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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
27 février 2022

Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !

« J’ordonne au ministre de la défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion en régime spécial d’alerte au combat. » (Vladimir Poutine, le 27 février 2022 à 15h).



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Il est fou ou quoi ? Déterminé, oui. Isolé, certainement. Dans sa bulle d’autoréférence. Alors qu’ils étaient toujours froids et calculateurs, ses discours montrent depuis un an des éléments passionnels inquiétants. Et apparemment, il a déjà fait quelques erreurs de discernement ces derniers jours contre ses intérêts tactiques et stratégiques. De quoi inquiéter.

Ça y est. Les Américains avaient donc raison de le craindre. Vladimir Poutine, bouffi, avec ses gros sabots, a montré à la planète entière son cynisme total dans la tradition soviétique de la "maskirovka" : il n’y a jamais eu rien à négocier avec cette homme. Le jeudi 24 février 2022, c’est un réveil comme si le cauchemar avait pris la forme de la réalité. Les troupes russes stationnées aux frontières de la Russie, de la Crimée et de la Biélorussie (190 000 soldats) ont envahi l’Ukraine. Réellement envahi. C’est l’invasion russe de l’Ukraine. Une déclaration de guerre. Comme à l’époque de l’invasion soviétique de l’Afghanistan. La Russie bombarde l’Ukraine. Aujourd’hui.

Les médias se sont emparés naturellement du sujet et s’en gavent ad nauseam. C’est inhérent à cette mode venue des États-Unis des chaînes d’information continue depuis l’époque de l’invasion du Koweït par l’Irak. Pour les journalistes, c’est aussi l’aubaine à peine dissimulée, c’est de l’audience avant tout, comme dans tout fait exceptionnel, on invite plein de pseudo-experts, on mouline dans le vide au point d’oublier que la vague omicron continue à tuer en France (autour de 200 morts par jour et 60 000 nouveaux cas par jour ; encore 25 000 lits occupés à l’hôpital, 2 500 en réanimation ; heureusement, ça descend fortement mais le R0, taux de reproduction effectif, commence à remonter), et au point aussi de faire l’impasse sur l’échéance démocratique majeure en France tous les cinq ans, l’élection présidentielle (premier tour dans seulement un mois et dix jours !).

C’est donc la "séquence" ukrainienne, alors parlons-en.

Je remonte dans le temps. Je suis à la fin de l’année 1989 à l’Université de Nancy dans une conversation "de café". Je discutais avec un physicien de haut niveau spécialiste des défauts dans les matériaux, il avait l’occasion de voyager souvent dans le monde, comme tous les scientifiques (la science est internationale ou elle n’est pas). Nous dissertions sur les suites de la chute du mur de Berlin : ni lui ni moi, beaucoup plus jeune, ne pensions vivre de nos yeux cette transformation politique majeure du monde d’après-guerre. Partageant notre amour commun et notre fascination commune pour la culture russe, nous envisagions ainsi la Russie de nouveau dégagée du joug communiste, après trois quarts de siècle d’idéologie paralysante. Cette passion pour la Russie n’a rien d’exceptionnel pour un physicien : il y a beaucoup de physiciens russes de haute pointure et ils font partie de ceux qui ont beaucoup contribué. D’autant plus haute pointure qu’ils sont capables de faire de la science sans beaucoup de moyens.

Dans notre discussion, nous en arrivions à l’Ukraine. Les pays baltes avaient déjà exprimé leur envie d’émancipation (les chars soviétiques sont venus à la rescousse quelques semaines plus tard), et l’Ukraine, si elle cherchait à s’émanciper, ce serait l’éclatement de l’URSS. Grenier à gain des Russes, pays le plus étendu de l’Europe hors Russie, pays dont le peuple a beaucoup payé, les purges de Staline, les famines, les guerres, etc. Cette conversation sans forcément d’originalité m’avait marqué. Deux ans plus tard, finalement, sans beaucoup de heurts, grâce au sang-froid de Boris Eltsine, l’URSS terminait sa course sans même de crise avec l’Ukraine qui a proclamé son indépendance le 24 août 1991, peu après le putsch raté de Moscou. Au contraire, l’Ukraine et la Russie étaient des voisins accommodants, des accords ont permis que la flotte russe, les armes nucléaires russes restent spécifiquement sous contrôle exclusif de la Fédération de Russie (voir plus loin).

Trente ans sont passés, une génération. Aujourd’hui, je pense surtout aux victimes, aux milliers de morts que cette guerre cynique, sotte et fratricide va inévitablement coûter aux Russes et aux Ukrainiens, aux centaines de milliers de réfugiés qui vont quitter l’Ukraine pour survivre, qui vont émigrer en Union Européenne (j’espère que les pays de celles-ci seront enfin un peu plus accueillants qu’avec les autres réfugiés politiques ; égal à lui-même dans son vomi obsessionnel, Éric Zemmour a déjà dit qu’il n’en voulait pas en France). On le sait malheureusement que le bilan sera lourd. Parce que les Ukrainiens ont décidé de se battre, de résister.

On pouvait imaginer une capitulation façon Kaboul 2021. Mais quand c’est votre pays qui est en cause, faut-il abandonner toute idée nationale ? Se soumettre aux envahisseurs, aux occupants ? Heureusement, il existe encore des patriotes. Le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a eu raison politiquement et historiquement à appeler à la résistance, mais humainement, cela va forcément coûter cher. Son courage étonne d’ailleurs, loin d’être impressionné, l’ancien comédien a pris une autre dimension, celui d’un véritable homme d’État. Le peuple ukrainien, en l’élisant, avait peut-être une bonne intuition. On lui a proposé d’être exfiltré, mais pas question de quitter Kiev, le combat est là.

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Soyons clairs : chaque pays a le droit d’assurer sa sécurité, mais il n’a jamais été dit ni écrit que les pays de l’ex-URSS devaient renoncer à devenir des membres de l’OTAN si leur peuple le souhaitait dans un libre consentement. Ce qui gêne Vladimir Poutine, c’est évidemment le processus démocratique mis en place en Ukraine depuis 2014. Il risque de faire tache d’huile à Moscou alors qu’il souhaiterait garder le pouvoir encore quatorze ans.

Cet homme que je respectais m’a beaucoup déçu. C’est vrai qu’un homme qui a façonné son autorité à partir d’une guerre en Tchétchénie (où il a massacré des dizaines de milliers de personnes innocentes) ne pouvait pas sortir d’une logique belliqueuse et des rapports de force grégaires. Mais il s’était montré doublement à la hauteur au début des années 2000, en montrant d’ailleurs un anticommunisme et un anti-islamisme viscéraux qui plaçaient la Russie dans une communauté internationale plus large dans le combat commun contre le terrorisme islamique. Rappelons-nous que c’est Vladimir Poutine qui a exprimé le premier son soutien au Président George W. Bush lors des attentats du World Trade Center. C’est lui qui a initié la coopération avec les Américains à une époque où les pays d’Asie centrale commençaient à gangrener avec l’islamisme radical.

Bien entendu, tous les prétextes qu’il ne cesse de répéter ces derniers jours pour justifier l’injustifiable sont stupides, notoirement faux, à usage interne pour son "opinion publique" et que seuls, à l’extérieur, des crédules, naïfs et antipatriotes des autres pays peuvent entendre. Comme l’expliquait le député toujours très avisé Jean-Louis Bourlanges le 15 février 2022, le Président Poutine sait qu’il n’a rien à craindre pour la sécurité de la Russie sur son flanc ouest pour deux raisons : les États-Unis, depuis Barack Obama, se désengagent progressivement du territoire européen pour s’investir plutôt dans la zone Pacifique ; quant à l’Union Européenne, vue son incapacité à définir une défense commune, il n’a pas grand-chose non plus à craindre de ce côté-là.

D’ailleurs, on peut même espérer que cette guerre en Ukraine va avoir un effet salutaire pour l’Europe : la guerre est à sa porte, et cela permet de prendre conscience qu’il faut prendre la résolution de se défendre soi-même, sans rien attendre des autres. C’est ce que prônent les pro-européens depuis longtemps (depuis 1953 exactement !), ce qui va quand même à l’encontre d’une doctrine atlantiste basée sur la toute-puissance des États-Unis au sein de l’OTAN. Cette OTAN, dont est encore membre la Turquie, probablement que la Russie a raté le coche : il était un moment envisagé que la Fédération de Russie rentrât elle-même dans l’organisation afin de redéfinir ses buts (dont la finalité, je répète, reste la défense de la paix). La Russie aurait alors carrément dénaturé l’OTAN et l’OTAN n’aurait plus eu cet effet supposé menaçant pour elle aujourd’hui.

L’OTAN ne s’est d’ailleurs jamais engagée à ne pas s’étendre vers l’Est européen. Elle instruit et statue sur les demandes d’adhésions librement voulues par les peuples européens libérés pour se protéger militairement. Et visiblement, pour les pays baltes, la Pologne et la Roumanie notamment, c’était bien vu, ils ont aujourd’hui effectivement besoin d’être protégés par l’OTAN puisqu’ils sont menacés directement par la Russie comme le subit aujourd’hui l’Ukraine.

Par ailleurs, la Russie, elle, s’est engagée à respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en particulier la Crimée. Elle viole ses engagements depuis 2014. Par le Protocole de Lisbonne signé le 23 mai 1992, l’Ukraine a accepté de signer le traité de non-prolifération des armes nucléaires et de laisser la Russie reprendre sur son sol les armes nucléaires qui y étaient installées à l’époque soviétique (la Biélorussie et le Kazakhstan ont suivi la même voie). Par le Mémorandum de Budapest, signé le 5 décembre 1994, la Russie, l’États-Unis et le Royaume-Uni se sont engagés à respecter non seulement les frontières de l’Ukraine mais à s’abstenir de toute menace ou usage de la force, toute pression économique contre l’Ukraine, et enfin, à ne pas faire usage de l’arme nucléaire en Ukraine. Et la Russie a renouvelé cet engagement pour que ce mémorandum soit encore respecté après le 4 décembre 2009 (à l’expiration du Traité Start).

L’argument de dénazification est complètement loufoque et a été répété sans arrêt depuis 2014. Celui d’une possible future possession de l’arme nucléaire est encore plus stupide, des gros sabots que même les Américains de l’époque de la guerre en Irak n’auraient pas osé porter. Du reste, le principal porte-voix de ce mensonge était le général Colin Powell qui a regretté pendant le restant de sa vie d’avoir été autant abusé par les services de renseignements de son pays. On n’imagine pas Vladimir Poutine, même dans un sursaut de lucidité, juste avant de mourir, regretter l’emploi de ce type d’argument que seuls, les naïfs militants et aveuglés sont susceptibles de croire.

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Comme faiseur d’histoire, il y a meilleur acteur. Vladimir Poutine, qui aurait pu avoir un mention honorable dans les livres d’histoire, est simplement devenu un "paria", un autocrate va-t-en-guerre, la risée du monde international, comme l’ont été d’autres despotes pas très "exemplaires" (il y en a eu beaucoup, Kadhafi, Milosevic, Bachar El-Assad, etc.). S’il veut "prendre" Kiev, il aura du mal sans détruire la ville, qui est pourtant le berceau de la Russie avec de nombreux monuments représentant la culture russe. De quelqu’un qui se réclame de l’histoire millénaire, ce serait impardonnable. Un symptôme peut-être d’un début de folie ?

Comment comprendre cet acte insensé. L’acte sensé, cela aurait été à la rigueur, même si c’était strictement interdit (mémorandum du 5 décembre 1994), de phagocyter les deux pseudorépubliques du Donbass comme elle l’avait fait déjà avec la Crimée, et c’était ce que je croyais avec la reconnaissance officielle de ces deux territoires : un référendum fantoche et une annexion pure et simple comme la Crimée.

Mais envahir toute l’Ukraine, bombarder Kiev, Kharkiv, Lviv, ça n’a aucun sens, ni aucun intérêt géostratégique pour la Russie. La Turquie a refusé de laisser passer des navires russes par le détroit du Bosphore, ce qui coupe la route de la sortie de la Mer Noire. C’est un peu normal, la Turquie aussi se sent menacée par la Russie, surtout quand on ne comprend plus les décisions de Vladimir Poutine. Même la Chine, au Conseil de Sécurité de l’ONU, ne s’est pas opposée aux sanctions demandées par les Américains, les Britanniques et les Français ; elle s’est seulement abstenue, prudemment. Et c’était avant l’évocation de la force nucléaire. Probablement que la Chine commence à comprendre que la Russie est de moins en moins fiable.

C’est vrai qu’après vingt-deux ans au pouvoir, Vladimir Poutine est en échec total à l’intérieur de la Russie. La crise du covid a été particulièrement mortelle en Russie, le nombre de décès évalué entre 500 000 et un million de victimes, au contraire des statistiques officielles. De plus, personne ne veut se faire vacciner avec Sputnik V, ce qui fait que la politique sanitaire de Vladimir Poutine (par ailleurs véritablement paranoïaque du SARS-CoV-2, d’où la longue table) est en totale faillite. De même, les perspectives générales de la transition énergétique risque d’appauvrir à moyen terme la Russie qui n’a pas une économie assez diversifiée.

La Russie, c’est le PIB de l’Espagne pour le triple de la population. Ce "petit" pays croit encore qu’il est gros. Le meilleur moyen de le cacher, c’est de montrer ses muscles. C’est malheureusement classique dans l’histoire du monde. Vladimir Poutine était apprécié car il apportait un élément de stabilité dans un monde plutôt instable. Sa guerre en Tchétchénie était approuvée, même si on ne l’avouait pas. Maintenant qu’il s’en prend à l’Europe, tout le monde s’inquiète. Il n’est plus un élément de stabilité, mais d’instabilité. Ses décisions deviennent irrationnelles et ne vont pas du tout dans le sens de l’intérêt du peuple russe.

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Les sanctions prises par l’Union Européenne semblent suffisamment dures pour inquiéter la Russie. Elles répondent aux trois conditions de leur efficacité : rapides, massives et ciblées. La Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs annoncé le samedi 26 février 2022 dans la soirée l’expulsion de la Russie de la plateforme de transaction financière habituellement utilisée pour le commerce international. Cela va toucher durement les exportations russes dans un contexte où l’économie russe n’est pas au mieux de sa forme. Certains médias s’appesantissent sur la limitation des déplacements, la confiscation des biens à l’étranger des dirigeants russes, mais c’est anecdotique, ceux-ci l’avaient déjà acté, ils sont suffisamment lucides pour ne pas imaginer se prendre quinze jours de vacances sur la Côte d’Azur cet été dans leur villa varoise après avoir massacré des milliers d’Ukrainiens.

En revanche, la Russie va devoir redéfinir tous ses partenariats commerciaux. On a indiqué par exemple qu’un cargo contenant des automobiles pour Saint-Pétersbourg a été arrêté dans la Manche. Plus généralement, même à destination, j’imagine que maintenant que la plupart des produits sont informatisés, il est facile d’empêcher leur utilisation par les fabricants d’origine grâce à leurs logiciels embarqués. L’Allemagne va être très impactée par ces sanctions, c’est signe qu’il y a aussi un changement de ce côté-là. Les Allemands commencent à réaliser qu’il y a une réelle menace militaire sur l’Europe et va sûrement se réarmer. Par ailleurs, l’Union Européenne a débloqué le 27 février 2022 la somme de 500 millions d’euros pour aider militairement le peuple ukrainien à résister à l’agression militaire russe.

Je n’apprécie pas de parler de "puissances occidentales" ou de "l’Occident" car c’est un concept foireux et l’Australie n’est pas à l’ouest. J’évoquerai donc pour ma part les "démocraties libérales". Ces démocraties libérales ne vont donc pas intervenir militairement directement, et pendant longtemps, elles faisaient un peu penser à ces diplomates terriens qui négocient la paix aux Martiens, dans l’excellente parodie de Tim Burton "Mars Attacks !" (sortie le 13 décembre 1996). Les Martiens leur répondent avec une voix mécanique : d’accord, nous aussi, nous sommes venus en paix, et ensuite, ils zigouillent tout le monde !

Malheureusement, ici, ce n’est plus une fiction parodique et il n’y a pas de quoi rire. Tout le monde est tendu. Quand j’ai annoncé une bonne nouvelle à un ami, celui-ci m’a dit "Enfin une bonne nouvelle !" et je n’avais pas compris tout de suite, j’ai mis deux jours à comprendre que le nombre de (mauvaises) nouvelles venues d’Ukraine était si élevé que son moral était en berne. Il ne doit pas être le seul. L’Ukraine, c’est nous. Nous sentons bien que cela nous concerne, nous Français, nous Européens, que si nous laissons faire cela, il y aura encore d’autres agressions russes, car Vladimir Poutine juge selon nos réactions, il nous faut être intraitables.

Remontons de quelques jours le temps. Le 7 février 2022, le Président de la République française Emmanuel Macron est allé à Moscou discuter pendant cinq heures face-à-face, seuls, assis à une grande table, à une très grande table dans un décor sobre, clair, froid, lugubre.

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Cela me faisait vraiment penser à une scène de "2001 l’Odyssée de l’Espace" de Stanley Kubrick (sorti le 3 avril 1968), celle après l’aspiration du héros près de Jupiter, dans cette chambre au style Louis-XVI. Cette curieuse scène me faisait aussi penser à une phrase que l’ancien Premier Ministre Raymond Barre aimait bien citer : on ne dîne pas avec le diable, même avec une longue cuillère. Je ne sais pas si Vladimir Poutine est le diable, mais de jour en jour, il en montre des stigmates.

Emmanuel Macron a eu raison d’y aller. Il ne pouvait pas faire autrement d’ailleurs, il devait tout faire pour maintenir la paix. Ce qu’a dit Vladimir Poutine pendant leur conférence de presse commune n’était même pas en rapport avec la discussion. Une totale incohérence, une sorte de déconnexion neurologique.

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Il y a aujourd’hui beaucoup d’incohérences de la part du Président de la Fédération de Russie. Le diable est calculateur, Vladimir Poutine est peut-être malade. Psychologiquement. Ceux qui pensent qu’Emmanuel Macron est perturbé psychologiquement feraient mieux d’abord d’ausculter Vladimir Poutine. Emmanuel Macron n’a pas déclaré de guerre, de vraie guerre, pas un jeu vidéo, pas pour s’amuser dans un fauteuil, la guerre horrible, celle qui tue, celle qui mutile, celle qui atrophie, à un pays de plus de 45 millions d’habitants.

Heureusement qu’il n’a pas encore fait sa déclaration de candidature. Aujourd’hui, politiquement, sa situation est claire et un grand meeting est déjà organisé à Marseille samedi prochain (mais annulé à cause de la guerre). Mais il fallait que le Président Emmanuel Macron puisse encore s’exprimer en tant que tel. Il n’a pas ménagé ses efforts, téléphonant autant au Président biélorusse Alexandre Loukachenko (le 27 février) qu’au Président ukrainien Volodymyr Zelensky (les 24 et 27 février), à la Présidente géorgienne Salomé Zourabichvili (le 26 février), la Présidente de la Moldavie Maia Sandu (le 26 février), etc.

Dans une déclaration conjointe le 27 février 2022, les chefs d’État et de gouvernement des grandes puissances démocratiques ont publié un soutien ferme et important à l’Ukraine : « Nous, dirigeants de la Commission Européenne, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni, du Canada, des États-Unis et du Japon, nous condamnons la guerre choisie par Poutine et les attaques contre la nation souveraine et le peuple ukrainiens. Nous nous tenons aux côtés du gouvernement et du peuple ukrainiens dans leurs efforts héroïques pour résister à l’invasion russe. La guerre menée par la Russie constitue une agression contre les règles et les normes internationales fondamentales qui prévalent depuis la Seconde Guerre mondiale et que nous sommes déterminés à défendre. Nous demanderons à la Russie de rendre des comptes et nous veillerons collectivement à ce que cette guerre soit un échec stratégique pour Poutine. (…) Alors que les forces russes déchaînent leurs assauts sur Kiev et d’autres villes ukrainiennes, nous sommes résolus à continuer d’en faire payer le prix fort à la Russie, afin de l’isoler davantage encore du système financier international et de nos économiques. ».

Et la déclaration finit par : « Nous intensifierons notre coordination contre la désinformation et d’autres formes de guerre hybride. ». En particulier, Ursula von der Leyen a annoncé dès dimanche, chose qui aurait dû être décidée depuis longtemps (ça va bien de jouer trop longtemps la naïveté de "Mars Attacks !") : « Nous allons bannir dans l’Union Européenne la machine médiatique du Kremlin : Sputnik et Russia Today. ». Il était temps !

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Aujourd’hui, la guerre est en Europe, et il faut choisir son camp. Les complotistes de robe de chambre, les trolls de l’anti-France sur les réseaux sociaux qui ne font que passer leur vie à inciter à la haine de la France, de l’Europe, de l’OTAN sont désormais des ennemis de la France. C’est leur droit mais qu’ils ne se disent plus patriotes ; ils sont antipatriotes. Ceux qui aiment la France, ceux qui sont patriotes français soutiennent la France dans ses positions diplomatiques, soutiennent l’Union Européenne qui en est l’un des garants, et soutiennent le nation ukrainienne odieusement agressée par des soldats russes qui, eux-mêmes, ne semblent pas avoir vraiment compris ce qu’on leur a ordonné de faire. Les comptes seront chers.

Si l’on parle de l’élection présidentielle, il est notable que quasiment tous les candidats à l’élection présidentielle, à part Nathalie Arthaud qui semble tenter une brèche singulière, estimant stupidement que l’Ukraine serait la représentante du grand capital alors que la Russie de Poutine est bien plus capitaliste, ont annoncé leur soutien à l’Ukraine, y compris Valérie Pécresse qui se veut l’héritière de François Fillon, lui-même considéré comme poutinolâtre et prenant judicieusement les devants par décence patriotique en démissionnant de tous ses mandats sociaux dans les intérêts économiques russes, y compris les candidats d’extrême droite pourtant très poutinolâtres, notamment Marine Le Pen qui a financé ses précédentes campagnes présidentielles par des banques russes, y compris enfin Jean-Luc Mélenchon dont la fascination pour la Russie ne suffit plus à soutenir la pire initiative internationale du siècle.

Incontestablement, Vladimir Poutine aide le Président Emmanuel Macron à sa réélection, le seul (futur) candidat suffisamment costaud et expérimenté pour savoir mener la France dans cette crise européenne majeure, après du reste d’autres crises au compteur (dont la crise sanitaire et la crise économique). Emmanuel Macron sera d’ailleurs probablement "le" Président des crises, un besoin d’expérience nationale et internationale, d’être opérationnel immédiatement et d’être jeune et dynamique, oui, cela compte quand il y a autant de fronts à défendre en parallèle. Les autres candidats ne paraissent pas à la hauteur des enjeux planétaires, à l’évidence.

C’est d’ailleurs la conclusion d’un souverainiste qui aime la France et le service de l’État, puisque l’ancien ministre socialiste Jean-Pierre Chevènement a annoncé dans le "Journal du dimanche" du 27 février 2022 son "soutien républicain" : « Emmanuel Macron a des qualités remarquables et une expérience dont nul autre ne peut se prévaloir. Elles sont reconnues, surtout à l’étranger. (…) Beaucoup préféreront, je crois, cet alliage entre la tradition du progrès social et la culture de l’État, auquel tend Emmanuel Macron. ». Et je peux témoigner que l’ancien ministre de l’intérieur n’a pas perdu la tête !

De voir ces chars russes, ces bombardements russes en Ukraine, cette nouvelle série de nouvelles misères qui se cognent dans le mur des réalités, il y a un côté anachronique. Mais non, rien n’est anachronique. La guerre a toujours fait partie du paysage "civilisé". En 1900, c’était en Allemagne qu’on appréciait et produisait la meilleure musique, la meilleure littérature, la vie intellectuelle y était brillante, calme, pacifique et à l’époque jamais personne n’aurait imaginé le traumatisme des deux guerres mondiales qui ont suivi. Je reviens à ma conversation en 1989 : jamais nous n’aurions imaginé la guerre urbaine dans les villes de l’ex-Yougoslavie deux à trois ans plus tard, en 1992. En 1984, les jeux olympiques se déroulaient à Sarajevo et personne n’aurait imaginé qu’à peine dix ans plus tard, des scènes de guerre, des massacres, de la purification ethnique, des villes détruites seraient la triste actualité de ces si beaux lieux touristiques et historiques. Encore plus d’une vingtaine d’années plus tard, on retrouve sur les routes de Croatie encore de nombreux bâtiments détruits par la guerre, peut-être laissés en vestiges pour rappeler que la paix est toujours un équilibre fragile, n’est jamais acquise.

Kiev est à trois heures de vol de Paris. C’est l’Europe, c’est notre mode de vie. Ses habitants sont les mêmes qu’à Paris. Les Ukrainiens, demain, peuvent être nous. Comment imaginer que la folie poutinienne puisse s’arrêter ainsi ? La Transnistrie, la Finlande, les pays baltes, la Géorgie sont désormais inquiets, les pays européens limitrophes aussi, la Roumanie, la Pologne, la Bulgarie, la Moldavie, tous doivent être protégés par ceux qui militent vraiment contre la guerre. Je recommande d’ailleurs d’écouter la Présidente de la Géorgie Salomé Zourabichvili qui est l’invitée de la matinale de France Inter le 28 février 2022, dans les studios, de passage à Paris (invitée par Emmanuel Macron).

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Ce dimanche 27 février 2022, Vladimir Poutine va encore plus loin et joue avec le feu nucléaire. Jamais personne n’est allé à un stade aussi irresponsable sur le plan nucléaire. Il croit pouvoir faire peur alors qu’il n’a plus les moyens de sa puissance. Le risque est qu’il enfonce le monde dans sa paranoïa. C’est un moment où on a vraiment besoin de responsables raisonnables, rationnels et expérimentés. Il n’y en a pas beaucoup sur le marché aujourd’hui et les aboyeurs de guerre, qu’ils se taisent, le monde n’a pas besoin de s’effondrer dans leurs délires complotistes antifrançais !

Ce même dimanche, les citoyens biélorusses étaient appelés à voter lors d’un référendum constitutionnel qui aménage la Constitution pour l’avenir personnel d’Alexandre Loukachenko, un peu à la Poutine, à savoir : mandat présidentiel de nouveau limité à deux non compris son énième mandat en cours commencé en 2020 et place à vie d’un ancien Président comme l’équivalent de sénateur avec immunité judiciaire à vie. Comme le système médiatique et politique est verrouillé, le référendum a été approuvé selon les chiffres gouvernementaux par 86,6% des suffrages exprimés avec une participation de 78,6% (ce qui fait 51,3% des inscrits, soit de justesse au-dessus du quorum fixé à 50% des inscrits). Il faut noter le courage de certains opposants biélorusses qui sont allés voter contre le référendum avec des grandes banderoles de refus. De même en Russie, malgré le verrouillage des médias, il se trouve cependant quelques journaux russes qui ont eu le courage de critiquer ouvertement la pertinence de l’attaque russe contre l’Ukraine. Petit à petit, le peuple russe se rendra compte que Vladimir Poutine les mène contre un mur à vive allure.

Pour finir, une note beaucoup plus personnelle : certains lecteurs très attentionnés se sont inquiétés, avec beaucoup de bienveillance, de mon silence de ces derniers jours. Il est des événements qui parfois méritent le silence. Je tiens à les en remercier avec le rouge de l’émotion sincère et à les rassurer : je vais très bien, enfin, sauf quand je pense au peuple ukrainien. Passez une bonne semaine !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (27 février 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
Déclaration conjointe contre la guerre en Ukraine et sanctions contre la Russie.
Klim Tchourioumov.
60 ans après Vostok 1, Sputnik V : comme une simple inspiration.
Mikhaïl Gorbatchev.
Evgueni Primakov.
Irina Slavina, le cauchemar par le feu.
Trotski.
Vladimir Poutine au pouvoir pendant 36 ans ?
Anatoli Tchoubaïs.
Vladimir Poutine : comment rester au pouvoir après 2024 ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220227-ukraine.html

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