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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
7 novembre 2020

Comment va Alain Delon ?

« Je suis beau. Et il paraît que j’étais très très très très beau. Regarde "Rocco", "Plein Soleil" ! Elles étaient toutes folles de moi, de 18 à 50 ans (…). Les femmes sont devenues ma motivation. Je leur dois tout. Pour elles, j’ai toujours voulu être le plus beau, le plus grand, le plus fort, et le lire dans leurs yeux. » ("Vanity Fair", août 2017).



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Ah, voici que le temps apporte son 85e anniversaire à l’une des plus importantes vedettes du cinéma français depuis la fin de la guerre encore vivantes : Alain Delon est né en effet le 8 novembre 1935 (à Sceaux). Personnalité très forte, caractère en acier trempé, certains ne l’apprécie pas, peut-être parce qu’être star, finalement, sur la durée, ce n’est pas facile à gérer, à vivre. C’est à peu près le seul homme qui, lorsqu’on lui dit "je t’aime", peut dire, tout en gardant toute sa galanterie, "moi aussi" avec le sens : "moi aussi, je m’aime" ! N’est pas goujat qui veut.

Le 16 mai 2019, le Festival de Cannes lui a remis une Palme d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Une sorte de rattrapage depuis 1956. Une palme qui a fait beaucoup couler d’encre à cause de pétitionnaires militantes féministes forcenées qui voulaient interdire au festival la remise d’une telle récompense à un homme (elles sont aussi juges qu’énervées) supposé machiste homophobe (il est contre l’adoption des enfants par les couples homosexuels) et raciste (principalement à cause de son amitié pour Jean-Marie Le Pen, mais il a toujours affirmé qu’il n’a jamais voté pour l’extrême droite, après tout, Laurent Joffrin aussi a bien connu Jean-Marie Le Pen…).

Pierre Lescure (le président du festival) l’a défendu avec force le 14 mai 2019 sur France Inter : « Quand je vois qu’Alain Delon a été le vrai producteur du film "Monsieur Klein", qu’il est allé chercher Joseph Losey qui était un homme plus qu’engagé à gauche, quasiment communiste pour un Britannique à l’époque, et qu’ils ont joué ensemble ce film admirable où Delon exprime un certain nombre de choses très fortes sur les choix politiques et de société, ça va au-delà de l’amitié un peu virile qu’il a pu avoir et afficher avec Jean-Marie Le Pen en son temps. ».

En fait, c’était plutôt Alain Delon qui avait hésité à accepter de la recevoir, cette palme d’honneur qu’il aurait voulu plutôt voir attribuer à ses producteurs et réalisateurs qui ont fait ce qu’il est devenu. Dans "Vanity Fair" d’août 2017, Alain Delon a montré qu’il savait reconnaître ses hommes providentiels : « Je ne savais rien faire. Allégret m’a regardé et m’a dit : "Écoute-moi bien, Alain. Parle comme tu me parles. Regarde comme tu me regardes. Écoute comme tu m’écoutes. Ne joue pas, vis". Ça a tout changé. Si Yves Allégret ne m’avait pas dit ça, je n’aurais pas eu cette carrière. ». Yves Allégret l’a recruté pour son premier long-métrage : "Quand la femme s’en mêle" (sorti le 15 novembre 1957) avec Edwige Feuillère, Jean Servais, Bernard Blier, Pierre Mondy et Jean Lefebvre. Sa plus grande reconnaissance, il l’a dite le 30 septembre 2019 sur LCI, sans modestie : « Je suis, je ne vous l’apprends pas, une star, mais c’est au public que je le dois, c’est eux qui m’ont fait ! ».

Quelques semaines après cette remise à Cannes qu’il considérait comme « un peu un hommage posthume, mais de mon vivant », en juin 2019, Alain Delon a été victime d’un AVC, c’est ce qu’a déclaré son fils Antony le 8 août 2019 : « Mon père a fait un accident cardio-vasculaire et une légère hémorragie cérébrale il y a quelques semaines (…). Toute la famille s’est relayée à son chevet. ». Il est resté trois semaines en soins intensifs à La Pitié-Salpêtrière. Il aurait voulu en finir.

Pendant le premier confinement, Alain Delon ne voulait plus voir personne, ce qui l’a fait régresser dans sa rééducation très longue (en refusant de recevoir son kiné). Mais dernièrement, il y a quelques jours, sa fille Anouchka a démenti toutes les rumeurs sur l’état de son père : Alain Delon se remet de son AVC et il est en convalescence chez lui. Mieux, il continuerait ce projet où il prêterait sa voix pour faire parler De Gaulle.

Partisan du suicide assisté, Alain Delon a prévenu en 2019 : « Maintenant, ce qui est difficile, c’est de partir, parce que je vais partir. ». Déjà le 11 janvier 2018 sur "Paris Match", il avait tout prévu : « Tout est prêt, j’ai ma tombe dans ma chapelle, il y a six places. ». Profondément affecté par la mort de Mireille Darc le 28 août 2017, il a ruminé sur l’évolution de la société : « Je hais cette époque, je la vomis. (…) Tout est faux, tout est faussé. (…) Je sais que je quitterai ce monde sans regrets. ». Dans cet entretien, il n’a pas pu, non plus, s’empêcher de faire le fier pour expliquer son célibat actuel : « Je ne dis pas qu’il n’y a pas de candidates. Il y en a dix, mais aucune pour le moment ne me convient pour finir ma vie. ».

Son compère Jean-Paul Belmondo aussi a dit la même chose sur la société (qui était "mieux-avant"), mais en plus positif, en octobre 2016, après la vague d’attentats : « Jamais je n’aurais pu imaginer, quand je repense à cette France gaie que j’ai connue, que la situation dégénérerait ainsi (…). Quand votre avenir vous inquiète, il est plus difficile de vous réjouir du présent. Mais il faut rester optimiste, profiter de la vie. ».

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Alain Delon aurait pu devenir charcutier (il a passé un CAP de charcuterie à l’âge de 14 ans) mais, grâce à Jean-Claude Brialy (entre autres) qui l’a invité au Festival de Cannes, il a tout de suite subjugué le monde du cinéma à l’âge de 20 ans.

Ce statut de star qu’Alain Delon a atteint à un très jeune âge et très rapidement lui permet de penser et de dire ce qu’il veut, il peut se moquer des réactions. C’est un peu comme Brigitte Bardot, on les aime ou on ne les aime pas, cela ne changera pas leur vie ! Il a réuni dans les salles de cinéma près de 135 millions de spectateurs avec tous les films auxquels il a participé. Qui dit mieux, aujourd’hui ?

Personne ne lui enlèvera sa jeunesse, sa sensibilité de l’époque, une personnalité nuancée, complexe, fragile. Au fil des films, au fil du temps, au fil de la notoriété, Alain Delon est devenu de plus en plus Alain Delon, de plus en plus sa caricature. Peut-être à cause du conseil d’Yves Allégret ? Peut-être la cause des demandes des réalisateurs, des producteurs, des scénaristes ? Il est devenu sa caricature, et finalement, pourquoi s’en départir ?

"Monsieur Klein" (1976) est très sensible, "La Piscine" (1969) est très mystérieuse… Inutile de faire la liste des films qui ont compté pour les Français et dont il fut le personnage central. Ami et rival de Jean-Paul Belmondo, peut-on vraiment dire qu’il a la grosse tête ? C’est difficile à dire, ce qui paraît sûr, c’est qu’il s’est mis une carapace pour se protéger, qui ne le ferait pas, à sa place ? Qu’auriez-vous si vous étiez avec Dalida, Mireille Darc, Romy Schneider, Anne Parillaud, et tant d’autres ?

L’acteur français (et suisse) a accepté quand même de tourner pour la télévision, ce qui n’est pourtant pas le signe d’un orgueil pour sa réputation, lui qui a obtenu un César du meilleur acteur en 1985 (pour "Notre histoire"). Ainsi, il a tourné dans un téléfilm de Louis Choquette "Un mari de trop" (diffusé pour la première fois le 11 octobre 2010 sur TF1) où il campe le vieil avocat richissime refusant de laisser son fils se marier avec la très belle Lorie Pester, jolie mythomane se prétendant fille du bidonnant Jean-Luc Bideau.

Peut-être que comprendre sa personnalité passe par le film "Mélodie en sous-sol" réalisé par Henri Verneuil et sorti le 19 mars 1963. C’était le dernier film du contrat de trois qui liait le réalisateur (et son précieux dialoguiste Michel Audiard et son acteur fétiche Jean Gabin) avec la Metro-Goldwyn-Mayer (MGM), le producteur américain (après "Le Président" et "Un Singe en hiver").

MGM avait prévu l’excellent Jean-Louis Trintignant pour le rôle du jeune truand, mais Alain Delon voulait absolument tenir ce rôle et Henri Verneuil n’y était pas opposé. MGM le refusait car il n’était pas considéré comme assez célèbre (la recette du succès commercial). Certes, Alain Delon venait d’atteindre la notoriété internationale avec "Rocco et ses frères" (Visconti) et "Plein Soleil" (René Clément), mais le public français lui préférait encore Jean-Paul Belmondo qui, justement, était présent dans le deuxième film de la collaboration MGM-Verneuil ("Un Singe en hiver").

L’une des motivations d’Alain Delon de jouer dans "Mélodie en sous-sol", c’était avant tout sa fascination pour Jean Gabin qui l’attirait et qui l’intimidait. Il voulait se rapprocher le plus possible de lui (il guettait son arrivée sur les lieux de tournage). Apparemment, ce fut Henri Verneuil qui trouva la clef pour mettre Alain Delon dans le casting : la MGM accepta qu’il prît le rôle à la condition qu’il jouât gratuitement ! Cachet nul ! Henri Verneuil négocia alors une compensation : qu’Alain Delon puisse avoir les droits de production sur le film dans des pays "exotiques" ou lointains. La MGM n’y voyant aucune malice accepta.

Résultat, Jean Gabin a convenu plus tard qu’Alain Delon avait gagné bien plus d’argent avec ce film que lui-même (dix fois plus). Pour la raison qu’Alain Delon était aussi un homme d’affaires avisé. Ainsi, il avait les droits sur le film pour le Japon, l’Argentine et la Russie (URSS à l’époque). L’acteur s’est alors rendu au Japon, y trouva un distributeur et ce fut un grand succès commercial. Cela explique aussi la grande notoriété d’Alain Delon au Japon. Le principe des stock-options appliqué au cinéma !

Au-delà de l’homme d’affaires avisé (il en a fait d’autres grâce à son argent), il est aussi un amateur d’art beaucoup plus audacieux qu’on pourrait l’imaginer. La fortune encourage l’acquisition d’œuvres artistiques, d’autant plus qu’elles ne sont pas taxables. Ainsi, la collection d’art d’Alain Delon est très précieuse : Dubuffet, Hartung, Soulages, De Staël, Olivier Debré et même Zao Wou-Ki. On a beau critiquer l’acteur (et il est certainement critiquable), ce "répertoire" n’est pas des moins osés et montre qu’il est très capable de s’adapter à l’art contemporain, tout en cultivant le "bon goût".

Je termine par la définition très raffinée qu’a donnée Alain Delon de l’amitié, ce qui peut lui redonner la profondeur d’esprit que certains auraient voulu lui retirer. En effet, le 3 octobre 1996, il lâchait à "Paris Match" : « Un ami ? C’est quelqu’un à qui on peut téléphoner à trois heures du matin en disant qu’on vient de commettre un crime et qui vous répond seulement : "Où est le corps ?" ». Et vous, avez-vous vraiment des amis ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (04 novembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alain Delon.
Michel Robin.
Marlène Jobert.
Jean-Michel Folon.
Henri Verneuil.
Wladimir Yordanoff.
Jean-Luc Bideau.
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Michael Lonsdale.
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Vanessa Marquez.
Maureen O'Hara.
Ennio Morricone.
Zizi Jeanmaire.
Yves Robert.
Suzanne Flon.
Michel Piccoli.
Jacques François.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201108-alain-delon.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/comment-va-alain-delon-228424

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/11/03/38628184.html






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