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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
3 novembre 2020

Marlene Jobert, la conteuse entourée de ses 80 flammes

« Un jour, j’ai récité un poème à mon père. Là, j’ai vu dans ses yeux que ça lui faisait plaisir. Ça a été pour moi un véritable déclencheur. Pour la première fois, j’éprouvais le plaisir d’être reconnue et appréciée. Cela a probablement été l’origine de ma vocation d’actrice. » (Marlène Jobert, "France Dimanche", le 17 décembre 2010).


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L’actrice Marlène Jobert fête ses 80 ans ce mercredi 4 novembre 2020. 80 ans ! Ainsi connu, cet anniversaire choque par l’âge si canonique de celle dont l’image reste synonyme de jeunesse souriante. Sa relative discrétion dans l’espace public depuis une trentaine d’années contribue sans doute à ce "choc" du temps qui passe. Lorsqu’on côtoie tous les jours des proches pendant des décennies, on ne les voit pas vraiment vieillir, car l’avancée du temps est parallèle et simultanée. Lorsqu’on retrouve un ami qu’on n’a pas revu depuis des décennies, le choc peut être rude. Ou pas.

Pour Marlène Jobert, le choc n’est pas rude car elle n’a pas vraiment changé. Elle est d’abord une voix, une voix émue et émouvante, une voix si indispensable. Elle est aussi une beauté, une beauté non exubérante mais réelle, une beauté de timidité. Un joli minois, des taches de rousseur qui lui confèrent (conféraient ?) le petit plus pour tomber définitivement sous son charme, nourri par un sourire irrésistible et le regard associé. Un corps évidemment, qui pourrait être celui d’un sex symbol (désolé pour mon anglicisme), et pourtant, le mental devait être à mille lieues de cette figure du sex symbol.

"Paris Match", qui lui a rendu hommage lors de la sortie de son autobiographie ("Les Baisers du soleil", éd. Plon, 2014), décrit ainsi Marlène Jobert, « l’icône mutine des seventies » : « Aussi rare que discrète, [elle est] l’une des artistes les plus appréciées et les plus respectées de son époque. Gracieuse, douce et faussement candide, cette égérie des seventies a insufflé un vent de fraîcheur dans le milieu du septième art. » (Sarah Louaguef, le 4 novembre 2014).

Elle a joué avec les plus grands acteurs, de Lino Ventura à Jean-Paul Belmondo, en passant par Yves Montand, Gérard Depardieu, Annie Girardot, même avec Charles Bronson. Elle a été dirigée par de grands réalisateurs comme Jean-Luc Godard, Michel Deville, Yves Robert, Louis Malle, Michel Audiard, René Clémeent, Jean-Paul Rappeneau, Philippe de Broca, Claude Chabrol, Maurice Pialat, Remo Forlani, Robert Enrico, Claude Goretta, Yves Boisset, Claude Lelouch, Didier Kaminka, etc.

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Elle a participé à de nombreux grands films, comme "Alexandre le Bienheureux" (1967), "Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages" (1968), "Dernier domicile connu" (1970), "Les Mariés de l’an II" (1971), "Nous ne vieillirons pas ensemble" (1972), "Julie pot de colle" (1977), "Les cigognes n’en font qu’à leur tête" (1989), son dernier film, etc. Les années 1970 furent fastes, la trentaine, elle a ébloui tous les écrans des salles de cinéma de son éclat humain.

Loin du star-system, Marlène Jobert a finalement tourné peu de films, malgré son grand succès, seulement une trentaine, un peu plus d’une quarantaine si l’on compte les téléfilms, et si elle a reçu un César, c’est vraiment du bout des lèvres, sur le tard, en 2007, un César d’honneur, comme si l’on l’enterrait déjà.

S’il fallait n’évoquer qu’un seul film, je sortirais des sentiers battus et je proposerais "L’Amour nu", réalisé par Yannick Bellon et sorti le 7 octobre 1981. Je me souviens l’avoir vu en salle mais je ne sais pas s’il est accessible aujourd’hui. Film confidentiel, il n’a pas dû avoir beaucoup de succès commercial et pourtant, on pouvait y percevoir la Marlène Jobert touchante, émouvante, tout en finesse, tout en délicatesse.

L’histoire est déjà importante. Elle pourrait être aujourd’hui très banale, mais il y a une quarantaine d’années, c’était, à ma connaissance, la première fois que le cinéma s’intéressait pleinement, franchement, à l’un des faits de société les plus terribles : que faire lorsqu’on apprend qu’on a le cancer ? qui plus est, à une époque où le diagnostic valait souvent condamnation. Ce qui, aujourd’hui, est heureusement moins vrai avec les progrès très importants de la médecine en cancérologie.

Marlène Jobert, le personnage principal, joue la jeune femme seule qui apprend qu’elle a un cancer, et rencontre un homme. Cet homme, d’ailleurs, est joué par le rêveur artiste Jean-Michel Folon, à ma connaissance, sa seule participation au cinéma (renseignements pris, il a joué dans trois autres films, dont un de Michel Polac, mais pas un premier rôle comme ici).

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Pourquoi Marlène Jobert a-t-elle arrêté le cinéma ? Probablement à cause de son instinct maternel. Dans une interview qu’elle a accordée aux éditions Charleston en 2014, elle confiait ainsi : « Je suis une mère fusionnelle, je le confesse ! J’ai toujours eu du mal à quitter Eva et Joy [ses filles jumelles, nées le 6 juillet 1980]. Je partais pour les tournages avec des semelles de plomb ! Le jour où j’ai décidé d’arrêter ma carrière d’actrice, ce jour-là, Eva et Joy m’avaient emprisonnée dans leurs petits bras pour m’empêcher de partir… Arrivée en bas de l’immeuble, je suis remontée leur dire que le film que je tournais serait le dernier. Et j’ai tenu parole. ».

Dans cet entretien, elle a ajouté : « Je me suis reconnue aussi dans le personnage de Simone de Beauvoir, en particulier pour cet énorme appétit de liberté. Quand elle arrive à Paris, à 19 ans, dans son appartement, libre comme l’air, et loin du regard maternel qui la surveillait… J’avais l’impression de me revoir, moi à 17 ans, à Dijon, quand toute la famille a accompagné mon père militaire muté à Madagascar [c’était en 1947-1948…]. Et que j’ai respiré enfin, loin des interdits ! C’est alors que ma vie a commencé… ».

Si elle a disparu des radars du cinéma, c’est donc parce que la maman l’a emporté sur l’actrice, et aussi parce qu’elle a fait autre chose, elle s’est consacrée à d’autres activités. Elle a enregistré quelques disques dans les années 1980, avec quelques chansons à succès, comme "Hey, Amore !".





Mais son activité principale depuis plusieurs décennies, c’est conteuse. Cela rejoint les rêves de Folon ! Elle est conteuse pour les enfants. Elle a écrit et lu une vingtaine de livres audio qu’elle a enregistrés, qui ont eu un très grand succès. Elle en a vendu plus de 15 millions d’exemplaires dans le monde !

En 2014, avec son autobiographie (citée plus haut), Marlène Jobert s’est confiée plus que d’habitude, elle qui était d’habitude très réservée, au point de démentir un article assez fumeux qui, non seulement, évoquait une "liaison" avec le Président Valéry Giscard d’Estaing, mais qui avait en plus laissé entendre que ses filles était issues du locataire de l’Élysée !

On lui a également prêté une "liaison" avec Johnny Halliday, ce qui l’a fait réagir le 26 septembre 2018 : « On avait des affinités, on n’avait pas besoin de se parler. J’étais très touchée mais cette amitié n’a pas eu l’occasion de s’épanouir. » (dans "Gala"). C’est vrai que dans ce domaine comme dans les autres, on ne prête qu’aux riches !

Le 13 octobre 2017 sur Europe 1, elle a aussi annoncé que sa fille Eva Green, actrice (connue dans "Miss Peregrine" de Tim Burton), a été, elle aussi, une victime du prédateur sexuel Harvey Weinstein qui a beaucoup insisté pour coucher avec elle : « Elle ne répondait pas (…). Elle était un peu intimidée, ce type avait tellement de pouvoir ! De pouvoir sur tout le cinéma ! Il a dû lui mettre tellement de bâtons dans les roues, car il était vexé  (…). C’était difficile, [elle] a mis du temps à s’en remettre, elle préfère oublier et ne pas en parler aujourd’hui. (…) Il l’a menacée de la détruire professionnellement (…). Car si le gros porc avait été évincé par sa victime, pour se venger, il interdisait [aux réalisateurs] de la choisir. Donc réagir brutalement pour une jeune actrice, c’était aussi se mettre en danger, être rayée des listes (…). À l’époque, j’avais été tellement horrifiée, scandalisée, que je voulais faire quelque chose, mais ma fille m’a dit : "Surtout pas ! Tu ne peux pas savoir tout le mal dont il est capable". ».

Si Marlène Jobert est autant maternelle, autant maman conteuse, c’est sans doute à cause de son enfance. Le 17 décembre 2010 à "France Dimanche", Marlène Jobert a en effet raconté qu’elle avait eu une enfance difficile avec ses parents : « C’est vrai que, gamine, j’ai subi des humiliations qui m’ont fait perdre le capital minimum de confiance en soi pour se sentir bien dans sa peau. Aujourd’hui encore, j’en garde des séquelles. (…) Je me suis peu à peu réconciliée avec la vie. J’ai gagné en sérénité. Mais je doute encore énormément de moi. » (propos recueillis par Daphné de Givry). Et c’est probablement la raison qui a fait qu’elle jouait aussi "vraie", dans une timidité émouvante.

Toujours focalisée sur les enfants, Marlène Jobert ? Oui. Lors du premier confinement, elle avait réussi à convaincre son éditeur (les éditions Glénat) de mettre gratuitement à la disposition des enfants, pendant une durée donnée, quelques-uns de ses livres parlés pour leur permettre de passer le temps tout en se divertissant et en se cultivant (sur le site Idboox). Je ne sais si elle a pu renouveler l’initiative avec ce second confinement, en sachant que les enfants, au contraire du premier, doivent maintenant continuer à aller à l’école.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (02 novembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Marlène Jobert.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Wladimir Yordanoff.
Jean-Luc Bideau.
Bourvil.
Michael Lonsdale.
Claude Chabrol.
Charles Denner.
Annie Cordy.
Vanessa Marquez.
Maureen O'Hara.
Ennio Morricone.
Zizi Jeanmaire.
Yves Robert.
Suzanne Flon.
Michel Piccoli.
Jacques François.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201104-marlene-jobert.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/marlene-jobert-la-conteuse-228323

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/11/03/38626280.html





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