Catherine Deneuve, la reine qui fascine

« L'amitié, comme l'amour, demande beaucoup d'efforts, d'attention, de constance, elle exige surtout de savoir offrir ce que l'on a de plus cher dans la vie : du temps ! » (Catherine Deneuve).





Pour son 80^e anniversaire qu'elle fête ce dimanche 22 octobre 2023, l'actrice Catherine Deneuve s'est payée une Première dame de France, et pas n'importe laquelle, la plus politique mais aussi la plus humiliée, Bernadette Chirac (le film "Bernadette" de Léa Domenach est sorti le 4 octobre 2023 avec Michel Vuillermoz dans le rôle du mari), mais en fait, elle serait plutôt la reine Catherine, cette femme iconique, comme le disent les magazines féminins, qui a surplombé la France culturelle depuis soixante ans. Reine, un rôle qu'elle jouait à merveille dans une parodie de la monarchie britannique "Palais Royal !" de Valérie Lemercier (2005). Et puis, tant qu'à jouer une première dame, je l'aurais plutôt vue en Hillary Clinton (par ailleurs grande amie de Bernadette).

Il faut imaginer qu'elle a commencé à tourner à l'âge de 13 ans, en 1956, dans le rôle d'une collégienne, un très petit rôle, et plus d'une centaine de films plus tard, la voilà donc la seule épouse présidentielle qui se complaisait à l'Élysée. Et ce n'est pas tout, elle tourne actuellement trois films qui sortiront en 2024. Catherine Deneuve est une boulimique du cinéma, avec des rôles très diversifiés, un choix de réalisateurs, de sujets, très exigeant.



L'énumération des réalisateurs donne le vertige : Marc Allégret, Roger Vadim, Claude Chabrol, Jacques Demy, Édouard Molinaro, Philippe de Broca, Roman Polanski, Jean-Paul Rappeneau, Rolf Thiele, Agnès Varda, Luis Bunuel, Michel Deville, François Truffaut, Philippe Labro, Nadine Trintignant, Marco Ferreri, Jean-Pierre Melville, Robert Aldrich, Claude Lelouch, Robert Enrico, Yves Robert, Claude Berri, André Téchiné, Tony Scott, Francis Girod, Alain Corneau, Élie Chouraqui, Jean-Pierre Mocky, Jean-Loup Hubert, Nicole Garcia, Lars von Trier, François Ozon, Arnaud Desplechin, Bruno Podalydès, Éric Lartigau, Laurent Tirard, Emmanuelle Bercot, etc.

On pourrait aussi se laisser impressionner avec leurs films, ils sont tellement nombreux, les très grands, qu'il devient très anecdotique d'en citer seulement quelques-uns. Tentons quand même l'exercice, totalement subjectif. On peut commencer bien entendu par "Les Parapluies de Cherbourg" de Jacques Demy (sorti le 19 février 1964) et "Les Demoiselles de Rochefort" du même (sorti le 8 mars 1967). Dans ce dernier film, la star était autant Catherine Deneuve que sa grande sœur Françoise Dorléac qui a trouvé la mort tragiquement peu après, à l'âge de 25 ans, le 26 juin 1967 : « Telle était aussi Françoise Dorléac. À la fois timide et audacieuse. Les gestes abruptes mais d'une souplesse d'algue. L'extravagance mais aussi les tourments secrets. Légère, éblouissante et le regard quelquefois triste. On n'était jamais sûr de bien connaître son visage. Tout en contrastes, en inquiétudes, de celles qui font le scintillement des étoiles. » (1996).

Et puis les chefs-d'œuvre ainsi que de belles réussites se sont accumulés : "Belle de jour" de Luis Bunuel (1967), "La Sirène du Mississipi" de François Truffaut (1969), "Peau d'Âne" de Jacques Demy (1970), "Le Sauvage" de Jean-Paul Rappeneau (1975) dans un tête-à-tête avec Yves Montand, "Le Dernier Métro" de François Truffaut (1980), première occasion qui lui a permis de recevoir un César, "L'Africain" de Philippe de Broca (1983), "Le Bon Plaisir" de Francis Girod (1984), une adaptation d'un roman de Françoise Giroud avec un Président (Jean-Louis Trintignant) et son Ministre de l'Intérieur (Michel Serrault), "Fort Saganne" d'Alain Corneau (1984), "Fréquence meurtre" d'Élisabeth Rappeneau (1988), "Indochine" de Régis Wargnier (1992), film pour lequel elle a reçu son second César, "Belle-maman" de Gabriel Aghion (1999), "Huit Femmes" de François Ozon (2001), etc.

Ce qui est à noter, c'est que Catherine Deneuve, qui a connu la célébrité par sa jeunesse et sa beauté, s'est aisément adaptée aux temps qui changent, à l'âge qui vient, et la jeune fille est devenue une grand-mère à partir des années 2000, plutôt sympathique. Certes, ses rôles sont diversifiés, mais beaucoup de films l'ont enrôlée avec son naturel d'une "vieille dame dévergondée", le personnage le plus âgé dans le film, mais aussi à l'esprit le plus jeune, voire infantile et Catherine Deneuve en a beaucoup joué, voire abusé en cabotinant en peu.

Elle n'est donc pas Brigitte Bardot qui était la jeune star et qui a fui les projecteurs quand la jeunesse se passait. S'il fallait donner un équivalent masculin à Catherine Deneuve, ce serait Gérard Depardieu, monstre dans sa catégorie, tout autant boulimique, juste un peu plus jeune (il aura 75 ans à la fin de l'année). L'équivalent masculin de Brigitte Bardot, de son côté, est bien sûr Alain Delon.



Gérard Depardieu est un partenaire de tournage depuis de longues années (déjà à l'époque du "Dernier Métro" au début des années 1980). On a savouré leur jeu de théâtre dans le film caricatural "Potiche" de François Ozon (sorti le 10 novembre 2010) où Catherine Deneuve, la femme potiche d'un patron tyrannique (Fabrice Luchini), trouve son salut dans ses sentiments pour Gérard Depardieu, le député-maire communiste à l'initiative des grèves de l'entreprise familiale. D'ailleurs, Bernadette est plus crédible dans la Catherine Deneuve de "Potiche" que dans "Bernadette", on voit le personnage se prêter au jeu de la politique et se présenter aux élections législatives avec un certain succès.

C'est une complicité qu'il y a entre Gérard Depardieu et Catherine Deneuve, certes une grande amitié, mais peut-être aussi une communauté de génération. Catherine Deneuve a assez mal compris les langues qui se déliaient avec MeToo, allant jusqu'à la provocation en se disant que la drague n'était pas gênante, mais elle n'a certainement pas connu la situation de ces nombreuses jeunes filles qui ont du mal à percer comme actrices et qui se font abuser par des prédateurs réalisateurs dans l'espoir d'être choisie.

Dans une tribune publiée le 9 janvier 2018 dans "Le Monde" qu'elle a cosignée, l'actrice dénonçait le « puritanisme » et un « féminisme qui prend le visage d’une haine des hommes et de la sexualité ». Catherine Deneuve a pris la défense de Woody Allen (accusé d'agressions sexuelles) et de Roman Polanski : « C’est un cas d’école. La façon dont il a été traité est inadmissible. Il a plus que payé. Je pense que dans cette histoire, beaucoup de femmes sont aveuglées par leur féminisme et ne connaissent même pas en détail les faits juridiquement parlant. ». Quant à Gérard Depardieu, un procès se profile à l'horizon en raison des accusations de viols.

Deux autres films permettraient de mieux cerner la Catherine Deneuve d'aujourd'hui. Le premier est "La Vérité" d'Hirokazu Kore-eda (sorti le 25 décembre 2019) qui, je l'avoue humblement, m'a engendré de l'ennui car il est interminable dans une récurrence narcissique, mais il est très intéressant pour ceux qui tentent de comprendre la carrière de Catherine Deneuve car en quelque sorte, elle joue son propre rôle, aux côtés de Juliette Binoche (sa fille) et de Ludivine Sagnier (sa doublure). Dans une séquence du film, Catherine Deneuve fait remarquer que les femmes stars ont la même initiale à leurs nom et prénom : Danielle Darrieux, Michèle Morgan (aussi Marilyn Monroe), Simone Signoret, Anouk Aimée, Brigitte Bardot, etc. Dans "L'Obs" du 25 décembre 2019, Jérôme Garcin a écrit : « C'est le meilleur portrait, en biais, de Catherine Deneuve, aujourd’hui encombrée par sa légende, obligée de toujours dissimuler ses sentiments, et boulimique de travail, comme si chaque nouveau rôle lui donnait un sursis provisoire et chaque tournage, une illusoire cure de jouvence. ».

L'autre film a été tourné en 2019-2020. Non seulement il a été bousculé par la crise du covid-19, mais auparavant, le 5 novembre 2019, Catherine Deneuve, qui jouait dans un hôpital (celui de Gonesse), a été victime d'un AVC heureusement pris en charge immédiatement, ce qui lui a nécessité plusieurs mois de repos. Ce film est de la réalisatrice Emmanuelle Bercot qui a fait tourner Catherine Deneuve pour la troisième fois dans "De son vivant" (sorti le 24 novembre 2021). L'histoire retrace les relations entre un fils trentenaire qui est atteint du cancer (joué par Benoît Magimel qui a eu un César pour l'occasion) et sa mère qui trouve cela insupportable. L'histoire, la réalisation et l'interprétation sont subtiles et tout en nuances.

Cette actrice, qui a eu deux César et qui a été nommée douze autres fois pour le César (elle mériterait sans doute un César d'honneur), également une Palme d'honneur et un prix spécial au Festival de Cannes, un Ours d'or d'honneur et un Ours d'argent aux Berlinales de 1998 et 2002, un Lion d'or pour sa carrière à la Mostra de Venise de 2022, est issue d'une famille de comédiens : ses deux sœurs (Françoise et Sylvie) sont ou étaient actrices, et ses parents aussi. Sa mère au nom de scène Renée Simonot, à l'état-civil Renée-Jeanne Deneuve et son nom d'épouse Renée Dorléac, est morte récemment, il y a seulement deux ans, le 11 juillet 2021, à l'âge de ...109 ans ! (elle est née le 10 septembre 1911). Sa fille était fascinée par cette mère qui n'était pas malade et dont, selon ses propres mots, la vieillesse n'était pas triste.

Dans une interview publiée dans "M, le magazine" le 31 août 2012, Catherine Deneuve montrait en effet son enthousiasme pour sa mère centenaire (qui allait ensuite vivre en EHPAD après 2015) : « Elle vit seule chez elle, joue au bridge, porte des lunettes mais conserve une très bonne ouïe et une tête formidable. C'est assurément une image réconfortante de la vieillesse. Je me dis que, question énergie, on doit tenir pas mal de ma mère, mes sœurs et moi ! (…) Elle a été comédienne très jeune, elle a même joué enfant au théâtre et fut doyenne de l'Odéon à 30 ans. Et puis elle s'est arrêtée de travailler à la naissance de sa troisième fille. C'est un gros truc que d'élever quatre enfants. D'autant qu'elle nous a laissées assez libres. ».

Si une telle longévité est héréditaire dans la famille (malheureusement, pas pour sa sœur aînée), Catherine Deneuve peut encore espérer vivre et tourner une trentaine d'années. C'est en tout cas un vœu pour son anniversaire.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (21 octobre 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Catherine Deneuve.
Fernand Raynaud.
Hubert Deschamps.
Marcel Zanini.
Roman Polanski.
Roger Pierre.
Jean-Marc Thibault.
Richard Attenborough.
Jean-Pierre Melville.
Maria Pacôme.
Serge Gainsbourg.
Jane Birkin.
Justine Triet.
Clint Eastwood.
Les Randonneuses (série télévisée).
L'Affaire d'Outreau (documentaire télévisé).
Lycée Toulouse-Lautrec (série télévisée).
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Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
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