut nous interroger : la science évolue, mais est-ce toujours un progrès ? Le techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ? Ne peut-on craindre les effets de l’intelligence artificielle, de la médecine prédictive, de la neuromodulation ? Ne va-t-on pas vers l’homme augmenté ? La génomique, le séquençage, le ciseau moléculaire CRISPR-Cas9, et même aujourd’hui CRISPR-Cas13, nous conduisent-ils vers plus d’éthique ? ».

CRISPR signifie "Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats" qui signifie : "Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées", et ce sont des séquences répétées dans l’ADN. Le CRISPR-Cas9 permet d’introduire des modifications locales du génome (c’est un outil du génie génétique, une sorte de ciseau à ADN). Dans le même principe, le CRISPR-Cas13 cible l’ARN qu’il peut modifier localement au lieu de l’ADN. Le CRISPR-Cas13 peut être un outil de diagnostic très efficace et rapide (de maladies infectieuses et de maladies génétiques).

Poursuivant : « De surcroît, l’artificialisation de ces procréations nous fait courir des risques importants, tel que le droit à l’enfant parfait. Deux dispositifs adoptés en commission spéciale veulent nous y conduire : le DPI-A, qui revient à trier les embryons en fonction de leur génome, et l’élargissement du diagnostic prénatal. Imaginez-vous la dérive eugénique ? La pression de certains laboratoires est forte car les intérêts sont énormes, même si la fiabilité de ces dispositifs est faible et leurs résultats scientifiques contestés. Mais l’une de leurs motivations non avouées est le refus systématique de certains handicaps comme la trisomie 21. On nous parle de société inclusive, on va même visiter un Café Joyeux. En même temps, on autoriserait un tri des enfants à naître… Stop aux faux-semblants ! En bioéthique aussi, un peu de cohérence ne ferait pas de mal. Quel signal donne-t-on aux personnes handicapées et à leurs parents ? Où est l’accueil des plus vulnérables ? Le coût de ces examens est très élevé. Gardons plutôt ces ressources pour la recherche afin de soigner ces maladies et l’infertilité. ».

Thibault Bazin a fini son discours par le plus important : « La dérive transhumaniste est aussi présente dans ce texte : création de gamètes artificiels à partir de cellules IPS [cellules souches pluripotentes] ; création d’embryons transgéniques certes destinés, pour le moment, uniquement à la recherche ; création d’embryons chimériques avec l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal que l’on insère dans la femelle. Cette manipulation transgresse la frontière entre les espèces. Est-il anodin de détruire des embryons pour faire de la recherche ? Sinon, pourquoi toujours assouplir les démarches jusqu’à les réduire à une simple déclaration comme le prévoit votre projet ? Les embryons ne sont-ils pas des êtres en devenir ? Chacun de nous n’a-t-il pas été embryon ? Il convient de respecter l’intégrité de l’embryon humain. La pression des commerces de la reproduction ne doit pas nous conduire à franchir toutes ces barrières éthiques. La fin ne justifie pas les moyens. Le respect de la nature humaine, de l’écologie humaine et le principe de précaution devraient primer. Pourquoi ces principes valables pour notre planète ne le seraient-ils pas pour l’homme ? L’écologie, à laquelle les Français accordent de plus en plus d’importance, devrait respecter la nature et la dignité de l’homme dès sa conception. Mes chers collègues, je suis très inquiet des conséquences des transgressions éthiques contenues dans ce projet. Avec un Président de la République et une majorité hors sol, allez-vous faire de l’humain hors sol par chimérisme ou transgenèse jusqu’à faire croire à un nouveau monde où l’humain serait parfait grâce à un tri préalable ? Je ne veux pas de ce nouveau monde profondément inhumain. Comme la grande majorité des Français, je suis contre ce texte qui signifie la fin de la bioéthique à la française. ».

Je cite souvent le député Thibault Bazin sur les enjeux d’éthique car il nourrit une réflexion très pertinente, avec beaucoup de recul, loin des modes, en allant à l’essentiel, pour se prévaloir de deux principes : "l’éthique de la vulnérabilité" et "le respect inconditionnel de la personne", valeurs qui devraient être partagées par tous.

Certaines craintes de Thibault Bazin ont finalement été excessives puisque les dispositions les plus inquiétantes prises par la commission spéciale ont été écartées en séance publique (ROPA et PMA post mortem).

J’avais évoqué particulièrement deux articles du texte qui me paraissaient inquiétants. L’article 14 et l’article 19 (et suivants). L’article 14 a été débattu et adopté lors de la deuxième séance du 31 juillet 2020, qui vise à créer un statut juridique nouveau pour les cellules souches embryonnaires humaines à distinguer des embryons humains. L’article 19 a été débattu lors de la troisième séance du 31 juillet 2020 (séance de nuit) dont je n’ai pas encore l’issue.

Intéressons-nous à l’article 14 et aux arguments évoqués par des députés LR, Thibault Bazin, Annie Genevard, Patrick Hetzel, et par la majorité, le corapporteur Philippe Berta et la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal.

Thibault Bazin : « L’article 14 vise à distinguer subtilement les recherches sur les embryons humains et les recherches sur les cellules souches embryonnaires, comme si le législateur allait oublier que ces dernières émanent des embryons humains et que leur prélèvement en provoque la destruction. (…) Tout à votre transition écologique, vous en oubliez le respect dû à la dignité humaine. ».

Annie Genevard : « Alors qu’en 1994, le législateur avait interdit ces recherches, à partir de 2004, un régime dérogatoire a été défini, autorisant, en l’absence de tout autre solution, celles qui avaient une finalité thérapeutique majeure. Malheureusement, cet équilibre a été rompu sous le gouvernement socialiste [loi du 6 août 2013]. Nous souhaitons en revenir à un haut niveau de protection (…). C’est pourquoi l’article 14 (…) nous paraît constituer un très mauvais signal et un pas de plus vers la réification de l’embryon. ».

Philippe Berta : « Une cellule souche embryonnaire n’a aucune capacité à donner un embryon. Quand on travaille sur de telles cellules, on est même très loin de l’embryon. ». En outre, le corapporteur a expliqué que la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites (IPS) a besoin aussi de cellules souches embryonnaires considérées comme étalons pour faire des comparaisons.

Frédérique Vidal : « Si les cellules souches embryonnaires étaient soumises au même régime d’utilisation en recherche que les embryons, c’est parce que, pour obtenir des cellules souches embryonnaires, il fallait partir d’un embryon. Or, ce n’est plus le cas : dans certains laboratoires qui travaillent avec des cellules souches embryonnaires, personne n’a jamais vu d’embryon ! C’est pourquoi nous entendons instaurer un régime déclaratif. ».

Les réponses apportées à cette objection de l’opposition ne me conviennent pas car elles ne tiennent pas compte de cet argument évoqué : les cellules souches embryonnaires proviennent d’embryons humains qui sont ainsi détruits pour la recherche. Que ces cellules souches embryonnaires n’engendrent aucun embryon et même aucun embryon viable n’est pas un argument, on évoque ici les conséquences alors qu’il faut prendre en compte les origines. Or, ce n’est pas parce que certaines cellules souches embryonnaires peuvent être aujourd’hui obtenues sans prélèvement et destruction d’un embryon humain que toutes ces cellules ont cette origine. Il s’agit donc bien d’une évolution très négative du respect de ce qu’est un embryon humain.

Thibault Bazin : « Il s’agit donc bien de substituer une déclaration à une autorisation, donc d’alléger les exigences. La représentation nationale est en droit de se demander si cet allègement est opportun. (…) Tout cela n’est pas sans rapport avec l’embryon, mais il faut tout de même que nous nous disions la vérité : vous êtes un certain nombre à avoir siégé au sein de la majorité précédente, et ce texte vise justement à régulariser des dispositions adoptées par les socialistes en dehors de toute révision des lois de bioéthique et qui constituent autant de dérives. (…) Ce régime de recherche médicale en AMP, créé en 2016 en catimini, était censé réhabiliter le régime d’études de l’embryon déjà établi par la loi du 6 août 2013, adoptée, déjà, en dehors de toute révision des lois de bioéthique. ».

Et de préciser : « Quand la disposition a été votée en 2016, dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé, ce régime de recherche devait concerner des recherches biomédicales non interventionnelles, plus précisément observationnelles. Mais dès le 4 mars 2016, le décret d’application a étendu cette possibilité aux recherches interventionnelles qui permettent des interventions à risque. Cette modification est contraire à l’esprit et à la lettre de la loi du 26 janvier 2016, et implique des enjeux graves. ». Pour Frédérique Vidal, l’intervention dont il s’agit dans ce cas est un diagnostic préimplantatoire, ce qui n’est pas plus rassurant.

Patrick Hetzel : « Vous nous dites, madame la ministre, d’être tranquilles : même s’il s’agit d’une simple déclaration, il y a des règles à respecter. Mais la situation va complètement s’inverser : ce sont les acteurs de la société civile qui seront obligés d’assigner des chercheurs devant les tribunaux pour essayer de vérifier s’ils respectent les critères éthiques, alors qu’actuellement, l’Agence de la biomédecine effectue un contrôle a priori. Supprimer ce contrôle a priori, c’est aller vers le moins-disant éthique. Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer que vous ne changez rien ; d’ailleurs, si c’était vrai, vous ne toucheriez pas à la loi. ».

Annie Genevard à propos de la durée de conservation d’un embryon (actuellement sept jours, le gouvernement veut quatorze jours et certains députés LREM veulent même vingt et un jours : « Je rappelle tout de même que l’article 16 du code civil consacre le principe du respect de l’être humain dès le commencement de la vie. ».

Un peu plus tard, Annie Genevard a déclaré l’impression générale de ce débat parlementaire : « J’éprouve le sentiment désagréable qu’au fur et à mesure que ce débat avance, la science prend le pas sur l’éthique. ».

À l’heure de la fin de cet article (31 juillet 2020 dans la soirée), je n’ai pas une connaissance exacte de l’évolution des débats. L’article 19 a été discuté lors de la troisième séance (séance de nuit) de ce vendredi 31 juillet 2020. Je n’en ai pas encore l’issue. À suivre…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (31 juillet 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bioéthique 2020 (7) : l’inquiétante instrumentalisation du vivant.
Document : le rapport approuvé le 3 juillet 2020 de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale sur la bioéthique (à télécharger).
Bioéthique 2020 (6) : attention, un train peut en cacher un autre !
Vincent Lambert.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Claude Huriet.
Document : le rapport approuvé le 8 janvier 2020 de la commission spéciale du Sénat sur la bioéthique (à télécharger).
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
La PMA et ses sept enjeux éthiques.
Les 20 ans du PACS.
Harcèlement sexuel.
Pédophilie dans l’Église catholique.
Le projet de loi sur la bioéthique adopté par les députés le 15 octobre 2019.
Texte du projet de loi sur la bioéthique adopté le 15 octobre 2019 par l’Assemblée Nationale (à télécharger).
Quel député a voté quoi pour la loi sur la bioéthique ? Analyse du scrutin du 15 octobre 2019.
Attention, les embryons humains ne sont pas que des "amas de cellules" !
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
Expérimenter sur la matière humaine.
Chaque vie humaine compte.
L’embryon puis le fœtus est-il une personne humaine ?
La PMA.
Le mariage pour tous.
L’avortement.
La peine de mort.
Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
Jacques Testart.
Simone Veil.

_yartiBioethique2020AE01




http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200731-bioethique.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/bioethique-2020-7-l-inquietante-226120

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