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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
1 juin 2021

Les Républicains et la tentation populiste

« Le vrai enjeu est que les Républicains vont devoir se prononcer pour ou contre une alliance avec le Rassemblement national. Et ça, c’est un problème politique majeur pour notre famille politique. » (Jean-François Copé, "L’Obs" du 31 mai 2021).


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Par cette réflexion ci-dessus, l’ancien patron de l’UMP et maire de Meaux, Jean-François Copé, réagissait aux propos intempestifs du numéro 2 de LR, vice-président, le député Guillaume Peltier, prononcés à l’occasion du "Grand Jury" de RTL, LCI, "Le Figaro" du dimanche 30 mai 2021 et qui ne voyait pas pourquoi ne pas coopérer avec des proches du RN comme Robert Ménard, le maire de Béziers : « J’estime que c’est un très bon maire (…). On porte les mêmes convictions (…). Échanger, discuter, travailler avec Robert Ménard ne me dérange en rien. ». Malgré la réunion délicate auprès des sénateurs LR le 1er juin 2021, Guillaume Peltier a persisté et signé et a continué à militer pour la création d’une « grande coalition du redressement national » qui comprendrait LR et le RN.

Comment ne pas imaginer Jacques Chirac se retourner dans sa tombe : le parti gaulliste faisant alliance avec les héritiers de l’OAS ? Certes, l’idée n’est encore que diffuse, que subliminale, mais elle est pensée maintenant si fortement que certains en viennent à l’imaginer concrètement, comme à Dreux en septembre 1983. Les Républicains, pourtant, n’est pas que le parti gaulliste, c’est la suite de l’UMP qui était la réunion du RPR, certes, mais aussi d’une grande partie de l’UDF, encore plus modérée que le RPR (l’autre partie de l’UDF étant restée autonome avec le MoDem mais aussi l’UDI, Les Centristes, le Mouvement radical, etc.).

Certes, Guillaume Peltier, bien que vice-président de LR, ne représente que lui et rappelle évidemment ses premiers engagements aux côtés du FN, puis du MPF. La nature revient toujours au galop même si on susurre ici ou là que ces relents de droite dure ont surtout pour objectif de lui apporter quelques strapontins dorés. Personne évidemment chez LR ne veut relancer le débat des alliances à moins de trois semaines des élections régionales et départementales, élections cruciales pour LR qui compte bien se refaire une nouvelle légitimité après sa cuisante défaite des élections européennes de mai 2019.

Le problème de LR, c’est qu’il n’y a plus de "leader" incontesté. Ou plutôt, plus de "grands hommes politiques". Certes, il y a quelques noms qui pourraient être des candidats valables à l’élection présidentielle, mais il n’y a plus d’animaux politiques, de personnalités qui sont nées avec l’ambition élyséenne au biberon et qui n’ont jamais vécu que par cela sans jamais renoncer.

Ils se comptent historiquement sur les doigts d’une main, allez, de deux mains : Jacques Chirac, Valéry Giscard d’Estaing, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, Philippe Séguin… qui d’autres ? Eux, quoi qu’ils pussent dire dans leur cheminement personnel, c’était pour les nourrir, nourrir leur ambition, tactiquement ou stratégiquement. Les idées comptaient peu mais leur évolution personnelle beaucoup. Ainsi, quand l’un parlait du bruit et des odeurs, c’était juste pour racoler les électeurs d’extrême droite, un braconnage sans doute contestable et probablement contreproductif, mais c’était pour Jacques Chirac, pas pour conforter les idées extrémistes. Il en fut de même de l’invasion, terme écrit et réfléchi d’un VGE en peine de résurrection dans les intentions de vote.

Aujourd’hui, tous les petits lederdaillons qui s’expriment, ils peuvent croire aussi qu’ils font comme les grands que je viens de citer, mais en fait, ils se trompent : leur devenir est trop petit, trop court, trop discret, trop vain pour que cela leur serve un jour dans des démarches qui avorteront vite (exemples : Jean-François Copé, Laurent Wauquiez). Mais en revanche, jouer à ce jeu dangereux, c’est-à-dire s’amuser à mettre de l’huile sur le feu en pensant orgueilleusement en récupérer un peu d’éclat, s’il est inutile pour eux, il est dangereux pour la nation, pour le peuple et plus généralement, pour les idées politiques en France.

En effet, en laissant entendre que les idées de LR sont proches de celles du RN, ce qui est complètement faux (il suffit de lire leurs programmes), on renforce la confusion dans les électorats respectifs et l’on aide beaucoup ...l’original à la copie, comme aimait si bien le dire Jean-Marie Le Pen. Bref, ce ne sont plus les idées puantes qui sont instrumentées au service du leader politique, mais le contraire, ce sont les (mini) leaders politiques qui s’auto-instrumentent au service de ces idées. Peut-être inconsciemment.

Cela faisait depuis 2017 que je pressentais l’évolution politique étonnante de LR. Cette évolution, c’est celle d’un parti centriste entre deux gros (RN et LREM). Depuis la défaite de François Fillon dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, en effet, LR est passé du statut d’un grand parti à un parti supplétif, à savoir, juste capable de soutenir un des deux candidats restés au second tour. Le système politique français est assez bestial dans son application du fait majoritaire puisqu’à la fin, il ne reste plus que deux blocs, soit on accepte de soutenir l’un des deux, soit on se met en retrait, ce qui, à mon sens, est pire, puisque cela veut dire qu’on laisse les autres décider pour soi, qu’on se désengage politiquement, pour des responsables politiques, ce n’est pas très …responsable !

La position du parti centriste, je l’ai longtemps vécue puisque j’ai soutenu Raymond Barre et François Bayrou aux élections présidentielles (notamment de 1988 et de 2007), ils étaient les "troisièmes hommes", ce qui est sans doute la pire des affaires puisque cela voulait dire qu’ils auraient pu être deuxièmes, et qu’ils devaient choisir après eux l’un de leurs concurrents au second tour.

Paradoxalement, la quasi-disparition de la gauche a placé le parti du Président Emmanuel Macron à gauche et au centre de l’échiquier politique, le RN, par sa forte audience d’un électorat d’une sociologie très différente de celle de LR, tente de remplir la position à droite de l’échiquier et LR, l’ancien parti hégémonique, se retrouve ainsi tiraillé sur sa droite dure et sur son centre droit. Ce n’est plus le RPR qui plume la volaille centriste, mais LREM (le centre) qui plume la volaille gaulliste. Retournement des choses. Inversion des situations.

Dans les intentions de vote, la droite (prise de manière globale) représente environ 70% alors qu’auparavant, pendant longtemps, elle représentait autour de 50%. Et c’est le parti par excellence de la droite républicaine qui tend à disparaître : normal, si tout le monde se dit de droite, le parti de droite n’a plus de quoi se différencier, et comme il n’a jamais fait un travail très approfondi sur ses spécificités programmatiques, ce courant politique risque d’être purement et simplement écarté du jeu politique.

Rappelons quand même que LR, c’était l’alliance UDR-RPR, capable d’atteindre 43% dès le premier tour au niveau national (exemple, les élections européennes de juin 1984, à un seul tour). Bref, quasiment la moitié de l’électorat. Il ne représente maintenant qu’un douzième de l’électorat (aux élections européennes de mai 2019).

Certains ont déjà lâché LR pour le RN. Le plus emblématique est sans aucun doute Thierry Mariani, l’ancien Ministre des Transports de Nicolas Sarkozy qui s’est fait battre aux législatives et qui comptait se refaire une virginité politique au sein du RN, déjà par les élections européennes de 2019 (il a été élu député européen) et, habileté suprême, il drague maintenant les mêmes électeurs que LR en PACA (tête de liste RN aux régionales en PACA).

Mais concrètement, il n’y a pas beaucoup d’élus LR qui ont franchi ce pas explicitement, et tous ceux qui laissent entendre qu’une alliance serait cohérente restent pourtant prudemment au sein de LR, au cas où. Évidemment, la plupart des dirigeants de LR ont préféré Emmanuel Macron à Marine Le Pen en 2017, et le contraire a étonné voire inquiété quand Laurent Wauquiez refusait de donner une consigne de vote claire. Soyons bien précis : une consigne de vote d’un parti n’a, à mon avis, jamais vraiment influé sur le vote de ses électeurs (un parti n’est pas propriétaire de ses électeurs), mais cela donne une indication politique cruciale sur ceux qui l’émettent.

Du côté du RN, la situation a évidemment beaucoup évolué depuis le temps du FN dirigé par Le Pen père. Jean-Marie Le Pen avait la haine du RPR, de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Il préférait la victoire d’un candidat socialiste à celle d’un gaulliste, c’était d’ailleurs la même politique qu’en décembre 1965 puisque Jean-Louis Tixier-Vignancour, dont il était le directeur de campagne, s’est désisté au second tour en faveur de François Mitterrand et pas de De Gaulle. Il ne prônait aucune coalition à droite et préférait rester dans l’opposition sans avoir d’alliance.

Marine Le Pen, assoiffée d’ambition, est prête, en revanche, à faire un deal avec la droite classique. Elle avait déjà proposé à Nicolas Dupont-Aignan de devenir son Premier Ministre en 2017, en échange de quelques voix, mais maintenant, elle laisse entendre qu’elle pourrait gouverner avec certains élus LR, comme Nadine Morano ou Éric Ciotti. Au moins, c’est clair, les lepenocompatibles de LR devaient aller jusqu’au bout de leur logique…

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Revenons justement à LR. Pourquoi les électeurs LR voteraient-ils encore pour LR si LR était prêt à s’allier avec le RN ? Si ces électeurs étaient favorables à une telle alliance, pourquoi ne voteraient-il alors pas directement pour le RN ? Et s’ils considéraient qu’une telle alliance serait une catastrophe démocratique, alors ils ne voteraient plus LR et chercheraient d’autres gouvernances moins compatibles.

La position centriste est évidemment plus difficile à tenir que lorsqu’on se retrouve dans un extrême, lorsqu’il s’agit de prendre position. Certes, l’échiquier politique peut être rond si on conçoit que les extrêmes se rejoignent (ce dont je suis à peu près sûr), mais on conviendra qu’en 2002, il était plus facile pour un socialiste de voter Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen que pour un chiraquien, de voter Lionel Jospin contre Jean-Marie Le Pen. Pourquoi ? Parce que les deux candidats présents au second tour seraient d’un côté et de l’autre, mais pas d’un seul côté (auquel cas on prendrait le plus "modéré"). Dans une telle configuration, on pourrait hésiter, car pour être élu, on essaie de séduire toutes les ailes, de droite, de gauche, du centre (c’était la grande habileté de François Mitterrand), à faire converger vers un candidat et ce candidat est fédérateur mais lorsqu’il n’est plus présent, les électeurs reprennent leurs anciennes origines.

Cela dit, pour la plupart des dirigeants et des élus de LR, le choix entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen était sans hésitation pour le premier (François Fillon, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Gérard Larcher, etc.), au point que lorsque ce n’était pas très clair, certains ont même quitté LR, depuis 2017, et encore en 2021 en PACA : Jean-Pierre Raffarin, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Christian Estrosi, Hubert Falco, etc. Sans compter aussi ceux qui ont franchi allègrement le Rubicon macronien : Édouard Philippe, Jean Castex, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Roselyne Bachelot, Jean-Baptiste Lemoyne, Sébastien Lecornu, Franck Riester, Thierry Solère, etc.

Il y a aussi une autre difficulté pour LR, une difficulté insurmontable, qui est la même que pour les partis centristes limitrophes comme l’UDI. C’est justement que l’actuel gouvernement est trop proche de leurs idées politiques. Comment pouvoir exister dans une situation où vous vous retrouvez dans l’opposition à un gouvernement qui défend votre propre politique ? La logique aurait voulu que vous fassiez partie de cette majorité, de ce gouvernement, mais si on ne vous l’a pas proposé, que faire ? L’existence au sein d’une opposition, c’est de s’opposer, mais s’opposer à quoi si vous êtes en accord avec les grandes lignes ? C’est un problème majeur pour Les Républicains.

"Heureusement", certains sujets clivants peuvent servir à s’opposer, de manière très artificielle, comme la PMA pour toutes ou d’autres sujets (la dépénalisation du cannabis par exemple), mais ce ne sont pas des sujets qui donnent l’impulsion d’une politique nationale. La gestion de la crise sanitaire, forcément imparfaite et parfois agaçante, a aussi donné prise à l’opposition, mais pour quels résultats ? Personne, dans la classe politique, n’a le crédit de pouvoir mieux faire qu’Emmanuel Macron qui, rappelons-le, se retrouve, après quatre années d’exercice du pouvoir, avec encore 42% de bonnes opinions (un score que tous ses prédécesseurs depuis quarante ans pourraient envier).

Pourtant, la situation de LR est loin d’être désespérée, au contraire du parti socialiste qui, petit à petit, se fait électoralement phagocyter par les écolodogmatiques d’EELV même dans les élections locales. En effet, LR est très bien implanté localement et remporte régulièrement des victoires électorales dans les élections locales (nous verrons si cela continue avec les élections régionales et départementales).

Au contraire, LREM est très mal implanté et malgré la bonne tenue du Président de la République dans "l’opinion publique", cela ne suffit pas à aider électoralement les candidats LREM, on l’a vu pour les élections municipales de 2020 et on le verra pour les élections régionales et départementales, ne serait-ce que par absence même de candidature LREM (c’est le cas en PACA).

Ainsi, LR se trouve être un parti plus complémentaire que concurrent à LREM face au RN qui, lui, est bien implanté localement aussi. En effet, LR manque de leader national et de visibilité nationale, ou plutôt, de différenciation programmatique nationale, mais est bien structuré, tandis que LREM jouit de la figure d’Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle mais est incapable, sauf exceptionnellement, de réussir une implantation locale, sans doute en raison de la structure trop pyramidale et inconsistante de LREM.

Du reste, quand on regarde les dernières élections législatives partielles du 30 mai 2021, je vois mal comment LREM, avec son allié MoDem, pourrait conserver une majorité absolue à l’Assemblée Nationale aux élections législatives de juin 2022, même en cas de réélection d’Emmanuel Macron, sans le renfort d’une alliance qui élargirait la future majorité.

Le problème n’est pas la forte abstention, mais quels sont les candidats capables de mobiliser le plus leur électorat. Or, l’électorat du RN sera toujours très mobilisé car sa motivation est souvent la colère qui est toujours mobilisatrice. La majorité sortante aura donc probablement plus de mal à mobiliser qu’une majorité de remplacement.

C’est d’ailleurs sans doute la vraie carte à jouer de LR pour 2022. Celle de négocier un véritable accord de gouvernement entre LREM et LR (quand j’écris LR, je pense aussi à ses alliés centristes), le soutien de LR à Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle en échange d’un partenariat de candidature aux élections législatives et d’une plateforme gouvernementale négociée.

Le problème, c’est qu’une telle stratégie considère comme impossible l’arrivée d’un candidat LR au second tour de l’élection présidentielle, ce qui est inadmissible pour un grand parti qui ne peut pas partir défait par avance. Jean-Christophe Lagarde, qui vient d’être réélu président de l’UDI, a mis en garde contre un nouveau duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen qui pourrait tourner en faveur de cette dernière en raison du risque de démobilisation des électeurs de la majorité et de l’absence de "front républicain" de type 2002 (il n’y a pas vraiment eu de front républicain en 2017). Je ne crois pas, en revanche, que dire cela soit en mesure de mieux lutter contre le RN, au contraire, cela conforte la candidate du RN dans sa capacité à être élue (j’y reviendrai).

En tout cas, ce type de stratégie est probablement dans l’esprit d’un Christian Estrosi qui a confirmé sur BFM-TV le 1er juin 2021 qu’il n’était pas question pour lui d’être un futur ministre d’Emmanuel Macron, ce qui ne l’empêcherait pas d’être à la manœuvre pour coordonner LR et LREM en 2022. D’ailleurs, c’est un peu ce qu’a fait très habilement le président LR sortant du conseil régional de PACA, Renaud Muselier, qui mène une liste ouvertement LR-LREM pour sa reconduction à la tête de la région. Pour l’instant, les sondages semblent indiquer que cette stratégie est bancale électoralement même si, politiquement, elle se montrera de plus en plus nécessaire au fil des mois qui viennent…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (01er juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Les Républicains et la tentation populiste.
Olivier Dassault.
Serge Dassault.
Jean Foyer.
Éric Raoult.
Nicolas Sarkozy.
Droite populaire.
Alain Devaquet.
Philippe Douste-Blazy.
Gilles de Robien.
Alain Madelin.
Jean-Louis Borloo.
Michel d’Ornano.
Louis Joxe.
Gérard Longuet.
Olivier Stirn.
Édouard Philippe.
Jean Castex.
Jacques Chirac.
Bernard Debré.
Christian Poncelet.
Patrick Devedjian.
Philippe De Gaulle.
Charles De Gaulle.
Valéry Giscard d'Estaing.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210530-les-republicains.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-republicains-et-la-tentation-233476

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/06/01/38995978.html







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