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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
27 août 2022

Clémentine Autain prépare-t-elle sa candidature à la présidentielle de 2027 ?

« Pour l’emporter dans la course de vitesse engagée avec la Macronie et l’extrême droite, il faut emporter la dynamique dans la société. » (Clémentine Autain, le 21 août 2022).



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Ma question du titre est volontairement provocatrice (elle avait tenté de se présenter déjà en 2007), mais Clémentine Autain a fait l’actualité politique cette semaine. Pas étonnant puisque l’université d’été des insoumis (les "AMFIS") a lieu à Valence du jeudi 25 au dimanche 28 août 2022, dans le prestigieux Palais des Congrès à Châteauneuf-sur-Isère. Clémentine Autain participe à trois débats (le 25 sur le communisme et l’extrême gauche, puis sur la "révolution féministe" ; le 26 sur "le RN, néofascisme ou trumpisme à la française ?"). L’événement politique n’est pas négligeable puisque même des ministres ou anciens ministres y viennent débattre avec des députés FI, comme Marlène Schiappa, Clément Beaune, Olivia Grégoire ou encore Rachida Dati.

La date n’est donc pas un hasard du calendrier : le dimanche 21 août 2022, sur son blog, Clémentine Autain a écrit un certain nombre de réflexions pour fustiger le fonctionnement non démocratique de son mouvement, France insoumise, vaguement dirigé par Jean-Luc Mélenchon, et proposer quelques pistes d’amélioration. J’écris "vaguement" car FI n’est même pas une association. Donc, pas de statuts, pas d’assemblée générale, pas de bureau, pas de président, pas de trésorier. C’est ainsi que Jean-Luc Mélenchon a trouvé l’astuce pour diriger ses troupes en dictateur omnipotent.

Le problème, c’est que lorsqu’on passe de 17 à 75 députés, le groupe FI est lui-même un parti véritable, présidé ici par Mathilde Panot. Pas de bol, le RN a obtenu bien plus de députés et Marine Le Pen a préféré la présidence du groupe RN à la présidence du parti RN (qui va devoir choisir entre Jordan Bardella et Louis Aliot). L’ancienne candidate du RN a compris que le pouvoir, dès lors qu’il n’y avait plus de majorité absolue, se trouvait au Parlement. Jean-Luc Mélenchon ne s’est même pas représenté aux élections législatives, trop fatigué pour faire toutes les semaines l’aller-retour entre Paris et Marseille (il a quand même 71 ans).

Or, le leadership de FI, et de la Nupes, c’est Jean-Luc Mélenchon, exclusivement lui, et l’existence politique de ce dernier va décroissante. On imagine mal qu’en 2027, à presque 76 ans, Jean-Luc Mélenchon se présente une quatrième fois à l’élection présidentielle. C’est pourtant sa personnalité, son talent politique et son éloquence, son audace et sa mauvaise foi aussi, qui ont permis à ce mouvement d’atteindre presque 22% à l’élection présidentielle, ce qui était peu prévisible encore au début de l’année. En clair, il faut que les insoumis se trouvent rapidement un leader de remplacement, ou plutôt, un candidat de remplacement. À l’évidence, Clémentine Autain est dans les starting-blocks même si elle ne le dit pas encore explicitement.

À 49 ans, elle a déjà derrière elle une longue carrière politique et surtout médiatique. Elle est connue des médias depuis plus d’une vingtaine d’années et a l’avantage de passer très bien à la télévision, photogénique, s’exprimant clairement, précisément et avec de la réflexion personnelle, pas sortie d’un moule idéologique même si la gauche est sa famille.

Ses aventures électorales n’ont pas commencé très favorablement, à part un mandat d’adjointe au maire de Paris (Bertrand Delanoë) chargée de la jeunesse entre mars 2001 et mars 2008, puis de conseillère municipale de Sevran de mars 2014 à juin 2020. Elle a également été élue conseillère régionale d’Île-de-France de décembre 2015 à juillet 2017, puis depuis juin 2021 (à cette élection, elle était candidate FI à la présidence de la région, échouant face à Valérie Pécresse, mais aussi face à ses rivaux et alliés de gauche Julien Bayou et Audrey Pulvar).

Elle était proche du parti communiste pendant longtemps, militante de l’UNEF. Mais elle a obtenu sa consécration quand elle s’est rapprochée de Jean-Luc Mélenchon et qu’elle a été élue députée de Seine-Saint-Denis avec l’étiquette FI en juin 2017, mandat qu’elle a renouvelé en juin 2022. Avec ce mandat parlementaire, elle trouve un écho particulier à sa parole qui était déjà très médiatique depuis la fin des années 1990.

Elle a un autre avantage sur ses autres camarades, c’est que son engagement politique est moins idéologique et plus sociétal, donc plus dans l’air du temps. Je m’explique : l’un de ses combats les plus prégnants est son féminisme. Il est issu aussi d’une très mauvaise "expérience", le terme est trop faible pour parler du viol dont elle fut la victime, et tous les combats qui concernent l’émancipation des femmes sont les siens, au risque peut-être de ne pas suivre une stratégique politicienne donnée. Sa sincérité et son authenticité ne peuvent donc pas être mises en doute. Du reste, son père chanteur et sa mère actrice (Clémentine Autain est devenue orpheline de mère à l’âge de 12 ans), elle-même actrice quand elle était très petite, l’ont habituée à être sur le devant de la scène. La politique aussi était dans la famille, un grand-père député (mort jeune aussi) et surtout un oncle, François Autain, parlementaire socialiste et ancien sous-ministre de François Mitterrand, qui est mort il y a deux ans et demi.

En réaction à la défaite de la liste FI aux élections européennes, dans une tribune publiée le 4 juin 2019 dans "Le Monde", avec sa camarade Elsa Faucillon, elle a lancé un appel à l’unité de la gauche autour des exigences sociales et écologiques. Elle s’est alors attirée les foudres des hiérarques mélenchonistes qui y ont vu un crime de lèse-mélenchonceté. François Ruffin était le seul député à ne pas la traiter de traître. Danièle Obono et Éric Coquerel n’étaient pas les derniers à condamner ouvertement l’initiative de Clémentine Autain.

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En été 2022, la situation politique de FI est très différente de l’été 2019 parce que Jean-Luc Mélenchon a eu un très beau score à la présidentielle et FI un groupe de députés nombreux. Mieux, Jean-Luc Mélenchon a réussi à fédérer la gauche non-macroniste dans un ensemble pourtant hétéroclite mais pour l’instant durable, la Nupes. La Nupes, c’était ce qu’attendait Clémentine Autain depuis une dizaine d’années.

Dans son blog sur Medipart, le 12 juillet 2022, elle écrivait : « L’accélération de l’histoire à gauche s’est jouée à une vitesse impressionnante, le temps d’un accord inédit avec la création de la Nupes. Ce qui nous a propulsés, c’est la défense d’un projet de transformation. (…) Je plaide ici pour un rassemblement qui ne soit pas dans l’entre-soi, mais tourné vers ce qui bouge, ce qui conteste, ce qui s’invente dans la société. ». Elle proposait ainsi une analyse de la séquence électorale qui venait de s’achever : « Notre irruption reconfigure l’ensemble de l’échiquier autour de trois pôles, auquel il faut bien sûr ajouter les abstentionnistes, que chaque bloc va chercher à attirer, à convaincre, puisque c’est celui qui réussira à en mobiliser le plus qui prendra la main. ». Les trois pôles, ce sont bien sûr la majorité présidentielle autour de Renaissance (ex-LREM), le RN et la Nupes autour de FI (quant à LR et l’UDI, ils se retrouvent aujourd’hui dans une sorte de no man’s land politique).

Dans son blog personnel, Clémentine Autain a écrit une nouvelle tribune plus précise le 21 août 2022 sur le fonctionnement de France insoumise, intitulée "LFI : franchir un cap pour gagner". C’est assez étrange de parler ainsi au lendemain d’une défaite électorale (car il faut rappeler tout de même que FI et la Nupes ont perdu les élections présidentielle et législatives ; avec tout le boucan médiatique qu’a fait Jean-Luc Mélenchon, on l’oublierait presque !).

Clémentine Autain plaide généralement contre les formes traditionnelles des partis politiques qui donnent une lourdes place aux batailles d’appareil et souvent, peu de place aux femmes : « Le désamour des Français à l’égard des partis, l’essor des réseaux sociaux, la volonté grandissante de chaque individu de pouvoir compter ou encore l’atomisation des lieux de sociabilité comme les grandes usines ou les centres de tri postal d’autrefois sont autant de réalités contemporaines qui imposent de nouvelles pratiques pour militer, convaincre, agréger. ».

Du coup, la députée de Seine-Saint-Denis a des mots très durs contre la "forme gazeuse" de FI. Certes, ce schéma nouveau est « plus souple, tourné vers l’action, très offensif sur les réseaux sociaux, débarrassé des batailles internes de congrès », mais en revanche : « Les lieux de la prise de décision restent flous, l’espace du débat stratégique n’est pas identifié, la partition entre le local et le national mériterait d’être redéfinie. ».

Elle a précisé plus clairement : « Reposant de fait sur un petit noyau de dirigeants, [les formes lâches] permettent difficilement d’agréger des cadres, d’en former de nouveaux pour animer un mouvement véritablement implanté sur tout le territoire et de profiter de la diversité des regards contenus dans le mouvement, celle qui permet d’affiner une orientation et de fidéliser des cadres militants ailleurs qu’au siège. ». Et avec un petit soupçon de "tuer le père" : « Sans identification claire des processus de décision, le gazeux désoriente et rend plus facile les procès en légitimité des décisions prises, même si la personnalité de Jean-Luc Mélenchon, "clé de voûte" de la FI, a jusqu’ici joué en grande partie un rôle de légitimation. En outre, permettre la maîtrise et la compréhension des choix opérés, c’est aussi mieux résister à la décrue de l’engagement militant lorsque la situation nous est moins favorable. C’est pourquoi je suis convaincue que nous devons franchir une nouvelle étape organisationnelle. ».

Je suis plutôt convaincu que Jean-Luc Mélenchon n’a aucune envie de franchir cette nouvelle étape, car l’ambiguïté du processus de prise de décisions l’avantage énormément puisqu’il est le leader incontesté et on le voit bien entre les scores de FI à la présidentielle (autour de 20% en 2017 et 2022) et aux européennes (6%), sans son leadership (la tête de liste était une inconnue, certes méritante mais inconnue, Manon Aubry).

Dès lors qu’il sera créé une instance de décision, instance officielle, il faudra en donner la composition officielle, dire qui est membre et qui n’est pas membre, ce qui créera des susceptibilités et vexations, ou des déchirements comme à l’UMP en novembre 2012, et le grand timonier pourrait alors être un jour mis en minorité. Le flou, l’opacité, sont les formes les plus abouties du pouvoir absolu.

En clair, Clémentine Autain veut résolument préparer son mouvement dans l’après-Mélenchon, et à part la réactivité, elle ne voit pas d’autres avantages à ce flou politique : elle veut « une meilleure collégialité aux décisions et une place plus grande à l’échelon local ». Elle est ainsi très transparente : « En un mot : plus efficace dans la durée. Dans cette perspective, un petit groupe unifié et déterminé au sommet de FI ne suffira pas. Il nous faut disposer de centaines de cadres sur tout le territoire. Voir plus grand, plus large, suppose de faire vivre le pluralisme. ».

Mais comme Marine Le Pen avec le RN, Jean-Luc Mélenchon n’en veut pas. FI est devenu comme le RN, une PME qui a bien réussi mais qui est bien incapable de se transformer en grande entreprise parce que cela nécessite tout un tas d’accompagnements juridiques et politiques contraignants (démocratie interne, instance arbitrale interne, etc.). Ce sera aussi le problème du troisième pôle, la majorité actuelle, qui devra bien sortir un jour du macronisme politique si elle veut avoir une pérennité électorale au-delà de 2027.

Au travers de ses exigences, Clémentine Autain a beaucoup insisté sur la diversité, car elle-même est un électron libre et voudrait apporter la richesse de son expérience, mais aussi la richesse de nombreuses autres expériences que son mouvement serait capable d’entraîner : « Notre vitalité réside aussi dans notre diversité. (…) Plus nous serons une grande force, plus des nuances voire quelques divergences apparaîtront. Il en va d’ailleurs de notre capacité à intégrer toujours plus de profils différents, de cultures politiques diverses. L’ampleur prise par notre mouvement et les attentes à notre égard nous obligent à accroître notre ancrage territorial et à faire vivre le pluralisme, qui représentent à mon sens deux marges de progression essentielles. ».

Certes, la députée FI ne voudrait pas revenir aux anciens modèles de parti qui figeraient des majorités internes et des minorités internes, mais elle veut se laisser la possibilité de départager par le vote quand il y a des désaccords importants : « le vote m’apparaît comme un recours ».

Autre sujet de préoccupation, continuer à faire vivre la Nupes durablement : « Si la FI doit être fer de lance, elle doit se garder d’agir de façon hégémonique avec les partenaires de la Nupes. (…) Parce que la Nupes est candidate au pouvoir, sa construction, son affirmation à toutes les échelles est déterminante. ». Le mot "hégémonique" est très fort et est un reproche très grinçant contre la manière de diriger de Jean-Luc Mélenchon qui attendait depuis 2008 pour humilier ses anciens camarade du PS grâce auquel il est pourtant ce qu’il est devenu sur la scène médiatique. Pour Clémentine Autain, il faut multiplier les instances où le travail en commun se réalise : « Plus nous aurons d’espaces de production en commun, plus nous serons reliés et forts. ». En somme, la méthode de Robert Schuman appliquée à la Nupes ! La conclusion de la députée, c’est qu’il faut que FI s’ouvre pour trouver « une proposition politique et des incarnations qui parlent au "peuple de gauche" et à tous ceux qui, écœurés de la politique et aujourd’hui abstentionnistes, sont sensibles aux idées émancipatrices » (on voit l’importante préoccupation sociétale de Clémentine Autain).

C’est inutile de dire que Clémentine Autain sera probablement frustrée par les réponses qu’elle n’obtiendra pas à ses propositions de transformations fonctionnelles de France insoumise car ce n’est pas dans l’intérêt de Jean-Luc Mélenchon qui, même en retrait, souhaite encore avoir une influence déterminante dans la vie politique française entre 2022 et 2027.

Pour terminer, deux remarques amusantes dans le service après-vente. Dans l’article présentant cette analyse sur CNews, il est écrit : « Élément central de l’alliance de gauche observé lors de la dernière présidentielle et des législatives 2022 : le Parlement. Place forte de la Nupes avec une majorité de députés y siégeant, ce lieu a une importance stratégique pour la gauche. ». Le journaliste qui a écrit cela n’a dû rien comprendre à l’analyse de Clémentine Autain, car il ne s’agissait pas du Parlement (français), mais du "parlement de la Nupes", une instance qui permettait de réunir un grand nombre de responsables venus de divers horizons politiques et culturels pour les faire travailler ensemble. Il ne s’agissait donc pas du Parlement dans les institutions républicaines, mais d’un groupe de travail interne à la Nupes !

Enfin, dans "20 minutes", en réaction à l’article présentant les propositions de Clémentine Autain, un internaute écrit, en parlant de la députée, de manière très inattendue (j’ai corrigé les fautes) : « Enfin une qui se réveille. Il est temps. Ce parti fonctionne comme celui du RN, pas d’élection interne et un petit groupe très restreint qui commande. C’est dommage que cette personne soit dans ce parti, elle serait mieux chez LREM ou au MoDem. ». Rideau !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 août 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Clémentine Autain.
Éric Coquerel.
Jean-Luc Mélenchon.
Danièle Obono.
François Ruffin.
Sandrine Rousseau.
Pour ou contre M… ?
Sous la NUPES de Mélenchon.
La consécration du mélenchonisme électoral.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220821-clementine-autain.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/clementine-autain-prepare-t-elle-243366

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/08/24/39605328.html











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