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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
20 février 2021

Les jeunes, génération sacrifiée ?

« Des drames, il y en a tout autour de vous, chaque mort est le drame de quelqu’un. » (Valérie Perrin, "Changer l’eau des fleurs", 28 février 2018).



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Trois semaines après la décision (du 29 janvier 2021), la France vit sous le régime de non-confinement, même si un couvre-feu très strict, dès 18 heures, est appliqué. Refusant d’écouter la plupart des médecins hospitaliers qui vivaient la réalité de la pandémie au quotidien, le Président Emmanuel Macron a abandonné (à ce jour) l’idée d’un troisième reconfinement, faisant le "pari" qu’on pourrait maîtriser l’épidémie sans cette mesure extrême. Le mot "pari" est peu respectueux du contexte de crise sanitaire : on ne parie pas sur la santé des personnes. La question est donc plutôt : a-t-il eu raison ? 

Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran a laissé entendre, dans sa conférence de presse du 18 février 2021, qu’il n’était de toute façon pas question de reconfiner avant la fin des vacances scolaires (week-end des 6 et 7 mars 2021), mais il n’était pas non plus question d’assouplir les mesures sanitaires actuelles. Pourtant, la pression est forte de rouvrir de nombreux commerces, restaurants, bars, salles de sport, de culture, cinémas, théâtres, remontées mécaniques, etc. C’est cela la France, on presse pour tout fermer ou pour tout ouvrir, il y a souvent de la démesure au lieu de la mesure.

Le constat actuel est qu’il n’y a pas de pic épidémique comme on en avait connu en mars 2020 et en octobre 2020. Pourtant, ce pic avait été annoncé il y a plusieurs semaines. Il faut évidemment s’en réjouir : les bonnes nouvelles sont trop rares pour ne pas se féliciter des erreurs de ceux qui sont trop prudents. Le contraire serait plus grave. Pourtant, je ne suis pas du tout d’accord avec l’idée que, ouf, on a évité la catastrophe et que tout va bien même si les médecins hospitaliers font un peu moins les prévisionnistes de la catastrophe future. On n’a pas évité la catastrophe, on est dans la catastrophe. On est en plein dedans !

Rappelons que la France a confiné (une deuxième fois) bien plus tôt que ses voisins, à la fin du mois d’octobre 2020 jusqu’au milieu du mois de décembre 2020. Ce choix, clairement assumé par Emmanuel Macron, avait l’objectif de protéger la vie des personnes vulnérables. Le pic épidémique a été stoppé et la vague a reflué assez tôt, plus tôt même que prévu (on prévoyait au pire moment 9 000 lits occupés en réanimation, ce ne fut "que" 5 000, en avril 2020, c’était plus de 7 000).

Malheureusement, la vague a reflué, malgré tout, trop lentement. Juste avant Noël, au lieu des 5 000 nouveaux cas détectés, seuil pour arrêter de confiner, on en était encore à 15 000. Pour des raisons pas seulement politiques mais aussi psychologiques, le gouvernement n’a pas voulu prolonger le confinement pour les fêtes de Noël et du Nouvel An, tout en maintenant des mesures sanitaires très strictes qui ont été suivies, si bien qu le pic des fêtes qui aurait dû avoir lieu n’a pas été observé : le comportement des Français a été prudent et c’est pour cela qu’il n’y a pas eu un redémarrage de l’épidémie. L’autre raison d’avoir accepté la fin du confinement le 15 décembre 2020, c’est qu le nombre des lits en réanimation occupés par un malade du covid-19 était redescendu en dessous du seuil voulu, 3 000.

Depuis le début de l’année 2021 (soit sept semaines), nous vivons sur un plateau, un peu comme cette incommode guerre de position juste avant la Blitzkrieg. Ce plateau est-il satisfaisant ? Oui, si l’on considère qu’il n’a pas galopé à la hausse, mais il n’est pas non plus descendu. Je parle bien sûr, pas du plateau (Olivier Véran avait inventé le concept de plateau montant), mais du nombre des nouveaux cas détectés. Ce nombre a un peu évolué, en légère hausse jusqu’au début du mois de février 2021, puis en légère baisse jusqu’à ces derniers jours où il semble remonter légèrement. Ces fluctuations sont difficilement interprétables et pourraient être comprises comme un bruit de fond peu significatif.

Ce plateau est toujours entre 20 000 et 25 000 nouveaux cas quotidiens. C’est énorme, puisque je rappelle que l’objectif du déconfinement en décembre avait été fixé à 5 000, ce qui est déjà beaucoup si on veut vraiment tracer les chaînes de contamination et isoler réellement les patients contaminés. À 20 000 par jour, c’est en pratique impossible.

Alors, aujourd’hui, où va-t-on ?

La situation de la France n’est pas glorieuse. Alors qu’en janvier 2021, on pouvait dire que la France avait anticipé cette nouvelle vague européenne (qui est venue surtout de l’Est européen), et avait réussi à maintenir une certaine étanchéité, faisant figure de bonne élève, aujourd’hui, elle paraît être le cancre de la classe européenne, et même mondiale.

En effet, cela fait plusieurs jours que la France est dans la situation la plus délicate en Europe. Grâce à leurs mesures de confinement sévère (l’Allemagne l’a prolongé jusqu’au 4 mars 2021), le nombre de nouveaux cas quotidiens, comme prévu, est descendu drastiquement. Entre parenthèses, voici une excellente démonstration de l’effet bénéfique d’un confinement sur l’épidémie pour ceux qui n’auraient pas encore été convaincus. En France, on ne descend pas. Dans tous les pays qui ont confiné après Noël, on descend beaucoup.

Par exemple, ce vendredi 19 février 2021 (attention, c’est une photographie et c’est toutefois plus représentatif de prendre une moyenne glissante sur les sept derniers jours), la France a eu 24 116 nouveaux cas, tandis que le pays le pire de cette vague, le Royaume-Uni, n’a eu plus que 12 027 (cela avait atteint les 80 000 quotidien au pire du pic), l’Allemagne, qui était aussi en mauvaise posture depuis décembre, n’a plus que 9 041 nouveaux cas, l’Italie 15 479 nouveaux cas, l’Espagne 11 435 nouveaux cas, etc.

Non seulement la France est devenue, par son statu quo, la mauvaise élève de l’Europe, mais quasiment du monde. Depuis plusieurs jours, la France, en absolu (c’est ainsi qu’il faut compter, pas rapporté à la population car cela ne signifierait rien selon la grandeur du territoire), est classée en troisième position parmi les pays où la situation épidémique est la pire, derrière les États-Unis avec 78 640 et le Brésil qui a eu 51 050 nouveaux cas, mais devant l’Inde avec 14 199, la Russie avec 13 433, et même le Mexique, lui aussi durement touché, qui n’a eu que 9 099 nouveaux cas.

Même si le seuil de 2,5 millions de décès (dans le monde) dus au covid-19 va être franchidans quelques jours, l’OMS a communiqué plutôt positivement sur le sujet en affirmant que l’épidémie régressait globalement dans le monde, ce qui est effectivement une bonne nouvelle, dont ne profite malheureusement pas la France.

La situation des décès en Europe est un peu différente en raison du retard entre contamination et décès (de quatre à six semaines environ). La France est à un niveau inférieur à ces autres pays européens mais seulement en raison de ce retard. Déjà, le nombre de lits en réanimation est éloquent : l’Allemagne en a désormais moins tandis que la France stagne autour de 3 300, le niveau de la première quinzaine de décembre.

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La docteure Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique, expliquait ce 19 février 2021 que cette situation était loin d’être satisfaisante et qu’un reconfinement court pourrait avoir son utilité pour faire descendre ce plateau haut. En effet, actuellement, malgré le couvre-feu très strict, le nombre de nouveaux cas ne descend pas de manière significative. On ne peut pas accepter un nombre de décès entre 400 et 500 chaque jour depuis plus de deux mois (409 le 19 février 2021). Si on attend encore deux mois avec la même situation, la France aura dépassé largement les 100 000 décès depuis le début de la pandémie. En ce sens, comme le répétait le professeur Axel Kahn, la situation est intolérable (Axel Kahn propose un reconfinement de plusieurs semaines pour arrêter le massacre actuel).

Hélène Rossinot a également rappelé que le covid-19 ne s’en prenait pas seulement aux personnes âgées, mais aussi à des personnes jeunes sans comorbidité, qui peuvent avoir des séquelles, d’autres vivre un covid-19 long, de plusieurs mois, parfois six mois. La maladie n’est pas anodine et est éprouvante.

C’était aussi l’occasion, pour Hélène Rossinot, de commenter à nouveau ce nouveau communiqué du conseil scientifique qui proposait un autoconfinement des personnes à risques. Encore une fois, a-t-elle répété avec raison, les personnes à risques le savent très bien et se sont déjà autoconfinées depuis un an ! La situation ne changera donc pas et la recommandation ne sert à rien : ceux qui ne la suivent pas aujourd’hui ne la suivront pas plus demain.

Et les personnes vulnérables, elles ne sont pas seulement les personnes âgées, elles sont aussi les personnes en surpoids, les personnes avec diabète, les personnes avec hypertension, etc. en bref, cela en fait beaucoup, autour de 20 à 25 millions de personnes en France. De plus, les personnes vulnérables doivent pouvoir vivre et ont donc besoin de contact avec des personnes qui viendraient leur apporter des courses, les soigner, les laver, etc. Ce n’est ni réaliste ni éthique de ne vouloir confiner que les personnes âgées. J’avais déjà évoqué cet isolement des personnes vulnérables qui semble être un dada du professeur Jean-François Delfraissy qu’il remet sans cesse en avant.

Une idée récurrente qui oublie que justement, là où les personnes vulnérables furent les mieux confinées, ce fut une véritable hécatombe, à savoir dans les EHPAD, tout simplement parce que la vie impose des interactions avec des personnes aidantes non confinées, de l’extérieur, qui ont apporté le virus.

Je profite aussi de cette remarque pour aller contre le sens conventionnel des médias, contre ce qu’on entend à longueur de journée dans les médias. On dit en effet souvent que les jeunes sont la génération sacrifiée, et qu’elle est sacrifiée à cause des personnes âgées. C’est vrai que c’est difficile d’être jeune en 2021, qu’être étudiant, ou lycéen, ne plus pouvoir voir ses amis ou même se faire des amis, c’est difficile. Mais il ne faut pas dire non plus n’importe quoi !

Aujourd’hui, c’est exactement le contraire qui se passe : ce sont les personnes vulnérables, les personnes âgées qui sont sacrifiées, qui meurent du covid-19 à raison d’un demi millier par jour, un décès toutes les trois minutes !, parce qu’on n’a pas voulu reconfiner quelques semaines et qu’on a voulu sauvegarder la vie des moins vulnérables. Elle est là, la réalité du moment.

Le scénario catastrophe est toujours dans le champ des possibles, à coup de variants qui éclateraient exponentiellement, mais on se demande pourquoi cette explosion n’a pas déjà eu lieu. Si, chaque jour qui passe, ce scénario s’éloigne un peu plus, le scénario le plus rose paraît fort improbable. à savoir une baisse spontanée et rapide du nombre de nouveaux cas sans rien faire. Cette hypothèse, sans mesure adéquate, est peu probable avant le retour des jours chauds, c’est-à-dire la fin du printemps. Combien faut-il encore de dizaine de milliers de morts pour sortir de ce statu quo qui oublie toute l’horreur quotidienne de la pandémie ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 février 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les jeunes, génération sacrifiée ?
Publication scientifique à télécharger : Carrat, F., Figoni, J., Henny, J. et al. Evidence of early circulation of SARS-CoV-2 in France: findings from the population-based “CONSTANCES” cohort. Eur J Epidemiol (2021).
Origine du coronavirus SARS-CoV-2 : détecté et en circulation en France depuis le 5 novembre 2019 ?
Covid-19 : inquiétudes médicales sur le pari d’Emmanuel Macron.
Axel Kahn.
Procrastination ?
Conférence de presse du Premier Ministre Jean Castex le 29 janvier 2021 à l’Élysée (texte intégral).
Faut-il confiner seulement les personnes âgées ?
Katalin Kariko.
Li Wenliang.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
Agnès Buzyn.
Pandémie de covid-19 : plus de 2 millions de décès et une poignée de néo-négationnistes.
Covid-19 : faut-il rapidement un troisième confinement ?
7 questions sur les vaccins contre le covid-19.
Remdesivir : la polémique qu’on n’a pas eue en France…
Les messes à l’épreuve du covid-19.
Nouvelles attestations de déplacements à partir du 28 novembre 2020 (à télécharger).
Il regarde le soleil dans tes yeux !
Pâques 2020, le coronavirus et Dieu…
Covid-19 : faut-il rendre contraignant l’isolement des personnes contaminées ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 24 novembre 2020 (texte intégral et vidéo).
Le calendrier de l’Avent du Président Macron.
Covid-19 : vaccins et informations parcellaires.
La lune de Jupiter.
Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210219-covid-cq-jeunes.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/les-jeunes-generation-sacrifiee-231088

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/02/19/38824388.html





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