Bioéthique 2021 (9) : le rejet par les sénateurs de la PMA pour toutes
« Monsieur le Secrétaire d’État, j’ai été très surprise de vous entendre dire tout à l’heure que nous ne voterions jamais telle ou telle disposition. Dans cet hémicycle, personne ne peut prononcer une telle phrase : qui peut savoir ce qui sera voté demain ? La société évolue, et ces évolutions sont l’objet de nos débats. Permettez-moi un clin d’œil : je suis certaine que Victor Hugo, dont nous montrons le siège aux élèves qui viennent visiter le Sénat, n’aurait jamais pu imaginer que nous discuterions des sujets dont nous débattons aujourd’hui ! De même, ni vous ni moi ne savons ce dont nos successeurs débattront un jour dans cet hémicycle. » (Nadia Sollogoub, sénatrice UDI, à Adrien Taquet, le 2 février 2021 au Sénat).
Le projet de loi relative à la bioéthique qui notamment introduit l’accès à la PMA (procréation médicalement assistée) pour toutes les femmes est revenu en seconde lecture, en examen en séance publique de nuit ces mardi 2 et mercredi 3 février 2021. Le projet de loi avait été adopté en première lecture à l’Assemblée Nationale le 15 octobre 2019, puis modifié en première lecture par le Sénat le 4 février 2020, puis adopté en seconde lecture par l’Assemblée Nationale le 31 juillet 2020. Dans la nuit du 3 au 4 février 2021, vers 1 heure 30 du matin, les sénateurs ont adopté une version encore modifiée du projet de loi, qui ne convient pas au gouvernement car ils ont carrément supprimé son article 1er qui autorisait la PMA pour toutes, ce qui fera l’objet d’une commission mixte paritaire pour tenter de trouver un (impossible) accord entre les deux Chambres.
Disons-le clairement : il est inadmissible qu’un projet de loi avec des enjeux scientifiques et éthiques d’une si grande importance puisse être discuté "en catimini", seulement en séances de nuit (à partir de 16 heures 30), sans écho médiatique, dans un contexte de crise sanitaire majeure où environ 500 personnes décèdent chaque jour du covid-19. Les enjeux sont si importants qu’ils mériteraient que la discussion fût retardée pour prendre le temps d’une réflexion hors situation d’urgence, le Sénat d’ailleurs doit discuter dès ce jeudi 4 février 2021 sur la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire. C’est un peu comme si on voulait choisir une nouvelle chaudière dans une maison, et l’on sait que le choix d’une chaudière est crucial pour le bien-être de ses résidents, mais que cette maison brûle. Il y a d’autres préoccupations à ce jour.
Deux autres éléments aussi en préliminaire. Le Sénat est, avec ce projet de loi de bioéthique, comme avec la plupart des textes, une Chambre qui est cruciale dans l’élaboration des lois en France. Alors que les députés sont soumis aux consignes pour ne pas dire diktats des partis politiques (en gros, la majorité soutient, l’opposition s’oppose), les sénateurs, au contraire, il faut éviter de leur donner des consignes car ils sont jaloux de leur indépendance, et l’on peut le comprendre parce qu’ils sont élus par les élus locaux et pas par des investitures accordées par les partis. Les sénateurs peuvent se permettre d’étudier les textes et de proposer des rédactions qui peuvent s’opposer aux états-majors des partis, quels qu’ils soient.
D’ailleurs, insistons sur ce point : le Sénat est loin d’être une assemblée de vieillards croulants. Au dernier renouvellement, le 27 septembre 2020, a même été élu le plus jeune sénateur de l’histoire, Rémi Cardon à 26 ans. En outre, 34% des sénateurs sont des sénatrices. C’est encore trop peu, mais la tendance heureusement est à la hausse. Le 24 septembre 2017, les deux plus jeunes élus étaient Christine Lavarde à 32 ans (à ne pas confondre avec Christine Lagarde !) et Fabien Gay à 33 ans. 54 sénateurs ont moins de 50 ans. Au renouvellement de 2017 (je n’ai pas les données de 2020), 35% avaient moins de 60 ans (moyenne d’âge de 62 ans), et 25% plus de 70 ans (4 sénateurs seulement avaient plus de 80 ans).
Le dernier point d’introduction concerne l’objet même de ce projet de loi, ou plutôt, les objets car il mêle de façon peu constructive, cela a été dit plusieurs fois par les sénateurs, au moins deux considérations : des considérations purement de bioéthique et des considérations sociétales qui n’ont pas la même logique (une logique plus politique et moins consensuelle). En mélangeant la généralisation de la PMA (elle était déjà autorisée pour les couples de personnes ne pouvant pas avoir d’enfant) à la révision des lois bioéthiques, on pollue doublement les débats, car les deux enjeux sont important, mais différents, et dans tous les cas, techniquement très complexes.
La première soirée (2 février 2021) fut consacrée à l’élargissement de la PMA pour toutes les femmes et la seconde soirée (3 février 2021) aux autres (très nombreuses) dispositions de ce projet de bioéthique. Inutile de dire qu’en mélangeant les sujets, le gouvernement a obtenu plus de confusion que d’efficacité.
Le premier volet, le plus médiatique, à savoir la PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires, a été purement et simplement supprimé par les sénateurs. En effet, l’article 1er n’a pas été adopté : 132 sénateurs étaient contre, 48 pour, sur 332 votants (comme on le voit, beaucoup de sénateurs se sont abstenus).
En revanche, le Sénat a rajouté à la place un article qui dit, très simplement : « Il n’existe pas de droit à l’enfant. ». Principe déjà adopté par le Sénat en première lecture. Le sénateur Dominique de Legge a expliqué ce rajout : « En l’adoptant, nous [montrons], de façon symbolique et forte, que, si nous sommes, chacun et chacune d’entre nous, ouverts au débat, nous savons nous retrouver sur l’essentiel : l’enfant est un sujet de droit et, en aucun cas, un objet de droit. ». Réponse du gouvernement, Éric Dupond-Moretti était opposé à ce rajout : « Évidemment, l’enfant n’est pas un objet de droit, au singulier, mais un sujet de droits, au pluriel. Si la formulation proposée est brutale, c’est aussi qu’elle fait fi du projet parental, qu’elle dénie toute valeur à l’envie d’avoir un enfant. Enfin, le code civil peut-il consacrer un non-droit ? Au fond, cette précision est-elle utile ? Le code civil fixe des règles, pas des non-règles. ».
Parmi les dispositions repoussées par les sénateurs du texte des députés, il y a aussi l’autoconservation des gamètes pour convenance personnelle (par exemple, pour qu’une femme commence sa vie professionnelle avant d’être mère en ayant l’assurance de pouvoir faire un enfant plus tard).
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat (le plus nombreux) et candidat à la candidature LR à l’élection présidentielle, a justifié ainsi ce rejet : « Cette mesure me semble être un marché de dupes. J’ai rappelé à la tribune le tollé qu’avait suscité, il y a quelques années seulement, la proposition de deux grandes sociétés internationales du numérique aux plus jeunes de leurs collaboratrices de payer la congélation de leurs ovocytes afin que celles-ci puissent se consacrer intégralement à leur carrière professionnelle. Le tollé avait été planétaire et ces entreprises avaient reculé. Une fois de plus, à mon sens, c’est la société de marché qui avance masquée derrière les bonnes intentions sociétales. Cette disposition vise ainsi tout autant, pour des centres privés, à créer un marché nouveau, puisque les femmes concernées seront totalement dépendantes pour leur procréation de ces techniques. Celles-ci sont lourdes et, lorsqu’elles sont utilisées au-delà de 30 ans ou 35 ans, ont un taux de succès souvent inférieur à 20%. (…) Selon moi, nous sommes en train de mettre en place un cadre de pressions sur des jeunes femmes travaillant dans de grandes entreprises, pour lesquelles le refus de l’autoconservation des gamètes apparaîtra comme un refus de se consacrer intégralement à leur vie professionnelle. C’est cela que je crains, derrière cette disposition. ».
Après cet audacieux refus de la PMA pour toutes, on pouvait donc imaginer l’effervescence des sénateurs le lendemain pour discuter des autres sujets. Les sages qui s’étaient un peu dissipés sont revenus au calme. Le gouvernement a dépêché trois ministres, Adrien Taquet, le Secrétaire d’État chargé de l’Enfance et des Familles, représentant le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, Éric Dupond-Moretti, le Ministre de la Justice, et Frédérique Vidal, la Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.
Parmi les dispositions votées le 3 février 2021, les sénateurs ont repris leur position lors de la première lecture en refusant l’obligation pour le donneur de se soumettre à l’accord d’une levée d’anonymat. Je trouve cette position intenable car ils prennent en compte le donneur, qui, effectivement, dix-huit ans plus tard (le droit de connaître ses origines pour des enfants nés d’une PMA commence à partir de leurs 18 ans), peuvent se retrouver dans une situation affective ou matrimoniale complètement différente (et imprévisible) et "l’arrivée" d’un enfant majeur dans sa vie peut créer des problèmes (d’où l’importance d’être d’accord avec cette levée d’anonymat dès le moment du don). Mais la situation de l’enfant me paraît plus importante avec cette nécessité de pouvoir connaître ses origines biologiques.
Éric Dupond-Moretti et la majorité sénatoriales ont trouvé un accord pour refuser la reconnaissance des enfants issus de GPA à l’étranger. On se souvient que le 4 octobre 2019, la Cour de Cassation avait permis la reconnaissance en France d’un lien de filiation avec la mère d’intention dans le cadre d’une GPA réalisée à l’étranger. Une telle décision rendait concrètement autorisée et reconnue la GPA hors des frontières. Or, les sénateurs ont refusé cette transcription d’acte de naissance dans l’état-civil en France. Il ne s’agit pas de jurisprudence mais de faire la loi : la justice ne fait qu’appliquer les lois, ne les conçoit pas, c’est le rôle des parlementaires et les sénateurs ont donc clairement approuvé le refus d’une transcription de la double filiation dans le cadre d’une GPA faite à l’étranger. Les sénateurs considèrent que le parent qui n’est pas biologique (éventuellement) devra passer par la procédure d’adoption comme elle existe déjà, cela afin d’éviter de bâtir un texte qui encourage la fraude du droit français (la GPA restant interdite en France).
Dans leur sagesse, les sénateurs ont rejeté également un amendement assez scandaleux qui voulait instituer le consentement par défaut au don d’organes post-mortem de personnes majeures n’ayant pas la capacité d’accepter ou de refuser un tel don (l’idée affichée étant d’augmenter la possibilité de faire des greffes d’organes, mais dans ce cas-là, aux dépens délibérés de la volonté du donneur éventuel, puisqu’il s’agit de personnes qui ne sont pas capables d’exprimer leur volonté).
Les sénateurs ont repoussé la demande de levée d’interdiction de faire des tests génétiques dits "récréatifs", c’est-à-dire sans nécessité médicale (pour la généalogie par exemple). Ceux qui demandent cette levée (proposée par une sénatrice UDI) ont considéré que la possibilité de le faire à l’étranger rendrait inefficace une telle interdiction. Cependant, le gouvernement, suivi des sénateurs, ont rappelé la nécessité d’un accompagnement médical dans la révélation des tests génétiques dont certains pourraient bouleverser l’équilibre des familles.
Les sénateurs ont également retiré (dans l’article 20) la possibilité d’interruption médicale de grossesse (IMG) pour "détresse psychosociale", motif qui aurait pu s’appliquer à toutes les IVG. La différence entre les deux (IVG et IMG), c’est qu’il n’y a pas de délai pour l’opération avec l’IMG (dans le cas où la grossesse met par exemple en danger la vie de la femme).
La partie la plus importante du projet de loi, à mon sens, porte sur le statut de l’embryon humain et de son "utilisation". Un embryon humain est une personne en devenir. Il n’a pas le statut d’une personne (sinon, l’avortement ne pourra pas être légal), mais il n’est pas non plus un matériau biologique comme les autres. Les cellules des embryons ne sont pas encore spécialisées au début de leur croissance, ce sont des "cellules souches" dites pluripotentes (elles pourraient devenir tout type d’organe). Or, toute utilisation de cellules souches humaines détruit nécessairement l’embryon humain dont elles proviennent.
Deux types de problèmes étaient "sur la table" dans ce projet de loi : les diagnostics préimplantatoires et les recherches sur les cellules souches d’embryon humain.
Les diagnostics préimplantatoires : lorsqu’il y a fécondation in vitro et production d’embryons, pour une PMA par exemple, il est nécessaire d’en produire plus que le nombre nécessaire car il y a un grand pourcentage de pertes. Mais au-delà de ce surnombre d’embryons (que faire des embryons surnuméraires issus d’une intention d’avoir un enfant et que cette intention n’existe plus ?), il y a cette possibilité, que la technologie offre aux humains, de choisir les embryons qui seront implantés dans l’utérus de la mère. Techniquement, on pourrait séquencer chaque embryon et sélectionner selon certains critères qui peuvent ne plus rien avoir avec le médical. C’est le combat du professeur Jacques Testart qui craint que la technologie nous conduise inexorablement à une forme (pour le moment ultraminoritaire) d’eugénisme (on choisit le bébé à naître ; en Californie, on peut déjà choisir le sexe et la couleur des yeux, et en Chine, on espère même sélectionner des embryons supposés très intelligents).
Ainsi, les sénateurs n’ont pas repris ce que les députés avaient aussi rejeté en juillet 2020, à savoir un élargissement du diagnostic préimplantatoire de recherche d’anomalies chromosomiques (DPI-A), avec risque d’évolution eugéniste, mais ils ont quand même accepté (dans l’article 19 bis) l’extension de la DPI-HLA, diagnostic préimplantatoire associé au typage HLA (antigène des leucocytes humains). Ce qui signifie que les parents pourraient sélectionner l’embryon à naître parmi autant qu’ils en produiraient pour que le futur enfant soit compatible avec un frère ou une sœur en attente de greffe (c’est toute la problématique du "bébé médicament", expression horrible ; il y a dix ans, l’un était né ainsi).
Le sénateur Guillaume Chevrollier a décrit le DPI-HLA : « Cette pratique consiste à effectuer une double sélection d’embryons obtenus par fécondation in vitro, d’une part, pour sélectionner les embryons indemnes de la maladie d’un membre d’une fratrie, et, d’autre part, pour choisir parmi ceux-ci les embryons génétiquement compatibles avec lui, afin de greffer les cellules souches de cordon ombilical prélevées sur le nouveau-né à son aîné malade. Il s’agit là en fait de faire naître un enfant pour en sauver un autre, qui serait atteint d’une maladie génétique ; l’enfant serait donc un moyen, non une fin en soi. La constitution de stocks de cellules de sang de cordon, offrant une grande variété de typage, décidée lors de la dernière loi de bioéthique, avait comme objectif notamment d’éviter une telle pratique, hautement controversée du point de vue de l’éthique (…). ». L’amendement (n°62) de Guillaume Chevrollier visant à supprimer cette disposition (DPI-HLA) a été repoussé par 193 sénateurs (82 était pour cet amendement de suppression, sur 314 votants).
L’autre point essentiel, c’est la recherche sur les embryons humains : insistons encore sur le fait que cette recherche est désormais "dépassée" dans la mesure où il est maintenant possible de "créer", à partir d’un échantillon de cellules humaines adultes (par un prélèvement non destructif), des cellules pluripotentes qui se comportent de la même manière que des cellules souches d’embryon humain (j’en avais présenté les travaux il y a quelques années). Or, le texte qui a été adopté, qui met en péril la dignité humaine dans le sens où l’embryon humain est considéré comme un simple matériau utilitaire et pas un être en devenir (parfois sans projet parental), a donc plusieurs trains de retard avec l’évolution de la recherche scientifique dans ce domaine.
En clair, le texte assouplit une nouvelle fois l’utilisation de ces cellules souches d’origine humaine avec un simple statut déclaratif (bien auparavant, c’était le régime dérogatoire sur une interdiction de principe ; ensuite, c’était le régime soumis à autorisation) et surtout, la possibilité de laisser développer l’embryon humain d’expérimentation pendant quatorze jours au lieu de sept jours auparavant (rappelons toujours que si on le laisse se développer neuf mois, cela devient un bébé à naître). Cet assouplissement a été formalisé en distinguant le régime pour les embryons humains du régime pour les cellules souches des embryons humains, ce qui paraît très douteux intellectuellement puisque l’utilisation des cellules souches impose la destruction de l’embryon humain d’où elles proviennent. Seule différence avec le texte de l’Assemblée Nationale votée le 31 juillet 2020, la création d’embryon transgénique et chimérique a été écartée du champ du possible légal.
Le sénateur André Reichardt a posé la bonne question : « Sous couvert de la science, doit-on tout autoriser ? S’agit-il de réaliser des prouesses techniques au service de l’homme… ou de la science ? Les chercheurs et scientifiques ne deviennent-ils pas, en fait, des "apprentis sorciers" lorsqu’ils manipulent ensemble cellules humaines et animales ? Pour moi, poser la question, c’est déjà y répondre ! (…) La proposition visant à sortir les cellules souches embryonnaires humaines du régime légal de la recherche sur l’embryon pour les soumettre à une simple déclaration ne tient pas compte de la réalité ontologique de l’embryon humain. Cela place également les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines hors de contrôle, en les livrant à l’industrialisation. En outre, il est important de souligner que les cellules souches embryonnaires humaines sont obtenues à partir d’embryon au stade blastocyste, c’est-à-dire cinq à sept jours après la fécondation in vitro, de sorte que leur extraction implique inévitablement la destruction de l’embryon. » (3 février 2021).
Guillaume Chevrollier aussi s’est opposé à cette réification de l’embryon humain : « Cet article dispose que la recherche sur l’embryon peut être menée pour la seule connaissance de l’embryon humain et de ses cellules souches, sans qu’il y ait nécessairement un objectif médical, même lointain. On appelle cela l’embryologie. Il s’agit d’aller plus loin dans la chosification de l’embryon humain, pour le considérer comme un matériau de laboratoire et traiter ces cellules comme d’autres cellules servant de matériau biologique. À mon sens, en procédant ainsi, on abandonne le minimum d’éthique. Or il faut respecter la singularité de l’embryon humain. J’ajoute que l’embryologie se passe d’embryon humain depuis plusieurs années : notre connaissance du développement embryonnaire a été acquise grâce à la recherche dédiée à l’embryon animal. » (3 février 2021).
Enfin, parmi les détails que le projet propose, les sénateurs ont prolongé de cinq à sept ans (à partir de sa promulgation) le délai pour un nouvel examen de la loi de bioéthique. Cette clause de revoyure est essentielle car les technologies évoluent et il faut donc adapter le droit aux nouvelles techniques. Mais le délai de cinq ans, initialement proposé, était trop court (ce projet de loi est en discussion depuis dix-huit mois, et malgré cela, le débat est bâclé) et avait pour fâcheuse conséquence que chaque nouveau Président de la République pourrait faire sa petite sauce de bioéthique alors que, comme les institutions, il faut que cela reste des principes stables indépendants des dirigeants et des partis politiques.
Je proposerais plutôt que la révision des lois de bioéthique devrait se faire comme une révision constitutionnelle, avec l’accord des deux Chambres et éventuellement le Parlement réuni en congrès, afin de préserver un minimum de consensus sur des sujets beaucoup trop graves pour qu’ils soient politisés. On voit d’ailleurs ici que le Sénat a pris une position très différente de l’Assemblée Nationale en rejetant la PMA pour toutes, ce qui va avoir pour conséquence la formation d’une commission mixte paritaire puis, le cas échéant (quand il n’y a pas d’accord au sein de cette commission, comme ce sera probable), le vote seul de l’Assemblée Nationale qui aura le dernier mot, ce qui, à mon sens, ne façonne pas le consensus qui devrait être recherché dans ce domaine.
La réponse est à chercher dans cette question posée dans la discussion par le sénateur Roger Karoutchi au secrétaire d’État Adrien Taquet qui n’a pas répondu : « En première lecture, le gouvernement nous avait assuré qu’il entendait les positions que nous défendions au Sénat. Sans pouvoir nous garantir que le texte serait voté en des termes identiques à l’Assemblée Nationale, il s’était engagé à le faire évoluer en favorisant des positions consensuelles. J’ai été très déçu de constater que cela n’avait évidemment pas du tout été le cas, puisque 90% des avancées que nous avions proposées ont été balayées par les députés, avec l’accord du gouvernement. Monsieur le Secrétaire d’État, vous nous avez dit chercher un consensus, et Monsieur le Garde des Sceaux a redit après vous qu’il souhaitait que nous nous exprimions sur toutes les travées, pour qu’un compromis se dégage à partir des idées qui auront été formulées. Par conséquent, soyons clairs : que ferez-vous du texte issu des travaux du Sénat lorsqu’il sera examiné à l’Assemblée Nationale ? Est-ce que vous partez du principe que, quoi que nous votions, vous en reviendrez au texte de l’Assemblée Nationale, parce que c’est ce que vous avez décidé avant même que le débat ait lieu au Sénat ? Ou bien considérez-vous que les textes qui portent sur des sujets comme la bioéthique doivent être l’occasion de construire un consensus, car ils ne s’inscrivent pas dans un cadre strictement politique, mais engagent des évolutions de la société qui exigent que les Chambres trouvent des solutions de compromis ? » (2 février 2021).
La question, malheureusement, semble en effet avoir déjà sa réponse…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Bioéthique 2021 (9) : le rejet par les sénateurs de la PMA pour toutes.
En quoi le progrès médical est-il immoral ?
Bioéthique 2020 (8) : diagnostic préimplantatoire (DPI) et interruption médicale de grossesse (IMG).
Bioéthique 2020 (7) : l’inquiétante instrumentalisation du vivant.
Document : le rapport approuvé le 3 juillet 2020 de la commission spéciale de l’Assemblée Nationale sur la bioéthique (à télécharger).
Bioéthique 2020 (6) : attention, un train peut en cacher un autre !
Vincent Lambert.
La Charte de déontologie des métiers de la recherche (à télécharger).
Claude Huriet.
Document : le rapport approuvé le 8 janvier 2020 de la commission spéciale du Sénat sur la bioéthique (à télécharger).
Le Sénat vote le principe de la PMA pour toutes.
La PMA et ses sept enjeux éthiques.
Les 20 ans du PACS.
Harcèlement sexuel.
Pédophilie dans l’Église catholique.
Le projet de loi sur la bioéthique adopté par les députés le 15 octobre 2019.
Texte du projet de loi sur la bioéthique adopté le 15 octobre 2019 par l’Assemblée Nationale (à télécharger).
Quel député a voté quoi pour la loi sur la bioéthique ? Analyse du scrutin du 15 octobre 2019.
Attention, les embryons humains ne sont pas que des "amas de cellules" !
La découverte révolutionnaire de nouvelles cellules souches.
Embryons humains cherchent repreneurs et expérimentateurs.
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L’embryon puis le fœtus est-il une personne humaine ?
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Le mariage pour tous.
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Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
Jacques Testart.
Simone Veil.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210203-bioethique.html
https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/bioethique-2020-9-le-rejet-par-les-230738
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/02/38793687.html