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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
28 décembre 2016

Philippe De Gaulle, entre père et mer

« Porter le nom de De Gaulle est difficile. Un De Gaulle n’a pas droit à l’erreur. ».


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L’amiral Philippe De Gaulle, connu avant tout pour être le fils du Général De Gaulle, fête ce mercredi 28 décembre 2016 son 95e anniversaire. D’allure aussi grande et massive que son père, ce qui était un point de rapprochement pour le père, il fut surnommé Sosthène par "Le Canard enchaîné".

Il fait partie de la génération qui avait 18 ans le 18 juin 1940. Philippe De Gaulle n’a même pas entendu son père à la BBC car il était embarqué avec le reste de sa famille vers la Grande-Bretagne. Le 20 juin 1940, il s’engagea dans les Forces françaises libres, et intégra l’École navale. Durant toute la guerre, il participa aux combats et progressa en grade. Il fut l’un des acteurs de la libération de Paris, le 25 août 1944 (dans le rôle d’un messager) et continua la guerre dans les Vosges.

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Après la guerre, il poursuivit une brillante carrière dans l’armée de mer, jusqu’au grade d’amiral en 1980. Il a pris sa retraite en 1982 comme inspecteur général de la Marine. Même si son nom est prestigieux, il est probable que lorsque son père en avait la capacité, il n’a pas pu bénéficier de passe-droits pour "monter" dans l’armée. On pourrait même l’imaginer un peu comme le fiston du commandant du "20e de cavalerie", dans une aventure de Lucky Luke, à savoir que son lien de parenté aurait pu plus freiner qu’accélérer sa carrière.

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Alors qu’il l’aurait certainement mérité, Philippe De Gaulle n’a pas été fait compagnon de la Libération et n’a pas eu la médaille de la Résistance. Son père lui a dit à ce propos : « Naturellement, je ne pouvais pas, toi mon fils, te faire compagnon de la Libération. Sinon à titre posthume ou si tu étais revenu gravement mutilé, et encore ! D’ailleurs, j’ai nommé un conseil de l’Ordre qui ne me l’a pas proposé et maintenant, c’est terminé… sauf pour la Croix qu’on réserve à Churchill. ».

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Le plus étonnant fut l’engagement politique de Philippe De Gaulle à l’âge de 65 ans. Alors que la France était en pleine (première) cohabitation avec pour Premier Ministre le président du RPR, parti qui a vocation à relayer l’héritage du gaullisme, à savoir Jacques Chirac, Philippe De Gaulle se présenta (sans trop de danger d’échec) sur la liste RPR aux élections sénatoriales de Paris le 28 septembre 1986.

La surprise, ce n’était pas de s’engager politiquement, puisqu’il est très courant que des "fils de" personnalités politiques éminentes soient des parlementaires eux-mêmes. L’étonnant, c’était de se présenter au Sénat alors que son père avait justement démissionné à cause de l’échec le 27 avril 1969 de sa réforme du Sénat qu’il voulait supprimer. Or, entre 1981 et 1986, après l’arrivée de la gauche au pouvoir, le Sénat, pourtant présidé par Alain Poher (un adversaire du gaullisme en 1969) fut la caisse de résonance de l’opposition à la politique socialo-communiste. L’entrée donc de Philippe De Gaulle au Palais du Luxembourg fut en quelques sortes la reconnaissance de l’utilité du Sénat chez les gaullistes.

Philippe De Gaulle assura ainsi deux mandats de sénateur, du 2 octobre 1986 au 30 septembre 2004 (il avait 83 ans à la fin de son second mandat), réélu le 24 septembre 1995, avec l’étiquette RPR puis UMP. Il fut membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.

Il n’a certes pas réalisé un travail démentiel au Sénat, mais a su utiliser ses compétences militaires pour approfondir certains sujets. Il n’a été (à ma connaissance) l’auteur d’aucune proposition de loi. Il n’a posé que deux questions orales au gouvernement (en dix-huit ans de mandat) : une sur les conditions d’attribution de l’allocation pour jeune enfant le 23 février 1996, et une sur la fiscalité applicable aux retraites mutualistes des anciens combattants le 12 octobre 2000.

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En outre, il a déposé quatre rapports : trois avis sur le budget des forces terrestres des projets de lois de finances pour 1990, 1991 et 1992 ; et un rapport d’information (n°303) corédigé avec Jean Lecanuet, Jacques Genton, Max Lejeune, Xavier de Villepin, Albert Voilquin et Michel Alloncle (déposé le 25 avril 1991) sur les "enseignements immédiats de la crise du Golfe quant aux exigences nouvelles en matière de défense". On peut ainsi y lire : « L’amiral Philippe De Gaulle a fait observer qu’il considérait, pour sa part, que le Président irakien avait fort bien utilisé les médias au profit de sa cause. Il a insisté sur le fait que le gros des troupes irakiennes équipées de matériel moderne se trouvait très en profondeur du dispositif, à l’intérieur de l’Irak. (…) Il a mis en lumière les difficultés qui avaient résulté du caractère mixte de l’armée française quant à la mise en place d’unités professionnalisées équipées de matériels puissants. Il a donné des éléments chiffrés sur le problème du rééquilibrage entre forces professionnelles et conscription au sein de l’armée de terre, et a noté qu’une armée de terre de 200 000 hommes lui semblait en tout état de cause un seuil minimal, dont la modestie devrait être compensée par une professionnalisation accrue. ».

Deux de ses quatre fils furent également parlementaires.

Jean De Gaulle (63 ans), expert-comptable, s’est engagé au RPR dans une carrière d’élu local assez ordinaire (proche de Jacques Chirac). Il fut élu maire de Thénezay de 1989 à 1995 puis adjoint au maire de Paris de 1996 à 2001, député des Deux-Sèvres de mars 1986 à mars 1993 puis, reprenant la circonscription de Pierre de Bénouville, député de Paris de mars 1993 à janvier 2007, et vice-président du conseil régional du Poitou-Charentes de 1992 à 1994. Il ne se représenta car il fut nommé (au tour extérieur) à la Cour des Comptes fin 2006 (sa circonscription est passé au PS en juin 2007 avec l’élection de Sandrine Mazetier).

L’aîné, au même prénom que son illustre grand-père (quelle idée, comme pour George Bush !), Charles De Gaulle Jr (68 ans), avocat d’affaires, a eu une trajectoire politique un peu plus chaotique. Engagé d’abord à l’UDF (et barriste), il fut conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais de 1986 à 1992, premier adjoint au maire de Rueil-Malmaison de 1989 à 1990 et député européen UDF à partir de 1993, présent sur la liste de Valéry Giscard d’Estaing en juin 1989.

En juin 1994, Charles De Gaulle Jr fut réélu député européen sur la liste souverainiste de Philippe de Villiers, et en juin 1999, il fut réélu député européen sur la liste FN de Jean-Marie Le Pen. Il fut député européen de 1993 à 2004, allant de l’UDF au FN en passant par le MPF. En mars 2001, il se présenta aux élections municipales de Paris sur une liste du FN. L’engagement au FN de "Charles De Gaulle" (Jr) fit grand bruit (un peu comme Frédéric Mitterrand ministre de Nicolas Sarkozy) et 57 membres de la famille De Gaulle ont fermement condamné son engagement au FN dans une tribune publiée par le journal "Le Monde" du 19 mai 1999 en exprimant leur indignation : « Pétainiste, OAS, révisionniste et antisémite sur tous les fronts, ce parti extrémiste et factieux a combattu violemment De Gaulle, la Résistance, l’intégrité de notre patrie. ».

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Les 13 novembre 2003 et 26 février 2004 furent publiés chez Plon les deux tomes d’un long livre d’entretiens de Philippe De Gaulle avec l’écrivain Michel Tauriac, "De Gaulle mon père" qui constitue un précieux témoignage sur les conversations qu’ont pu avoir le père et son fils, qui ne se voyaient pas très souvent à cause des activités militaires de Philippe. François Dufay, du magazine "Le Point", constatait : « Longtemps brocardé comme héritier sans éclat, le fils du Général aura attendu ses 82 ans pour devenir enfin lui-même, en révélant son illustre géniteur sous un éclairage inédit. » (26 février 2004).

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Ce type de témoignage fut cependant contesté par quelques historiens en raison de quelques inexactitudes et sans doute aussi de réflexions du Général De Gaulle qui étaient dites en "off" et sans volonté d’être diffusées, et probablement dans un contexte très différent de la France d’aujourd’hui (notamment à propos des musulmans, des Algériens, etc.).

Philippe De Gaulle fut avant tout un témoin au premier rang d’un héros de l’histoire de France. C’est rare car l’histoire n’en fabrique qu’un par siècle. D’ailleurs, les Français attendent leur prochain héros, leur prochain homme providentiel. Et à défaut, à chaque élection présidentielle, ils croient au Père Noël ! Espérons qu’en 2017, ils comprendront enfin qu’il n’a jamais existé, le Père Noël.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 décembre 2016)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Philippe De Gaulle.
L’ambition en politique.
De Gaulle réélu.
Halte à la récupération de De Gaulle !
La première élection présidentielle française.
Faut-il supprimer l’élection présidentielle ?
L’élection présidentielle de 2012.
Le quinquennat.
La Ve République.
De Gaulle face à l’Histoire.
L’appel du 18 juin.
De Gaulle Président.
Les valeurs du gaullisme.
L’héritage du gaullisme.
Péguy.
Le Comité Rueff.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161228-philippe-de-gaulle.html

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/philippe-de-gaulle-entre-pere-et-187673

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/12/28/34705566.html

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