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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
13 septembre 2021

Alexandre Benalla s’invite dans la campagne présidentielle

« Je sens mes jambes se dérober sous moi à cause de la culpabilité. Mais je ne baisse pas les yeux et les laisse dans les siens. » (Valérie Perrin, "Les Oubliés du dimanche", éd. Albin Michel, 2015).




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Ce lundi 13 septembre 2021 s’ouvre au tribunal correctionnel de Paris le procès de l’ancien collaborateur de l’Élysée Alexandre Benalla. Un procès qui devrait durer trois semaines (jusqu’au 1er octobre 2021). J’ai déjà évoqué ici plusieurs fois cette "affaire" qui a été le premier grain de sable, à partir du 18 juillet 2018 (trois jours après la victoire nationale), de la très belle mécanique macronienne qui a eu pour effet de bouleverser le calendrier présidentiel des réformes, calendrier dont le Président de la République n’a jamais vraiment réussi à reprendre le contrôle à cause du mouvement des gilets jaunes en novembre 2018, puis de la crise sanitaire majeure à partir de janvier 2020.

Avec la rediffusion des nombreux films avec Jean-Paul Belmondo à la télévision, le téléspectateur avisé a pu revoir l’excellent "Stavisky" d’Alain Resnais, assisté de Florence Malraux, la fille du grand écrivain (sorti le 15 mai 1974), qui retrace l’histoire terrible d’un homme ambitieux et audacieux, Alexandre Stavisky, qui ne fonctionnait que par bluff, ayant acquis une influence considérable dans les milieux politiques et parfois, au plus haut niveau de l’État. Le scandale a débouché sur l’une des crises politiques les plus graves de la Troisième République, les émeutes du 6 février 1934.

Évidemment, ce serait faire injure à l’Histoire de faire des analogies oiseuses. Néanmoins, il y a un peu de Stavisky chez Benalla, ambition et audace, bluff et influence. De même, personne ne lui souhaite la même fin que l’homme d’affaires escroc, malgré la haine qu’il a pu susciter sur les réseaux sociaux.

Lorsque Alexandre Benalla a été interrogé au Sénat par la commission des lois à l’époque encore présidée par Philippe Bas, ce dernier avait parfois le souffle coupé par le bluff voire le mensonge froidement exprimé d’un homme qui voyait dans cette audition l’une de ses minutes de gloire… alors qu’il n’y avait pas de quoi s’en vanter : les juges vont le lui rappeler.

Je rappelle très brièvement les raisons du procès : on lui reproche d’avoir frappé en tenue de policier le 1er mai 2018, place de la Contrescarpe à Paris des manifestants alors qu’il n’avait pas à la porter (donc, deux motifs), on lui reproche aussi d’avoir utilisé deux passeports diplomatiques qui auraient dû ne plus être valides après son départ de l’Élysée (il a été licencié le 20 juillet 2018), on lui reproche aussi le port d’arme, il y a d’autres affaires et enquêtes judiciaires, dont une qui concerne des contrats avec un oligarque russe. Son renvoi en correctionnelle a été motivé pour « usage public et sans droit de documents justifiant d’une qualité professionnelle » et « faux et usage de faux ». Il est jugé aussi pour « violences volontaires en réunion » et « immixtion sans titre dans l’exercice d’une fonction publique ».

Au-delà des faits que l’État de droit a identifiés, il y a surtout toute la manière dont l’Élysée fonctionne qui s’est révélée avec cette affaire Benalla. La sécurité de François Hollande à l’Élysée n’avait pas été meilleure et on avait pu observer de graves dysfonctionnements. D’autres dysfonctionnements ont été pointés pour la sécurité de son successeur, Emmanuel Macron, en particulier lorsqu’un collaborateur pouvait se permettre de venir à l’Élysée avec une arme. L’affaire met en lumière aussi les frontières floues entre vie publique (et institutionnelle) du Président de la République et de sa sécurité, et sa vie privée puisque ce collaborateur était censé assurer la sécurité présidentielle lorsqu’il était dans sa vie privée. Mais au risque d’être simpliste, il faut rappeler que lorsqu’on est Président de la République, on a choisi de ne plus avoir de vie privée pendant cinq ans.

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Emmanuel Macron a sans doute soutenu Alexandre Benalla quelques jours de trop. Il a imaginé qu’en s’en prenant à son ancien collaborateur, on s’en prenait à lui, alors, il a lâché une phrase qui a fait des ravages dans sa communication politique en politisant imprudemment une affaire qui aurait dû rester de droit commun. Devant les parlementaires de la majorité réunis le 24 juillet 2018 à la Maison de l'Amérique latine, Emmanuel Macron a en effet continué à soutenir son ancien collaborateur en déclarant : « On ne sacrifie pas des têtes de fonctionnaires, de ministres ou de collaborateurs sur l’autel des émotions populaires. ». Et il a fini par une provocation qui lui a fait beaucoup de tort : « Le responsable, c’est moi. Qu’ils viennent me chercher ! ».

Une phrase imprudente sinon stupide, avec l’utilisation d’un "ils" à opposer à "moi" particulièrement mal venue (eux sont bêtes, moi j’ai raison) quand on a pour fonction de représenter tous les Français et de les rassembler autour d’un projet d’avenir commun. Cela faisait un peu "caïd de banlieue". Avec le même tort que fait par une autre petite phrase de "caïd élyséen" prononcée par Nicolas Sarkozy au Salon de l’Agriculteur (« Casse-toi, pauvr' c... ! »)...

C’était une erreur de novice en politique. Un homme politique prudent aurait immédiatement pris ses distances avec Alexandre Benalla dès lors qu’il était convaincu que ce dernier avait été en infraction avec la loi. Son Premier Ministre d’alors Édouard Philippe avait alors été beaucoup plus habile et prudent en constatant simplement une « dérive individuelle » qui n’avait rien à voir avec une « affaire d’État ».

Dans le film "Stavisky", les amis hauts placés de Jean-Paul Belmondo (Alexandre Stavisky) lui rappellent que s’il était recherché par la police, alors eux, ses amis, ne l’auraient jamais connus. C’est cette attitude qu’Emmanuel Macron, au risque du cynisme, aurait dû adopter pour éviter toute polémique politique. Rejeter l’affaire Benalla comme une simple affaire de droit commun, indépendante de tout soutien politique, particulièrement imprudent aujourd’hui avec les moyens technologiques dont on dispose (Alexandre Benalla aurait été enregistré dans ses conservations téléphoniques, etc.).

Le gouvernement, qui a toujours fort à faire avec la crise sanitaire et la relance économique, se serait bien passé du nouvel écho de cette triste affaire que le procès va apporter à quelques mois de la campagne présidentielle. Ce Benalla est décidément le petit bout de sparadrap du capitaine …Macron !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Alexandre Benalla s’invite dans la campagne présidentielle.
Affaire Benalla : des parlementaires qui font leur travail !
Affaire Benalla : un manque de sens politique ?
Vidéo de la conférence de presse de la commission d’enquête sénatoriale sur l’affaire Benalla le 20 février 2019 (à télécharger).
Affaire Benalla : l’attaque frontale des sénateurs.
Rapport de la mission sénatoriale sur l’affaire Benalla le 20 février 2019 (à télécharger).
Benalla en prison : vers la fin de l’impunité ?
Alexandre Benalla dans les traces de Jérôme Cahuzac.
Jérôme Cahuzac.
Audition de Jérôme Cahuzac le 26 juin 2013 (texte intégral).
Audition d’Alexandre Benalla au Sénat le 21 janvier 2019 (vidéo à télécharger).
Audition d'Alexandre Benalla au Sénat le 19 septembre 2018 (vidéo à télécharger).
Benalla vs Sénat : 1 partout.
Audition de Patrick Strzoda au Sénat le 25 juillet 2018 (vidéo à télécharger).
Patrick Strzoda et le code du travail à la sauce Benalla.
Exemplaire et inaltérable la République ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210913-benalla.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alexandre-benalla-s-invite-dans-la-235757

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/09/13/39132594.html










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