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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
23 octobre 2020

Rosa Parks, la Madone de Montgomery

« Il y a tellement de souffrance, de déception et d’oppression que l’on peut supporter… La frontière entre raison et folie se rétrécit. » (Rosa Parks).


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Comme l’a décrite France Culture : « symbole de la féminité noire vertueuse et silencieuse ». Dans la ville de Détroit, dans le Michigan, il y a quinze ans, le 24 octobre 2005, s'est éteinte une dame exceptionnelle, Rosa Parks, à l’âge de 92 ans (née le 4 février 1913 dans l’Alabama). À sa mort, cette citoyenne américaine a eu droit à un honneur très rare aux États-Unis, tellement rare qu’elle fut la première femme à l’avoir reçu : sa dépouille fut exposée au centre de la Rotonde du Capitole à Washington pendant deux jours sur décision du Président George W. Bush (fils de son père)  qui a fait une allocution télévisée pour lui rendre hommage. Elle était l’égale d’un Ronald Reagan dans la mémoire collective américaine. Des centaines de milliers d’Américains sont venus lui rendre hommage du 31 octobre 2005 au 2 novembre 2005, jour des funérailles à Détroit auxquelles a participé la chanteuse Aretha Franklin.

Car Rosa Parks, en 2005, était déjà dans les livres de l’histoire américaine depuis longtemps. Elle fut surnommée la mère du mouvement des droits civiques, autrement dit, celle qui, par un geste fondateur, a fait évoluer la société américaine en supprimant la ségrégation basée sur la couleur de la peau. Critère assez futile s’il en est.

En effet, il y a près de soixante-cinq ans, le 1er décembre 1955, à Montgomery (la capitale de l’Alabama), Rosa Parks a refusé de céder sa place à un passager de couleur de peau blanche dans un autobus. Elle fut arrêtée par la police et sommée de payer une amende : « Au moment où je suis arrêtée, je n’ai aucune idée de comment vont tourner les choses. C’était un jour comme un autre, ce qui l’a rendu important, c’est le fait que de nombreuses personnes se sont jointes à moi. ».

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Elle refusa de payer et au bout de quelques jours, un grand mouvement s’est développé, autour d’elle et d’un jeune pasteur, sociologue, Martin Luther King, qui a consisté en un boycott de la compagnie de bus et a abouti à la décision de la Cour Suprême des États-Unis du 13 novembre 1956 abrogeant les lois ségrégationnistes dans les bus, considérées comme anticonstitutionnelles. Le 20 décembre 1956, la Cour Suprême obligea l’Alabama à supprimer la ségrégation dans les bus (le boycott des bus s’est alors arrêté le lendemain). Cela a abouti aussi à la signature, le 6 août 1965 par le Président Lyndon Johnson, du Voting Rights Act qui a renforcé le 15e amendement de la Constitution des États-Unis en interdisant les discriminations raciales lors des élections.

Le code urbain de Montgomery de 1905, modifié en 1938 et encore en vigueur en 1955, disait très explicitement (cité par France Culture le 6 septembre 2020) : « Toute personne opérant sur une ligne de bus dans la ville devra fournir des services égaux mais séparés aux personnes blanches et aux Nègres sur les bus, en exigeant des employés en charge de ces services d’attribuer les sièges de passagers sur leur véhicule de manière à séparer les personnes blanches des Nègres, quand il y a simultanément des Blancs et des Nègres dans la même voiture. ».

Cette idée de boycott avait germé dans la communauté baptiste et méthodiste noire dès les années 1940 car beaucoup de femmes de couleur de peau noire devaient prendre le bus pour aller au travail. Avant Rosa Parks, deux femmes s’étaient déjà distinguées. Le 2 mars 1955, Claudette Colvin, une adolescente de 15 ans, a refusé de céder sa place dans le bus et s’est même débattue lorsque des policiers sont venues la chercher, mais elle était enceinte et donc "peu présentable" comme égérie des droits civiques.

Le 21 octobre 1955, Mary Louise Smith, une jeune femme de 18 ans, fut elle aussi arrêtée pour la même raison, mais là encore, sa "respectabilité" n’était pas établie (certains journalistes ont évoqué, trente ans plus tard, des rumeurs sur l’alcoolisme de son père, démenties par Mary Louise Smith).

Au contraire de Rosa Parks qui, en décembre 1955, avait déjà 42 ans, couturière, femme mariée, éduquée et femme militante. Caroline Diamond, professeure d’histoire des États-Unis à l’Université Paris-Nanterre et qui dirige actuellement deux thèses sur les femmes afro-américaines, a expliqué : « Sa profession de couturière la rangeait du côté de la classe ouvrière ou de la petite classe moyenne, sa foi notoire, son comportement moral et son hygiène de vie exemplaires faisaient d’elle quelqu’un derrière qui la bourgeoisie noire et les pasteurs de la ville pouvaient aisément se mobiliser. ». Ainsi, inattaquable dans sa vie personnelle, Rosa Parks est devenue le symbole des luttes pour les droits civiques avec Martin Luther King, 26 ans : « Il arrive un moment, mes amis, où les gens en ont marre d’être plongés dans l’abysse de l’humiliation où ils connaissent la désolation d’un désespoir lancinant. ».

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Dans son autobiographie, Rosa Parks a rapporté plus tard : « Les gens racontent que j’ai refusé de céder mon siège parce que j’étais fatiguée, mais ce n’est pas vrai. Je n’étais pas fatiguée physiquement, ou pas plus que d’habitude à la fin d’une journée de travail. Je n’étais pas vieille, alors que certains donnent de moi l’image d’une vieille. J’avais 42 ans. Non, la seule fatigue que j’avais était celle de céder. » (1958).

Au-delà de cet épisode courageux du bus (on a dit souvent qu’elle est restée debout dans sa dignité en restant assise dans le bus), Rosa Parks n’a pas cessé de militer en faveur des droits civiques et de l’égalité des citoyens américains. Elle a été régulièrement honorée de son vivant, notamment par le Président Bill Clinton, et fait désormais partie du mythe américain. À sa mort, le pasteur Jesse Jackson, ancien candidat à l’élection présidentielle, a déclaré le 25 octobre 2005 : « Elle s’est assise pour que nous puissions nous lever. Paradoxalement, son emprisonnement a ouvert les portes de notre longue marche vers la liberté. ». Le bus où elle avait refusé de céder la place est devenu une pièce de musée et à la mort de Rosa Parks, toujours la même formule : « La société de bus RTA rend hommage à la femme qui s’est tenue debout en restant assise. ».

Jeanne Theoharis, professeure émérite de sciences politiques à l’Université de Brooklyn et l’une des biographes de Rosa Parks, a insisté pour ne pas la réduire à l’épisode du bus : « Nous lui rendons hommage, mais nous ne rendons pas justice à la portée politique de son combat. C’est la construction d’une fable, celle de l’autocongratulation. Cette femme qui a été humiliée en 1955, regardez ! Elle a sa statue au Capitole. C’est la seule personne de la société civile en 2013, c’est un immense honneur ! Mais c’est en dépit de ce en quoi Rosa Parks croyait, elle raconte juste la fabrique du récit progressiste américain. » (citée par France Culture).

Quatre États américains ont institué un Rosa Parks Day (Journée Rosa Parks) pour lui rendre hommage, la Californie le 4 février (pour son anniversaire), l’Alabama, l’Oregon et l’Ohio le 1er décembre (pour son geste et son arrestation de 1955). Quant à Claudette Colvin et Mary Louise Smith, octogénaires, elles sont toujours vivantes et vivent retraitées aux États-Unis.

Laissons à Rosa Parks les deux mots de la fin : « Jusqu’à présent, je crois que nous sommes sur la planète Terre pour vivre, nous épanouir et faire notre possible pour rendre ce monde meilleur afin que tout le monde puisse jouir de la liberté. ». Et celui-ci, à méditer : « Chaque personne doit vivre sa vie comme un modèle pour les autres. ».


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 octobre 2020)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Site sur Rosa Parks.
Rosa Parks.
Comment salir Danièle Obono ?
Ils sont tombés par terre, c’est la faute à Colbert !
Mort d’Adama Traoré : le communautarisme identitaire est un racisme.
La guerre contre le séparatisme islamiste engagée par Emmanuel Macron.
Deux faces des États-Unis : George Floyd et SpaceX.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201024-rosa-parks.html

https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/rosa-parks-la-madone-de-montgomery-228014

https://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/10/21/38602034.html





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