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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
19 juin 2022

Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre

Le train de la Nupes a été doublé par le train du RN. Toutefois, le train Ensemble était déjà arrivé en gare. Mais avec beaucoup de retard.





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Plus de 48 millions et demi d’électeurs français étaient appelés à voter ce dimanche 19 juin 2022 pour le second tour des élections législatives. C’est le quatrième et dernier scrutin d’une série de quatre qui visent à renouveler toutes les instances politiques nationales.

L’enjeu institutionnel était fort puisqu’il s’agissait de donner une majorité parlementaire au Président réélu Emmanuel Macron. La complexité des situations locales et nationale va probablement demander beaucoup de recul pour être analysée. Je propose un commentaire à chaud, avant d’avoir tous les résultats définitifs de cette élection très surprenante.

Selon les décomptes du Ministère de l’Intérieur, la majorité présidentielle (Ensemble) a obtenu 245 sièges sur 577, la Nupes 131 sièges, le RN 89 sièges, LR 61 sièges, à ceux-ci il faut rajouter 22 sièges à divers gauche, 10 aux régionalistes, 4 à divers centre, 10 à divers droite, 3 à l’UDI, 1 à la droite souverainiste et 1 divers.

La majorité présidentielle aura la majorité relative mais pas la majorité absolue, et de loin (il manquerait 44 sièges). Cela signifie qu’on entre dans une période nouvelle de la Cinquième République car contrairement à la situation de juin 1988, il n’existe plus la possibilité d’utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour tous les textes (il est maintenant limité à un texte par session, ce qui sera peu).

Insistons sur les deux faces de cette situation : 1° Ensemble a gagné les élections législatives contrairement à ce qu’on entend en commentaires. Ce sera le groupe le plus important de l’Assemblée Nationale, loin devant ses deux opposants extrémistes, le RN et la Nupes. 2° En revanche, ce sera difficile de gouverner dans un tel cadre. Rappelons qu’une seconde dissolution ne pourrait pas se faire avant un an après une première dissolution : l’idée d’une rapide dissolution n’aurait donc pas d’intérêt, et risquerait au contraire de donner une majorité à l’opposition (et pas forcément à celle qu’on croit).

Il en ressort un élément majeur : je doute que la Première Ministre Élisabeth Borne soit la plus adaptée à cette situation où il va falloir connaître excellemment les procédures parlementaires et avoir la combativité pour défendre ses textes. Mais il n’y a pas énormément de personnes capables d’avoir ce rôle, si ce n’est un vieux routier de la politique (et là, un nom s’impose, probablement rejeté immédiatement).

Dans tous les cas, cela va rendre nécessaire un véritable débat parlementaire. Comme je doute qu’il soit constructif, il est probable que nous aurons de nombreux blocages, à moins de conclure un accord Ensemble/LR en bonne et due forme auquel cas la nouvelle majorité deviendrait absolue.

Pourquoi y a-t-il eu ce manque de majorité absolue ? Il n’y a pas eu un rejet d’Emmanuel Macron mais un manque de mobilisation de ses électeurs, manifestement. La raison, c’est l’absence de campagne. Emmanuel Macron était ailleurs, il était ailleurs pendant la campagne présidentielle et cela a failli lui coûter très cher. Il était encore plus loin ailleurs pendant la campagne des législatives, et finalement, c’est rassurant. Pour être élu, il faut faire campagne, et si Les Républicains ont su résister à la vague qui devait les immerger, c’est principalement parce que nombreux de ses candidats ont fait campagne et sont bien implantés localement.

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On pensait que la première opposition viendrait de la Nupes car Jean-Luc Mélenchon est celui qui a le plus hurlé, et finalement, le danger est arrivé par la droite pour la première fois de l’histoire, non seulement le RN aura un groupe mais il sera le premier de l’opposition, devant celui de FI et de LR. Pour donner une idée de la mesure, deux députés RN ont été élus en Île-de-France, pourtant terre de mission pour l’extrême droite (dont un dans l’ancienne circonscription de Jean-François Copé à Meaux).

Cela confirme une conviction que j’ai toujours eue : si Marine Le Pen avait été élue Présidente de la République, elle aurait obtenu une majorité absolue à l’Assemblée Nationale. Cela fait dix ans (depuis 2012) que j’essaie d’expliquer cela, que la logique des institutions est implacable. Mais pourquoi alors Emmanuel Macron ne l’a pas obtenue ? Parce qu’il n’a pas fait campagne.

En corollaire, cela signifie qu’il n‘y a aucun intérêt pour faire une réforme du mode de scrutin qui va éloigner encore plus l’électeur des élus avec la proportionnelle : les résultats en sièges ne sont jamais dépendants du mode de scrutin, mais de l’offre électorale et de la réaction de l’électorat. C’est très clair en 2022.

Et la Nupes ? Bien sûr, elle gagne beaucoup de sièges. Notez simplement que c’est surtout la France insoumise qui a gagné. Surtout dans les grandes ville et aussi en Seine-Saint-Denis, où, par exemple, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a été battu par Raquel Garrido. Les écologistes aussi ont été récompensés par l’alliance avec Jean-Luc Mélenchon, notamment avec l’élection de Sandrine Rousseau et de Julien Bayou. En revanche, ni les socialistes ni les communistes n’ont bénéficié d’un effet de la Nupes, ne serait-ce que parce qu’ils n’avaient pas obtenu beaucoup d’investitures. Eux, ils ont tout perdu, et d’abord leur honneur.

Même si elle perd des plumes, la majorité réussit pourtant à bien résister en région parisienne, notamment avec Gabriel Attal, Clément Beaune et même Stanislas Guérini. En revanche, des figures très fortes ont été battues : le Président de l’Assemblée Nationale Richard Ferrand, le président du groupe LREM Christophe Castaner, la ministre Amélie de Montchalin face à l’ancien député socialiste Jérôme Guedj, également la Ministre de la Santé Brigitte Bourguignon. Nul doute que le fait d’être très connus comme symboles de la Macronie a été un élément mobilisateur pour leurs opposants.

La situation nationale est donc plus nuancée que jamais et peut être représentée par la situation étonnante de la 5e circonscription de l’Essonne. Le député sortant Cédric Villani, élu avec l’étiquette LREM et qui s’est présenté cette année avec la Nupes comme un écologiste, a été battu par le candidat LREM Paul Midy, entrepreneur et très proche d’Emmanuel Macron avec… 19 voix d’écart, ce qui est très faible. C’est une surprise car Cédric Villani aurait pu capitaliser partout : chez les écologistes (la circonscription a une fibre écolo), à gauche (car la circonscription était à gauche avant 2017), et même chez ses anciens électeurs LREM qui pouvaient penser qu’il était encore macroniste. Son concurrent a fait une bonne campagne sur le terrain qui semble avoir suffisamment mobilisé ses soutiens pour faire jeu égal et redresser la situation.

Quoi qu’on en dise, Jean-Luc Mélenchon a perdu son pari, celui d’être appelé à Matignon, parce qu’on ne dirige pas un gouvernement qui serait soutenu seulement par moins d’un quart des députés. Mais il a gagné le pari de rendre FI l’élément central et même exclusif de la gauche, et cela grâce à la collaboration historique de ses partenaires soumis (PS, PCF, EELV). Certaines figures tutélaires FI ont été élues, comme Rachel Keke (femme de chambre dans un hôtel) face à l’ancienne ministre Roxana Maracineanu, ou Aymeric Caron, l’agaçant défenseur de la cause antispéciste, face à Pierre-Yves Bournazel.

La grande gagnante, dans l’opposition, est Marine Le Pen qui sera à la tête du premier groupe d’opposition. Elle pourra donc montrer toute sa combativité au Parlement. Contrairement à ce qu’affirme Jérôme Guedj, Emmanuel Macron, qui voulait être le meilleur rempart contre l’extrême droite en 2017, l’est effectivement. Certes, le nombre de députés a décuplé, l’écart en nombre de voix au second tour de la présidentielle a diminué, mais en 2022, Emmanuel Macron reste effectivement le meilleur rempart contre l’extrême droite. Je ne ferai pas l’injure à ce socialiste de rappeler qu’une Anne Hidalgo avec 1,7% a été encore moins le rempart de l’extrême droite. Certains devraient donc commencer par l’humilité avant de dire n’importe quoi.

Lorsque la surprise s’évaporera et qu’on comptera tous les députés, la balle sera dans le camp du Président de la République qui gardera l’initiative politique. Devra-t-il changer de Premier Ministre ? Je considère que la réponse est oui car Élisabeth Borne a été incapable de mobiliser ses troupes et sera probablement incapable de réunir des majorités d’idées. Mais elle restera à Matignon parce que sa victoire dans sa circonscription oblige Emmanuel Macron à ne pas se renier lui-même.

Au final, c’est peut-être la politique qui gagnera en intensité et en crédit. Dès lors qu’il n’y a plus de majorité possible à l’Assemblée, comment Emmanuel Macron pourra réformer la France ? La question ne cesse d’être posée depuis dimanche soir. Pas sûr que la réponse arrive avant une ou deux semaines. Mais elle est urgente après un réel flottement depuis l’élection présidentielle.

Souhaite-t-il un gouvernement minoritaire comme entre 1988 et 1993 ? ou encore une alliance Ensemble/LR qui aurait les moyens d’agir en toute efficacité ? ou encore débaucher des députés de gauche (les 22 divers gauche) et quelques députés LR ? La position de l’ancien Ministre de la Santé Olivier Véran, réélu confortablement à Grenoble, a aujourd’hui, comme Ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, une position stratégique. Un ministère qui mériterait d’être "plein".

Comme en 2017, le cru 2022 de l’Assemblée Nationale aura une saveur toute particulière : beaucoup de renouvellement, beaucoup d’extrêmes et un risque d’impuissance politique qui va éprouver nos institutions. Qui a dit que la France était une dictature ?


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 juin 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Législatives 2022 (10) : un train peut en cacher un autre.
Résultats du second tour des élections législatives du 19 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
TVA : Mélenchon, champion du monde de la mauvaise foi.
Législatives 2022 (9) : procès d’intention, soupçons, fake-news, calomnie : le complotisme mélenchonien.
Législatives 2022 (8) : aucune voix ne doit manquer à la République !
Allocution du Président Emmanuel Macron le 14 juin 2022 à Orly (texte intégral et vidéo).
Législatives 2022 (7) : Liberté, Égalité, Choucroute.
Résultats du premier tour des élections législatives du 12 juin 2022 (Ministère de l’Intérieur).
Législatives 2022 (4) : sous la NUPES de Mélenchon.
Élysée 2022 (53) : la composition sans beaucoup de surprises du premier gouvernement d’Élisabeth Borne.
Pour Jean-Louis Bourlanges, c’est la capitulation et la bérézina !
Législatives 2022 (3) : Valérie Pécresse mènera-t-elle Les Républicains aux législatives ?
Législatives 2022 (2) : la mort du parti socialiste ?
Législatives 2022 (1) : le pari écolo-gauchiste de Julien Bayou.
Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20220619-legislatives-2022j.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2022-10-un-train-peut-242305

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/06/19/39525223.html







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