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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
11 avril 2019

AKK, l’Angela Merkel numéro bis ?

« En ce monde, aucun succès n’est possible sans effort. Des talents rares, ou des occasions favorables, forment pour ainsi dire les deux montants de l’échelle où il faut grimper, mais, avant tout, que les barreaux soient d’un bois dur et résistant ; rien ne saurait remplacer, pour réussir, une volonté sérieuse et sincère. » (Charles Dickens, 1850).



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Je reviens sur un événement important et même historique de la vie politique intérieure allemande qui a eu lieu il y a plus de quatre mois, précisément le vendredi 7 décembre 2018 à Hambourg où se tenait le 31e congrès de la CDU, l’Union chrétienne-démocrate, le parti que dirigeait alors Angela Merkel depuis le 10 avril 2000. Presque dix-neuf ans à la tête du plus grand parti d’Allemagne. Mille six cents journalistes accrédités du monde entier étaient présents pour couvrir cet événement. Le "Tagesspiegel" a ainsi expliqué : « Il y a quelque chose d’historique dans l’air, qui dépasse largement le simple départ de la présidente d’un parti. » (cité par "Courrier international").

Angela Merkel a été élue neuf fois à la présidence de la CDU : le 10 avril 2000 (contre Friedrich Merz), le 11 novembre 2002, le 6 décembre 2004, le 27 novembre 2006, le 2 décembre 2008, le 14 novembre 2010, le 4 décembre 2012, le 9 décembre 2014 et le 6 décembre 2016. Ainsi, elle est Chancelière de l’Allemagne fédérale depuis le 22 novembre 2005, réélue le 28 octobre 2009, le 17 décembre 2013 et le 14 mars 2018. Elle a pour l’instant dirigé le gouvernement allemand sous six Présidents de la République fédérale d’Allemagne différents. Première femme à la tête de l’Allemagne, Angela Merkel pourrait égaler le record de longévité de son prédécesseur Helmut Kohl (et en reprenant toute l’histoire de l’Allemagne depuis son unité, seul Bismarck a gouverné plus longtemps).

Grâce aux réformes structurelles mises en œuvre par Gerhard Schröder, l’Allemagne, première puissance économique européenne, se porte économiquement bien : son commerce extérieur est largement excédentaire, sa puissance industrielle confirmée, et son budget de l’État est également excédentaire, ce qui peut donner une grande marge de manœuvre financière au gouvernement allemand. Le chômage est faible, les salaires progressent, même si la croissance économique ralentit un peu en 2018 (à cause des exportations automobiles). Seul point noir économique, la dette publique très élevée qui pourrait préfigurait un cauchemar. Mais cette embellie économique ne suffit pas à apaiser les inquiétudes liées à l’arrivée de réfugiés venus de Syrie ou d’Irak. Il y a un mal-être politique ou plutôt identitaire parmi une partie de plus en plus grande de la population.

C’est ce que rappelait le politologue Alfred Grosser dans le journal "La Croix" du 12 novembre 2018 : « Dans la comparaison franco-allemande, l’Allemagne a un double avantage permanent : le taux de chômage vient de descendre au-dessous de 5% et le budget national ne cesse d’être en excédent. Il n’empêche que l’Allemagne connaît bien des difficultés politiques. À commencer par le destin personnel d’Angela Merkel. ». L’AFP a précisé à la veille du congrès de Hambourg : « L’ouverture des portes de l’Allemagne à un million de réfugiés restera la décision phare de la carrière politique d’Angela Merkel mais aussi celle qui aura accéléré son départ du pouvoir, en mécontentant une partie de l’opinion. ».

Effectivement, depuis deux à trois ans, Angela Merkel a décidé, parce que ce sont les valeurs de l’Allemagne, les valeurs de l’Europe et plus généralement, les valeurs universelles de l’humanisme, elle a décidé d’accueillir un grand nombre de réfugiés. Pour cela, elle a préparé cette immigration en organisant des cours d’allemand, en cherchant à accueillir dans les meilleures conditions cette nouvelle population qui suscite encore aujourd’hui beaucoup d’inquiétude. Quelques choquants "dérapages" criminels ont eu lieu faisant penser à un choc des civilisations, comme un nouvel an à Cologne.

Ainsi, les résultats des dernières élections fédérales (législatives) du 24 septembre 2017 ont considérablement réduit la marge de manœuvre politique d’Angela Merkel. Comme la CDU est quand même arrivée en tête avec 32,9% des voix, elle est restée Chancelière mais seulement après près de six mois de négociations difficiles avec le SPD, parti généralement opposé à la CDU qui a toutefois accepté de former (une nouvelle fois) une grande coalition en raison d’absence de majorité absolue au Bundestag : l’arrivée massive de 94 députés (sur 709) de l’AfD, parti ouvertement d’extrême droite qui s’est nourri des peurs suscitées par l’arrivée des réfugiés fut un événement historique sans précédent depuis la chute de Hitler.

Depuis la formation de son quatrième gouvernement, Angela Merkel a subi des défaites électorales en automne 2018, au cours de deux journées d’élections régionales qui furent éprouvantes pour la coalition CDU-CSU (elle le fut aussi pour l’allié SPD de la grande coalition) : le 14 octobre 2018 en Bavière (Munich) et le 28 octobre 2018 en Hesse (Francfort). Bref rappel sur la CSU (Union chrétienne-sociale) : il s’agit de la branche bavaroise de la CDU, un parti indépendant mais toujours lié à la CDU au niveau fédéral. Il faut juste indiquer que la Bavière, qui est la porte de l’immigration venant du Proche-Orient, et la CSU en particulier, ont toujours eu des positions très fermes contre l’arrivée de réfugiés. La CSU a critiqué ainsi Angela Merkel dans sa politique migratoire.

L’effondrement de la CDU-CSU a accéléré le renouvellement des instances des partis. Là encore, je rappelle un point de politique intérieure allemande : au contraire de la France, la présidence d’un parti est décisive dans la constitution du gouvernement, c’est, comme au Royaume-Uni ou en Espagne (et contrairement à l’Italie), "normalement" le président du parti arrivé au pouvoir qui dirige le gouvernement. Quitter la présidence du parti au pouvoir signifie à terme quitter le pouvoir.

Les résultats historiquement faibles de la CDU-CSU ont renforcé les oppositions internes au sein de chaque formation. À la CSU, Horst Seehofer, le président de la CSU depuis le 25 octobre 2008, ancien ministre-président de Bavière du 27 octobre 2008 au 13 mars 2018 et actuel Ministre fédéral de l’Intérieur (depuis le 14 mars 2018), a "rendu les armes" le 11 novembre 2018 en acceptant de démissionner à brève échéance. Concrètement, tout en restant ministre, il a cédé son mandat de président de la CSU le 19 janvier 2019 à Markus Söder qui était déjà son successeur à la tête de la Bavière.

La situation de la CDU était différente car sa présidente est à la tête du gouvernement. Comprenant que les oppositions internes pouvaient l’exclure du pouvoir très rapidement (quelques décisions internes avaient déjà mis en échec la volonté de la Chancelière), Angela Merkel, qui est une fine tacticienne, avait compris que ce n’était pas assez, pour réduire les oppositions internes, d’annoncer qu’elle ne demanderait pas le renouvellement de ses mandats aux prochaines élections législatives, à savoir en automne 2021. Pour les "frondeurs" de la CDU, l’échéance était trop éloignée.

Angela Merkel a donc réagi très rapidement après les élections régionales en Hesse : dès le 29 octobre 2018, au cours du comité exécutif de la CDU, elle a annoncé qu’elle ne demanderait pas le renouvellement de son mandat de présidente de la CDU qui finissait en décembre 2018, mais qu’elle voulait rester à la tête de la grande coalition au gouvernement jusqu’en 2021. Et cette annonce a "fonctionné", en ce sens qu'elle a calmé les opposants internes et qu'elle a eu l’accord des partenaires de la grande coalition : il suffisait que le SPD refusât pour se diriger vers de nouvelles élections fédérales rapidement.

Comme je l’avais expliqué précédemment, trois candidats se sont donc disputé la présidence de la CDU au cours d’une campagne de six courtes semaines, dont le thème principal fut largement monopolisé par la crise migratoire.

Le candidat favori était Friedrich Merz qui était le candidat malheureux face à Angela Merkel il y a vingt ans. Entre-temps, il a quitté la vie politique et s’est enrichi dans le privé (il est maintenant millionnaire). Candidat favori dans les sondages sondant les délégués du congrès, pas forcément favori pour l’ensemble des sympathisants du parti. Son retour sonnait comme une revanche qu’il comptait prendre sur la Chancelière et son élection aurait préfiguré un attelage très difficile entre les deux pendant le reste de la législature. Son élection aurait infligé un complet désaveu à Angela Merkel de la part des siens. Et aurait préfiguré un virage à droite de la CDU.

Un autre opposant interne s’était présenté, le ministre Jens Spahn, dont la jeunesse le mettait dans le rôle d’outsider sans beaucoup de chance de l’emporter. Enfin, la troisième candidate, Annegret Kramp-Karrenbauer, plus simplement appelée par ses initiales AKK ou encore "Mini Merkel" ou encore "Merkel de la Sarre", ancienne ministre-présidente de Sarre du 10 août 2011 au 1er mars 2018, avait quitté ces fonctions pour devenir secrétaire générale de la CDU le 26 février 2018, soutenue par Angela Merkel. La difficulté d’AKK, ce fut de se présenter comme la dauphine de la Chancelière, sans être trop associée à elle dans sa politique migratoire.

Parmi les soutiens, on peut retenir que Friedrich Merz fut soutenu par Wolfgang Schäuble (un véritable poids lourd de la CDU, qu’il a présidé entre Helmut Kohl et Angela Merkel), Roland Koch, Volker Rühe, Petra Roth, Matthias Wissmann, Günther Oettinger, etc. De son côté, AKK fut soutenue par Angela Merkel, Bernhard Vogel, Tobias Hans, Nadine Schön (un espoir prometteur), Daniel Günther, Thomas de Maizière, Peter Altmaier, Norbert Blüm, etc,

Au début du congrès de Hambourg, Angela Merkel a reçu une très forte ovation, montrant qu’elle a préservé sa très forte popularité parmi les militants. Elle est un personnage désormais historique. Personne ne peut nier qu’elle a mené l’Allemagne dans la voie de la prospérité. En revanche, son bilan européen est plus que décevant et elle a même, au contraire, pour diverses raisons, principalement de politique intérieure, refusé toute avancée notable de la construction européenne.

Le résultat du vote du millier de délégués était serré le 7 décembre 2018. Au premier tour, Annegret Kramp-Karrenbauer est arrivée en tête, mais sans obtenir la majorité absolue, avec seulement 450 voix sur 999 (45,1%). Friedrich Merz l’a talonnée avec 392 voix (39,2%) suivi de Jens Spahn 157 voix (15,7%). Au second tour, l’écart était très faible (35 voix). Annegret Kramp-Karrenbauer a été élue présidente de la CDU avec 517 voix sur 999 (51,8%) face à Friedrich Merz qui a obtenu 482 voix (48,2%).

La victoire d’AKK, qui était la challenger, n’était pas la plus probable. Même de justesse, elle renforce la position d’Angela Merkel au sein de la CDU et peut lui assurer une "cohabitation" (gouvernement/parti) plus douce et moins tendue qu’avec Friedrich Merz.

Président de la Junge Union (jeunes de la CDU) depuis le 19 septembre 2014 et député au Bundestag depuis le 24 octobre 2017, Paul Ziemiak (33 ans) a été élu secrétaire général de la CDU le 8 décembre 2018 avec 503 voix sur 801 (62,8%) pour succéder à AKK.

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Précisons le parcours politique d’Annegret Kramb-Karrenbauer. Elle a 56 ans (née le 9 août 1962) et s’est engagée à la CDU (Junge Union) avant d’obtenir le baccalauréat, à l’âge de 19 ans. Étudiante en sciences politiques et droit public à Trèves puis à Sarrebruck, AKK fut élue en 1984 conseillère municipale de Püttlingen, une commune d’environ 20 000 habitants de la banlieue de Sarrebruck. Réélue comme adjointe au maire (bourgmestre) en 1989, elle l’est restée jusqu’en 1994.

Après une activité professionnelle au sein de la CDU de Sarre, AKK est devenue députée du Bundestag le 1er mars 1998 pour remplacer Klaus Töpfer alors qu’elle était jusque-là suppléante. Klaus Töpfer était ministre fédéral et venait d’être nommé secrétaire général adjoint des Nations Unies. Mais Annegret Kramp-Karrenbauer n’est restée députée fédérale que jusqu’au 26 octobre 1998 car elle n’a pas été réélue aux élections fédérales du 27 septembre 1998 qui vit la défaite de la CDU et d’Helmut Kohl.

Elle se consacra alors plutôt à la Sarre : elle travailla d’abord comme collaboratrice de Peter Müller, président du groupe CDU au Landtag de Sarre (l’équivalent d’un conseil régional) qui était alors dans l’opposition. Ensuite, aux élections régionales du 5 septembre 1999 en Sarre, elle fut élue députée du Landtag (équivalent de conseillère régionale), elle le resta jusqu’en 2018. Cette élection fut une victoire avec 45,6% des voix puisque le groupe CDU a conquis la majorité absolue avec 26 sièges sur 51, la CDU en gagnant 5 et le SPD en perdant 2.

Le ministre-président sortant de Sarre (et candidat à sa réélection) était Reinhard Klimmt, le dauphin d’un leader national important, Oskar Lafontaine, ministre-président du 9 avril 1985 au 10 novembre 1998 et président du SPD du 16 novembre 1995 au 12 mars 1999 (Oskar Fontaine a quitté ses fonctions de ministre-président parce qu’il a été nommé Ministre fédéral des Finances du gouvernement de Gerhard Schröder du 27 octobre 1998 au 11 mars 1999).

Reinhard Klimmt a dû céder la fonction de ministre-président de Sarre à la CDU représentée par Peter Müller le 29 septembre 1999, et fut nommé le même jour Ministre fédéral des Transports, des Travaux publics et du Logement par le Chancelier Gerhard Schröder (jusqu’au 16 novembre 2000, devant démissionner à cause d’une condamnation judiciaire).

Peter Müller fut ministre-président de Sarre pendant presque douze ans, du 29 septembre 1999 au 10 août 2011, jusqu’à sa nomination au Tribunal constitutionnel fédéral. Pendant cette période, Annegret Kramp-Karrenbauer a exercé beaucoup de responsabilités régionales qui représentent l’ensemble de son expérience politique dans un exécutif territorial.

AKK fut d’abord secrétaire général du groupe CDU (majoritaire) dans le Landtag de Sarre de 1999 à 2000 puis, elle est entrée dans l’exécutif du Land : ministre de l’Intérieur et des Sports du 13 décembre 2000 au 3 septembre 2007, ministre de la Famille du 6 octobre 2004 au 10 août 2011, ministre des Femmes du 6 octobre 2004 au 10 novembre 2009, ministre de l’Éducation et de la Culture du 3 septembre 2007 au 10 novembre 2009, ministre du Travail, de la Prévention, des Affaires sociales et des Sports du 10 novembre 2009 au 10 août 2011. Il est difficile de faire un parallèle avec la France en raison de la structure fédérale de l’Allemagne (c’était initialement une confédération de principautés), mais on peut grossièrement dire que ces fonctions sont équivalentes à des fonctions de vice-président de conseil régional en France.

La majorité absolue pour la CDU fut reconduite aux élections régionales du 5 septembre 2004 en Sarre (27 sièges sur 51, 47,5% des voix), mais les élections du 30 août 2009 furent un échec avec un effondrement tant de la CDU (8 sièges perdus, seulement 19 sur 51, seulement 34,5% des voix) que du SPD. Néanmoins, les écologistes (3 sièges, 5,9% des voix) et les libéraux du FDP (5 sièges, 9,2% des voix) ont choisi de faire une alliance avec la CDU.

C’était en Allemagne la première coalition "jamaïquaine", du nom des couleurs noir-vert-jaune représentant les trois partis, alors que les écologistes auraient pu choisir de faire une alliance à gauche comprenant 27 sièges (sur 51) avec le SPD et Die Linke, menée par Oskar Lafontaine (coprésident de ce nouveau parti Die Linke situé à la gauche de la gauche, du 16 juin 2007 au 16 mai 2010), qui a obtenu 11 sièges avec 21,3% des voix, pas loin du SPD (13 sièges, 24,5% des voix).

C’était dans ce contexte "jamaïquain" qu’Annegret Kramp-Karrenbauer fut élue ministre-présidente de Sarre le 10 août 2011 avec 26 voix contre 25 voix en faveur de Heiko Maas (SPD), pour remplacer son mentor Peter Mütter, dont la démission avait été annoncée dès le 22 janvier 2011. AKK cumula avec la fonction de ministre de la Justice durant son premier mandat, reprenant les attributions de son prédécesseur. AKK fut également élue présidente de la CDU de Sarre le 28 mai 2011 avec 95% des voix (et fut choisie à l’unanimité du groupe CDU pour succéder à Peter Mütter à la tête du Land).

Néanmoins, la coalition jamaïquaine fut un échec en raison d’un désaccord persistant avec le FDP (libéraux) qui a fait éclater la coalition. AKK a cherché à trouver une nouvelle majorité en négociant à partir du 6 janvier 2012 une grande coalition, à savoir CDU-SPD mais a échoué dans cet exercice, si bien qu’en séance du 26 janvier 2012, les élus sarrois ont voté leur propre dissolution et la convocation de nouvelles élections régionales (seuls les libéraux ont refusé cette dissolution).

Les nouvelles élections régionales en Sarre ont eu lieu le 25 mars 2012 (au lieu de l’automne 2014) et la CDU, avec 35,2%, si elle est restée le premier parti de Sarre, n’a pas amélioré sa représentation (seulement 19 sièges sur 51), ce qui l’a obligé à former une nouvelle coalition. Les libéraux ont littéralement implosé, perdant toute représentation régionale en raison de leur très faible score, 1,2% des voix. Le paysage sarrois fut éclaté avec la présence du nouveau Parti des pirates qui a obtenu 7,4%, soit 4 sièges (après leur implantation à Berlin). Le SPD mené par Heiko Maas, avec 30,6% des voix, a également gagné des sièges avec 17 élus, au détriment du parti Die Linke, toujours menée par Oskar Lafontaine, qui est tombé à 9 sièges (16,1% des voix) et des écologistes (2 sièges, 5,0%) qui ont frôlé la perte de représentation.

Les résultats auraient pu permettre une coalition SPD-Die Linke qui aurait eu 26 sièges sur 51, mais ce ne fut pas l’option décidée par le SPD. Bien qu’Oskar Lafontaine fût un ancien président du SPD, on peut expliquer cette décision avec beaucoup d’approximations en disant qu’il y a autant de différences entre le SPD et Di Linke qu’entre le PS et FI en France, avec un Jean-Luc Mélenchon qui tiendrait le rôle d’Oskar Lafontaine.

Résultat, après six semaines de négociations, Annegret Kramp-Karrenbauer fut réélue ministre-présidente de Sarre le 9 mai 2012 par 37 voix (sur 51) pour diriger une grande coalition, CDU-SPD qui allait disposer d’une confortable majorité de 36 sièges sur 51. C’était la première fois depuis 1961 que la Sarre était gouvernée par ce type de coalition. Le leader de la SPD en Sarre, Heiko Maas fut nommé vice-ministre-président de Sarre (chargé de l'économie, d travail, de l'énergie et des transports) le 9 mai 2012 mais il quitta ses responsabilités (au profit d'Anke Rehlinger) le 17 décembre 2013 car il est désormais ministre fédéral dans la Grande coalition dans les deux derniers gouvernements d'Angela Merkel, Ministre fédéral de la Justice et de la Protection du consommateur du 17 décembre 2013 au 14 mars 2018 et Ministre fédéral des Affaires étrangères depuis le 14 mars 2018 (remplaçant Sigmar Gabriel qui fut le président du SPD).

Francophile, catholique, mariée et mère de trois enfants, née à Völklingen, tout près de la frontière lorraine (à quinze kilomètres de Forbach), issue d’un milieu modeste, Annegret Kramp-Karrenbauer a encouragé les écoliers sarrois à être bilingues en allemand et en français, et a souhaité ouvrir les emplois de la fonction publique sarroise aux Français.

Le 26 mars 2017 ont eu lieu les nouvelles (et dernières) élections régionales en Sarre et consacra la victoire de la CDU menée par AKK, ce qui fut un exploit après plus de dix-sept ans au pouvoir. En effet, la CDU a progressé en frôlant la majorité absolue des sièges (24 sur 51) avec 40,7% des voix. Si le SPD (mené par Anke Rehlinger qui était la vice-ministre-présidente sortante) est resté stable (17 sièges, 29,6% des voix) malgré l’effet Schulz prédit par les sondages, Die Linke, toujours menée par Oskar Lafontaine (qui avait alors 73 ans), a continué sa chute (7 sièges, 12,8% des voix), ce qui a interdit l’éventualité d’une coalition rouge-rouge composée du SPD et de Die Linke.

Les Pirates ont été balayés, perdant tous leurs sièges de 2012, avec seulement 0,7% des voix, tout comme les écologistes (4,0% des voix). Les libéraux n’ont pas assez progressé pour retrouver une représentation (3,3% des voix), tandis que le nouveau parti d’extrême droit AfD a fait son entrée fracassante dans le Landtag de Sarre en remportant 3 sièges avec 6,2% des voix (comme il l’a fait dans d’autres régions allemandes).

Grande vainqueure de ces dernières élections, AKK fut réélue ministre-présidente de Sarre le 17 mai 2017 par 41 voix, toujours à la tête de la grande coalition CDU-SPD qui s’est trouvée confortée avec 41 sièges sur 51. Pendant ses deux derniers mandats, AKK a cumulé aussi avec la fonction de ministre de la Science, de la Recherche et de la Technologie (entre 2012 et 2018). La Sarre a donc montré qu’elle était une région (un Land) qui était un bastion encore très résistant de la CDU malgré les différentes attaques politiques subies par Angela Merkel.

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La victoire inespérée de la CDU en Sarre il y a deux ans a été expliquée dans les médias par ce qu’ils ont appelé "l’effet AKK", à savoir, sa personnalité très pragmatique, très proche des gens, très à l’écoute et très rationnelle. C’était donc assez normal qu’à un moment ou un autre, AKK allait (re)venir sur la scène fédérale, comme l’une des personnalités montantes de la CDU.

Chargée des dossiers sur la famille et la jeunesse, AKK a fait partie des négociateurs de la CDU pour discuter de l’accord entre la CDU et le SPD au niveau fédéral après les élections fédérales du 24 septembre 2017. Angela Merkel, qui devait remplacer le secrétaire général de la CDU, a annoncé le 19 février 2018 qu’elle souhaitait la nommer à ce poste de numéro deux fédéral. Ainsi, Annegret Kramp-Karrenbauer fut élue secrétaire générale de la CDU le 26 février 2018 par 785 voix sur 794 délégués, soit 98,9% des voix, au cours d’un congrès extraordinaire, et elle a fait figure de dauphine d’Angela Merkel.

AKK a signé les accords de la grande coalition le 12 mars 2018. Elle n’est pas entrée au gouvernement fédéral formé le 14 mars 2018 (le Ministre de l’Économie et de l’Énergie Peter Altmaier étant lui aussi un élu de Sarre), et a abandonné ses responsabilités de ministre-présidente de Sarre le 1er mars 2018 au profit de Tobias Hans, président du groupe CDU au Landtag, qui a été investi par 40 voix sur 51.

Quelques mois plus tard, le 7 décembre 2018, pour succéder à Angela Merkel acculée à la démission, Annegret Kramp-Karrenbauer fut donc élue présidente fédérale de la CDU, au terme d’une bataille interne très serrée qui a vu la CDU coupée en deux. Sa victoire, inattendue, va permettre à Angela Merkel de terminer son dernier mandat de Chancelière dans une relative tranquillité politique, du moins interne, et permettre à AKK de se préparer à se présenter comme successeure éventuelle aux prochaines élections fédérales qui auront lieu au plus tard en automne 2021. Juste avant le congrès de Hambourg, Angela Merkel, confiante, avait d’ailleurs lancé : « Je me réjouis de pouvoir continuer à travailler comme Chancelière. ».

C’est pour cette raison qu’Angela Merkel est une grande politique, car elle a su reprendre le contrôle de son parti après des contestations internes multiples et voit son horizon politique un peu plus dégagé pour les deux dernières années de sa très longue mandature. Chapeau, l’artiste !

Épilogue. Le baptême du feu européen d'Annegret Kramb-Karrenbauer fut de réagir à la Lettre aux Européens du Président français Emmanuel Macron. Dans une tribune intitulée "Faisons l'Europe comme il faut" publiée par "Die Weld" le 10 mars 2019, AKK a reçu très froidement les propositions européennes françaises, émettant de vives réserves, tout en souhaitant relancer la construction européenne : « Notre Europe doit être plus forte. ». Elle a notamment proposé que la France cède à l'Union Européenne son siège de membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU et a suggéré que le Parlement Européen se réunisse exclusivement à Bruxelles au lieu de Strasbourg. Ces deux positions ne peuvent être perçues que comme une provocation pour la France. En outre, elle s'est déclarée opposée à l'instauration d'un salaire minimum européen et a dénoncé la centralisation européenne excessive. Le lendemain, 11 mars 2019, Angela Merkel a apporté son soutien aux propositions de la nouvelle présidente de la CDU pour la construction européenne, faisant éloigner un peu plus la perspective d'un accord franco-allemand pour renforcer l'Union Européenne.



Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (10 avril 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Annegret Kramp-Karrenbauer.
Alfred Grosser.
L’Europe de Jean-Claude Juncker.
Le Traité d’Aix-la-Chapelle le 22 janvier 2019.
Texte intégral du Traité franco-allemand signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle (Aachen).
Guillaume II.
Rosa Luxemburg.
Le cauchemar hitlérien.
Helmut Schmidt.
Willy Brandt.
Walter Scheel.
Angela Merkel, la Chancelière chancelante.
Angela Merkel et Emmanuel Macron au Centenaire de l’Armistice 2018.
Bismarck.
Résultats définitifs des élections régionales en Bavière du 14 octobre 2018.
Les élections régionales en Bavière du 14 octobre 2018.
La GroKo d’Angela Merkel.
Trump veut taxer l’acier européen et les voitures allemandes.
Allemagne : Martin Schulz quitte la présidence du SPD.
Les élections fédérales allemandes du 24 septembre 2017.
Le Traité de Maasticht.
Attentat à Berlin.
L’hommage de l’Europe à Helmut Kohl.
Helmut Kohl, le colosse érodé.
Un homme qui a façonné l'histoire.
Helmut Kohl et Viktor Orban.
Angela Merkel, l’honneur de l’Europe de la solidarité.
La Réunification allemande.
L’amitié franco-allemande.
Le symbole de Verdun.
Les risques de la germanophobie.
L’industrie allemande est-elle honnête ?
Le mur de Berlin.
La chute du mur de Berlin.
Les dettes de guerre.
L’Europe, c’est la paix.
Martin Schulz.
Un nouveau Président du Parlement Européen le 17 janvier 2017.
Hans-Dietrich Genscher.
Le décennat de la Bundeskanzlerin.
Vidéos sur Helmut Schmidt.
La disparition d'Helmut Schmidt.
Mutti Merkel, reine du monde ?
Joachim Glauck.
Angela Merkel et François Hollande à Strasbourg.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20181207-annegret-kramp-karrenbauer.html

https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/akk-l-angela-merkel-numero-bis-212953

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