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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
11 août 2023

Professeur Claude Got, père de l'accidentologie française

« Il fallait choisir entre l’expert dans ses pantoufles attendant que le ministre lui pose une question et l’activiste qui pose un problème et défend ses propositions. Il risque d’être qualifié d’ayatollah, de vichyste sournois, d’hygiéniste rétrograde et liberticide, mais ces excès sont préférables à l’absence de débats d’idées. Les propositions des experts doivent être commentées par des généralistes de la pensée et de l’action sociale. » (Claude Got, "Le Monde" du 21 décembre 1993).




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J'ai éprouvé beaucoup d'émotion en apprenant ce vendredi 11 août 2023 la disparition du professeur Claude Got en Belgique à l'âge de 87 ans (il est né le 5 mai 1936 à Sarreguemines). Il était l'un des grands experts de la santé publique et a sans cesse été un lanceur d'alerte sur les enjeux majeurs de santé publique. Grâce à lui, des dizaines de milliers de personnes ont été sauvées d'une mort par accident.

On pourrait dire qu'il était en quelque sorte un Jancovici de la sécurité routière, ou, plus précisément, il a été pour la sécurité routière et plus généralement, pour la santé publique, ce que Jean-Marc Jancovici est au climat, c'est-à-dire un scientifique qui raisonne par la science et en dehors de toute doctrine politique, en dehors toute pression médiatique. Et également un artisan de sa pensée : indépendant, il n'avait que sa voix et sa plume pour porter ses idées.

En ce sens, le professeur Got a été souvent contesté, en particulier par tous ceux, parmi les automobilistes, qui ont rouspété par des mesures prises en faveur de la sécurité routière depuis plus de cinquante ans, mais aussi par les viticulteurs et les producteurs de cigarettes, entre autres. Il aimait rappeler qu'il avait parcouru dans sa vie près d'un million de kilomètres avec sa voiture et qu'il avait obtenu trois prix récompensant ses travaux scientifiques, décernés par la Society of Automotive Engineers : « Cette société des ingénieurs de l’automobile américains n’a jamais considéré que la promotion de la sécurité s’opposait à l’usage de l’automobile. ».

Il répondait à ses détracteurs ainsi : « Mon attitude n’est pas celle d'un utopiste imaginant résoudre des problèmes insolubles, ni celle d’un adversaire des moyens de transports actuels. Je sais que le développement du transport individuel et du transport routier s’est fait avec l’ampleur que nous constatons pour une raison simple : il est commode et il apporte donc de la liberté aux individus et aux entreprises. (…) L’usage de la route et du transport individuel routier ne se réduira pas, il faut donc que nous lui donnions des caractéristiques qui assurent la sécurité. De multiples motivations vont dans le même sens, le bruit, la pollution, la consommation de combustibles fossiles, le risque lié à la vitesse excessive peuvent être réduits par la production de véhicules moins puissants et une meilleure régulation des vitesses. Une autre motivation est liée à la prise de conscience du risque lié aux possibilités de véhicules dont les caractéristiques sont en contradiction avec les règles (voitures qui peuvent atteindre 180, 200 km/h alors que la vitesse maximale autorisée est de 130 !). Ces incohérences fonctionnent comme de véritables pièges dont sont victimes l’ensemble des usagers. Il faut cesser d’opposer les automobilistes et les autres utilisateurs de la route, ils forment une communauté d’individus qui se partagent les mêmes infrastructures et qui doivent bénéficier de la liberté de se déplacer dans les meilleures conditions de sécurité. Trouver le bon compromis entre leurs exigences a un nom, cela s’appelle la solidarité. ».

Les conditions de son décès sont à noter. Il est allé en Belgique pour y mourir par euthanasie, accompagné de sa fille Isabelle et d'un petit-fils : depuis le fin de l'année 2021, il se disait atteint de la maladie d'Alzheimer (il avait des troubles neurodégénératifs) et la mort de son épouse chérie Claudie (Claude-Marie) en décembre 2022 d'un AVC ne lui donnait plus de raison de vivre. Ils s'étaient rencontrés en 1938 (leurs parents étaient amis), ils s'étaient marié en 1956 et ils s'étaient dit qu'ils mourraient ensemble.

De fait, Claudie n'a jamais cessé d'accompagner les travaux de son époux, notamment les travaux d'écriture d'ouvrages, mais aussi les loisirs. Dans une interview au magazine "Panorama du médecin" parue le 27 décembre 2002, le professeur Claude Got expliquait qu'il faisait beaucoup de randonnées à vélo avec sa femme, une ou deux semaines chaque été, environ 100 kilomètres par jour, et a affirmé avoir déjà gravi au moins 800 cols de montagne. Le couple avait, en plus d'Isabelle, deux jumelles atteintes de sclérose en plaques et mortes en 2013 et 2019. Claude Got a lui-même pratiqué l'euthanasie en 1992 sur sa mère de 88 ans qui le lui avait demandé, son grand-père, atteint de paraplégie à 50 ans, avait été euthanasié à sa demande par un ami vétérinaire. Le couple lui-même a, dès 2014, revendiqué le droit à décider de sa mort. Claude Got avait accepté d'attendre quelques mois avant de partir, pour laisser un peu de temps de préparation à sa famille.

Si je ne partage pas cette conception de l'euthanasie (qui reste respectable mais qu'il ne me paraît pas sain ni serein de généraliser par la loi), j'adhérais complètement à ses tentatives, parfois vaines, toujours audacieuses, de renforcer la sécurité sanitaire de ses contemporains. Il n'hésitait pas à publier de nombreux articles voire ouvrages, ainsi que plusieurs sites Internet pour expliquer sa démarche et, surtout, donner des éléments chiffrés, des statistiques, des calculs, etc.

Pas une fois il ne s'est abstenu de râler lorsque le pouvoir politique reculait dans la sécurité routière (la dernière fois, la marche en arrière pour les 80 kilomètres par heure), mais ces derniers mois, en raison de sa santé, il s'était fait plus discret dans son combat. Coïncidence malheureuse, Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière depuis 2002, qui relayait souvent ses réflexions, est morte en juin 2023 et lui-même n'a pas eu la possibilité d'assister à son enterrement. Une page se tourne, assurément, pour la sécurité routière.

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Claude Got était ce qu'on appelle un mandarin, c'est-à-dire avec un triple métier, un praticien hospitalier devenu chef de service, un professeur d'université et un chercheur. Mais un mandarin atypique. À l'origine, il se destinait à la pneumologie, puis à la réanimation, et il racontait que l'évolution de sa carrière n'a été qu'une suite de demandes extérieures qu'il n'avait pas prévues. À partir de 1965, il a travaillé à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches comme spécialiste de l'anatomie pathologique « qui privilégie l'observation et la compréhension des lésions ».

En 1970, un médecin de Renault est venu le voir pour travailler avec lui sur la conception des ceintures de sécurité : Volvo en mettait déjà (dès 1959) dans ses voitures. Petit rappel : 1972 a été la pire année pour la mortalité routière en France (plus de 16 000 morts). Son action a été déterminante : « Comme anatomo-pathologiste, j'ai fait des autopsies d'accidentés. De la description des lésions, nous sommes passés à l'expérimentation sur le cadavre, dans le cadre du don du corps pour la science. Cette pratique nous a permis de développer les connaissances biomécaniques des lésions produites par les accidents. Décrire les dommages produits par un choc n'était pas suffisant, il fallait connaître les forces, les pressions, qui les avaient produites. J'ai développé cette activité en collaboration avec les constructeurs automobiles pendant toute ma carrière. ».

Cette expérience l'a profondément marqué pour la suite : « À Garches, mon bureau se trouvait dans le funérarium de l’hôpital. Pendant quinze ans, j’ai vu des familles venir reconnaître et enterrer leurs proches, victimes d’accidents de la route. J’ai alors été confronté aux particularités de ces accidents, notamment la fréquence élevée avec laquelle ce sont les parents qui enterrent leurs enfants. Il faut avoir en permanence à l’esprit le nombre de 2 000, qui est celui des tués par accident de la route entre 15 et 24 ans (note : cette valeur s'est abaissée à 1 262 en 2006). 38% des décès pendant cette période de la vie, un quart de l’ensemble des morts de la route. Quelle que soit la tristesse que l’on puisse éprouver quand on perd ses parents, cet événement est dans la nature des choses. Grâce aux progrès des conditions de vie, de la médecine, on vit plus vieux, on demeure plus longtemps en meilleure condition physique, mais on finit un jour par disparaître et une génération doit se séparer de celle qui l’a précédée. Cet événement n’est pas comparable à la perte d’un enfant, et c’est peut-être parce que la mortalité infantile par maladie est devenue exceptionnelle que la mort par accident, qui demeure fréquente, est devenue intolérable. C’est un échec grave de notre civilisation, un signe de barbarie et d’indifférence à une souffrance que l’on se refuse à imaginer pour soi et dont on tolère qu'elle soit subie par les autres. Pendant cette période je n’ai pas eu à imaginer cette douleur, je l’ai vue. J’ai eu parfois à aider le personnel de l’établissement à secourir des mères ou des pères qui ne se sentaient plus capables de vivre après avoir subi cette annonce de la mort de leur enfant. Ils étaient dans leur vie normale et un appel téléphonique les avaient brutalement plongés dans le malheur. Arrivant à l’hôpital, c’est souvent seulement là qu’ils apprenaient que leur enfant n’avait pas survécu et qu’ils venaient à la salle des morts. Ce sont ces parents qui m’empêchent de dormir certaines nuits et qui font que (…) je suis à la disposition de toutes les associations et les structures qui interviennent dans la sécurité routière. La passivité face à une telle situation n’est pas tolérable, on ne peut toujours espérer que le drame atteigne seulement les autres, il faut se mobiliser pour réduire une mortalité dont nous savons qu’elle est évitable, plusieurs pays sont deux à trois fois meilleurs que nous, deux à trois fois plus civilisés que nous, dans la prévention de ces morts inacceptables. ».

En 1972, Claude Got a convaincu le premier délégué interministériel à la sécurité routière, Christian Gerondeau, de rendre l'obligatoire le bouclage de la ceinture de sécurité et de définir une vitesse limite sur la route. Il a fallu une année pour que le gouvernement ait pu réussir à l'imposer face à ceux qui se disaient défenseurs des libertés. Au bout de deux ans, plusieurs milliers de personnes ont été sauvées chaque année grâce à ces mesures. C'est le début d'une politique de sécurité routière qui a connu ses hauts et ses bas, mais qui, globalement, à quelques exceptions près, a toujours permis de réduire le nombre de morts sur la route malgré l'augmentation du nombre de véhicules en circulation, du nombre de conducteurs et du nombre de kilomètres de routes accessibles.

Claude Got a aussi étudié précisément les causes des accidents mortels et a pu y voir une causalité importante dans l'absorption d'alcool (et de drogue). Dans une étude qu'il a publiée dans "Le Monde" en décembre 1977, il a évalué à l'époque que 5 000 personnes mouraient chaque année sur la route à cause de l'alcool.

C'est en raison de ces études d'accidentologie, le mot serait de lui, qu'il a été appelé à collaborer directement avec le gouvernement, d'abord dans le cabinet de Simone Veil de 1978 à 1979, puis dans celui de Jacques Barrot de 1979 à 1981 : «  Ce n'était pas mes connaissances spécifiques des problèmes traités qui motivaient ces interventions, mais mon expérience de la gestion des risques. L'alcool, le tabac, le sida, l'amiante... détruisent des vies et la réduction de leur nuisance fait partie des obligations des pouvoirs publics avec des méthodes très variables qui vont de l'interdit de l'usage (l'amiante) aux différentes formes de dissuasions argumentées. ». Il a participé à l'élaboration de la loi du 12 juillet 1978 qui autorise les contrôles préventifs d'alcoolémie sur les routes, et cela malgré la forte opposition des producteurs d'alcools. Il a travaillé aussi sur la réforme des études médicales, la formation des généralistes, le numerus clausus pour adapter le nombre d'étudiants aux besoins démographiques, etc.

À partir de 1978, Claude Got a intégré de nombreux conseils scientifiques, organismes d'expertise, commissions, etc. sur la sécurité routière et sur la santé publique. En particulier, il est entré en 1978 au Haut comité d'étude et d'information sur l'alcoolisme et en a démissionné en février 1987 pour protester contre le gouvernement de Jacques Chirac qui a permis des publicités de bière. Il a rédigé un rapport sur le sida en 1988 à la demande du ministre de la santé ; avec Gérard Dubois, François Grémy, Albert Hirsch et Maurice Tubiana, il a rédigé un rapport sur la santé publique, qui a abouti, pas sans mal, à la loi Évin votée le 10 janvier 1991 qui a notamment interdit la publicité pour le tabac ou l'alcool et qui protège (enfin) les non-fumeurs. Claude Got a démissionné aussi du Haut comité de santé publique en juin 1992 à cause de son manque de moyens et de son manque d'indépendance. Plusieurs autres rapports cruciaux ont été rédigés par lui, dont un pour évaluer la première loi de bioéthique en 1994, un autre sur les risques liés à l'amiante en 1998 (« Environ 700 mésothéliomes apparaissent chaque année en France, personne ne discute le fait que 90% à 95% de ces cancers sont provoqués par l’amiante et cependant moins de 100 mésothéliomes seront reconnus comme d’origine professionnelle. »), etc. Il était aussi président du collège scientifique de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies de 1999 à 2005, membre du comité d'experts auprès du Conseil national de la sécurité routière (dont il a démissionné en 2015 parce que le gouvernement de Manuel Valls refusait de prendre la décision du 80 kilomètres par heure qu'il préconisait dès 2013 et que le successeur Édouard Philippe a finalement mis en œuvre en 2018), etc.





Sa carrière de médecin hospitalier a progressé en parallèle, en étant nommé chef du service d'anatomie pathologique à l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt d'octobre 1985 à septembre 1997 et professeur des universités à Paris-Descartes de 1970 à 1997.

Dans une interview très instructive accordée à Jean-Yves Nau et Franck Nouchi et publiée dans "Le Monde" du 21 décembre 1993, Claude Got savait qu'il y avait un équilibre à trouver entre liberté individuelle et contrainte pour renforcer la sécurité publique : « Le risque, ici, serait que le débat soit monopolisé par des groupes d’intérêt qui, bien souvent contribuent à rendre illisible l’évolution sociale en multipliant les informations et les interprétations contradictoires. (…) L’échec du totalitarisme communiste renvoie le balancier vers un libéralisme extrême et l’aveuglement de ceux qui veulent situer toutes les responsabilités au niveau de l’individu est aussi dangereux que la tutelle dictatoriale. ».

Il évaluait son expertise médicale avec cet objectif :
« J’essaye de créer une hiérarchie entre les libertés en utilisant des situations concrètes. Un enfant, un adulte vulnérables, n’ont pas à être piégés par le risque, et leur liberté de vivre passe avant la libre cupidité de ceux qui commercialisent des produits potentiellement dangereux. Je crois au rôle de l’État pour concrétiser une solidarité sans laquelle une société se déséquilibre. Je n’ai pas la prétention d’organiser le monde, mais je tente d’identifier et de neutraliser ceux qui le désorganisent. C’est un mélange d’égoïsme social, concevant mes intérêts particuliers comme dépendant de la prévention de certains risques, et de respect de la démocratie me faisant écarter les méthodes qui ne sont pas souhaités par une majorité de la population. (…) Je tente d’identifier ce que je refuse, sans tenter de reconstruire un monde dont les finalités m’échappent. ».

Dans un article sur "Les mécanismes décisionnels en santé publique" publié en avril 1991 dans la "Revue des Deux Mondes", le professeur Claude Got insistait sur l'importance, pour minimiser les dépenses de santé ou pour renforcer la sécurité sanitaire, de faire évoluer les comportements de tout le monde et pas seulement de personnes "extrêmes" au sens d'être un grand facteur d'insécurité ou grand facteur de dépenses inadaptées (chauffards par exemple sur la route, ou employé alcoolique dans le milieu professionnel, ordonnances de neuroleptiques, etc.) : « Un recueil exhaustif de données permettrait de savoir quelles sont les pratiques "normales", facilitant l'identification des "déviances" en matière d'actes diagnostiques ou thérapeutiques, des références étant constituées par les comportements "moyens". Ces études apporteront des connaissances supplémentaires, mais ne régleront rien, car les cimetières de données n'ont jamais constitué une solution aux problèmes de responsabilité et d'autorité, et surtout, le problème des dépenses de soins est posé par les comportements "moyens" et non par les extrêmes. Le mythe d'un système qui dérape sous l'influence d'une minorité de gaspilleurs déviants est aussi fortement ancré dans les commentaires sur les dépenses de soins que celui du rôle des chauffards dans le domaine de la sécurité routière. (…) La référence à des comportements moyens ne donnera pas de meilleurs résultats dans le contrôle de la pratique hospitalière. Les services les plus compétents établiront des données statistiques fiables, mais leur utilité sera nulle car le conflit entre les techniciens de la médecine et ceux de la gestion ne sera jamais réglé par des ordinateurs et les listings qui peuvent en sortir. C'est l'évaluation de la qualité des pratiques en fonction des comportements définis par la profession, effectuées par les services hospitaliers et des praticiens, avec des conséquences sur les moyens alloués ou sur les remboursements, qui peut faire évoluer les comportements. ».

Dans le même article, il poursuivait en indiquant l'importance de l'évaluation : « Le monde médical n'échappera pas à un contrôle de ses actes, c'est à lui de l'organiser et de le faire fonctionner s'il veut éviter des méthodes inadaptées et inefficaces. La prise de décision technique doit être appréciées par des médecins formés à l'évaluation de la qualité des soins. Pour optimiser sur le terrain les procédures de prévention, de diagnostic et de soins, il faut que les connaissances permettent d'arbitrer les conflits d'intérêts entre une technostructure de soins expansionniste et une technostructure politique et administratif qui veut limiter l'inflation des dépenses. Avant de contrôler efficacement la mise en œuvre des meilleures procédures, il faut pouvoir apprécier l'utilité d'une médecine scientifique et technique en évolution rapide. L'évaluation est la clef d'une relation apaisée entre le système qui finance et celui qui soigne. Le simple mot évaluation évoque, pour ceux qui tentent de la développer en France, une suite de décisions politiques incomplètes ou éphémères qui font que les connaissances disponibles pour fonder la prise de décision en santé publique sont toujours dramatiquement insuffisantes. ».

La politique de prévention doit en outre être cohérente : « L'ambiguïté de nos positions sur la politique de prévention peut devenir un facteur majeur d'inégalité devant la mort, et les débats (…) sur la publicité pour le tabac et l'alcool l'ont clairement démontré. Le risque apparaît si une absence de cohérence dans la prise de décision associe une prévention par le savoir dont bénéficient les plus instruits et une promotion du risque par ceux qui ont un intérêt économique à développer un comportement dangereux. (…) Tous les pays industrialisés constatent une régression du tabagisme chez les personnes les plus instruites et si nous laissont la promotion augmenter les discriminations, la "liberté" des publicitaires deviendra une nouvelle méthode de sélection, aggravant le handicap des moins aptes à maîtriser les pièges de la société. La différence d'espérance de vie en France entre un manœuvre et un cadre supérieur est [en 1991] de huit années, elle est en augmentation ; le tabagisme et l'alcoolisme expliquent en grande partie cette différence. Une vaccination obligatoire, l'eau courante bénéficient à tous, la prévention active agit différemment, elle exige des aptitudes et, comme sur la route, il faut lui associer une prévention passive qui interdit de développer des facteurs d'insécurité. Commercialiser une GTI turbo, qui peut atteindre 200 kilomètres à l'heure dans un pays où la vitesse est limitée, introduit un facteur de sélection. (…) Les systèmes libéraux peuvent avoir, en contrepartie de leur efficacité économique, des conséquences humaines qui aggravent l'inégalité en l'absence de garde-fous. Il est vain d'espérer améliorer la sécurité routière en assurant la promotion de l'alcool et de la vitesse, ou de tenter de réduire l'inégalité devant la mort tout en soutenant l'industrie du tabac. Dans la tranche d'âge de cinquante à cinquante-quatre ans, le cancer de la bouche et de l'œsophage est quatre fois plus fréquent chez les manœuvres et les ouvriers spécialisés que chez les cadres supérieurs et dans les professions libérales. » (avril 1991).

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Malgré sa réputation de redresseur de torts, Claude Got était capable d'être un bon vivant, chaleureux, sachant apprécier un bon verre de vin du Languedoc. Il était avant tout une conscience, souvent, la mauvaise conscience des gouvernements qui ont toujours été réticents à prendre des mesures impopulaires pour sauver des vies (on l'a vu pour la crise du covid-19). Sa dernière publication sur son blog date du 20 avril 2022 : « Une seconde élection réussie d'un Président de la République a toujours un intérêt particulier, l'absence d'une troisième élection lui permet de développer ses convictions sans crainte. ». Il espérait ainsi que la réélection (annoncée) du Président Emmanuel Macron l'encouragerait à revenir à la généralisation du 80 kilomètres par heure sur les routes à une voie, à réduire à 110 kilomètres par heure la vitesse maximale sur les autoroutes (pour renforcer la sécurité routière et réduire les émissions de carbone), et revenir aussi à la taxe carbone sur les camions (écotaxe), avortée très chèrement par Ségolène Royal après la contestation des bonnets rouges (précurseurs des gilets jaunes).

Avec sa disparition, il manquera cruellement au débat public sur la sécurité routière. Toutes mes sincères condoléances à la famille.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (11 août 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Claude Got.
Claude Malhuret.
Didier Raoult.
Olivier Véran.
Philippe de Beaulieu.
Louis Pasteur.
Luc Montagnier.
François Jacob.
Jacques Testart.
Robert Edwards.
Katalin Kariko.
Li Wenliang.
Karine Lacombe.
Martin Blachier.
Agnès Buzyn.
Martin Hirsch.
Bertrand Guidet.
Axel Kahn.
Bernard Debré.
Claude Huriet.
Albert Jacquard.
Maurice Tubiana.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230811-claude-got.html

https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/professeur-claude-got-pere-de-l-249864

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/08/11/40006377.html








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