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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
15 octobre 2021

Klim Tchourioumov, découvreur d’astre

« Tâche d’être heureux… Laisse ce globe tranquille ! » ("Le Petit Prince" de Saint-Exupéry).



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L’astronome ukrainien Klim Tchourioumov est mort il y a cinq ans, le 15 octobre 2016 à Kharkov, d’un accident vasculaire cérébral, à l’âge de 78 ans (né le 19 décembre 1937). Le scientifique n’était pas forcément très connu, malgré la reconnaissance internationale dont il a bénéficié (membre de l’Académie des sciences d’Ukraine, de New York, de l’Union astronomique internationale etc.), n’a pas eu de Nobel, aurait pu tranquillement passer sa retraite oublié de tous (un peu comme Peter Higgs)… si ce n’était qu’il a vécu à la fin de sa vie l’une de ces merveilleuses émotions qui vous rendent tout le sens à votre existence, qui vous subliment toute votre carrière professionnelle et toutes vos passions personnelles.

Imaginez ! À 31 ans, vous découvrez un astre dans l’univers. Pas juste un astre pour songer et rêver comme un enfant. Un véritable astre, fidèle, qui va et qui vient vous voir de temps en temps. Cet astre, vous l’appelez par votre nom et le nom de votre (jeune) collègue (elle avait alors 24 ans) Svetlana Guérassimenko (en fait, elle était encore étudiante) qui avait fait une série de photographies du ciel à l’Observatoire d’Alma-Ata (au Kazakhstan) en septembre 1969. Et sur des clichés du 9, du 11 et du 21 septembre 1969, un objet vous intrigue. Vous croyez d’abord que c’était une comète connue, la 32P/Comas Sola, découverte le 5 novembre 1926 par l’astronome barcelonais José Comas y Sola, mais après bien des calculs et réflexions, vous en concluez qu’il s’agit plutôt d’un nouvel astre et vous le baptisez ainsi par votre nom et celui de votre étudiante.

La 67P/Tchourioumov-Guérassimenko (que j’appellerai par la suite Tchouri) est en effet une comète qui n’avait pas encore été répertoriée. Elle vient faire le tour du Soleil selon une orbite elliptique particulière. Elle a la taille du Mont-Blanc, ce qui fait qu’elle a à peu près la taille des planètes de Saint-Exupéry (j’exagère un peu, les siennes sont bien plus petites), mais elle n’est pas ronde, un peu bosselée, d’une taille de l’ordre de 4 à 5 kilomètres et elle pèse environ 10 milliards de tonnes. La comète passe près du Soleil tous les 6 à 7 ans et son prochain périhélie (c’est-à-dire le point de sa trajectoire où la comète est le plus proche du Soleil) aura lieu le 2 novembre 2021 (passant à 1,2 unité astronomique du Soleil, 1 ua correspond à peu près à 150 millions de kilomètres, la distance Terre-Soleil).

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En principe, découvrir un astre est plaisant mais cela ne va pas plus loin. C’est juste un nom dans un grand catalogue international. Ce qui a ému les deux découvreurs de comète, c’est qu’au précédent périhélie, qui a eu lieu 13 août 2015, l’Europe, dans son union et dans sa force collaborative, avait voulu mieux observer cette comète (et aussi les astres qu’elle approcherait).

Le projet, la folle aventure de la sonde européenne Rosetta et de son robot Philae, je l’ai déjà évoquée précisément ici. Ce fut un grand succès de la coopération européenne (Agence spatiale européenne, ESA). C’était un grand exploit scientifique et technologique avec des moyens finalement assez ringards. En effet, à cause des durées de voyage très longues, la conception des appareils (sonde, robot, instruments) a commencé dès 1993, à une époque avec des composants électroniques peu performants (initialement, la mission aurait dû avoir la possibilité de rapporter des échantillons de la comète mais ce fut beaucoup trop compliqué et coûteux, et cet objectif fut rapidement abandonné). La sonde Rosetta a été lancée le 2 mars 2004 et s’est approchée de Tchouri le 2 août 2014. Rosetta s’est mise ensuite le 10 septembre 2014 sur une orbite tchourienne à 29 kilomètres du sol, et le 12 novembre 2014, le robot Philae a "atterri" sur le sol de la comète.

C’était un énorme exploit, car la sonde était à près de 1 milliard de kilomètres de la Terre (exactement à 807 millions de kilomètres le 20 janvier 2014, à comparer aux moins de 400 000 kilomètres de la distance Terre-Lune). La sonde a dû parcourir 6,6 milliards de kilomètres pour atteindre la comète. Et le robot s’est posé avec une précision de 10 mètres sur le sol, tandis que Rosetta a frôlé la comète à 6 kilomètres de distance le 14 février 2015. Impossible de commander à distance (rappelons qu’il faut 8 minutes pour que la lumière parcoure 150 millions de kilomètres soit 16 minutes pour réagir à un fait quelconque, sans prendre en compte le temps de réflexion, soit à peu près 1 heure pour éventuellement commander à distance Philae !).

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Après deux jours de mesures, le robot s’est "reposé" (pour conserver son énergie) jusqu’à l’arrivée de Tchouri à proximité du Soleil et pendant près d’un mois, du 13 juin au 9 juillet 2015, le robot Philae a pu filmer, analyser le réchauffement de Tchouri par le Soleil, le dégazage, etc. Le robot a ensuite été immobilisé et le 12 février 2016, la comète Tchouri s’est tellement éloignée du Soleil que sa température au sol a chuté jusqu’à –180°C, soit plus basse que la température de fonctionnement de Philae (à "l’aller", entre novembre 2015 et juin 2016, le robot avait été "endormi" car la température était trop basse et hors veille, la sonde bénéficiait d’une source d’énergie par les panneaux solaires).

Le 30 septembre 2016, la sonde Rosetta a donc dit son dernier mot en étant programmée pour s’écraser sur le sol tchourien. Il était inutile d’encombrer l’Espace d’un objet inutile et cela a permis de faire encore quelques photographies à l’approche du sol. Il y aura encore du travail d’astrophysiciens pour une vingtaine d’années, le temps de tout observer, scruter, analyser des informations recueillies par cette mission.

Le 3 octobre 2016 (peu avant la disparition de l’astronome ukrainien), j’écrivais ainsi (désolé de me citer, mais autant le préciser par honnêteté) : « C’est vrai que Tchouri fait moins rêver que la Lune ou même Mars ou Vénus, mais il y a aussi les distances depuis la Terre qui sont incomparables. La mission Rosetta est un petit mélange de Jules Vernes, de Tintin et du Petit Prince. ».

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Ce qui fait rêver, ce n’est peut-être pas un rêve d’enfant mais c’est un rêve de passionné, c’est qu’une comète est une sorte de "terre" originelle (de morceaux de matière originelle) du Système solaire avant sa formation. En effet, les planètes qui proviennent aussi de cette nébuleuse originelle ont été transformées par l’énergie solaire. Les comètes, au contraire, se sont éloignées très rapidement du Soleil dès la formation du Système solaire il y a 4,5 milliards d’années, si bien que leur composition chimique est une sorte de photographie de l’époque, pas transformée par le Soleil. J’évoquais le concept d’une trempe dans l’Espace. Un peu comme les carottes glacières forées du Pôle Nord peuvent donner une indication de l’atmosphère d’il y a des dizaines de milliers d’années.

Le 12 novembre 2014, pour assister à l’atchourissage de Philae, le professeur Klim Tchourioumov a fait le voyage et était présent au Centre européen des opérations spatiales à Darmstadt, en Allemagne. Inutile de dire qu’il était très ému de savoir que l’être humain était parvenu, en moins de cinquante ans (quarante-cinq ans), à fouler de ses créations le sol d’une comète distante de près de 1 milliard de kilomètres de la Terre, de pouvoir prendre des photographies, de pouvoir les regarder presque en direct (avec le décalage déjà décrit). Il n’a survécu que deux semaines à la fin de la mission Rosetta.

Comme je l’ai écrit plus haut, la prochaine visite de la comète Tchouri aura lieu le 2 novembre prochain. Mais cette fois-ci, nous n’aurons pas de jumelles électroniques et spatiales. Ce n’est pas grave, le professeur Tchourioumov, du haut de son étoile, veille sur elle : « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. »


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Klim Tchourioumov.
L’exploit de Blue Origin, la fabrique du tourisme spatial écolo-compatible.
John Glenn.
Michael Collins.
Atterrissage de la navette Atlantis le 21 juillet 2011.
SpaceX en 2020.
Thomas Pesquet.
60 ans après Vostok 1.
Youri Gagarine.
Spoutnik.
Rosetta, mission remplie !
Le dernier vol des navettes spatiales.
André Brahic.
Les petits humanoïdes de Roswell…
Evry Schatzman.
Le plan quantique en France.
Apocalypse à la Toussaint ?
Le syndrome de Hiroshima.
L’émotion primordiale du premier pas sur la Lune.
Stephen Hawking, Dieu et les quarks.
Les 60 ans de la NASA.
La relativité générale.
La PMA pour toutes les femmes désormais autorisée en France.
La Science, la Recherche et le Doute.
Bill Gates.
Benoît Mandelbrot.
Roland Omnès.
Katalin Kariko.

Marie Curie.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211015-tchourioumov.html

https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/klim-tchourioumov-decouvreur-d-236491

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/10/13/39175610.html






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