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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
30 août 2022

Vincent Lindon compte-t-il s’engager en politique ?

« Je ne sais pas comment nos contemporains font pour arriver à comprendre quelque chose, à supporter de marcher la tête en bas, les pieds en l’air. On est dans un asile géant. C’est incroyable. La même année, il y a des jeux d’hiver dans un pays où il n’y a pas de neige, et après, il y a des jeux d’été dans un pays où il fait 60°C à l’ombre, où ils ont construit dix, douze stades réfrigérés. C’est non seulement une aberration climatique mais une aberration écologique, et en plus, il y a un non-respect de l’idéologie des droits de l’homme. C’est incroyable. » (Vincent Lindon, le 29 août 2022 sur France 5).





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On excusera l’homme ému et en colère de parler de "l’idéologie des droits de l’homme", les droits de l’homme ne sont pas une idéologie, ce sont des droits pour chaque humain, non négociables. À 63 ans, l’acteur Vincent Lindon est sans doute comblé. Président du jury du 75e Festival de Cannes en mai 2022, il a du succès au cinéma, il est reconnu par sa profession et il jouit d’une bonne popularité. Ce mercredi 31 août 2022 sort un nouveau film où il est l’acteur principal, en duo avec Juliette Binoche qu’il n’avait jamais rencontrée sur un plateau jusqu’à alors, "Avec amour et acharnement" de Claire Denis, une réalisatrice avec qui il avait déjà travaillé auparavant ("Vendredi soir", sorti le 11 septembre 2002, avec Valérie Lemercier, et "Les Salauds", sorti le 7 août 2013, avec Charia Mastroianni, Julie Bataille et Michel Subor).

Comme il est de coutume, on le voit donc cette semaine dans les médias, à la télévision, à la radio, pour faire la promotion de ce film. En particulier, il était le lundi 29 août 2022 l’invité de la matinale de France Inter ainsi que, le soir, l’invité de "C à vous" sur France 5.

Issu d’une sacrée famille (descendant de Jules Dufaure, un ancien Président du Conseil sous la Troisième République, du maréchal Exelmans, plus connu pour son boulevard à Paris et sa station de métro que pour ses faits d’arme à la Bataille de Rocquencourt, par exemple, juste après Waterloo, gagnée par les forces napoléoniennes, aussi descendant de la sœur aînée d’André Citroën et d’un maire pendant trente ans d’Étretat ; par ailleurs, sa mère a divorcé de son père et s’est remariée avec le journaliste Pierre Bénichou), le futur acteur a abandonné rapidement ses études pour se consacrer au cinéma, d’abord par la petite porte (costumier de Gérard Depardieu et technicien de Coluche) avant de se former au Cours Florent. Il a commencé à jouer en 1983 dans des petits rôles, puis, comme premier rôle à partir de 1988 dans "L’Étudiante" de Claude Pinoteau (sorti le 5 octobre 1988) avec Sophie Marceau.

Sa notoriété date surtout du film de Coline Serreau, "La Crise" (sorti le 2 décembre 1992), film qui a traduit avec grande qualité la société telle que la vivent de nombreuses personnes, faite de séparation affective et de licenciement. Récompensé (tardivement) du César du meilleur acteur pour "La Loi du marché" de Stéphane Brizé (sorti le 20 mai 2015), un excellent film sur le chômage et le flicage des clients et des salariés, pour lequel il a reçu aussi le Prix d’interprétation masculine du Festival de Cannes en mai 2015, Vincent Lindon avait eu précédemment cinq autres nominations aux Césars pour "La Crise" ; pour "Ma petite entreprise" de Pierre Jolivet (sorti le 1er septembre 1999), sur une fraude à l’assurance avec François Berléand ; pour "Ceux qui restent" d’Anne Le Ny (sorti le 29 août 2007), où le thème de la maladie est traité avec originalité en duo avec Emmanuel Devos ; pour "Welcome" de Philippe Lioret (sorti le 11 mars 2009) sur l’immigration illégale ; et pour "Quelques heures de printemps" de Stéphane Brizé (sorti le 19 septembre 2012), une histoire de souhait d’euthanasie, avec Hélène Vincent. On peut aussi rajouter, comme films importants récents (ce n’est pas exhaustif), "La Moustache" d’Emmanuel Carrère (sorti le 6 juillet 2005) avec Emmanuelle Devos, "Journal d’une femme de chambre" de Benoît Jacquot (sorti le 1er avril 2015) avec Léa Seydoux, et "Enquête sur un scandale d’État" de Thierry de Peretti (sorti le 9 février 2022).

Son succès lui a permis de choisir les films dans lesquels il souhaite jouer. Parce qu’il bénéficie d’une belle exposition médiatique, il peut effectivement exprimer ses opinions, les faire entendre, et il entend bien qu’il n’a pas plus de légitimité que monsieur tout le monde. Mais pas moins non plus. Sur France 5, ainsi, il a confirmé : « Est-ce qu’on est légitimes pour parler du monde et de ce qui se passe ? Je pense que oui. Pourquoi on ne le serait pas ? Pourquoi on serait moins légitimes que tout d’un coup, lorsqu’on demande l’avis à un boulanger ou à un entrepreneur (…) ? Je paie mes impôts, je vis, je subis les mêmes malheurs que tout le monde, les mêmes bonheurs. (…) Moi, j’ai décidé d’être illégitime, je vais répondre aux questions que vous me posez (…). Mais en même temps, tous les gens qui s’expriment du matin au soir sur les réseaux sociaux, c’est moi qui leur pose la question, est-ce qu’ils sont légitimes de donner leur avis seize fois par minute ? ».

Et de développer ainsi : « Les intellectuels, c’est un sujet qui me révolte beaucoup, parce que je pense qu’il n’y a plus vraiment d’intellectuels comme j’entendais un intellectuel à l’époque, je trouve que les intellectuels se taisent, que leur silence est assourdissant. Ils sont sourdement corrompus, je ne les entends plus. Si, sur certains petits réseaux confidentiels, pour se donner bonne conscience, mais, comme disait Coluche un jour, il l’a dit mais il ne l’a pas dit fort. Je trouve que ça manque beaucoup, ça manque, de grands intellectuels qui haranguent les foules, qui ont du courage… Personnellement, ça me fait très plaisir de me livrer ce soir, même si parfois j’agace des gens, je m’en fiche complètement, je ne devrais pas exister, ce que je fais là ce soir, je ne devrais pas le faire. Je devrais être un acteur qui ne devrait parler que de son film. On ne devrait même pas m’inviter en première partie pour me demander mon avis sur la société. S’il y avait de grands intellectuels, c’est eux qu’on inviterait. Les artistes n’auraient pas à prendre des risques et à passer pour des ridicules de temps en temps, des peintres, des musiciens, des musiciennes, des actrices, on serait pénards. À l’époque, on ne voyait pas Jean-Paul Belmondo ou Lino Ventura parler des problèmes (…), on appelait Glucksmann… (…) Maintenant, c’est à l’image des réseaux. Vous imaginez bien que je ne maîtrise pas mon sujet. Je vous dis ce que je peux, comme je le ressens, mais une grande pensée intelligente de quelqu’un qui prend des risques, au risque même d’être en danger, ça n’existe plus. Je trouve cela très dommage. ».

Sur ce sujet, le débat est largement ouvert : certes, un acteur n’est pas un spécialiste ni du climat, ni de la géopolitique, ni du sport, etc. mais il est aussi un citoyen et je rappelle que tous les citoyens, a priori, sauf condamnation, peuvent voter et donc, participent à la vie de la nation et surtout, aux décisions qui y sont prises. La politique, c’est effectivement d’avoir une vision, un cadre (peut-être idéologique), ou une méthode (pragmatisme), mais il ne doit pas être nécessaire d’être compétent en tout, d’être savant, connaisseur. Sinon, il faudrait des brevets d’électeurs, une formation minimale (cette idée, d’ailleurs, très dangereuse pour la démocratie à mon sens, est défendue ardemment par une personne que j’apprécie peu et qui est devenue maintenant un député FI).

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Mais pourquoi était-il question de sa légitimité à exprimer une opinion politique ? Parce qu’il s’était permis le 17 mai 2022, en tant que président du Festival de Cannes, de dire trois mots sur la planète et sur le bouleversement climatique, d’évoquer « les tourments d’une planète qui saigne, qui souffre, qui étouffe et qui brûle dans l’indifférence des pouvoirs (…). Je me demande si nous ne sommes pas en train de danser sur le Titanic ». On avait eu "la maison brûle" de Jacques Chirac. La danse sur le Titanic, c’est aussi une belle image qui n’a pas dû plaire à tous ses collègues du cinéma. Cela donne un écho particulier à la "fin de l’abondance" annoncée par le Président Emmanuel Macron.

D’où son laïus sur : on marche sur la tête, avec des jeux sportifs dans des stades climatisés avec une température extérieure de 60°C ! C’est vrai que c’est complètement loufoque, sans compter en plus le malheur extrême de ces milliers d’ouvriers clandestins qui ont perdu la vie depuis une dizaine d’années dans ces travaux pharaoniques.

S’il était un grand joueur de football, voici ce qu’il dirait de ce tournoi complètement démesuré et déraisonnable : « Je ferais une conférence de presse. Eh bien voilà, j’ai eu x fois le ballon d’or, je suis extrêmement demandé, je gagne beaucoup beaucoup beaucoup beaucoup d’argent. J’ai pris la décision personnelle de ne pas aller au Mundial, sans prévenir mon entraîneur et mon pays. C’est ma décision d’hier soir. Messieurs, Mesdames… et je me lève. À la Pompidou pour l’affaire Gabrielle Russier. (…) Ça a l’air simpliste, mais ça ne peut venir que des joueurs. (…) Un joueur, il est libre, c’est un artiste, il peut, lui. ».

Plus tôt dans la journée, sur France Inter, parlant toujours de la coupe du monde au Qatar, il a lâché l’idée que l’argent déciderait de tout pour faire cette remarque très généralisante : « En fait, je crois qu’aujourd’hui, on se laisse dévorer par l’argent rouge de sang. Je crois que c’est ça, le drame du monde. ».

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En termes d’engagement, dans le passé, Vincent Lindon avait soutenu la candidature de François Bayrou aux élections présidentielles de 2007 et de 2012. Il avait même été présent au congrès fondateur du MoDem.

Dans "Le Monde" du 22 mars 2007, dans un article de Patrick Roger, on y lit cette appréciation de la (regrettée) Marielle de Sarnez : « Il a un vrai sens politique. » en parlant de Vincent Lindon qui se confiait ainsi au journaliste : « [François Bayrou], c’est un homme qui prend le temps d’écouter, et qui a une véritable vision, sur la culture, l’écologie, les solidarités, les nouvelles technologies. Ce que j’aime chez lui, c’est ce mélange de modernisme, ce qu’il sait faire avec un ordinateur, il m’impressionne, on dirait un hacker, et, en même temps, ce côté paysan intellectuel. (…) J’ai été attiré par Mitterrand et par Chirac. J’adorais les hommes. Chirac a un charisme incroyable, c’est un acteur américain. Mais je suis aussi fasciné par le charisme qui n’est pas forcément là au départ, qui vient avec le succès et la fonction. C’est ce qui arrive à Bayrou en ce moment. Il a pris de l’épaisseur. ».

Vincent Lindon a des propositions politiques. Il considère par exemple qu’il faudrait un mandat présidentiel unique, de six ans car cinq ans, c’est trop court, mais unique car sinon, le Président de la République n’agirait que pour se faire réélire. Il constatait sur France Inter qu’un candidat qui ne voudrait faire qu’un seul mandat ne le dirait pas aux électeurs car ces derniers voudraient avoir la possibilité de le sanctionner à la fin de son mandat. S’ils n’en avaient pas la possibilité, ils ne l’éliraient pas, selon l’acteur (peut-être pensait-il à François Fillon ou Alain Juppé ?).

L’acteur est un peu "gauche" dans sa formulation, par exemple, il ne connaît pas très bien les institutions et parle de proposer cette révision constitutionnelle « à l’Assemblée Nationale ou au Conseil d’État », le Conseil d'État n’a rien à voir avec une instance politique délibérative, c’est une instance de consultation juridique du gouvernement et le tribunal administratif suprême.

Évoquant le réchauffement climatique, Vincent Lindon considérait sur France Inter qu’il ne pouvait pas ne pas parler, que son rôle d’acteur était accessoire : « Là, aujourd’hui, c’est impossible de ne pas être engagé. Personnellement, pardon, mais un être humain, femme, homme, qui aujourd’hui, public en tout cas, n’est pas engagé, là, franchement, je ne vois pas comment on peut faire, enfin. ».

Et à la dernière question de Léa Salamé, Vincent Lindon a confirmé : « Un engagement dans la cité, oui. C’est exactement comme cela que je l’aurais dit. (…) Fédérer, fédérer, et m’occuper des gens. (…) On n’est pas quelque chose pendant toute une vie. Et je trouve que oui, un moment, à 65 ans, ce serait intéressant de faire autre chose. ». 65 ans ? C’est en 2024 : un mandat européen pour Vincent Lindon ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (29 août 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Vincent Lindon.
Micheline Presle.
Anne Heche.
Olivia Newton-John.
Marilyn Monroe.
Arnold Schwarzenegger.
Michel Serrault.
Patrick Dewaere.
Richard Bohringer.
Jean-Louis Trintignant.
Charlotte Valandrey.
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Jean Dujardin.
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Julie Gayet.
Johnny Depp.
Amber Heard.
Jacques Morel.
Sandrine Bonnaire.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.











https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220829-vincent-lindon.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/vincent-lindon-compte-t-il-s-243519

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/08/29/39611641.html










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