L'irremplaçable Maria Callas
« Au fil des années, Maria Callas s'est fait remarquer par sa voix exceptionnelle combinant une large tessiture avec un sens aigu du drame. (…) Pour beaucoup, la voix de Maria Callas est inimitable : dramatique, chargée d'émotion, capable de silence autant que de puissance. Sa définition du bel canto imprègne l'interprétation moderne des opéras, faisant d'elle une référente pour de nombreux artistes à venir. » (Site AllegroMusique).
La soprano Maria Callas est née il y a 100 ans, le 2 décembre 1923 à New York de parents grecs émigrés aux États-Unis (elle s'appelait alors Maria Kalogeropoulos, remplacé par Kalos puis Callas pour son nom de scène). Sa vie a été un roman, et sa passion est devenue un objet culturel de premier plan, l'art lyrique, plus seulement réservé à une certaine catégorie de personnes, les plus aisées. Elle a rendu populaire l'opéra et est sans doute encore la plus célèbre des cantatrices du monde. Elle a toujours été très exigeante avec elle-même, travaillant sans cesse sa voix. Et elle a cherché à incarner avec perfection ses différents rôles. Cosmopolite, elle l'était par excellence : née aux États-Unis, élevée en Grèce sa patrie de cœur et de sang, triomphant en Italie et vivant la fin de sa vie en France où elle est morte.
Après des débuts à l'Opéra d'Athènes à partir de 1941, et après un séjour raté aux États-Unis où elle fut boudée (entre 1945 et 1946), Maria Callas a eu son premier triomphe personnel le 2 août 1947 à la fin de "La Gioconda" de Ponchielli dirigé par celui qui allait être son mentor, Tullio Serafin, dans les arènes de Vérone, en Italie. "La" Callas était née. À chaque théâtre italien, dans différentes œuvres, elle a rencontré un triomphe, Venise, Florence, etc. Le 7 décembre 1951, elle a fait ses débuts à La Scala de Milan, avec "Les Vêpres siciliennes" de Verdi, au cœur de l'art lyrique, devenu son endroit fétiche. Elle s'y est produite jusqu'en 1962, sous la direction des plus grands, dont Herbert von Karajan, Victor de Sabata et Lucchino Visconti.
En 1954 (elle avait 30 ans), avec "La Vestale" de Spontini, Maria Callas s'est transformée complètement : elle a perdu trente kilogrammes après un régime alimentaire très strict, et cela a eu un effet sur sa voix, mais cela lui a permis une plus grande présence sur scène. Cité par Lorenzo Ciavarini Azzi sur franceinfo, le communiqué de l'AFP à sa mort le confirmait : « Depuis qu'elle a obligé l'opéra à se souvenir qu'il était aussi une manifestation théâtrale, les défilés de chanteurs ventripotents et de cantatrices rondelettes venant pousser leur air sur le devant de la scène ne sont plus acceptables. ».
Mais son rythme était infernal. Le 2 janvier 1958 à l'Opéra de Rome, elle a perdu la voix au cours de la représentation devant le Président de la République italienne et a refusé de poursuivre. Elle a essuyé alors quelques sifflets. Son amour pour la France a commencé le 19 décembre 1958 à l'Opéra de Paris lors d'un gala organisé en faveur des œuvres sociales de la Légion d'honneur. Ce concert était retransmis en direct à la radio et à la télévision et dans l'assistance, il y avait du beau monde : le Président de la République René Coty, Charlie Chaplin, Jean Cocteau, Brigitte Bardot, Gilbert Bécaud, etc. Elle s'est installée à Paris en 1961, d'abord boulevard Foch puis avenue Georges-Mandel en 1968, jusqu'à sa mort.
Cité par France Musique, ce commentaire du journal "Le Monde" du 22 décembre 1958 sur ce récital fondateur : « C'est alors que la Callas s'était avancée sur la grande scène dans son pétale incarnat, sa belle main sur le cœur. Elle s'inclina longuement, salua, sourit : décidée en femme de tête à sortir ses séductions et à se concilier d'emblée le public parisien. Celui-ci, sur cette seule admirable vision qu'aucune diva au monde certes ne peut procurer, en eut le souffle coupé. Il n'allait plus cesser de montrer son enthousiasme par des applaudissements répétés, parfois intempestifs, au cours des deux heures de bel canto qui lui furent octroyées. ».
Après dix ans de mariage avec Gian Battista Meneghini, un industriel italien qu'elle a rencontré en 1947, Maria Callas a rencontré le riche armateur grec Aristote Onassis en 1959. Ce fut le grand amour jusqu'en 1968, date du mariage de l'armateur avec ...la veuve Jackie Kennedy.
Le 20 janvier 1965 à l'Opéra de Paris, "Tosca" de Puccini fut un grand triomphe pour Maria Callas qui, cependant, a dû mal à renouveler ses exploits. Elle a même un malaise en mai, au milieu d'une représentation, et sa dernière représentation, contre l'avis de son médecin, a eu lieu au Royal Opera House de Londres le 5 juillet 1965 devant la reine Élisabeth II.
Elle a fait un retour sur quelques scènes lyriques en 1973 en Europe et en 1974 aux États-Unis, en Corée du Sud et au Japon (avec le ténor Giuseppe di Stefano, son nouvel amant), mais la magie n'officiait plus, sa voix n'était plus la même. Elle donna son ultime récital au Japon le 11 novembre 1974, au Hokkaido Koseinenkin Kaikan à Sapporo. Entre 1947 et 1965, son époque dorée, Maria Callas a fait 595 représentations et concerts, tenu 42 rôles et enregistré 26 intégrales d'opéras.
À partir de 1968, Maria Callas était malheureuse, aimant éperdument d'un amour impossible Aristote Onassis (qui est mort en 1975 à Neuilly). Elle s'était retirée, vivait isolée à Paris, sortait promener son chien avec toujours le même itinéraire, et est morte d'une embolie pulmonaire à 53 ans, le 16 septembre 1977, chez elle. Son ancien directeur artistique Michel Glotz (1931-2010) témoigna alors : « Je viens de la voir sur son lit. C'était l'image même de "La Traviata" telle qu'elle a jouée en 1956 à La Scala de Milan. Son visage n'a pas une ride. Elle a l'air de se reposer. ». Pour son centenaire, la Banque de Grèce a fait frapper une pièce de deux euros à son effigie et le (premier) Musée Maria Callas a ouvert ses portes à Athènes (il fut inauguré le 26 octobre 2023).
D'après l'une de ses dernières biographes, Lyndsy Spence qui a publié son livre le 1er juin 2021 et qui a interrogé le neurologue de la diva, Maria Callas aurait souffert depuis les années 1950 d'une maladie neuromusculaire qui pourrait expliquer pourquoi elle a dû écourter sa carrière (une dermatomyosite des cordes vocales et du larynx).
Sur un site d'information concernant Maria Callas, un internaute a laissé ce commentaire, sobre mais dense, quarante-six ans après sa mort : « Transcendante, divine, extatique ; imparfaite mais éternelle ! ». Effectivement, elle est éternelle. Grâce aussi à l'Internet. Écoutons-la dans ces 50 morceaux choisis...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 décembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Podcasts de France Musique sur Maria Callas (décembre 2023).
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