Le petit monde d'Italo Calvino
« Toute l'œuvre de Calvino peut se lire comme un parcours arborescent, un réseau infini qui tente de relier "la main qui écrit au monde décrit". Inventeur de machines, de mécaniques littéraires, de jeux, de joutes, de stratégies combinatoires conjuguant la raison et la fable, la science et le conte, la géométrie et le chaos, l'abstrait et le tangible, Calvino multiplie les angles d'approches, les points de vue, pour dresser la carte du monde et du cosmos, pour "écrire selon une force de réalité qui explose tout entière dans l'imaginaire". » (Francesca Isidori, le 21 août 2007 sur France Culture).
L'écrivain italien Italo Calvino est né il y a exactement 100 ans, le 15 octobre 1923 à Cuba. Il est mort à l'âge de 61 ans d'une hémorragie cérébrale à Sienne, le 19 septembre 1985. Il fait partie de mes auteurs contemporains préférés parce qu'il jouissait, dans son écriture, d'une énorme liberté de création et d'une originalité qui le rendait irremplaçable (et inimitable). Il me fait un peu penser à un M. S. Escher de la littérature. Ce n'est pas anodin qu'installé à Paris en 1964, il faisait partie de l'Oulipo (l'Ouvroir de littérature potentielle) aux côtés de Raymond Queneau, Roland Barthes, Georges Perec, etc. (les années 1980 ont été mortelles pour ce petit groupe d'écrivains créatifs et récréatifs).
Selon Aurélia Caton de l'INA, Italo Calvino est « l'un des romanciers italiens les plus originaux du XXe siècle, de par son imagination débridée et par sa volonté forte de renouveler la littérature ». Revenu de Cuba dans sa petite enfance (habitant San Remo), le futur romancier, étouffé par la propagande fasciste, s'est engagé dans la Résistance en 1943 et s'est inscrit au parti communiste italien juste après la guerre (qu'il a quitté en 1956 après l'invasion de la Hongrie par les troupe soviétiques). C'est son désir de raconter la Résistance qui l'a conduit à devenir écrivain.
J'ai dû découvrir les livres d'Italo Calvino dans les années 1980 probablement un peu par hasard, peut-être une bonne présentation de libraire, mais surtout avec des titres d'œuvre irrésistibles (je suis souvent très séduit par le titre d'un livre que j'achète alors d'un geste presque compulsif). J'ai ainsi notamment lu "Le Baron perché" (1957), "La Journée d'un scrutateur", "Cosmicomics" (1965), "Les Villes invisibles" (1972), "Monsieur Palomar" (1983), et surtout, à mon sens, le meilleur de ceux que j'ai lus, "Si par une nuit d'hiver un voyageur" (1979).
Son premier roman est sorti en 1947 ("Le Sentier des nids d'araignées", je ne l'ai pas lu car pas trouvé en librairie mais même sans connaître l'auteur, je l'aurais acheté sans hésitation), et le dernier ouvrage, "Lettres américaines" est sorti après sa mort, en 1988. En fait, sept livres sont sortis après sa mort jusqu'en 1995. Malgré cette mort beaucoup trop jeune, en près de quarante ans d'écriture, Italo Calvino a publié tout de même trente-deux livres, principalement des romans et nouvelles souvent loufoques, et deux livrets d'opéra, ce qui n'est pas rien !
Roland Barthes a vite apprécié cet écrivain hors normes : « Dans l’art de Calvino et dans ce qui transparaît de l’homme en ce qu’il écrit, il y a, employons le mot ancien, c’est un mot du XVIIIe siècle, une sensibilité. On pourrait dire aussi une humanité, je dirais presque une bonté, si le mot n’était pas trop lourd à porter : c’est-à-dire qu’il y a, à tout instant, dans les notations, une ironie qui n’est jamais blessante, jamais agressive, une distance, un sourire, une sympathie. ».
C'est un énorme plaisir de le lire, du moins dans sa traduction française (l'auteur lui-même parlait un français impeccable). Il y a à la fois une narration de type voltairienne (comme un habitant de Sirius qui observerait les humains) et une créativité fantastique. Italo Calvino, c'est le Siècle des Lumières au temps de l'arme nucléaire.
"Le Baron perché" fait partie d'une trilogie avec "Le Vicomte pourfendu" (1952) et "Le Chevalier inexistant" (1959), même si ces trois romans n'ont aucun lien entre eux : « Ils ne sont pas liés l'un à l'autre mais ils sont nés dans le même climat d'invention. ». Ces livres, qui sont des contes philosophiques, se basent sur une idée un peu bizarre (différente).
"Le Baron perché", c'est un enfant qui refuse de manger les escargots et il va s'isoler dans un arbre et n'en descend plus jusqu'à la fin de sa vie (les escargots de l'auteur, c'est le silence des dirigeants communistes italiens sur la répression soviétique à Budapest).
Extrait 1 : « Il ne peut pas y avoir d'amour si l'on n'est pas soi-même, et de toutes ses forces ! ».
Extrait 2 : « Pour bien voir la Terre, il faut la regarder d'un peu plus loin. ».
Extrait 3 : « Sa vie était gouvernée par des idées désuètes, comme il arrive souvent dans les périodes de transition. L'agitation de leur époque communique à certains le besoin de s'agiter aussi, mais à rebours, en dehors du bon chemin. ».
"Le Vicomte pourfendu", c'est un homme coupé en deux dans le sens de la longueur et les deux moitiés survivent et vivent leur vie indépendamment, l'une méchante l'autre gentille.
Extrait 4 : « Mort pour mort, à tous les cadavres ils faisaient le nécessaire pour qu'ils revinssent à la vie. Et je te scie par ci et je te couds par là, et je te tamponne des lésions et je te retourne des veines en doigts de gants pour les remettre en place avec plus de ficelle que de sang à l'intérieur, mais bien rapiécées et bien étanches. Quand un patient mourait, tout ce qu'il avait de bon servait à rapetasser les membres d'un autre, et ainsi de suite. Ce qui donnait le plus de fil à retordre, c'étaient les intestins : une fois déroulés, on ne savait plus comment les replacer. ».
Extrait 5 : « Elle avait allaité tous les jeunes de la famille Terralba, couché avec tous les vieux, fermé les yeux à tous les morts. ».
Extrait 6 : « J'allais souvent dans la boutique de Pierreclou, parce que c'était une belle chose que de le voir travailler avec cette adresse et cette passion. Mais le sellier avait toujours le cœur en peine. Ce qu'il construisait, c'étaient des potences pour innocents. ».
Interrogé par Pierre Dumayet le 11 mai 1960 pour l'ORTF, Italo Calvino évoquait son "baron perché" : « Ce n'est pas une image d'évasion complètement. C'est une image de solitude, c'est une image de volonté, c'est une image d'obstination. (…) Peut-être que sur les arbres, c'est un moyen d'être plus proche que celui qu'on vit sur la terre. (…) Parce qu'il y a cette distance, que c'est un lieu de voir mieux. (…) Ce n'est pas une évasion, cette position de solitude, c'est aussi de participation. ».
"La Journée d'un scrutateur" raconte la journée d'un intellectuel communiste qui est scrutateur pour les élections du 7 juin 1953 dans un dispensaire religieux soignant et hébergeant des milliers de personnes en situation de handicap à Turin (Cottolengo). Son but est d'empêcher les religieux de guider ces patients qui n'ont plus leur propre libre-arbitre à voter pour les candidats démocrates chrétiens (démocrates chrétiens et communistes étaient les deux forces électorales dominantes en Italie à cette époque, à l'instar des histoires de Don Camillo et Peppone), ou de les dénoncer si cela se passait ainsi.
Extrait 7 : « Des jeunes gens, le crâne rasé et la barbe hirsute, étaient assis là en demi-cercle, sur des fauteuils, les mains cramponnées aux accoudoirs. Ils portaient des robes de chambre bleues à rayures dont les pans descendaient jusqu'à terre, cachant le vase disposé sous chaque siège ; mais la puanteur stagnait et des rigoles se perdaient sur le carrelage, entre leurs jambes nues aux pieds chaussés de socques. Ils avaient cet air de famille qu'on rencontre partout au Cottolengo, et leur expression était celle de tous : leur bouche déformée s'ouvrait sur des dents plantées de travers en un ricanement qui tenait du sanglot ; et le tapage qu'ils faisaient se diluait en un jacassement étouffé de rires et de pleurs. ».
Extrait 8 : « Pendant ce temps, les autres faisaient voter un malade. On l'isola, lui et la petite table, derrière le paravent déployé ; cela fait, et comme il était paralysé, une sœur vota à sa place. On retira le paravent ; Amerigo vit une face violacée, révulsée comme celle d'un mort, une bouche béante, des gencives nues, des yeux hagards. On ne découvrait rien de plus que cette tête enfoncée au creux de l'oreiller ; l'homme était aussi raide qu'une pièce de bois, mis à part un râle qui sifflait au fond de sa gorge. ».
Extrait 9 : « On sait ce qu'il en est de ces moments où il semble que nous ayons tout compris : il se peut qu'une seconde plus tard, comme nous voulons préciser ce que nous venons de saisir, tout nous échappe. ».
"Cosmicomics" est un recueil de contes fantastiques et scientifiques qui utilisent la passion de l'auteur pour la sociologie et les sciences naturelles (sa mère était biologiste et son père ingénieur agronome).
Extrait 10 : « Notre destin était le plus, le toujours plus, et nous ne savions pas penser au moins, ne serait-ce que fugitivement ; dorénavant, nous irions du plus à l'encore plus, des sommes aux multiples aux puissances aux factorielles sans jamais nous arrêter ou ralentir. ».
Extrait 11 : « Les marées, quand la Lune était au plus bas, étaient tellement hautes qu'il n'y avait plus personne pour les retenir. Et il y avait des nuits de pleine Lune, celle-ci extrêmement basse, et de marée, celle-là extrêmement haute, au point que si la Lune ne se baignait pas dans la mer, il s'en fallait d'un cheveu ; disons de quelques mètres. Est-ce que nous avons jamais essayé d'y monter ? Et comment donc ! Il suffisait d'y aller, en barque, jusque dessous, d'y appuyer une échelle et d'y monter. ».
Extrait 12 : « Une nuit, j'observais comme d'habitude le ciel avec mon télescope. Je remarquai que d'une galaxie distante de cent millions d'années-lumière se détachait une pancarte. Dessus, il était écrit : JE T'AI VU. Je fis rapidement le calcul : la lumière de la galaxie avait mis cent millions d'années pour me joindre, et comme de là-bas ils voyaient ce qui se passait ici avec cent millions d'années de retard, le moment où ils m'avaient vu devait remonter à deux cents millions d'années. Avant même de contrôler sur mon agenda pour savoir ce que j'avais fait ce jour-là, je fus pris d'un pressentiment angoissant : juste deux cents millions d'années auparavant, pas un jour de plus ni de moins, il m'était arrivé quelque chose que j'avais toujours essayé de cacher. (…) Et voilà que d'un lointain corps céleste quelqu'un m'avait vu, et maintenant l'histoire revenait au jour. ».
"Les Villes invisibles" est une succession de descriptions de villes imaginaires (cinquante-cinq) racontées par Marco Polo. Conte poétique, il donne naissance à de drôles de villes, comme celle où les habitants ne touchent plus le sol (référence directe avec "Le Baron perché"), etc.
Extrait 13 : « La ville pour celui qui y passe sans y entrer est une chose, et une autre pour celui qui s’y trouve pris et n’en sort pas ; une chose est la ville où l’on arrive pour la première fois, une autre celle qu’on quitte pour n’y pas retourner ; chacune mérite un nom différent ; peut-être ai-je déjà parlé d’Irène, sous d’autres noms ; peut-être n’ai-je jamais parlé que d’Irène. ».
Extrait 14 : « Il arrive un moment dans la vie où entre tous ceux qu’on a connus, les morts sont plus nombreux que les vivants. ».
Extrait 15 : « L’ailleurs est un miroir en négatif. Le voyageur y reconnaît le peu qui lui appartient, et découvre tant ce qu’il n’a pas eu, et n’aura pas. ».
Évoquant surtout "Monsieur Palomar" le 21 août 2007 sur France Culture, Daniele Del Giudice donnait quelques éléments de l'écriture de Calvino : « Si je parle d’Italo Calvino comme d’un "écrivain de formation" c’est que chaque roman est pour lui une forme expérimentale qui présente une certaine manière possible d’être dans le monde, et aussi dans la littérature. À chaque fois, il y a une tentative de s’adapter, non pas en s’aplatissant, mais plutôt en étant en adéquation avec l’expérimentation qu’il est en train de faire. Pour Palomar par exemple, il réussit à se libérer pour la première fois de l’idée de modèle, celui de la vraie société, de la vraie littérature. Dans les années 1960, il abandonne ce modèle unique pour davantage de complexité. Dans Palomar, quand il part de l’idée de "lire une vague" en essayant d’éviter toute méta-pensée, il se donne la possibilité de voir les personnes, les formes, sans plus avoir besoin de modèle. Ces expérimentations qui pourraient sembler purement littéraires sont en réalité d’ordre éthique. L’écriture de Calvino relève non pas d’une éthique prescriptive mais d’une éthique qui est celle du comportement d’un écrivain qui cherche à comprendre et à anticiper ce qui va advenir, à travers la forme qu’il donne, non seulement de la littérature mais aussi de la société. C’est en cela qu’on peut dire que Calvino est un expérimentateur. Ses expérimentations sont presque anthropologiques. Elles se mettent en marche, elles avancent, mais en réalité restent inachevées. Et cela, je crois que Calvino le fait exprès. Car je pense que rien n’est plus éloigné de sa pensée que la positivité. ».
Extrait 16 : « En effet, le silence aussi peut être considéré comme une forme de discours, en tant que refus de l'usage que d'autres font de la parole ; mais le sens de ce silence-discours réside dans ses interruptions, c'est-à-dire dans ce que de temps en temps l'on dit et qui donne un sens à ce que l'on tait. ».
Extrait 17 : « Le fait est qu'il voudrait, plutôt que d'affirmer une vérité particulière, poser des questions, et il comprend que personne n'a envie de sortir des rails de son propre discours pour répondre à des questions qui, venant d'un autre discours, obligeraient à repenser les mêmes choses avec d'autres mots, et peut être même à se retrouver en territoire inconnu, loin des parcours établis. Il voudrait bien aussi que les questions lui viennent des autres : celles auxquelles il répondrait en disant les choses qu'il a le sentiment de pouvoir dire seulement si quelqu'un lui demandait, mais qu'il pourrait dire seulement si quelqu'un lui demandait de les dire. De toute manière, il ne vient à l'esprit de personne de lui demander quoi que ce soit. ».
Extrait 18 : « Monsieur Palomar marche le long d'une plage déserte. Il rencontre de rares baigneurs. Une jeune femme est allongée sur le sable et prend le soleil les seins nus. Palomar, en homme discret, détourne son regard vers l'horizon marin. Il sait qu'en de pareilles circonstances, à l'approche d'un inconnu, les femmes souvent se hâtent de se couvrir, et cela ne lui semble pas bien : c'est dérangeant pour la baigneuse qui prenait tranquillement le soleil ; le passant se sent un gêneur ; le tabou de la nudité se trouve implicitement confirmé ; enfin, le respect des conventions à moitié est source d'insécurité et d'incohérence dans le comportement, plutôt que de liberté et de franchise. C'est pourquoi, dès qu'il voit se profiler de loin le nuage rose bronze d'un torse nu féminin, il se hâte de détourner la tête de façon que la trajectoire de son regard reste suspendue dans le vide et témoigne de son respect courtois pour l'invisible frontière qui enveloppe les personnes. ».
Extrait 19 : « C'est seulement après avoir connu la surface des choses, conclut-il, qu'on peut aller jusqu'à chercher ce qu'il y a en dessous. Mais la surface des choses est inépuisable. ».
Enfin, chef-d'œuvre d'Italo Calvino que je conseille vivement à la lecture, "Si par une nuit d'hiver un voyageur" est une véritable mise en abyme de l'écrivain et du lecteur. Rien que le titre paraît dément mais il se comprend assez vite si on sait que ce roman est une succession de onze débuts de roman dans laquelle Italo Calvino interpelle le lecteur, le fait participer à son écriture, le met dans le rôle du personnage principal (par une narration interpellante, à la seconde personne du singulier), ce qui est un peu fort de café ! C'est un texte donc aussi drôle qu'insolite, qui laisse entrevoir la complexité de la création comme les escaliers de M. S. Escher : « Tu es à ta table de travail, le livre posé comme par hasard parmi tes papiers ; tu soulèves un dossier et tu l’aperçois ; tu l’ouvres distraitement, les coudes sur la table, les poings contre les tempes, on dirait que tu te plonges dans l’examen d’une affaire, et te voilà en train de parcourir les premières pages d’un roman. ». Si on met bout à bout tous les titres de chapitre, cela donne d'ailleurs un nouveau message sous forme poétique.
Extrait 20 : « Le moment le plus important, à mes yeux, c’est celui qui précède la lecture. Parfois le titre suffit pour allumer en moi le désir d’un livre qui peut-être n’existe pas. Parfois, c’est l’incipit du livre, ses premières phrases… En somme : s’il vous suffit de peu pour mettre en route votre imagination, moi, il m’en faut encore moins : rien que la promesse d’une lecture. ».
Extrait 21 : « Lecteur, il est temps que ta navigation agitée trouve un port. Quel havre plus sûr qu'une grande bibliothèque pourrait t'accueillir ? Il y en a certainement une dans la ville d'où tu étais parti et où tu es revenu après ton tour du monde d'un livre à l'autre. ».
Extrait 22 : « Je voudrais savoir écrire un livre qui ne serait qu’un incipit, qui garderait pendant toute sa durée les potentialités du début, une attente encore sans objet. ».
Extrait 23 : « Je suis une de ces personnes qui n'attirent pas l'œil, une présence anonyme sur un fond encore plus anonyme; si tu n'as pu t'empêcher, Lecteur, de me remarquer parmi les voyageurs qui descendaient du train, puis de suivre mes aller et retour entre le buffet et le téléphone, c'est seulement parce que mon nom est "moi", tu ne sais rien d'autre de moi, mais cela suffit pour te donner le désir d'investir dans ce moi inconnu quelque chose de toi. ».
Extrait 24 : « Il n’est pas facile de trouver la bonne position pour lire, c’est vrai. Autrefois, on lisait debout devant un lutrin. Se tenir debout c’était l’habitude. C’est ainsi que l’on se reposait quand on était fatigué d’aller à cheval. Personne n’a jamais eu l’idée de lire à cheval ; et pourtant lire bien droit sur ses étriers, le livre posé sur la crinière du cheval ; ou même fixé à ses oreilles par un harnachement spécial, l’idée te paraît plaisante. On devrait être très bien pour lire, les pieds dans des étriers ; avoir les pieds levés est la première condition pour jouir d’une lecture. ».
Extrait 25 : « Dans un aéroport africain, parmi les otages de l'avion détourné qui attendent couchés sur le sol en s´éventant ou se pelotonnent sous les plaids distribués par les hôtesses au moment où tombe brusquement la température nocturne, Marana admire le calme imperturbable d'une jeune femme qui se tient accroupie dans un coin, les bras passés autour de ses genoux relevés sous sa longue jupe, ses cheveux qui tombent sur un livre lui cachant le visage, sa main abandonnée tournant les pages comme si l'essentiel se décidait là, au prochain chapitre. ».
Extrait 26 : « J'attends des lecteurs qu'ils lisent dans mes livres quelque chose que je ne savais pas ; mais je ne peux l'attendre que de ceux qui attendent de lire quelque chose qu'eux, à leur tour, ne savaient pas. ».
Le mot de la fin reste encore à Italo Calvino à propos de son métier d'écrivain : « Dans une certaine mesure, je crois que nous écrivons toujours au sujet de quelque chose que nous ne connaissons pas. Nous écrivons pour permettre au monde non écrit de s'exprimer à travers nous. De l'instant où mon attention se détourne de l'ordre régulier des lignes écrites pour suivre la mouvante complexité de ce qu'aucune phrase ne pourra contenir ou épuiser, j'ai l'impression d'être sur le point de comprendre que, de l'autre côté des mots, quelque chose essaie de sortir du silence, de signifier à travers le langage, comme des coups frappés contre les murs d'une prison. ».
La chaîne Arte a produit un excellent documentaire de Duccio Chiarini sur Italo Calvino qui a été diffusé le mercredi 11 octobre 2023 et qui reste disponible sur Internet (et ci-après) jusqu'au 8 janvier 2024.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Italo Calvino.
Hubert Reeves.
Jean-Pierre Elkabbach.
Jacques Julliard.
Robert Sabatier.
Hélène Carrère d'Encausse.
Molière.
Frédéric Dard.
Alfred Sauvy.
George Steiner.
Françoise Sagan.
Jean d’Ormesson.
Les 90 ans de Jean d’O.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20231015-italo-calvino.html
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-petit-monde-d-italo-calvino-250320
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/10/13/40072620.html