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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
11 avril 2022

Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

« Leur confiance, votre confiance, m’honore, m’oblige et m’engage. Vous pouvez tous compter sur moi pour mettre en œuvre ce projet de progrès, d’ouverture et d’indépendance française et européenne que nous avons défendu tout au long de cette campagne. (…) Dans ce moment décisif pour l’avenir de la Nation, plus rien ne doit être comme avant. C’est pourquoi je souhaite tendre la main à tous ceux qui veulent travailler pour la France. Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau pour rassembler les convictions et les sensibilités diverses afin de bâtir avec eux une action commune au service de notre Nation pour les années qui viennent. C’est notre devoir. » (Emmanuel Macron, le 10 avril 2022 à la Porte de Versailles à Paris).



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Inutile de tergiverser et restons franc, j’ai accueilli les premiers résultats du premier tour de l’élection présidentielle de ce dimanche 10 avril 2022 avec une réelle joie, un évident soulagement mais en nourrissant malgré tout une inquiétude diffuse pour le second tour. Ce qui suit prend en compte les résultats partiels du Ministère de l’Intérieur sur la base de 97% des électeurs inscrits.

Une réelle joie car Emmanuel Macron, à 27,6% des voix, améliore largement sa performance de 2017, et cela après cinq ans de pouvoir, ce qui est relativement rare (il faut remonter à plus de trente ans pour cela, en 1988). Plus de 20,2% des inscrits, c’est remarquable pour un candidat qui a concentré autant de haine aussi odieuse qu’injustifiée. Il existe donc une certaine "justice électorale" même si celle-ci reste sujette à caution.

Un évident soulagement car la possibilité qu’Emmanuel Macron fût éliminé dès le premier tour était réelle et le scénario du 21 avril 2002 pouvait survenir à nouveau : en effet, les tendances de la dernière semaine de campagne étaient à la baisse pour Emmanuel Macron et à la hausse tant pour Marine Le Pen que pour Jean-Luc Mélenchon avec le cauchemar d’un second tour entre ces deux derniers candidats extrémistes.

Par exemple, le sondage BVA pour Orange et RTL réalisé les 6 et 7 avril 2022 ont donné les intentions de vote des trois premiers candidats ainsi : 26% pour Emmanuel Macon, 23% pour Marine Le Pen et 17,5% pour Jean-Luc Mélenchon. Mais le sondage a aussi évalué, en tenant compte des hésitations et des seconds choix, les intentions minimales et maximales envisageables, et là, l’incertitude était plus grande : Emmanuel Macron entre 20,5% et 28,5%, Marine Le Pen entre 19% et 28% et Jean-Luc Mélenchon entre 14,5% et 22%. Autrement dit, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen pouvaient dépasser Emmanuel Macron.

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Paradoxalement, c’est l’un des moins flatteurs instituts de sondage qui m’a laissé un certain espoir. En effet, Harris Interactive – Toluna pour "Challenges" avait publié le 4 avril 2022 un sondage dévastateur pour Emmanuel Macron avec des tendances très fortes à la baisse et un second tour très incertain. Harris Interactve – Toluna a publié un ultime sondage le 8 avril 2022 avec un léger frémissement pour Emmanuel Macron et un tassement ou plafonnement pour Marine Le Pen, ce qui, soit dit en passant, a donné les bons chiffres des deux premiers candidats.

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Enfin, une inquiétude diffuse non seulement sur la situation politique du pays caractérisée par un très fort niveau de vote extrémiste et anti-système (56% des suffrages exprimés !) mais aussi par un second tour qui va être très serré, au contraire de 2017 (certains sondages d’après premier tour évoquent 51% vs 49%, ce qui est dans la marge d’erreur).

Mais venons-en à une analyse succincte du scrutin.

Avant tout, parlons de l’enjeu et de l’issue : Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont qualifiés pour le second tour. Tout le reste est décoratif. Emmanuel Macron, finalement, domine largement ce premier tour avec 27,6% tandis que la deuxième place a été disputée tant par Marine Le Pen à 23,4% que par Jean-Luc Mélenchon à 22,0%. À un moment de la soirée, l’écart entre les deux candidats extrémistes était même inférieur à 1 point. Paradoxalement, Jean-Luc Mélenchon a reconnu sa défaite immédiatement au contraire de 2017 où il était placé en quatrième position et par conséquent, était beaucoup plus loin du second tour que cette année. Jean-Luc Mélenchon a même été assez clair sur sa position pour le second tour (pas une seule voix pour Marine Le Pen), alors qu’en 2017, c’était plus que confus.

D’ailleurs, le second tour se jouera probablement sur les reports de voix de l’électorat de Jean-Luc Mélenchon entre haine de Marine Le Pen et haine d’Emmanuel Macron. Pourquoi une telle clarté si rapide ? Parce que Jean-Luc Mélenchon part en beauté, il a fait un meilleur score qu’en 2017, il a réussi, malgré tout ce qui pouvait le plomber (principalement lui-même), à rassembler autour de son nom la gauche tétanisée par l’extinction, et, cerise sur le gâteau, rancœur et objectif depuis son départ du PS en 2008, il a cassé définitivement le PS avec une Anne Hidalgo qui se retrouve au niveau des deux candidats trotskistes (à 1,7% !). Plus exactement, le PS n’a pas eu besoin de Jean-Luc Mélenchon pour s’autodétruire tout seul.

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J’ai évoqué un score d’Emmanuel Macron meilleur qu’en 2017, mais c’est aussi le cas de Marine Le Pen avec 23,4%, beaucoup plus élevé qu’en 2017 et cela malgré la présence d’un autre candidat d’extrême droite, Éric Zemmour, mais j’aurais tendance à affirmer qu’Éric Zemmour n’a rien pris du vote Le Pen mais tout du vote LR. Du reste, il a banalisé Marine Le Pen en défendant des positions beaucoup plus extrémistes qu’elle (remigration, législation sur les prénoms, confusion entre islam et islamisme, refus de solidarité envers les enfants en situation de handicap, etc.). À côté d’Éric Zemmour, Marine Le Pen fait figure d’une enfant de chœur !

Comme tout le monde l’a vu, il y a eu un évident effet du vote utile dans les derniers jours qui a bénéficié aux trois premiers candidats au détriment de tous les autres. C’est très rare d’avoir des candidats à plus de 20% et rien à 10%, le suivant à 7,1% (Éric Zemmour), puis les autres en dessous de 5%. Seul Yannick Jadot, en se maintenant à 4,6% qui était sa cote dans les sondages pendant les deux derniers mois, a évité d’être phagocyté par les trois grands candidats.

En revanche, s’il y a une grande surprise, au-delà de la remarquable performance de Jean-Luc Mélenchon, c’est bien le naufrage désastreux de Valérie Pécresse remisée en petite candidate. J’imaginais un naufrage autour de 10%, ce qui était déjà grave, mais à 4,8%, à la déroute électorale s’ajoute la banqueroute de son parti. On peut aisément imaginer qu’environ la moitié de son électorat encore fidèle la dernière semaine s’est inquiétée des risques d’un duel Mélenchon vs Le Pen et a préféré se rassurer en votant finalement pour Emmanuel Macron.

Cela dit, il ne faut pas considérer que le paysage serait plus éclaté qu’en 2017, car on retrouve des invariants. Par exemple, si on considérait qu’Éric Zemmour n’a pris que sur l’électorat LR, une frange particulièrement ultradroitière sur l’immigration et l’islam, on pourrait dire que LR vaudrait finalement plutôt autour de 12% (en additionnant les votes Zemmour et Pécresse), et la différence avec les 20% de François Fillon, on peut les imaginer pour moitié chez Emmanuel Macron et pour moitié chez Marine Le Pen.

Quant à la disparition du PS, il ne faut pas sous-estimer une certaine stabilité : en effet, Benoît Hamon avait fait 6% des voix en 2017, mais ce qu’on oublie généralement de dire, c’est qu’il représentait non seulement le PS, mais aussi EELV, car Yannick Jadot s’était désisté à son profit. Or, si on ajoute les votes Jadot et Hidalgo, on s’aperçoit qu’on retrouve le vote Hamon : 6,3%. Bien sûr, on ne finira pas de parler de l’humiliation d’Anne Hidalgo, qui a été dépassée par Jean Lassalle (qui a presque le double du PS) et par Fabien Roussel. Il faut remonter à 1969 pour retrouver un candidat communiste devant un candidat socialiste.

Il faut revenir aussi sur un élément qu’on oublie souvent une fois les premiers résultats arrivés alors qu’on en parle sans cesse toute la journée électorale faute de pouvoir parler d’autre chose : la participation. Les sondages laissaient entendre qu’elle serait autour de 30%, pire qu’en 2002. La réalité est plus heureuse, elle est de 25,1%. J’ai même dû faire la queue pendant un quart d’heure pour pouvoir voter, et pendant l’attente, par l’indiscrétion de ma position, j’ai pu entendre une jeune femme d’environ 20 à 25 ans, juste derrière moi, qui téléphonait à un ami et lui disait qu’elle n’avait pas encore fait le choix qui se ferait probablement dans l’isoloir, très étonnant.

Un autre fait très significatif que j’ai pu observer au dépouillement, c’est l’absence quasi-totale de bulletin nuls, aucun message, aucune insulte, aucun double bulletin. Les seuls bulletins qui n’ont pas été comptés parmi les exprimés ont été les quelques enveloppes vides (considérées comme votes blanc). À l’échelle nationale, en résultats partiels, seulement 0,7% de nuls et 1,5% de blancs (par rapport aux votants), encore moins qu’au premier tour de 2017. Dans les autres scrutins, il y avait beaucoup plus de diversité d’expression, voire de créativité. Là, rien de tout cela, un vote vraiment utile, on va à l’essentiel, l’un des trois grands candidats qui ont totalisé près des trois quarts des suffrages (73%). Le vote ne s’est pas dispersé ; sans doute une leçon de 2002.

Jean-Luc Mélenchon aurait pu se retrouver au second tour face à Emmanuel Macron, et évidemment, la structure de la campagne du second tour en aurait été totalement bouleversée. Là, quasiment tous les candidats de gauche ont appelé plus ou moins clairement à voter pour Emmanuel Macron, même si son nom écorche quelques bouches : Anne Hidalgo, Fabien Roussel, Yannick Roussel et même Jean-Luc Mélenchon (sans prononcer le nom du Président de la République). Quant à Éric Zemmour, qui n’est pas à une incohérence près, après son score très décevant (il fait figure du Jean-Pierre Chevènement de 2002), il a finalement appelé à voter pour Marine Le Pen.

La situation du parti Les Républicains est autrement préoccupante : si Valérie Pécresse a annoncé qu’elle voterait pour Emmanuel Macron, son rival de la primaire LR Éric Ciotti a annoncé exactement l’inverse, qu’il ne voterait jamais pour Emmanuel Macron sans dire clairement ce qu’il ferait. Au moins, Nicolas Sarkozy va enfin pouvoir dire ouvertement qu’il soutiendrait Emmanuel Macron. Jean-François Copé a déjà mis en garde ses compagnons de LR qu’en ne combattant pas l’extrême droite, ceux-ci iraient contre la charte des valeurs de LR. En perspective, profondes divisions sur la stratégie, effondrement financier, soulagement d’une candidate jugée la plus épuisée de tous les candidats par certains journalistes. Inutile de dire que la destinée de LR est sur la même voie de garage que le PS, avec cinq ans de retard. Faute de renouvellement…

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Ce lundi 11 avril 2022, une nouvelle campagne commence. Emmanuel Macron a bien compris le coup de semonce du premier tour, il a bien compris, malgré son fort score, qu’il fallait faire campagne et surtout, rester humble et rassembler. Pour preuve, dès le soir du premier tour à la Porte de Versailles, il a fait applaudir ses concurrents du premier tour, presque tous : « Je veux saluer l’ensemble des candidats présents au premier tour : Nathalie Arthaud, Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean Lassalle, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Philippe Poutou, Fabien Roussel, Éric Zemmour. Merci à toutes et tous ce soir une fois encore de les applaudir. Merci beaucoup. Parce que depuis le début et depuis toujours, nous défendons des convictions avec force mais en respectant chacune et chacun. Merci pour cela. (…) Et je remercie Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Valérie Pécresse et Fabien Roussel qui m’ont dès ce soir apporté leur soutien. J’invite solennellement nos concitoyens, quelles que soient leurs sensibilités et quel qu’ait été leur choix au premier tour, à nous rejoindre. Certains le feront pour faire barrage à l’extrême droite et je suis pleinement conscient que cela ne vaudra pas soutien du projet que je porte, et je le respecte. Je sais que c’est le choix fait par exemple par Jean-Luc Mélenchon. Mais je veux ici saluer leur clarté à l’égard de l’extrême droite et pour faire barrage à l’extrême droite. ».

Il a bien compris qu’il fallait repartir en campagne dès maintenant, dès le lundi alors qu’en 2017, il avait attendu le mercredi. Car il y a une vérité factuelle : si Marine Le Pen reste la même, extrémiste dans la philosophie comme dans le programme, aussi légère en économie qu’en diplomatie (comment peut-on défendre les intérêts de la France en se faisant financer par des puissances étrangères ?), elle a su faire campagne, montrer un sourire (que je trouve carnassier et artificiel) et une passion des chats (dont le contact me paraît cependant plutôt rude), et surtout, elle a rencontré les Français, elle est allée partout, longtemps, minutieusement, depuis septembre 2021, elle a labouré la France, alors qu’Emmanuel Macron a complètement négligé la campagne jusqu’au 2 avril 2022 (pour de bonnes ou mauvaises raisons). Il a donc un retard à rattraper dans cette campagne du second tour.

Rien n’est joué, rien n’a jamais été joué, sa mission, ce sera de convaincre des électeurs tiers de venir voter pour lui, car ceux-ci ne peuvent déléguer le vote anti-Le Pen à d’autres électeurs, sans eux, ce sera Marine Le Pen qui sera élue. À Emmanuel Macron de se montrer le plus rassembleur possible. Intellectuellement, il est dans cette disposition mais convaincra-t-il ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 avril 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
Résultats du premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Derniers sondages avant les urnes.
Emmanuel Macron et son rapport à l’imprévisible.
Élysée 2022 (42) : Emmanuel Macron en danger !
Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
Relevé du temps de parole des douze candidats de 2022 dans l’audiovisuel, par l’Arcom.
Élysée 2022 (39) : programme minimum pour la campagne présidentielle ?
Emmanuel Macron.
Projet du candidat Emmanuel Macron pour 2022 (à télécharger).
Marine Le Pen.
Programme 2022 de la candidate Marine Le Pen (à télécharger).
Jean-Luc Mélenchon.
Programme 2022 du candidat Jean-Luc Mélenchon.
Valérie Pécresse.
Programme 2022 de la candidate Valérie Pécresse (à télécharger).
Éric Zemmour.
Programme 2022 du candidat Éric Zemmour (à télécharger).
Yannick Jadot.
Programme 2022 du candidat Yannick Jadot (à télécharger).
Fabien Roussel.
Programme 2022 du candidat Fabien Roussel (à télécharger).
Jean Lassalle.
Programme 2022 du candidat Jean Lassalle (à télécharger).
Nicolas Dupont-Aignan.
Programme 2022 du candidat Nicolas Dupont-Aignan (à télécharger).
Anne Hidalgo.
Programme 2022 de la candidate Anne Hidalgo (à télécharger).
Philippe Poutou.
Programme 2022 du candidat Philippe Poutou (à télécharger).
Nathalie Arthaud.
Programme 2022 de la candidate Nathalie Arthaud (à télécharger).
Petits candidats et grands candidats.
L'abstention, c'est grave, docteur ?
Élysée 2022 (34) : la liste officielle des 12 candidats.
Élysée 2022 (33) : Emmanuel Macron à 30% ?
Sondage Ipsos publié le 5 mars 2022 à télécharger.
François Bayrou, le parrain de Marine Le Pen.
Situation des parrainages pour les candidats de la présidentielle de 2022 (arrêtée au 7 mars 2022).
Le serpent de mer des parrainages pour la présidentielle.








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220410-presidentielle-premier-tour.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/elysee-2022-43-le-sursaut-240808

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/04/09/39426476.html









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