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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
13 octobre 2021

Hubert Germain, le dernier Compagnon

« Ce n’était pas l’amour de la patrie, mot bien trop abstrait. Non, c’était vraiment l’amour de la France. » (Hubert Germain, en 2020).



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Il avait assisté à de nombreux hommages militaires aux Invalides où il résidait. Des soldats morts au Mali, en Afghanistan, au Niger… et aussi Daniel Cordier, son devenu compère depuis le temps… Hubert Germain était comme Daniel Cordier, un résistant, et aussi un Compagnon de la Libération, titre rare, chichement attribué par De Gaulle (il ne l’a même pas attribué à son fils Philippe De Gaulle qui aurait pu le mériter pour son action). Les deux Compagnons étaient nés presque en même temps, à quatre jours près.

Même âge. La différence entre les deux ? La chronologie. Daniel Cordier est parti presque un an avant lui, le 20 novembre 2020. Daniel Cordier ne voulait pas être le dernier. Il ne voulait pas être inhumé au Mont Valérien comme c’était prévu depuis la Libération. Hubert Germain, lui, avait accepté, avait bien voulu, il est donc resté le dernier, il ressentait le lourd poids de l’histoire : il sera l’équivalent du Soldat inconnu. Mais connu. Il est parti ce mardi 12 octobre 2021 à l’âge de 101 ans. Sa mort a été annoncée par la Ministre des Armées Florence Parly en introduction à son audition devant la commission de la Défense du Sénat : « Je voudrais d’abord vous informer du décès d’Hubert Germain, notre dernier Compagnon de la Libération (…). C’est un moment important de notre histoire. ».

J’avais raconté son héroïque histoire il y a quelques années, il était à la fois un soldat courageux et brave, qui a refusé la défaite, il a été un cadre d’entreprise et il a été un ministre gaulliste. Dès la fin de la guerre, il s’est engagé en politique avec des mandats successifs (maire, député, etc.).

Il a été ministre dans les gouvernements de Pierre Messmer entre juillet 1972 et mai 1974, en particulier aux Postes et Télécommunications à une époque où il fallait attendre trois mois et avoir du piston pour pouvoir installer une ligne de téléphone (fixe). Politiquement, il était autant gaulliste que messmérien. Les deux hommes politiques avaient participé à la bataille de Bir Hakeim en juin 1942, au sud de Tobrouk : « Dans le désert, on n’est pas face à face, dans le désert, on est comme sur un océan. La conception même de la bataille n’est pas du tout la même. Oui, il y a le sable, il y a de vagues repères (…). Quant à l’ennemi, il est partout. Il est devant vous, il est à gauche, il est à droite, il est derrière vous, et en l’air (…), il était aussi au sol (…). » (Hubert Germain). Pierre Messmer recruta plus tard Hubert Germain dans son cabinet de Ministre des Armées de 1960 à 1962 et de 1967 à 1968 (périodes où ce dernier n’était pas encore puis plus député).

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Très tôt, Hubert Germain, 19 ans, a compris. Il était le 14 juin 1940 en train de passer un concours pour intégrer la prestigieuse École navale de Bordeaux mais l’armée allemande allait entrer dans Paris. Ce fut copie blanche : « Au bout de cinq minutes, je me suis dit : mais qu’est-ce que tu fais là ? Je me suis levé en disant à l’examinateur : je pars faire la guerre. » (2017).

Avec quatre de ses amis, il a embarqué depuis Saint-Jean-de-Luz pour Londres le 24 juin 1940. On ne pouvait pas faire plus tôt, ni plus vite. Pour atteindre le bateau, il a rusé : il s’est adressé au général polonais des troupes qui allaient en Angleterre : « Mon général, je suis moi-même fils de général de l’armée française. Nous serions honorés, avec mes compagnons, de nous joindre à vous. ». Et ça a marché ! À la fameuse rencontre des (2 000) premiers venus à l’Olympia Hall le 6 juillet 1940 : « [De Gaulle] s’arrête un instant, me regarde, et me dit : "Je vais avoir besoin de vous" ! ».

Dans un communiqué rendant hommage à celui qui a « incarné un siècle de liberté » et qui a été une « figure de proue de la France libre », le Président Emmanuel Macron a complété : « Sur le papier qu’il signa à l’Olympia Hall lors de son engagement militaire, la France qu’il défendait avait désormais un nom, c’était la France libre, et le chef qu’il servait un visage, celui du Général De Gaulle. Sa rébellion individuelle devenait une résistance collective. » (12 octobre 2021).

Daniel Cordier a raconté plus précisément cet épisode historique dans "Alias Caracalla" chez Gallimard (en 2009) : « Il me fait penser à un héron. Je n’ai jamais vu le général "en vrai". Ceux dont les journaux publient les portraits m’ont toujours paru vieux. De Gaulle, lui, est plus jeune, mais son aspect bizarre est accentué par sa voix aux intonations étranges. ». Et voici ce que De Gaulle, martial et distant, a dit à ses premières recrues : « Je ne vous féliciterai pas d’être venus : vous avez fait votre devoir. Quand la France agonise, ses enfants se doivent de la sauver. C’est-à-dire de poursuivre la guerre avec nos alliés. (…) Notre armée sera française, commandée par des chefs français. (…) Ce sera long, ce sera dur, mais à la fin, nous vaincrons. N’oubliez jamais l’exemple des Français qui, dans notre histoire, ont sacrifié leur vie pour la patrie. Vous devez être dignes de leur sacrifice. Dans les moments de découragement, rappelez-vous qu’ "il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". ».

Les médias disent de manière convenue qu’avec sa disparition, une page de l’Histoire se tourne. En fait, elle était tournée depuis très longtemps. Lui était comme la conscience contemporaine d’un héroïsme très ancien. Justement, je pensais à lui hier matin en écoutant Michel Barnier qui voudrait instituer une semaine de civisme chaque année pour tous les jeunes, ce qui consisterait à faire des travaux civiques mais aussi rencontrer des personnes exemplaires pour comprendre le monde, et il citait entre autres des résistants. Hélas, Michel Barnier était un peu trop en retard, rencontrer des résistants à notre époque est quasiment impossible. Les vies s’envolent.

Toujours présent dans les différentes commémorations, selon son état de santé qui s’est détérioré rapidement ces derniers mois, Hubert Germain, devenu chancelier honoraire de l’ordre de la Libération (il était le dernier survivant de cet ordre), est resté une conscience républicaine précieuse pour ces temps de relativisme et d’oubli de l’histoire.

Hubert Germain a laissé un petit livre d’entretiens pour témoigner de son expérience. La France ne l’oubliera pas car il sera célébré à chaque commémoration comme représentant de tous les Compagnons de la Libération. Emmanuel Macron lui rendra un hommage militaire dans la cour d’honneur des Invalides le vendredi 15 octobre 2021 dans l’après-midi, et l’ancien résistant sera inhumé au Mont Valérien au cours d’une cérémonie officielle présidée par le Président de la République, le jeudi 11 novembre 2021 et qui commencera à l’Arc-de-Triomphe.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Biographie militaire d’Hubert Germain.
Hubert Germain le survivant.
Le courage exceptionnel de deux centenaires.
Hubert Germain.
De Gaulle.
Daniel Cordier.
Pierre Mazeaud.
Michel Debré.
Bernard Pons.
Pierre Juillet.
Philippe Mestre.
Henry Chabert.
Olivier Dassault.
Éric Raoult.
Yvon Bourges.
Christian Poncelet.
René Capitant.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211012-hubert-germain.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/hubert-germain-le-dernier-236472

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/12/39174701.html







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