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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
5 avril 2021

Emmanuel Macron et les 5 ans d’En Marche

« J’ai décidé qu’on allait créer un mouvement politique nouveau. » (Emmanuel Macron, le 6 avril 2016 à Amiens).



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Il y a exactement 5 ans, le 6 avril 2016, Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Économie et des Finances du gouvernement de Manuel Valls, sous le quinquennat de l’oublié François Hollande, est allé à Amiens, sa ville natale, pour fonder, autour de 200 fidèles, le parti politique En Marche, avec ses propres initiales, devenu un an plus tard La République En Marche (LREM) : « À chaque fois que notre pays a traversé une période de peur et de doute, la condition pour sortir de cette situation fut la même : rebattre largement les cartes. ».

Les principes généraux de ce nouveau mouvement étaient alors : « l’attachement au travail, au progrès et au risque, une égale passion pour la liberté et la justice, un attachement européen profond et exigeant, une croyance inébranlable dans l’énergie de notre pays, pour lui redonner confiance. ». Dans sa charte des valeurs, Emmanuel Macron a émis ce postulat intéressant : « Nous préférons l’innovation à tous les conservatismes. Nous refusons de penser qu’il n’y a de salut que dans un retour vers le passé et pensons au contraire que l’avenir de la France nécessite de renouer avec l’idée de progrès. ». La promotion d’une certaine idée du respect personnel : « Nous sommes attachés à ce que chacun (…) respecte les lois de la République, ainsi que les règles élémentaires de la courtoisie, du respect d’autrui, de l’honnêteté et de la probité. Nous condamnons de manière générale tous les actes et tous les propos qui jugeraient une personne pour ce qu’elle est. ». Une démarche un peu à l’instar de la Nouvelle Société de Jacques Chaban-Delmas.

L’étoile Macron scintillait déjà le 12 mars 2015, à l’issue de la (longue) émission politique sur France 2 : « Le modèle français a un avenir (…). La clef pour l’économie française, c’est de réussir dans la mondialisation pour [continuer] ce modèle. ». Ce premier grand oral télévisuel avait révélé auprès des Français un homme jeune, plein d’idées, à l’aise dans le débat et très volontaire, bref, quasiment l’inverse du Président de la République de l’époque. Dès février 2016, François Hollande avait d’ailleurs envisagé de nommer Emmanuel Macron à Matignon. Avec cette idée, il aurait fait coup double : d’une part, il aurait éloigné du pouvoir le trop influent Manuel Valls, d’autre part, il aurait contrôlé son jeune ministre. Mais dans la tête de François Hollande, il valait mieux contrôler encore Manuel Valls. Erreur fatale.

La création d’En Marche fut le point de départ d’une démarche qui allait inévitablement aboutir à la candidature d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. Le 8 mai 2016, Emmanuel Macron a pris une position régalienne étonnante, célébrant Jeanne d’Arc à Orléans, reprenant ainsi un thème que l’extrême droite avait préempté pendant une trentaine d’années : « Nul ne peut l’enfermer ; tant l’ont pourtant convoquée ou récupérée. Ils l’ont trahie en ne la méritant pas. Ils l’ont trahie en la confisquant au profit de la division nationale. Manipulation des uns, mais aussi faiblesse des autres, car Jeanne d’Arc (…), [c’est] notre histoire commune. ».

L’occasion de donner son sentiment politique : « Notre temps n’est pas celui de la quiétude et de l’insouciance. Il ne doit pas non plus être celui du cynisme ou du défaitisme. Nous devons nous confronter aux défis qui sont les nôtres sans rien céder à la peur et nous devons le faire en sachant qui nous sommes et d’où nous venons. ». Il ne se doutait pas qu’il aurait à gérer une crise sanitaire mondiale.

Le 12 juillet 2016, il organisa son premier meeting à la Mutualité à Paris, où plusieurs milliers de sympathisants sont venus l’ovationner. À deux jours de l’entretien présidentiel traditionnel du 14 juillet, c’était une marque d’insolence évidente si ce n’est de défiance : « Ce mouvement, personne ne l’arrêtera. Nous le porterons ensemble jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire ! ». Les jalons étaient posés.

Fort de ce succès, il aurait dû alors démissionner du gouvernement et déclarer sa candidature quelques jours plus tard, mais l’attentat de Nice deux jours plus tard l’a fait remettre à plus tard, par décence. Finalement, il a démissionné du gouvernement le 30 août 2016 : « Mon choix est un choix pour être libre. Être libre de dire, de proposer, d’agir. Être responsable d’une nouvelle offre qui doit construire un nouvel espoir. C’est une nouvelle étape qui commence, pour laquelle j’aurai besoin de toutes les bonnes volontés. ».

Emmanuel Macron a annoncé officiellement sa candidature à l’élection présidentielle le 16 novembre 2016 à Bobigny. Le 10 décembre 2016, le meeting à la Porte de Versailles enclencha une véritable montée en puissance. Devant 15 000 sympathisants, Emmanuel Macron cria d’une voix cassée : « Ce que je veux, c’est que vous, partout, vous alliez le faire gagner ! Parce que c’est notre projet ! Vive la République et vive la France ! ». Les drapeaux européens s’agitaient au milieu des drapeaux français : le projet d’Emmanuel Macron était un projet pleinement, résolument européen, et assumé comme tel.

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La suite, on la connaît, Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron a été élu Président de la République à l’âge de 39 ans, le plus jeune de toute l’histoire de la République, très largement, avec 66,1% des suffrages exprimés (20,7 millions de voix) : « Une nouvelle page de notre longue histoire s’ouvre ce soir. Je veux que ce soit celle de l’espoir et de la confiance retrouvés. ». Au premier tour du 23 avril 2017, premier de la cordée : 24,0% des suffrages exprimés (8,7 millions de voix).

Transformant son parti en La République En Marche, se rapprochant de l’appellation d’un parti opposant, Les Républicains, sur la méthode de Valéry Giscard d’Estaing qui avait rassemblé les partis du centre droit dans l’UDF (Union pour la démocratie française), reprenant, pour attirer l’électorat gaulliste, un sigle proche de l’ancienne UDR (Union des démocrates pour la République).

Son parti a obtenu la majorité absolue en juin 2017, conquérant 309 sièges sur 577 à l’Assemblée Nationale, avec 28,2% des voix au premier tour. Aux élections européennes du 26 mai 2019, la liste LREM a obtenu la deuxième place avec 22,4%, gagnant 23 sièges du Parlement Européen sur les 74 attribués à la France.

Malgré ces victoires éclairs, il faut évidemment pondérer les affirmations. Ces années ont montré que LREM n’a jamais été qu’une écurie présidentielle au service de son fondateur et reste très loin d’un parti politique au sens historique du terme, à savoir, un mouvement ayant une tradition philosophique ancienne et un encadrement suffisamment fort pour qu’il subsiste en dehors de son fondateur. Les élections sénatoriales de septembre 2017 et de septembre 2020, ainsi que les élections municipales de 2020, ont montré que LREM n’était pas un parti assez implanté localement pour ne pas dire impliqué localement. La plupart des nouveaux députés LREM ont rarement su faire "fructifier" leur élection par une implantation locale leur permettant de "s’installer" dans la vie politique locale.

Or, ce problème d’implantation locale n’a rien à voir avec la nouveauté du parti : quelques mois après la création du RPF (Rassemblement du peuple français), beaucoup de candidats RPF ont conquis des mairies de grandes villes et ont pu s’implanter indépendamment d’une "locomotive" nationale (parfois pour de très nombreuses décennies). L’UNR également, créée de toutes pièces par les fidèles du Général De Gaulle, ont su créer une tradition politique qui s’est ancrée bien au-delà des mandats de De Gaulle et même de son successeur direct. Rien n’indique aujourd’hui que LREM survivrait à la Présidence d’Emmanuel Macron.

Cinq ans, c’est peu, mais en fait, c’est treize mois qu’il faut prendre en compte, Treize mois pour gagner. Ce n’est donc pas tant le parti En Marche que le futur candidat Emmanuel Macron qui a montré un exceptionnel sens politique. On peut comprendre le nombre de jaloux qui ont vu ce trentenaire conquérir l’Élysée après seulement deux ans d’exercice ministériel (François Hollande, quant à lui, n’avait jamais été ministre avant d’avoir été élu), alors que la pratique en France, c’est de gagner seulement après trente, quarante ans de vie politique et élective.

Emmanuel Macron a été exceptionnel dans l’histoire politique, parce qu’il a été courageux, déterminé, habile et joueur.

Courageux car sa grande popularité aurait dû lui conseiller d’être en retrait, d’attendre son tour en 2017 (élection réservée en principe à Alain Juppé dans les sondages) et arriver en 2022 comme le sauveur ou le dauphin (il aurait alors 44 ans, bien en dessous de Valéry Giscard d’Estaing en 1974), et même s’il ratait en 2022, il aurait encore le temps pour retenter sa chance une, deux, voire trois fois, c’était dans la pratique de nombreux candidats depuis quarante ans.

Courageux aussi car il n’a pas attendu le résultat des deux tours de la primaire LR (les 20 et 27 novembre 2016) pour se mouiller, alors que la désignation d’Alain Juppé aurait été pour lui très ennuyeuse. Il n’a pas attendu le renoncement de François Hollande (le 1er décembre 2016) qui aurait donc pu devenir un autre concurrent sérieux. Il n’a pas attendu la non désignation de Manuel Valls comme candidat socialiste qui aurait également ciblé le même électoral "social-libéral". Enfin, il n’a pas attendu de négocier avec François Bayrou (qui ne le lui proposa que le 22 février 2017) ni sa non candidature pour s’engager dans une stratégie très centriste et très bayroutiste "pas à droite et pas à gauche".

Déterminé, parce qu’il a construit LREM comme une sorte de mouvement illuminé avec des fidèles qui n’avaient jamais milité en politique auparavant, en dehors de toute tradition militante classique. Il ne prenait rien aux autres partis et il a créé un espoir qu’on pourrait assimiler au triple espoir suscité par la campagne présidentielle de 2007 : UMP avec Nicolas Sarkozy, Désirs d’avenir avec Ségolène Royal et UDF avec François Bayrou. On peut aussi l’associer à la campagne américaine de Barack Obama de 2008, Yes We Can ! Il a fait son bonhomme de chemin en dehors de toute contingence politicienne, en totale liberté par rapport aux autres partis. Ce qui avait de quoi mettre en colère les apparatchiks du PS.

Habile, car il a su saisir au mieux toutes les occasions qui l’ont porté. On ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron était parti favori ni dans les sondages ni parmi les analystes politiques, mais il a su utiliser tous les défauts de ses rivaux. Rivaux sur le segment électoral : éliminées d’une manière ou d’une autre les candidatures de François Hollande, Alain Juppé, François Bayrou. Quant aux candidatures d’un autre segment électoral, l’affaire qui a plombé la candidature de François Fillon, l’incompétence manifeste de Marine Le Pen et l’égocentrisme de Jean-Luc Mélenchon ont beaucoup aidé Emmanuel Macron à tel point qu’après coup, on se demanderait comment il aurait pu ne pas être élu.

Joueur, car Emmanuel Macron n’était pas un animal politique même s’il a bien appris. Emmanuel Macron était en quelque sorte un joueur. Technocrate, haut fonctionnaire, inspecteur des finances, il s’ennuyait. Il a joué au banquier chez Rothschild et il a gagné son premier million au bout d’un ou deux ans, mais si l’argent était son horizon, il serait resté dans le secteur privé. Non, il a voulu toucher à autre chose, connaître les rouages du pouvoir à l’Élysée (comme Secrétaire Général adjoint) puis à Bercy comme ministre. Il comptait faire plutôt de la littérature avant d’être nommé ministre (en ce sens, c’est le comportement de son prédécesseur Arnaud Montebourg qui l’a fait venir dans le cercle restreint des présidentiables). Sa candidature à l’élection présidentielle était comme un nouveau défi personnel, il pouvait perdre, il serait passé à autre chose au lieu de s’accrocher pendant quarante ans à retenter sa chance.

Bref, Emmanuel Macron a pris des risques. C’est ce qu’on demande aux entrepreneurs, aux chefs d’entreprise, aux créateurs d’entreprise. La culture du risque est trop faiblement encouragée en France parce qu’on est dans une culture du perfectionnisme. Or, le risque, c’est supposer possible l’échec, ce qui est absolument impensable ou infamant. Emmanuel Macron n’a eu qu’à ramasser à la petite cuillère un paysage politique en pleine décomposition.

Donc, évidemment, il faut saluer la performance qui est historique. Jamais un candidat crédible à une élection présidentielle depuis qu’il y a le suffrage universel direct (1965) n’a été aussi novice qu’Emmanuel Macron, novice dans le sens de connaisseur et praticien de la vie politique. C’est exceptionnel car les Français sont par défaut conservateurs, donc, quitter les traditions républicaines impliquait de pouvoir les rassurer sur ses capacités à être Président de la République.

L’autre raison de saluer la performance, c’est aussi de prouver la solidité des institutions de la Cinquième République et leur capacité à renouveler la classe politique, et le paysage politique. Un nouveau parti est capable, s’il est proche des citoyens, de concurrencer et même de supplanter les grands partis dominant la vie politique depuis plusieurs décennies. Cela aussi, c’est rassurant d’un point de vue démocratique.

Mais le message du 6 avril 2016 devient encore plus éclatant le 6 avril 2021. Il y a le même temps de préparation avant l’élection présidentielle qu’il y a cinq ans, et cela avec des bouleversements non négligeables (crise sanitaire, etc.). Pour qu’il y ait un nouvel acteur qui puisse devenir un candidat crédible à l’élection présidentielle de 2022, il va donc falloir quelqu’un d’encore plus brillant, d’encore plus habile, d’encore plus déterminé, d’encore pius courageux qu’Emmanuel Macron en 2016.

Autant dire que cette personnalité ne s'est pas encore fait connaître. Le "jeu" présidentiel risque donc, très naturellement, faute de l’avoir préparé en amont, au "jeu" précédent de 2017, avec Emmanuel Macron pour sa réélection éventuelle, Marine Le Pen qui, préférant les chats à l’économie, va quand même faire le job de candidate le temps d’une nouvelle campagne d’incompétence populiste, Jean-Luc Mélenchon qui, malgré l’âge, se croit indispensable dans une gauche largement et irréversiblement divisée, sans compter quelques autres personnalités dont certaines écologistes qui voudraient bénéficier du petit capital de sympathie acquis en 2019 et qui risque fort de se dilapider avant même l’élection présidentielle (les maires doctrinaires de Lyon, Bordeaux, Poitiers, etc. contribuent beaucoup à cette érosion électorale).

Dans cette société de liberté et de démocratie, c’est sans doute la grande leçon de 2017 qui reviendra en 2022 : c’est le meilleur qui gagnera !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (05 avril 2021)
http://www.rakotoarison.eu



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https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-et-les-5-ans-d-en-232114

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