Sandrine Rousseau, mauvaise perdante ?
« À côté d’eux [des militants EELV], Yannick Jadot, rationnel, démocrate, réformiste et républicain, paraît une sorte de colonel sobre à la tête d’une armée folle. L’un des charmes de l’écologie française est que le groupuscule est moins raisonnable que son leader. Onirophobes, inclusivistes, incompétents, antivax (pour certains), intersectionnels, victimistes, terrorisables, rééducables et ardemment soumis à tous les vents, les Verts sont une sorte de secte accidentellement gouvernée par un homme raisonnable. » (Raphaël Enthoven, le 8 septembre 2021 dans "L’Express").
Étrange époque où les déclarations ne valent que si on est vainqueur. Xavier Bertrand est prêt à rassembler …autour de lui ! Et Sandrine Rousseau était prête à soutenir le candidat désigné par la primaire EELV… seulement dans le cas où c’était elle.
C’est sûr que la désignation du candidat écologiste Yannick Jadot a étonné dans l’histoire du mouvement écologiste qui préfère généralement les candidats les plus extrémistes et les moins capables de rassembler les électeurs. Sandrine Rousseau a eu le blues du perdant, c’est-à-dire qu’elle a exprimé son amertume et sa conviction (qui n’est pas prouvée) que si le vote avait eu lieu une ou deux semaines plus tard, elle aurait gagnée car les votes se seraient croisés. Si elle le dit.
C’est vrai qu’à 2% près, c’est assez rageant. Mais valait-il mieux une courte défaite ou une large défaite ? Pour elle, c’était un peu comme Ségolène Royal (j’y reviendrai) le soir de sa défaite face à Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007 : en avant vers de nouvelles victoires ! En effet, Sandrine Rousseau a déclaré : « Ce n’est que le début de quelque chose ! ». Pourtant, son aventure présidentielle s’arrêtait là.
Pendant trois jours, ce fut tergiversations. Le coup de semonce, le lendemain de sa défaite, le 29 septembre 2021 à la matinale de RTL, la candidate a laissé exprimer toute son acidité : « Je n’ai pas l’impression que Yannick Jadot ait perçu l’ensemble de la dynamique. (…) Je n’ai pas senti qu’il ait entendu l’importance de porter la radicalité comme étant une transformation de notre société, de notre économie, et de la structure du pouvoir. ».
Le surlendemain, en Savoie, Julien Bayou (patron de EELV) a recadré l’ancienne candidate. Alors, il y a eu beaucoup de rumeurs, que Sandrine Rousseau créerait son propre mouvement politique, qu’elle se présenterait quand même à l’élection présidentielle, qu’elle soutiendrait un autre candidat que celui de EELV.
Se frottant les mains, les partisans de Jean-Luc Mélenchon (qui remonte dans les sondages) n’hésitaient pas à aller à la pêche aux voix, un peu comme Éric Zemmour chez LR. Ainsi, la députée FI Danièle Obono le 28 septembre 2021 sur franceinfo : « Les clarifications vont pouvoir se faire sur quelle écologie nous voulons mettre œuvre, entre une écologie de bifurcation et une écologie d’accommodement. (…) [Les électeurs qui] ont porté cette candidature [celle de Sandrine Rousseau] auront désormais un candidat en 2022 : Jean-Luc Mélenchon ! ».
Reprenant les mêmes éléments de langage (ce qui est un peu trop visible), le député européen FI Manuel Bompard, directeur de campagne de Jean-Luc Mélenchon, a lancé un appel à Sandrine Rousseau le 1er octobre 2021 : « Les électrices et les électeurs de cette primaire qui se sont retrouvés derrière la candidature de Sandrine Rousseau ont aujourd’hui un candidat en la personne de Jean-Luc Mélenchon. (…) Si c’est le choix qu’elle fait, elle est bien évidemment la bienvenue [à FI] (…). C’est elle qui en tirera les conclusions. ».
Dans un des débats du premier tour de la primaire EELV, Jean-Marc Governatori avait mis en garde : il ne se voyait pas faire la campagne de Sandrine Rousseau et il ne la voyait pas faire sa campagne, tant les positions politiques étaient très différentes.
Il faut bien comprendre que le principe des primaires est très cruel quand on perd : on doit faire ensuite la campagne d’un adversaire qu’on a combattu pendant des mois. En ce sens, la primaire du PS en janvier 2017 avait été terrible et sans doute est-ce la cause du délitement continu du courant socialiste en France. En principe, tous les participants à une primaire s’engagent à soutenir le candidat désigné à l’issue de celle-ci.
Au PS en 2017, ce ne fut pas du tout le cas. D’abord, celui qui a été désigné était un ultraminoritaire dans l’appareil, Benoît Hamon, au point qu’après son lamentable échec, il a quitté lui-même le PS (et a créé un parti qui s’est amouraché avec EELV). Ses adversaires n’étaient pas mieux. Ainsi, Manuel Valls a soutenu Emmanuel Macron, tout comme François de Rugy (qui, bien qu’écologiste, était de la primaire PS). Le vote de Sylvia Pinel, autre belligérante, était probablement macronien aussi (mais j’ai un doute à ce sujet). Beaucoup de hiérarques du PS ont aussi préféré Emmanuel Macron : Ségolène Royal, Michel Rocard, Jean-Yves Le Drian, Pierre Moscovici… (non, pas Michel Rocard, il avait déjà quitté ce monde, mais c’était pour voir si vous suiviez).
Finalement, Sandrine Rousseau a lâché les mots doux tant attendus, le 1er octobre 2021 sur France Bleu : « Évidemment, c’est Yannick Jadot qui portera les couleurs de écologie, je me mets complètement à son service. Je le suivrai sans aucun état d’âme. ». Nous voici rassurés, la morale est sauve.
Je doute néanmoins que ce couple Sandrine Rousseau/Yannick Jadot, ce soit un long fleuve tranquille jusqu’à l’élection. Je ne vois pas comment l’une peut soutenir l’autre sauf si ce dernier reniait ce qu’il penserait. Mais Yannick Jadot a montré une forte élasticité dans ses convictions, peut-être est-ce le secret d’un bon responsable politique, l’habileté à dire tout et son contraire devant des publics différents sans que la contradiction, plus facilement détectable maintenant avec l’Internet, puisse lui causer du tort ?
Pour l’heure, le candidat EELV est comme la candidate PS, inconsistant dans les sondages d’intentions de vote. Peut-être faudrait-il que, pour se faire entendre, Sandrine Rousseau se tourne vers Éric Zemmour, malgré l’aversion que nourrit ce dernier contre l’engagement des femmes en politique ? Ça promet d’être passionnant…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 octobre 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Yannick Jadot.
Sandrine Rousseau.
Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
Grégory Doucet.
René Dumont.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210928-sandrine-rousseau.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sandrine-rousseau-mauvaise-236156
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