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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
16 décembre 2022

Et si le peuple révoquait Adrien Quatennens ?

« L’article unique énonce (…) que tous les échelons électifs, maires, conseiller.es municipaux, président.es ou conseiller.es départementaux ou régionaux, conseiller.es territoriaux, mais aussi parlementaires et Président.e de la République puissent être soumis à un référendum révocatoire, à partir du tiers de leur mandat et avant la dernière année de celui-ci, si une pétition référendaire réunit un pourcentage suffisant du corps électoral d’origine. » (Proposition de loi n°4751 de la XVe législature).



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Il est toujours utile de revoir ce pour quoi les députés ont été élus. Ainsi, le 1er décembre 2021, il y a un an, c'est encore récent, le député Adrien Quatennens a présenté, avec ses camarades insoumis, une proposition de loi constitutionnelle visant à instaurer un droit de révocation des élus (proposition de loi n°4751).

Dans une langue illisible (l'exposé des motifs utilisent la détestable écriture inclusive, sans même de cohérence puisqu'il aurait dû aussi y avoir "soumis.es"), la proposition de loi souhaite ainsi remettre systématiquement en cause l'élection de tous les élus, du plus petit (conseiller municipal) au plus grand (Président de la République) par simple pétition et référendum révocatoire (c'est-à-dire dès que l'élu est impopulaire). Il faut insister sur le fait que cette idée saugrenue est non seulement complètement stupide (comme s'il n'y avait pas assez d'élections alors que les mandats sont déjà très courts), mais elle serait désastreuse pour l'exercice de la démocratie et surtout, pour l'efficacité de l'action des élus qui ne chercheraient plus à prendre leurs responsabilités pour l'intérêt général et le bien commun et n'auraient de cesse de surfer sur une simpliste démagogie de court terme pour se maintenir.

Mais ce n'était pas étonnant de la part du (encore) dauphin de Jean-Luc Mélenchon, puisque cette lubie est mélenchonnienne depuis deux ou trois campagnes présidentielles. Entre parenthèses, on oserait suggérer qu'au lieu de psychoter sur le genre des mots avec l'illisible écriture inclusive, on ferait mieux déjà de ne pas donner de gifle à sa femme, ce serait plus efficace comme action concrète en faveur des femmes, du respect qu'on leur doit, et de la protection qu'elles méritent d'avoir, en particulier de la part de leur époux. Oui, je sais, c'est facile, mais c'est l'agacement qui m'amène vers cette facilité, celui que provoquent les donneurs de leçon de morale qui, en permanence, se donnent un (faux) rôle de gardien de la moralité et qui, finalement, mais qui en aurait douté ?, n'ont pas plus de morale que monsieur tout le monde, avec ses vertus et ses failles.

La question se pose car on l'entendait défendre les femmes et vouloir s'attaquer aux "féminicides" le 11 octobre 2019 le plus sérieusement possible (et on y croyait) : « Parmi les 118 femmes tuées par leur conjoint ou ex, une proportion significative avait porté plainte ou déposé une main courante. Combien de ces cas aurions-nous pu éviter ? Combien de ces cas étaient prévisibles mais n’ont pas été prévenus ? Nous devons combler les failles. ». Apparemment, il n'a pas comblé toutes les failles.

Le texte de cette proposition de loi, rapportée par Alexis Corbière, a finalement été rejeté par l'Assemblée Nationale en séance publique le 13 janvier 2022. Par ailleurs, la mesure n'a plus fait partie du programme législatif de la Nupes en juin 2022.

Dans le cas concret qui se pose aujourd'hui à Adrien Quatennens lui-même, condamné le 13 décembre 2022 par le tribunal de Lille à quatre mois de prison avec sursis pour "violences sans incapacité commise sur conjoint", on serait donc tenté de lui dire : chiche, appliquez-vous cette fameuse mesure révocatoire ! Demandez à vos électeurs s'ils approuvent d'avoir un député qui aura perdu toute crédibilité lorsqu'il défendra les mesures en faveur des femmes, lorsqu'il louera la non-violence, lorsqu'il fera l'apologie du calme et du dialogue comme mode de communication.

Olivier Faure, le premier secrétaire de ce qu'il reste du PS, n'est pas un de ses électeurs, mais un de ses partenaires les plus importants (et les plus dociles), mais il est absolument ferme sur sa position, le retour sur les bancs de l'Assemblée d'Adrien Quatennens serait "impossible". Il voulait sans doute dire impensable. Le groupe FI du député du Nord, lui, ne l'a radié que temporairement (le groupe a adopté la durée de sa peine, quatre mois), en espérant qu'en avril 2023, tout serait oublié. Évidemment que non ! Rien ne serait oublié.

Pourtant, Adrien Quatennens, qui était en congé maladie et qui n'a plus rien fait depuis le mois de septembre 2022, début de son "affaire", aurait l'intention de revenir travailler à l'Assemblée au mois de janvier 2023... mais qui irait le saluer, travailler avec lui après une telle condamnation ? Comment un député, représentant et faiseur de loi, peut-il garder un minimum de crédit en étant lui-même condamné ? La question est réelle, et s'est déjà posée de très nombreuses fois depuis des décennies, mais il y a le cadre juridique (sans contestation, Adrien Quatennens peut rester député puisqu'il n'a pas été condamné à l'inéligibilité), et il y a le cadre politique voire moral, très différent.

Succombant à la tentation de la communication (pour s'expliquer ? Il n'y a rien à expliquer de la part d'un homme qui gifle son épouse), Adrien Quatennens a accepté de se faire interviewer par Bruce Toussaint sur BFMTV le 14 décembre 2022. Sans doute a-t-il eu tort car il s'est franchement enfoncé dans ses auto-justifications.

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Probablement que le pire a été lorsqu'il a évoqué son épouse (en instance de divorce) : « Depuis qu'il y a cette affaire, [elle] a un sentiment de pleine puissance et de plein pouvoir. ». Quelle bêtise que d'avoir sorti une telle tirade ! Quelle indécence si on se met à la place de son épouse ! Au moins, cela a l'avantage de la sincérité, peut-être aussi de la spontanéité, parce qu'il n'y a aucun intérêt à la dire. Elle signifie qu'Adrien Quatennens, au moins, est plus attentionné à sa petite personne et à son petit destin de petit député, qu'aux souffrances qu'il aurait infligées à son épouse, au calvaire, selon elle, qu'elle aurait enduré tant à ses côtés qu'après, quand elle a cherché à se séparer de lui. Un égoïsme très macho, l'homme dans tout sa vireur, j'oserais dire bien qu'homme, dans toute la splendeur de l'homme ne voyant que lui.

Dans sa chronique le lendemain, Daniel Schneidermann évoquait "l'entité masculine parfaite" : « Il accepte sa sanction judiciaire (…). Il accepte sa sanction politique, calquée sur le jugement. À l'Assemblée, il restera sagement, pendant quatre mois, seul à son banc, avec les non-inscrits, à l'écart de ses camarades insoumis. Il les évitera dans les couloirs, à la cafète. Il suivra un stage sur les violences sexistes et sexuelles par des organisations féministes. Il prendra des notes. Il s'achètera un cahier neuf. Il fera tout ce qu'on lui demande, sauf une chose : se retirer pour de bon. Disparaître. Et il ne comprend pas pourquoi on le lui demande. (…) Tout son être résiste. ».

Et l'éditorialiste d'Arrêt sur Images de pointer ce qui faisait mal : « Quant au combat féministe, autre entité détachable de sa personne, c'est "un combat juste, auquel je crois même personnellement". Tout est dans le "même". Comme toujours dans ces cas-là, chaque mot l'enfonce. Il avance un argument raisonnable, parfaitement entendable : la gradation des peines. Si on exige sa mort politique, à lui, pour une gifle, comment punira-t-on un "vrai" violent ? Il ne précise pas où passe exactement la frontière entre une gifle et un "vrai" violent. Deux, trois, dix gifles ? Bruce Toussaint ne le lui demande d'ailleurs pas. ».

L'interview peut être regardée sur la chaîne Youtube. Quand on regarde vaguement les multiples réactions, elles sont plutôt en faveur d'Adrien Quatennens, minimisant la gifle (la colère peut arriver à tout le monde, c'est vrai) et surtout, dénonçant le comportement très hostile du journaliste (à tel point que je subodore une action concertée de tous les militants de FI pour soutenir l'un des leurs en cassant du BFMTV, comme c'est facile).

Il y a cependant des internautes qui remettent l'église au milieu du village, comme on dit, comme celui-ci : « Quatennens ne fait pas d'explications de son erreur, mais cherche à utiliser sa femme comme bouc émissaire en la chargeant. Pas mieux... très lâche comme façon d'agir. ». Un autre rappelle opportunément une parole de maître Jean-Luc Mélenchon adressé au candidat François Fillon en 2017 : « Toute personne condamnée par la justice doit être inéligible à vie ! ». La formule exacte serait plutôt : « Quiconque est condamné une seule fois est inéligible à vie ! », exprimée par le chef de France insoumise le 20 mars 2017 sur le plateau de TF1.

Le problème du positionnement d'Adrien Quatennens, c'est sa volonté d'apparaître la victime, victime des médias, victime d'un "lynchage" médiatique, et même, ce qui est fort de café, victime de son épouse. Un internaute le comprend même en évoquant un argument très machiste de l'auto-justification de la violence : « Qu'est-ce qui est plus condamnable ? Que le conjoint l'empêche de rentrer chez lui alors qu'il paye le loyer, l'autorise à ne voir sa fille que sur un parking, le menace de mettre fin à sa carrière après qu'il l'ait soutenu pendant plusieurs années, profite de son absence pour lui demander le divorce par texto et garder l'enfant... ou la gifle qu'il lui a rendue ? ». Ou un autre : « Oui la gifle est largement moins grave et il y a des millions de femmes en France qui se prennent des gifles chaque semaines ou chaque mois par leurs conjoints ou leurs petits amis, donc normalement les tribunaux français devraient être surdébordés et s’occuper de gifles conjugales alors qu’il y a des agressions beaucoup plus graves, des viols des meurtres, etc. [Cela] signifie qu’il y a un gros problème mental et psychologique dans la société, la justice et le gouvernement français ! ». Un autre internaute, en revanche, s'agace des mauvais arguments : « Toutes les mains courantes ne sont pas suivies systématiquement de plainte. Pour AQ, il y a eu plainte et il a plaidé sa culpabilité en catimini à huis-clos . Qu'il débarrasse le plancher au lieu de se pavaner a la TV ! ».

Sa grande naïveté, je le répète, c'est d'avoir avoué sa faute. En reconnaissant (honnêtement ?) avoir giflé sa femme, Adrien Quatennens a voulu être sincère et passer à autre chose. Le problème, c'est qu'il s'est auto-culpabilisé alors qu'en le niant, il aurait permis à ses proches politiques de le soutenir encore, dans le bénéfice du doute, dans un clivage parole contre parole. Il est tombé dans un piège qu'il ne pourra pas ressortir.

Car il n'est pas difficile de savoir comment cela va se terminer. Aidé par ses faux amis de la Nupes, Adrien Quatennens sera conduit à démissionner de son mandat dans quelques semaines, acculé politiquement parce qu'il n'aura plus la possibilité concrète d'exercer son mandat de député, tous ses interlocuteurs lui reprojetant cette triste gifle. C'est peut-être (et même sûrement) injuste dans l'échelle des peines, mais n'oublions pas que François de Rugy, qui a complètement disparu de la circulation, avait dû quitter un Ministère d'État qui était bien plus important que le mandat d'un député du Nord, uniquement sur le coût de homards qu'il n'avait même pas été foutu d'avaler. À ce jour et à ma connaissance, il n'aurait jamais giflé sa femme.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Et si le peuple révoquait Adrien Quatennens ?
La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
Le député Adrien Quatennens doit-il démissionner de l'Assemblée Nationale ?
Mais où est donc passé Adrien Quatennens ?
Clémentine Autain.
Éric Coquerel.
Jean-Luc Mélenchon.
Danièle Obono.
François Ruffin.
Sandrine Rousseau.
Pour ou contre M… ?
Sous la NUPES de Mélenchon.
La consécration du mélenchonisme électoral.








https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221214-adrien-quatennens.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/et-si-le-peuple-revoquait-adrien-245513

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/12/16/39747518.html









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