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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
13 juillet 2021

Emmanuel Macron, la méthode forte

« Je veux vous dire ce soir que nous avons eu raison collectivement de rechercher sans cesse l’équilibre entre la protection et la liberté ; raison, au début de cette année, de protéger la vie sans pour autant refermer le pays. Cette situation maîtrisée, c’est le fruit de nos choix, de nos efforts. Ces choix et nos résultats nous permettent d’aborder les difficultés qui sont encore devant nous avec détermination. » (Emmanuel Macron, le 12 juillet 2021).



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Détermination, c’est sans doute le mot qui est le plus pertinent de la soirée. Le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé une longue allocution télévisée ce lundi 12 juillet 2021 à 20 heures, de près de 27 minutes, où il a évoqué à la fois la situation sanitaire de la France et les perspectives d’action de sa dernière année de mandat (on peut lire ou écouter l’allocution ici).

Alors que la France était, il y a trois semaines, au plus bas de la situation épidémique depuis un an (moins de 2 000 nouveaux cas par jour), la situation s’est aggravée, tant en France que dans le monde, à cause de la colonisation du variant delta (au 12 juillet 2021, 62,20% des nouveaux cas sont des variants delta en France). Le variant delta est trois fois plus contaminant que la souche d’origine de l’été dernier.

La quatrième vague est là : « À l’heure où je vous parle, notre pays est confronté à une reprise forte de l’épidémie, qui touche tous les territoires, métropole comme outre-mer. Aussi longtemps que le virus circulera, nous serons confrontés à ce type de situation. L’apparition du variant dit delta se traduit en effet par une augmentation des contaminations partout dans le monde. (…) Il s’engouffre dans tous les espaces non couverts par la vaccination. ».

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L’heure était donc grave et la situation était même doublement grave. Alors que l’été commence, avec les vacances scolaires, la quatrième vague pandémique arrive et pourrait se trouver à un niveau très fort dès le début du mois d’août 2021 (environ 20 000 nouveaux cas  par jour), et cet été est particulier politiquement dans la mesure où il ponctue la dernière étape du mandat présidentiel d’Emmanuel Macron avant l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu les 10 et 24 avril 2022. Or, Emmanuel Macron souhaitait justement donner une nouvelle inflexion à sa politique nationale afin de se présenter comme un Président réformateur. Le variant delta est donc en train de bouleverser ce calendrier élyséen.

Ou pas. Car si, au contraire des précédentes vagues, Emmanuel Macron ne compte pas du tout arrêter de nouveau le pays. D’autant plus que la reprise économique est réelle et qu’il ne s’agit pas de l’étouffer.

Heureusement, la nouveauté, c’est qu’il y a le vaccin : « Nous avons pour faire face à cette nouvelle donne un atout maître, qui change tout par rapport aux vagues précédentes : le vaccin. Tous les vaccins disponibles en France nous protègent solidement contre ce variant delta. ».

En effet, le vaccin est efficace à 95% pour éviter les formes graves (et donc les hospitalisations et éventuellement les décès) et la vaccination divise d’un facteur 12 la capacité à contaminer d’autres personnes, ce qui signifie que plus la population sera vaccinée, plus le virus sera freiné.

L’objectif fixé est donc clair, la vaccination de tous : « Alors que la science nous offre les moyens de nous protéger, nous devons les utiliser avec confiance dans la raison et dans le progrès. Pour nous protéger et pour notre unité, nous devons aller vers la vaccination de tous les Français, car c’est le seul chemin vers le retour à la vie normale. ».

Ainsi, Emmanuel Macron a pris la solution de la méthode forte. D’abord, la vaccination obligatoire pour le personnel soignant et les aides de personnes fragiles. Cette décision, qui aurait pu intervenir plus tôt, est facilement applicable : à partir du 15 septembre 2021, des sanctions pourront être prises, et celles-ci seront suffisamment dissuasives pour être efficaces. Le Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, qui faisait le SAV de l’allocution présidentielle dans la soirée, expliquait que les personnels soignants ne seraient plus payés à partir du 15 septembre 2021 s’ils n’étaient pas vaccinés.

Et les autres ? Sur le papier, le Président s’est déclaré toujours opposé à l’obligation vaccinale de la population générale : « En fonction de l’évolution de la situation, nous devrons sans doute nous poser la question de la vaccination obligatoire pour tous les Français. Mais je fais le choix de la confiance. Et j’appelle solennellement tous nos concitoyens non-vaccinés à aller se faire vacciner dès aujourd’hui au plus vite. ».

Dans les faits, les décisions présidentielles sont plus habiles. En utilisant fermement le passe sanitaire, Emmanuel Macron a souhaité privilégier l’efficacité à toute autre considération : il y a urgence à vacciner au maximum. Une loi sera nécessaire, dont le texte sera soumis au Conseil d’État dès le 13 juillet 2021 et le Parlement est convoqué en session extraordinaire le 21 juillet 2021 pour adopter ce texte : il s’agit d’augmenter pour le début du mois d’août 2021 (le plus rapidement possible selon la procédure législative) les activités sociales nécessitant le passe sanitaire. Par ailleurs, l’état d’urgence sanitaire va être décrété à nouveau.

Rappelons que cet outil (le passe sanitaire) est un papier qui atteste soit de la vaccination, soit d’un test de dépistage négatif de moins de 48 heures. Jusqu’à maintenant, le passe sanitaire est nécessaire pour de grands rassemblements ponctuels ou des vols aériens, des événements qu’on peut préparer assez longtemps à l’avance. Désormais, il faudra le passe sanitaire aussi pour entrer dans un restaurant, dans un hôpital (aux urgences, par exemple), et même dans un centre commercial. Également dans un train ou car pour de longs trajets : « En fonction de l’évaluation de la situation, nous nous poserons la question de l’extension du passe sanitaire à d’autres activités encore. ».

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Ces différentes occasions vont amener la population non-vaccinée à se faire vacciner, d’autant plus que les tests de dépistage sans ordonnance (dans le cas justement pour obtenir un passe sanitaire) ne seront plus remboursés à partir du mois d’octobre 2021. Je redis mon opposition à cet arrêt du remboursement des tests, je comprends que c’est pour favoriser la vaccination, mais dans les faits, le risque est d’avoir une moins bonne perception de la situation épidémique.

Néanmoins, j’approuve ces mesures très fortes d‘extension qui visent à être efficace. Car il y a une urgence à faire vacciner toute la population, il n’y a pas de temps à perdre : « Faites-vous vacciner ! C’est la seule façon de vous protéger et de protéger les autres. C’est une question de responsabilité individuelle, de sens de l’esprit collectif. C’est aussi ce dont dépend notre liberté, à toutes et tous. ».

Des mesures supplémentaires de restriction sanitaire seront décidées par les préfets dans les départements dont le taux d’incidence sera supérieur à 200 (actuellement, la moyenne nationale est de 37,36 au 9 juillet 2021). Parmi ces mesures, le retour du couvre-feu. Mais la règle devrait être celle-ci : « Notre approche est simple. Partout, nous aurons la même démarche : reconnaître le civisme et faire porter les restrictions sur les non-vaccinés plutôt que sur tous. ». D’où la politique d’extension du passe sanitaire.

Emmanuel Macron a évoqué très rapidement l’aide à la vaccination que l’Europe apportait aux pays les plus pauvres (« Pour en finir durablement avec la pandémie, nous devons vacciner partout. »), mais avec des quantités dérisoires (quelques dizaines de millions de doses) par rapport au besoin réel.

L’allocution présidentielle aurait pu ainsi se terminer sur cette lutte contre l’épidémie, la mobilisation pour faire vacciner le plus totalement possible la population française. Mais c’était sans compter le fait que la période est préélectorale : « L’été de mobilisation pour la vaccination sera aussi un été de relance. ».

La perspective de l’élection présidentielle a déjà aiguisé l’ambition de quelques prétendants, notamment chez LR. Ainsi, les 18% d’intentions de vote qu’accordent actuellement les sondages à Xavier Bertrand peuvent montrer un réel danger pour sa réélection.

L’idée est de savoir qui, au centre droit, d’Emmanuel Macron ou du candidat LR, peut-être Xavier Bertrand, est le plus volontariste, le plus déterminé à vouloir mener la France dans la spirale de la croissance et de la prospérité. Or, si Emmanuel Macron décidait de renoncer à agir pendant ses derniers mois à l’Élysée, il serait un nouveau François Hollande, exemple qu’il ne souhaite absolument pas suivre.

Alors, ce 12 juillet 2021, Emmanuel Macron a joué son va-tout. C’est très téméraire mais très sincère. Un peu à l’instar d’un Nicolas Sarkozy qui, à la fin du mois de janvier 2012, à quelques semaines de l’élection présidentielle, avait annoncé l’augmentation de la TVA.

Ainsi, la confirmation que la réforme de l’assurance-chômage s’appliquera au 1er octobre 2021 me paraît une erreur d’analyse. On ne peut faire une politique en considérant que les demandeurs d’emploi profitent de leur chômage. Tous préféraient retrouver un emploi et être considérés socialement. S’il y a des cas qui bénéficient de certaines circonsctances, ils sont minoritaires et ne peuvent être le motif d’une politique générale. Car concrètement, cela veut dire que les demandeurs d’emploi vont perdre dans leur indemnisation. Or, la crise sanitaire a renforcé le chômage, même si le rebond de croissance tente de compenser. La réforme ne serait valable que dans le cas où le taux de chômage serait faible, de l’ordre de 4%, où il serait facile de retrouver un emploi en cas de chômage. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui en France où le chômage est encore bien trop élevé.

Pour la réforme des retraites, là encore, il faut lire entre les lignes. Emmanuel Macron a redit sa volonté de saisir les partenaires sociaux pour sauver notre modèle social et préserver nos retraites avec deux éléments à la clef : rallonger à 64 ans l’âge légal de la retraite (actuellement, c’est 62 ans et la loi de Marisol Touraine tend à faire augmenter chaque année d’un trimestre), et l’autre élément est la suppression des régimes spéciaux (quarante-deux au total). Là encore, l’idée est plus simple à dire qu’à faire, car l’existence de ces caisses de retraite rend la réforme très compliquée.

Lire entre les lignes, c’est bien comprendre les propos présidentiels : « J’ai entendu les débats sur le moment : faut-il faire cette réforme dès ce mois de juillet, à la rentrée, ou bien plus tard ? Alors, si je demande au gouvernement de Jean Castex de travailler avec les partenaires sociaux sur ce sujet dès la rentrée, je ne lancerai pas cette réforme tant que l’épidémie ne sera pas sous contrôle et la reprise bien assurée. ». Cette dernière phrase est très claire : pas la peine de sortir manifester dans les rues, Emmanuel Macron ne fera pas cette réforme des retraites avant la fin de son mandat. Il a pris simplement date, en prenant de l’avance sur l’éventuel candidat LR qui ne pourrait qu’être à la remorque du gouvernement sur ce sujet très important.

À ces deux réserves (le fond de la réforme de l’assurance-chômage) et le moment choisi de la réforme des retraites (je ne suis pas opposé au fond : il me paraît évident qu’il faut augmenter le nombre de jours travaillés en France, puisque c’est sur le travail qu’est basé tout notre édifice social), j’approuve les autres mesures qu’Emmanuel Macron a annoncées.

D’abord, la poursuite d’un plan de relance très ambitieux pour refaire de la France une puissance industrielle où l’innovation et la recherche sont massives. Le Président veut reconquérir la souveraineté industrielle de la France et de l’Europe, qui était un point crucial au début de la pandémie. Il veut profiter de la Présidence française de l’Union Européenne (à partir du 1er janvier 2022) pour mettre à l’ordre du jour européen cet enjeu majeur.

Par ailleurs, le Président veut également aider tous les jeunes à préparer leur avenir, avec une mesure qui fera sans doute l’objet de débats : « Pour amplifier cette dynamique, je présenterai à la rentrée le revenu d’engagement pour les jeunes, qui concernera les jeunes sans emploi ou formation et sera fondé sur une logique de devoirs et de droits. ».

La troisième réforme s’adresse aux plus fragiles : « Quant à nos aînés et nos concitoyens en situation de handicap, trop souvent confrontés à une solitude sans solution, nous leur devons une grande ambition humaniste pour l’autonomie, un accompagnement renforcé pour le maintien à domicile, des maisons de retraite modernisées. ».

Ces actions pour les jeunes d’une part, et pour les plus âgés d’autre part, il y voit une nouvelle unité : « C’est un nouveau pacte français entre les générations qu’il nous faut bâtir pour notre Nation. ».

Enfin, pour réduire les dépenses publiques, Emmanuel Macron a misé sur la réforme de l’État, celle de la fonction publique, mais aussi le mille-feuilles territorial : « La seule solution est de continuer à bousculer le système et les positions établis, les rentes, les statuts. ». Emmanuel Macron a fait un malheur en 2017 comme candidat anti-système, il voudrait donc se replacer dans ce rôle de David luttant contre le Goliath de la technocraitie.

Emmanuel Macron a une nouvelle fois donné le cap de sa politique nationale, ce que François Hollande n’a jamais su faire, et ce que les éventuels concurrents de 2022 ne savent pas encore faire. Cela ne veut pas dire que ce sera suivi des faits. Les Français savent trop que l’important est de lutter contre l’épidémie et de préserver la croissance économique.

Mais Emmanuel Macron, par un discours très volontariste, s’inscrit dans le temps long, bien au-delà de l’élection présidentielle. Son ambition, c’est de préparer la France de l’an 2030 : « Bâtir la France de 2030 et faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain qui, dans les domaines du numérique, de l’industrie verte, des biotechnologies, ou encore de l’agriculture, dessineront notre avenir. ».

Et pour cela, il est prêt à perdre l’élection présidentielle plutôt que faire de l’immobilisme. Nul doute qu’une bonne partie de l’électorat de LR va se dire en l’écoutant : ah mais, je sais qui sera notre meilleur candidat pour 2022 !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Emmanuel Macron, la méthode forte.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 12 juillet 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (2).
Emmanuel Macron face à la 4e vague (1).
Emmanuel Macron et le qui perd gagne.
Emmanuel Macron a-t-il mérité d’être baffé ?
Emmanuel Macron au Rwanda : pas de repentance mais des responsabilités.
Napoléon Bonaparte selon Emmanuel Macron.
Du haut de ce Président, quatre ans vous contemplent.
Napoléon, De Gaulle et Macron.
Emmanuel Macron, deux ans après.
Emmanuel Macron et les 5 ans d’En Marche.
Le "chemin d’espoir" d’Emmanuel Macron.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 mars 2021 à Paris (texte intégral et vidéo).
Emmanuel Macron sera-t-il un Président réformateur ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210712-macron.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-la-methode-forte-234310

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/07/10/39053174.html








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