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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
27 octobre 2020

Bill Gates, l’homme qui valait 105 milliards (ou plus)

« Depuis vingt ans, je vis une aventure incroyable. Tout a commencé dans la cour de Harvard, où j’étais alors en deuxième année. Avec mon ami Paul Allen, nous étions plongés dans la description d’un ordinateur en kit que publiait la revue "Popular Electronics", le premier véritable ordinateur personnel. Ni Paul ni moi ne savions exactement à quoi il pourrait servir, mais, ce jour-là, nous avons eu la certitude qu’il allait tout changer : notre vie et le monde de l’informatique. » (Bill Gates, "La route du futur", éd. Robert Laffont, 1991).


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Originaire de Seattle, le "génial" cofondateur de Microsoft Bill Gates fête ce mercredi 28 octobre 2020 son 65e anniversaire. Son père est né trente ans avant lui (le 30 novembre 1925) et vient de mourir le mois dernier (le 14 septembre 2020). Bill Gates n’est plus l’homme le plus riche du monde, "seulement" le deuxième homme le plus riche du monde, derrière Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, selon le classement du magazine "Forbes" en 2019, mais l’ordre des fortunes évolue rapidement et les ultrariches se croisent et se recroisent.

Cependant, Bill Gates a été longtemps en haut du classement, seize fois depuis 1996. La fortune de Bill Gates serait évaluée à 105 milliards de dollars, et plus on est riche, plus la fortune croît dans cette course folle du monde dans laquelle on retrouve quand même deux Français, Bernard Arnault, troisième fortune du monde, et Françoise Bettencourt Meyers, la fille de Liliane Bettencourt, en quinzième position (il fut un temps où l’héritière de L’Oréal était au deuxième rang, période ante-GAFAM).

J’ai écrit "génial", mais il ne s’agit pas d’un génie technique, il s’agit d’un génie marketing. Lorsqu’il a cofondé (avec Paul Allen, qui est mort il y a deux ans, le 15 octobre 2018) leur société Microsoft en avril 1975 (la marque fut déposée le 28 novembre 1976), l’idée de faire de la valeur ajoutée sur du logiciel, sur du "soft" dans le marché informatique était assez nouvelle. L’acteur majeur du marché était IBM, et c’était un constructeur de "hard", d’ordinateurs. L’idée de vouloir vivre goulûment avec les programmes qu’on mettrait dans des machines devenues des micro-ordinateurs ou des ordinateurs personnels, c’est-à-dire des machines pour les particuliers et pas des entreprises (ce qui ouvrait un marché gigantesque) était effectivement nouvelle.

Nul doute que l’idée n’eût rien d’exceptionnel et que c’était dans l’ordre des choses, dès lors qu’on allait faire des "applications" informatiques plus ciblées pour un public élargi et que la programmation informatique était coûteuse surtout en matière grise et pas en usines (promesse de fortes marges), mais Microsoft a révolutionné le marché informatique par deux éléments : la rapidité de l’application du concept et l’agressivité commerciale. Cette dernière s’est traduite pendant longtemps par de la "vente forcée" de ses produits puisqu’en achetant un micro-ordinateur, on ne pouvait pas ne pas avoir un système Microsoft (qu’on peut désormais renoncer à utiliser au profit d’autres systèmes et avec un prix inférieur pour l’ordinateur). Une telle alliance, il fallait l’oser. En couplant ses PC (personal computer) avec le MS-DOS (le système de l’ordinateur), IBM n’a pas compris qu’il nourrirait une société qui allait devenir plus grosse que lui. La réussite est exceptionnelle. En 2018, Microsoft emploie près de 150 000 salariés dans le monde, a un chiffre d’affaires de 126 milliards de dollars et un résultat net de 39,2 milliards de dollars.

Je me suis plongé dans la micro-informatique en 1981 et à l’époque, j’appréciais Apple car on pouvait faire de la programmation directement en langage machine. J’appréciais peu les PC qui étaient moins adaptables, moins ouverts. Pourtant, vers 1985, le MS-DOS (commercialisé le 12 août 1981 après un accord avec IBM) avait conquis les marchés et Microsoft a rapidement eu une situation de quasi-monopole sur le marché des softwares. Pourtant, son système d’exploitation n’était pas le meilleur techniquement, et ce fut une démonstration (parmi tant d’autres) que ceux qui gagnent ne sont pas forcément les meilleurs dans le domaine d’expertise, ceux sont "simplement" les plus vendeurs !

Le principal concurrent de Microsoft-IBM était Apple. En développant Windows (la première version est commercialisée le 20 novembre 1985), Microsoft a tenté d’imiter le système d’exploitation très apprécié du MacIntosh sans jamais l’égaler jusqu’en 1995. Ensuite, avec Windows 95, ce fut un grand succès qui avait suivi celui de Microsoft Office, la suite bureautique (Word, Excel, PowerPoint). Word avait été développé très tôt (j’utilisais Word 2 dès 1985 ; la version 1 fut commercialisée le 25 octobre 1983).

Bill Gates n’est plus l’homme le plus riche du monde, mais il y a quinze ans, si. Et en écrivant cela, je me rends compte que j’ai eu quelques rencontres improbables : j’ai rencontré un saint (je ne l’ai su que bien plus tard), j’ai rencontré aussi (plusieurs fois) une personne panthéonisée (là aussi bien plus tard), mais lorsque j’ai rencontré l’homme le plus riche du monde, je l’ai su à ce moment-là.

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En effet, j’ai eu la chance de rencontrer Bill Gates à Paris. L’homme adore la capitale parisienne et je le soupçonne d’y venir beaucoup plus souvent que ce que la presse en sait (enfin, avant la pandémie de covid-19, bien sûr). Bill Gates adore Paris, adore la France et adore les Français, étonnant, non ? J’avais en effet été invité au très luxueux Pavillon Gabriel, à deux pas du Palais de l’Élysée, aux Champs-Élysées, le lundi 24 octobre 2005 après-midi. C’était il y a quinze ans déjà ! Le milliardaire était à quatre jours de son 50e anniversaire, à l’époque, il était encore "opérationnel" (il ne s’est occupé de sa fondation à plein temps que deux ans plus tard, quand il a quitté la direction de Microsoft le 27 juin 2008).

C’était une rencontre avec les entrepreneurs dans l’innovation et dans les nouvelles technologies, et le sujet était les éditeurs de logiciels. Il y avait du "beau monde", en particulier Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, Jean-Hervé Lorenzi, professeur d’économie à l’Université de Paris-Dauphine, Gilles Kahn, président de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique), Éric Archambeau, associé gérant de Wellington Partners, Jamal Labed, cofondateur de Staff & Line, Jean-Michel Aulas, président (et fondateur) de Cegid (Compagnie européenne de gestion par l’informatique décentralisée), etc.

Le Ministre délégué à l’Industrie François Loos a introduit le sujet en expliquant qu’il y avait urgence à faire exister les logiciels français dans le marché mondial : « Les cent premières entreprises françaises de l’édition logicielle réalisent ensemble un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10% de celui de Microsoft. ».

Le cursus de François Loos, député alsacien et président du Parti radical pendant quelques années (entre 1999 et 2003), est intéressant : il était ingénieur (X Mines) et mathématicien, employé dans l’industrie avant de se lancer en politique (il a travaillé chez Rhône-Poulenc, en R&D, et fut aussi membre de cabinet de Pierre Pflimlin et du ministre vosgien Hubert Curien). Il fut nommé au gouvernement, d‘abord à la Recherche, puis au Commerce extérieur avant d’être à l’Industrie pendant le second mandat du Président Jacques Chirac, un mandat très axé sur l’innovation et les entreprises (la création des fameux pôles d’excellence date de cette période).

Certains dans l’assistance auraient voulu demander plus au gouvernement, la reconnaissance des brevets logiciels (un serpent de mer), un "small business act" à la française (c’est-à-dire, réserver une part pour les petits éditeurs français dans les offres publiques de grands donneurs d’ordre) et un renforcement des relations entre la recherche publique et les entreprises. La conférence était trop formatée pour en faire un "grand débat" ! Il y avait beaucoup de monde, des opérationnels à cravate et des jeunes à col ouvert, des investisseurs et des éditeurs, et puis, comme moi, quelques curieux venus surtout écouter Bill Gates, apprendre le message qu’il voulait faire passer.

Le fondateur de Microsoft est venu par la porte de derrière et n’a pas frayé avec l’assistance qui devait monter par l’escalier normal. Quand il se déplaçait, il était entouré de quatre gardes du corps. Il était plus protégé que le ministre français, mais c’était un peu normal, peser autant de dizaines de milliards de dollars peut susciter un certain nombre de mauvaises intentions pour leur propriétaire (j’y reviendrai un autre jour).

Il me semble, mais mon souvenir est parcellaire, que Bill Gates ne portait pas la cravate et qu’il portait une chemise à col ouvert et un pull, certes un pull chic. Ou peut-être pas, une veste avec cravate ? En tout cas, très vite, il a su mettre un lien entre lui et son public. Comme souvent les Américains en visite en France : ils aiment bien la France (généralement), ceux qui la connaissent, les autres, ceux qui ne la connaissent pas, la détestent (plutôt) pour les préjugés et clichés qu’on peut avoir (parfois avec raison) des Français (comme leur arrogance, etc.), d’autant plus que la guerre en Irak était passée par là. Attention, je n’aime pas trop faire de généralités, c’est juste une petite tendance que j’ai ressentie personnellement.

Dans son préambule, Bill Gates avait un discours très prometteur. En gros, si je résume ce qu’il a dit : vous, les Français, vous avez de superbes idées, de superbes projets technologiques, votre recherche scientifique est l’une des meilleure du monde… mais vous êtes assez nuls (il ne l’a pas dit mais il l’a pensé très fort) en valorisation industrielle (c’est-à-dire dans la transformation d’une idée scientifique en argent sonnant et trébuchant). Quand vous avez un beau produit, vous cherchez à conquérir le marché français, éventuellement européen et vous recherchez une dizaine de millions de dollars de fonds d’investissement. C’est bien, vous réussissez à démontrer l’intérêt tant technologique que commercial de votre innovation …mais vous vous faites alors dépasser sur le marché par un gros requin qui a repris votre idée et qui l’a mieux développée commercialement que vous. Quand un innovateur français investit 10 millions de dollars en France, l’innovateur américain, lui, au même stade de développement, investit immédiatement 1 milliard de dollars car il a une vision mondiale du marché, pour ne pas être pris de court par de plus gros. En somme, Bill Gates regrettait le manque d’ambition commerciale de la France qu’il considérait comme un des champions mondiaux de la science et de la technologie.

C’était un message fort, direct, franc, amical : et l’essor des GAFAM le démontre une nouvelle fois. Où sont les entreprises françaises dans ce nouveau top de l’Internet ? Seul Blablacar semble être bien parti, mais les autres ? AirBnB, Twitter, Uber, etc. ne sont pas jamais des promesses françaises, pourquoi ?

Inutile de dire que Bill Gates ne comprenait pas ce constat qu’il faisait : pourquoi les Français ont-ils peur d’investir des milliards ? Peut-être parce que notre culture, notre mentalité est que l’argent est honteux et que, si beaucoup, et ce n’est pas une question de culture ni de nationalité, seraient heureux d’être riches, en France, on préférerait être riche "discrètement" (ne pas dire le montant de son salaire s’il est très élevé, en revanche, on n’hésitera pas à faire du misérabilisme si on se considère mal payé). Et ceux qui veulent montrer leur "belle" voiture, voire "bateau", etc., ce sont plutôt des personnes qui voudraient être considérées comme "riches" (c’est-à-dire qui auraient "réussi" dans la vie) que de "vrais" "riches" dont l’argent reste toujours discret.

En France, justement, on est souvent jaloux de la fortune des autres. Au lieu de se remuer le derrière pour entreprendre et en bâtir une nouvelle, on préfère soit taxer ceux qui l’ont fait et réussi, soit imaginer toutes sortes de lubies aussi folles les unes que les autres. C’est vrai qu’on ne prête qu’aux riches. Même les mauvaises intentions.

La pandémie de covid-19 a été l’occasion d’un déversoir absolument dégueulasse contre Bill Gates qui est sans doute celui, de toute l’humanité, qui a sauvé le plus de vies humaines, car beaucoup de dirigeants politiques se moquaient du paludisme qui frappait essentiellement les pays pauvres. Bill Gates n’utilise pas sa fortune pour se mettre les doigts de pied en éventail loin des rumeurs du monde. Au contraire, il a profité de cette fortune pour la mettre au service d’un certain nombre d’objectifs humanitaires. Je reviendrai plus tard sur ces folles nausées l’accusant de tous les maux du monde, jusque d’avoir inventé le coronavirus SARS-CoV-2. Les sociologues des épidémies le savent bien : face au malheur, et cette pandémie en est un durable et mondial, il faut toujours des boucs émissaires… Bill Gates, roi du monde, est déjà dans le box des accusés au tribunal des jaloux. Son seul tort : avoir réussi.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Bill Gates.
Le roi Uber et la République des taxis.
Les taxis voient rouge.
Rapport Attali du 23 janvier 2008 (à télécharger).
Rapport Gallois du 5 novembre 2012.
Comité Rueff.
Small Business Act : le discret rapport de Lionel Stoléru qui va décoiffer l’Europe !
Rapport Stoléru du 5 décembre 2007 (à télécharger).
Small Business Act.
Jean Gandois.
Yvon Gattaz.
Anatoli Tchoubaïs.
Maurice Allais.
Jacques Marseille.
Jean Boissonnat.
Stéphane Soumier.
The show must (Carlos) Ghosn.
L’investissement productif en France.
Virginie Calmels.
Silvio Berlusconi.
Thierry Breton.
Georges Chavanes.
Volkswagen.
Bernard Tapie.
Grandeur et décadence de Carlos Ghosn.
Serge Dassault.
La SNCF.
L’industrie de l’énergie en France.
La France est-elle un pays libéral ?
La concurrence internationale.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201028-bill-gates.html

https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/bill-gates-l-homme-qui-valait-105-228106

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/21/38602028.html








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