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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
23 mai 2019

François Bayrou bientôt à Matignon ?

« Je n’ai jamais fait de politique-fiction. J’ai toute confiance en Édouard Philippe qui s’engage sans compter auprès des proeuropéens. » (Emmanuel Macron, déclarations à la presse régionale, le 20 mai 2019).



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L’hypothèse d’une "défaite" du Président Emmanuel Macron aux élections européennes n’a pas beaucoup de sens. Que signifie "défaite", dans quel cas devra-t-on considérer que c’est une défaite ? Si la liste RN dépasse de quelques électeurs la liste Renaissance ? En comptabilité électorale, est une défaite pour un parti lorsque le parti perd des sièges par rapport aux élections précédentes. La liste Renaissance ayant très peu de sortants (il y en a quelques-uns), elle a toutes les chances de faire élire plus de députés européens qu’il y a cinq ans (où LREM n’existait pas). Parallèlement, il sera peut-être difficile de retrouver les presque 25% d’électeurs que le FN avait recueillis en 2014.

Toujours est-il que s’il y en a un qui est à fond dans le sprint final de la campagne européenne, c’est bien le Premier Ministre Édouard Philippe qui multiplie les meetings cette semaine, de Vesoul à Valenciennes, etc. Fort d’une confiance présidentielle renouvelée encore cette semaine, Édouard Philippe peut compter sur son maintien à Matignon après le scrutin européen. D’ailleurs, dans la matinale de France Info le 16 mai 2019, Édouard Philippe s’était automaintenu à Matignon par anticipation en disant que quels que soient les résultats des élections européennes, le gouvernement resterait en place.

On comprend d’ailleurs pourquoi la majorité insiste pour dire que rien ne changera sur le plan national, ce qui, institutionnellement, paraît tout à fait normal puisqu’il s’agit d’élire des députés européens et pas des députés nationaux. L’idée est de dire à ceux qui sont favorables à la construction européenne mais opposés à Emmanuel Macron qu’en ne votant pas pour la liste la plus européenne, ils ne voteraient de toute façon pas pour un changement de cap au niveau national.

Dans le passé, les élections européennes ont effectivement peu conduit à un changement de gouvernement. Il faut déjà éliminer les élections européennes qui ont été gagnées par la majorité en place, ou, du moins, qui ont été perdues par les opposants, ce qui revient politiquement un peu au même (1979, 1989, 1994, 1999, 2009). Dans les autres rares cas, il y a eu quelques changements. Ainsi, 2004 et 2014 s’apparentent au même principe : l’impopularité du gouvernement a été telle lors d’élections locales au mois de mars, qu’un nouveau gouvernement a été formé à cette occasion et l’échec aux européennes deux mois plus tard n’a fait que confirmer la nécessité de ce nouveau gouvernement.

À cet égard, l’échec socialiste aux élections européennes de mai 2014 n’a conduit à aucun changement parce que les élections municipales de mars 2014 avaient déjà conduit à la démission de Jean-Marc Ayrault et à la nomination de Manuel Valls à Matignon. En 2004, c’était un petit peu différent car Jean-Pierre Raffarin a formé son troisième (et dernier) gouvernement à l’issue de l’échec de l’UMP aux élections régionales de mars 2004 et Jacques Chirac voulait le faire durer le plus longtemps, malgré l’impatience de Dominique de Villepin et l’échec des élections européennes de juin 2004.

S’il faut faire une comparaison avec la situation actuelle, il vaut donc mieux prendre le dernier cas non évoqué, les élections européennes de juin 1984, qui ont été un désastre pour les socialistes (même si "désastre" en 1984 ne signifie pas la même chose qu’en 2019, ne serait-ce que parce que peut-être aucune liste ne parviendra à rassembler autant d’électeurs que le PS en 1984 malgré son échec), notamment parce que la situation sociale était très tendue (deux millions de personnes dans les rues de Paris contre le projet Savary) et forte impopularité de François Mitterrand qui, finalement, a dû nommer quelques semaines plus tard, un nouveau Premier Ministre, Laurent Fabius.

Personne ne peut, c’est vrai, prévoir le climat politique à l’issue d’élections importantes, et les élections européennes sont importantes pour l’avenir de la France, surtout que celle-ci préside l’Union Européenne à partir du 24 mai 2019. Il est vrai que le gouvernement d’Édouard Philippe s’est attelé à travailler sur les multiples chantiers ouverts par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019 et que son calendrier a pour horizon une ou deux années (on pourrait même dire six années, puisque l’horizon 2025 est indiqué dans quelques objectifs présidentiels).

Si la situation était telle qu’un changement de Premier Ministre devenait nécessaire, lequel serait-il ? Si le mystère demeure, il y a une personnalité éminente qui, elle, pourrait se retrouver (enfin) en situation.

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Il n’a échappé à personne qu’au lendemain de la conférence de presse d’Emmanuel Macron du 25 avril 2019, alors que peu de ministres s’étaient prêtés avec enthousiasme au service après-vente dans les médias, François Bayrou avait soutenu les mesures présidentielles avec beaucoup de conviction jusqu’à parler de "révolution".

Ce soutien pour cette nouvelle phase du quinquennat d’Emmanuel Macron n’est pas passé inaperçu, soutien confirmé encore maintenant puisque ce fut François Bayrou qui a représenté la liste Renaissance dans l’important débat politique sur France 2 de ce mercredi 22 mai 2019.

Pourtant, dès le début de la crise des gilets jaunes, François Bayrou avait prévenu qu’il n’était pas question de redevenir ministre et qu’il se plaisait bien à la mairie de Pau. Des indiscrétions évoquaient le fait que François Bayrou avait critiqué la gestion de la crise par le gouvernement, qui n’aurait pas, selon lui, pris conscience assez tôt de son importance (le mouvement des gilets jaunes est « révélateur d’une crise profonde de la société française »).

Paradoxalement, dans le "Journal du dimanche" du 16 décembre 2018, "une source proche du chef de l’État" affirmait que le président du MoDem, en contact permanent avec Emmanuel Macron, « se lève tous les matins en se disant qu’il peut être Premier Ministre ».

François Bayrou à Matignon, on en parle depuis 2007. Depuis son très bon score à l’élection présidentielle de 2007. Ségolène Royal aurait voulu négocier un soutien au second tour en échange de Matignon, mais François Bayrou a refusé au même titre qu’il aurait refusé d’être le Premier Ministre de Nicolas Sarkozy (mais je doute qu’il aurait pu le lui proposer, de même que Nicolas Sarkozy a reconnu bien plus tard qu’il n’avait jamais été question de nommer Jean-Louis Borloo à Matignon en automne 2010, malgré les rumeurs). François Bayrou, en revanche, avait pensé que François Hollande aurait pu faire un geste pour lui alors qu’il l’avait soutenu au second tour de l’élection présidentielle de 2012.

Loin d’être un opportuniste comme on le lui reproche depuis 2002, François Bayrou n’a jamais été dans une course effrénée aux ministères. Il aurait pu espérer de grands ministères en 2002, 2004, 2005, 2007 et 2010, s’il avait choisi de collaborer avec l’UMP. Nicolas Sarkozy lui avait même proposé, avant 2004, un deal pour s’unir contre Jacques Chirac, ce qu’il avait évidemment refusé.

La situation depuis 2017 est très différente. François Bayrou fait partie prenante de la majorité, tant à l’Assemblée qu’au gouvernement, tout en n’ayant pas été lui-même candidat à l’élection présidentielle. En fait, l’élection présidentielle de 2017 a consacré le triomphe de sa démarche depuis 2002, à savoir le ni droite ni gauche, la position centrale, le respect des équilibres budgétaires, le volontarisme dans la construction européenne. C’était la raison de son soutien à Emmanuel Macron dès le premier tour, annoncé le 22 février 2017.

Si Édouard Philippe était considéré comme trop "usé" le dimanche soir des élections, ce qui est le sort de tout Premier Ministre soumis à l’impopularité du Président de la République, la nomination de François Bayrou deviendrait comme politiquement logique. Il ne serait alors pas considéré comme représentant du renouvellement (c’est le moins qu’on puisse dire), mais cela pourrait être interprété comme l’accession d’une personnalité prudente et respectueuse du corps social. Cela ne traduirait probablement pas par une grande inflexion sur le fond, mais sûrement par un changement de gouvernance, avec une prise en compte plus attentive des corps intermédiaires.

Cette hypothèse de François Bayrou à Matignon, dans le cadre d’une Présidence ni droite ni gauche, n’est pas nouvelle et a même été imaginée le 7 janvier 2015 dans l’un des romans les plus polémiques de Michel Houellebecq, "Soumission", qui a montré d’ailleurs, par sa plume acide, qu’il n’appréciait pas beaucoup l’ancien candidat à l’élection présidentielle : « Le vieux politicien béarnais (…) s’employait à cultiver une image de hauteur, avec la complicité de différents magazines ; c’est-à-dire qu’il se faisait régulièrement photographier, appuyé sur un bâton de berger, vêtu d’une pèlerine à la Justin Bridou, dans un paysage mixte de prairies et de champs cultivés, en général dans le Labourd. L’image qu’il cherchait à promouvoir était celle, gaullienne, de l’homme qui a dit non. "C’est une idée géniale, Bayrou, absolument géniale !…" s’exclama Alain Tanneur dès qu’il me vit, trépidant d’enthousiasme. "J’avoue que je n’y aurais jamais pensé (…)". » ("Soumission", éd. Flammarion). Hors de ce roman, en tout cas aujourd’hui, tout le monde y pense !…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 mai 2019)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Bayrou bientôt à Matignon ?
François Bayrou sycophanté.
François Bayrou, ex-futur Premier Ministre…
Loi de moralisation de la vie politique (1er juin 2017).
François Bayrou se macronise.
Déclaration à la presse de François Bayrou le 22 février 2017 à Paris (texte intégral).
Réponse d’Emmanuel Macron à François Bayrou le 22 février 2017 (texte intégral).
Un billet plein d’amertume…
Emmanuel Macron est-il de gauche ?
Comptes à débours.
Résolution française.
Et si… ?
L’élection en début janvier 2017.
Un rude adversaire.
L'élu du 7 mai 2017 ?
Pataquès chez les centristes.
Chevalier du vivre ensemble.
Fais-moi peur !
Le vrai clivage.
Soutien à Alain Juppé.
Bayrou et Delors, l’acte manqué.
La clairvoyance de François Bayrou.
La proportionnelle aux législatives ?
Changement de paradigme.
Mathématiques militantes.
2017, tout est possible…
Bayrou et l'affaire Merah.
Le soldat Bayrou à sauver.
Pourquoi Bayrou ?
Bayrou a refusé des valises pleines de billets.
Moralisation de la vie politique (25 juin 2012).
Bayrou 2007.
L’homme de Gourette.

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http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20190515-bayrou.html

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/05/16/37340550.html


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