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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
23 septembre 2020

Bourvil serait-il encore une star aujourd’hui ?

« La taca-taca-taca-tac-tactique du gendarme,
C’est d’être toujours là quand on ne l’attend pas.
La taca-taca-taca-tac-tactique du gendarme,
C’est d’être perspicace sous un petit air bonasse. »

("La Tactique du gendarme, paroles de Bourvil
et Lionel Leplat, musique d’Étienne Lorin, 1949)



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Il y a cinquante ans, le 23 septembre 1970, l’acteur vedette du cinéma français Bourvil est mort à Paris après trois années d’une saleté de maladie à un âge qu’on qualifierait aujourd’hui de "pas trop vieux encore", c’est-à-dire à 53 ans (il est né le 27 juillet 1917 en Normandie). Admirateur de Fernandel (on l’a même appelé "Fernandel normand" quand, jeune, il amusait la galerie dans les fêtes familiales en l’imitant, et pendant un court moment, il s’est même fait appeler Andrel), il est devenu un peu comme lui : humoriste, chanteur de music-hall, comédien de théâtre, acteur de cinéma… avec une célébrité proportionnelle aux succès des films dans lesquels il a joué. C’est-à-dire immense.

Car Bourvil, avec Fernandel, Jean Gabin et Louis de Funès, ont véritablement dominé le cinéma français des années 1960, et leurs films ont été accueillis avec un très grand succès populaire, atteignant parfois les huit chiffres, dépassant en effet les 10 millions d’entrées en salle.

On peut facilement se rappeler ses films tellement connus que la télévision continue à les repasser en boucle tous les ans pour les fêtes (on ne sait plus s’ils sont connus parce qu’ils sont rediffusés ou l’inverse). Ses duos avec Louis de Funès (qui ressentait une pointe de jalousie lors des tournages car il se considérait comme la seule vraie star) dans "Le Corniaud" (1965) et "La Grande Vadrouille" (1966), tous les deux de Gérard Oury ; un duo avec Fernandel dans "La Cuisine au beurre" de Gilles Grangier (1963) ; avec Jean-Paul Belmondo dans "Le Cerveau" de Gérard Oury (1969) ; avec Alain Delon et Yves Montand dans "Le Cercle rouge" de Jean-Pierre Melville (1970). Beaucoup de ses films retraçaient la dernière guerre, dont le film qui l’a rendu très célèbre, "La Traversée de Paris" de Claude Autant-Lara (1956), aussi "Le Jour le plus long" (1962), et l’un de ses derniers films, "Le Mur de l’Atlantique" de Marcel Camus (1970), avec Sophie Desmarets et Jean Poiret.

Dans la plupart des films, Bourvil faisait le "profil bas" du Français moyen, plutôt campagnard, un comique paysan, naïf, gentil voire benêt, un peu simplet mais très généreux, au grand cœur, tendre et attachant, et légèrement cabotin sur les bords.

Le contexte, c’étaient les Trente Glorieuses, version haute, c’est-à-dire la version gaullienne, la France qui s’industrialisait, qui sortait des crises politiques incessantes de la Quatrième République, qui sortait du marasme économique, qui retrouvait sa dignité et son indépendance. Cette France-là avait besoin de divertissement, de joie, d’esprit optimiste et positif, la croissance était là, le chômage très faible, la confiance en l’avenir assez grande. De Gaulle, d’ailleurs, plaçait Bourvil en rival dans sa notoriété mondiale (au même titre que Tintin !).

Paradoxalement, le chansonnier Bourvil a engendré deux enfants très "sérieux", un économiste et son aîné, un député socialiste, Dominique Raimbourg qui fut le président de la prestigieuse commission des lois de l’Assemblée Nationale de février 2016 à juin 2017 (pour remplacer Jean-Jacques Urvoas, nommé Ministre de la Justice).

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Aujourd’hui, pourrait-on imaginer qu’un Bourvil moderne soit encore porté par tant d’admiration et de fascination par le peuple ? Probablement pas, notre société, depuis plusieurs décennies, renforcée par l’individualisme égotique des réseaux sociaux, est une civilisation du ricanement et faire de Bourvil une star serait un peu se renier : trop simple, trop simplet, trop simpliste, le Bourvil. La joie de vivre, la franche camaraderie, la main toujours sur le cœur, pas sûr que les valeurs qu’il véhiculait dans une époque d’expansion et de construction soient les mêmes que dans notre époque de doute, de suspicion (et pas seulement de covid-19), de perte de référence, de confusion identitaire et de complotisme, le "on-ne-nous-dit-pas-tout" ajouté au "mais-moi-je-sais-la-vraie-vérité".

Bourvil, comme du reste Fernandel, n’a quasiment pas franchi la décennie des années 1970. Il est donc un représentant d’une France ancienne, celle paradoxalement, dont beaucoup, aujourd’hui, ont la nostalgie. Souvent une nostalgie feinte car lorsqu’on regarde les dates de naissance, on peut s’étonner que justement, cette période n’a pas beaucoup été vécue par les quinquagénaires ou quadragénaires qui voudraient retrouver la France d’avant, alors que, s’il y a une chose dont on peut être sûr, c’est qu’on ne reviendra jamais en arrière. Et donc, il faudrait plutôt construire la France d’après, ce que, avec ses maladresses et ses incohérences parfois, mais aussi avec son énergie et son volontarisme, Emmanuel Macron tente de faire, d’une part, parce qu’il est aux commandes, et d’autre part, parce qu’il veut vraiment adapter la France aux réalités du moment, au monde d’aujourd’hui. Ses adversaires voudraient tellement adapter le monde qui nous entoure à une France qui sentirait la naphtaline.

Oui, j’ai bien écrit "paradoxalement" car je pense que tous ceux qui revendiquent un "souverainisme" vaguement "gaullien" (sans trop se préoccuper de ce qu’était réellement le gaullisme qui n’était que pragmatisme : c’est De Gaulle qui a appliqué le premier en France le Traité de Rome et il avait pourtant toute la latitude d’envoyer ce premier traité de la création européenne dans la fosse commune de l’histoire), ceux qui revendiquent le retour aux années de prospérité économique voire de planification industrielle (dont Emmanuel Macron a repris l’idée pour François Bayrou), ceux-là ne mettraient certainement pas Bourvil dans leur devanture, en étendard de leurs racines. Bourvil, c’est pourtant la France rural, celle de la ruralité voire de la rurbanité, celle aujourd’hui laissée pour compte, cette France périphérique, celle des ronds-points, victime de la désertification des services publics (et commerciaux).

Mais c’est peut-être cela d’être une star universelle, être hors du temps et de l’espace, comme un héros de bande dessinée qui franchit allègrement les dérives du temps et du monde pour se parachever dans une sorte d’œuvre immuable, évidemment ici aidée par de grands réalisateurs.

Et par des airs de chanson qui continuent à trotter en boucle dans la tête plongée dans l’air vicié d’une atmosphère polluée en temps de coronavirus… Vive cette insouciance à jamais disparue !

« Je plongerais tout nu dans l’océan,
Pour te ramener des poissons d’argent,
Avec des coquillages lumineux,
Oui, mais en échange tu sais ce que je veux.
Salade de fruits, jolie, jolie, jolie,
Tu plais à mon père, tu plais à ma mère,
Salade de fruits, jolie, jolie, jolie,
Un jour ou l’autre, il faudra bien qu’on nous marie. »

("Salade de fruits", paroles de Noël Roux,
musique de Noël Roux et Armand Canfora, 1959).


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Jean-Luc Bideau.
Bourvil.
Michael Lonsdale.
Claude Chabrol.
Charles Denner.
Annie Cordy.
Vanessa Marquez.
Maureen O'Hara.
Ennio Morricone.
Zizi Jeanmaire.
Yves Robert.
Suzanne Flon.
Michel Piccoli.
Jacques François.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20200923-bourvil.html

https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/bourvil-serait-il-encore-une-star-227276

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/09/16/38537110.html







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