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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
17 juin 2021

Régionales et départementales 2021 (2) : les enjeux

« Il ne faut pas faire du Rassemblement national le sujet unique des élections. » (François Bayrou, le 16 juin 2021).



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Le maire de Pau, président du MoDem et surtout Haut Commissaire au Plan François Bayrou a raison : invité de la matinale de LCI ce mercredi 16 juin 2021, il voulait ne pas focaliser l’enjeu des élections régionales et départementales exclusivement sur le score du RN, à moins de vouloir en faire explicitement sa promotion publicitaire. Mais néanmoins, le RN est quand même une partie des enjeux.

On vote dimanche prochain, et l’on vote deux fois ! Dernières élections avant l’élection présidentielle de 2022, elles donneront des rapports de force qui seront donc auscultés avec minutie pour comprendre l’électorat, son évolution, ses attentes, ses regrets, ses déceptions, ses rejets, mais aussi ses adhésions, les thèmes porteurs, les thèmes d’avenir.

Au point d'en finir avec le port du masque à l'extérieur le 17 juin 2021 et avec le couvre-feu le 20 juin 2021, la très impressionnante décrue épidémique en France (moins de 3 500 nouveaux cas détectés par jour en moyenne sur les sept derniers jours), probablement grâce à la vaccination massive (plus de 30,8 millions de personnes vaccinées, soit plus de 46% de la population totale ; ce mouvement s’observe aussi en Israël, aux États-Unis, en Allemagne, en Italie, etc., sauf au Royaume-Uni à cause du variant indien) justifie a posteriori le maintien de ces élections avant la période des vacances estivales. Mais rien n’était "joué" d’avance le 13 avril 2021, à une époque où la France se trouvait au pic de la troisième vague.

On va d’abord en finir avec la tarte à la crème des médias, le speech sur l’abstention prévue très importante, sur la perte de confiance dans la démocratie, sur le discrédit de la classe politique, etc. Il y a plein de raisons pour que l’abstention soit énorme, mais ce qui est sûr, c’est qu’à l’élection présidentielle, comme bizarrement, tous les cinq ans, les électeurs viennent en masse pour choisir leur Président de la République. Le discrédit est donc très relatif.

L’abstention n’en est toutefois pas moins inquiétante. Je constate même dans ma commune que non seulement, on risque l’abstention massive (une commune qui participe beaucoup plus que la moyenne nationale), mais en plus, on a du mal à trouver des assesseurs à seulement quatre jours du scrutin, ce qui est plutôt navrant (il faut par bureau de vote environ treize assesseurs, y compris son président et un bureau de vote regroupe environ mille électeurs inscrits). Je n’ose imaginer le recrutement (sur le tas) des bonnes âmes pour dépouiller le soir (et malgré l’abstention prévisible, le dépouillement sera long et laborieux à cause de deux scrutins et d’un grand nombre de listes ; en Île-de-France, par exemple, il y a onze listes !).

Cette abstention est souvent associée à la nature de ces scrutins locaux : les citoyens ont plus une identité nationale (voire européenne) et communale qu’une identité départementale ou régionale. De plus, le regroupement des régions en 2014, réalisé de manière incohérente et sans intérêt économique, a renforcé cette absence d’identité régionale (comment imaginer qu’un Alsacien puisse avoir la même identité régionale qu’un habitant de Nogent-sur-Seine, par exemple ?). Les élections régionales et départementales sont les scrutins où l’abstention est traditionnellement très élevée.

À cela, il faut rajouter : la pandémie de covid-19 (certains électeurs, malgré la vaccination, malgré la chute du nombre de nouveaux cas, peuvent avoir encore peur de se faire contaminer) ; la météo, soleil et  temps estival qui ne donne pas forcément envie de rater des week-ends de détente, d’autant plus que c’est après une très longue période de semi-confinement et de limitation des déplacements ; enfin, l’absence d’enjeux vraiment compréhensibles pour les électeurs.

On ne peut pas dire que les médias ne parlent pas de la campagne électorale. Au contraire, je trouve que beaucoup de débats ont été organisés, France 3 sur ses antennes locales, même des chaînes comme LCI ont consacré des soirées spécifiquement à certaines régions, etc.

Mais il faut bien le reconnaître, ces élections régionales et départementales ont d’abord des enjeux internes à la classe politique : c’est le moment où des postes sont gagnables, des rémunérations aussi, pour faire de la politique, du militantisme, des tremplins pour d’autres mandats. Autant les élections municipales font intervenir surtout des bénévoles (la rémunération des élus municipaux, quand il y en a, est très faible compte tenu du temps passé), autant celle des membres des conseils régionaux ou départementaux permet au moins de continuer à faire de la politique exclusivement. L’enjeu premier est donc là : garder tout un vivier de militants rémunérés et en capacité d’être expérimentés sur la gestion de collectivités publiques.

L’enjeu politique associé, c’est la pérennité de "l’ancien monde", c’est-à-dire la prédominance des "anciens" partis de gouvernement (principalement PS et LR, et leurs alliés) sur la gestion des régions et des départements, comme cela semble s’envisager malgré leurs grosses pertes au niveau national (pertes électorales et financières à l’élection présidentielle, aux législatives et aux européennes, mais aussi perte de leadership et même de leaders tout simplement). À cet égard, tous ces partis suivent la même évolution que le parti radical à partir de la fin des années 1950 et le parti communiste français à partir de la fin des années 1980.

Car les deux principaux partis restent dans les esprits LREM et le RN. Il est assez stupide, d’ailleurs, de vouloir calquer les élections régionales (plus politisées que les élections départementales) à la future élection présidentielle pour la raison simple que le parti présidentiel, LREM, est pratiquement absent des régionales, absent des listes susceptibles de gagner véritablement une région (métropolitaine). Or, la faiblesse de LREM aux régionales n’a rien à voir avec la capacité du Président Emmanuel Macron à gagner la future élection présidentielle (les sondages sont plutôt flatteurs pour une fin de mandat). Ainsi LREM et LR semblent très complémentaires : LREM a un candidat présidentiable indiscutable et LR a des candidats locaux indiscutables et expérimentés.

Donc, s’il devait y avoir un enjeu qui puisse avoir un sens pour la future élection présidentielle, c’est évidemment les résultats du RN et surtout, le nombre de conseillers départementaux RN (élus au scrutin majoritaire) et le nombre de régions gagnées éventuellement par le RN. Attention aux fausses significations : la ville de Perpignan a été gagnée par le RN en juin 2020 et cela ne signifie pas que Marine Le Pen va gagner en 2022.

D’ailleurs, si on a une analyse détaillée de la situation, souvent, là où le RN peut gagner, il y a des considérations très fortes sur un passé électoral très marqué. C’est le cas de la PACA (lire plus loin).

Je vais justement en venir à certaines régions importantes (toutes le sont mais certaines sont plus significatives que d’autres). Mais avant, je voudrais énumérer quelques "leaders" politiques dans les régions que je ne détaillerai pas ici. En particulier, je propose de bien se rappeler la candidature de François de Rugy (LREM) à la région Pays de la Loire (Édouard Philippe est allé le soutenir à Guérande le 12 juin 2021) face à Christelle Moançais (LR), présidente sortante, Matthieu Orphelin (EELV-FI, ex-LREM) et Guillaume Garot (PS), de Marc Fesneau (MoDem) à la région Centre-Val de Loire, de Julien Odoul (RN) à la région Bourgogne-Franche-Comté (le jeune homme créateur de polémiques inutiles qui ne font qu’exacerber les sentiments haineux), d’Isabelle Le Callennec (LR) à la région Bretagne, d’Hervé Morin (LC) à la région Normandie (président sortant), face à Nicolas Bay (RN) et Sébastien Jumel (PCF), d’Alain Rousset (PS) à la région Nouvelle-Aquitaine (président sortant) face à Nicolas Florian (LR) et Geneviève Darrieussecq (ministre MoDem), enfin, de Carole Delga (PS) à la région Occitanie (présidente sortante) face à Aurélien Pradié (LR) et Jean-Paul Garraud (RN, ex-UMP).

Et indiquer que la stratégie des partis et des alliances peuvent varier d’une région à l’autre. Par exemple, l’UDI généralement fait équipe avec LR, mais pas systématiquement et dans certaines régions, avec LREM et le MoDem, tandis que LC (Les Centristes d’Hervé Morin) fait toujours équipe avec LR. La gauche fait parfois l’union, parfois pas, et souvent, il y a des listes PS et alliés face à des listes de gauche dure (PCF, FI, etc.). Certaines fois, les écologistes font équipe avec la gauche, plus ou moins molle, ou pas. Et le RN recycle parfois d’anciens UMP (c’est le cas dans trois régions au moins) comme habiles chevaux de Troie. Quant à LREM, généralement, il y a une liste LREM mais pas toujours. Après, si les électeurs y comprennent quelque chose, ma foi, c’est qu’ils sont hyper-intelligents, hyper-attentifs (bien plus que les journalistes) et à mon sens, ils mériteraient de se présenter eux-mêmes et d’être élus !

Venons-en maintenant à cinq régions tests. J’évoque plus en détail cinq régions parce que je ne peux pas toutes les évoquer en détail et parce que ces régions ont une importance politique nationale (à mon sens).


L’Île-de-France

L’Île-de-France est une région très spécifique pour la vie électorale. Par exemple, il est impensable que le RN puisse conquérir cette région qui favorise plutôt la gauche radicale et les centristes (ainsi que les écologistes). C’est pour cela que la position de la présidente sortante Valérie Pécresse, qui a quitté son parti d’origine LR et qui s’est interdit d’évoquer l’élection présidentielle avant la fin des élections régionales, est très solide. Cette solidité est renforcée par son bilan particulièrement positif qui a montré l’efficacité de l’ancienne ministre dans de nombreux domaines. Elle a, de plus, une bonne équipe, avec des têtes de liste départementale particulièrement efficaces, j’en citerai quelques-unes : Philippe Juvin (92), médecin médiatisé par la crise sanitaire, Robin Reda (91), Valérie Lacroute (77), Florence Portelli (95), Bruno Beschizza (93) et Frédéric Péchenard (75).

Face à Valérie Pécresse, la grande favorite du scrutin, la principale opposition aurait dû être socialiste (le PS occupe la mairie de Paris). Pourtant, le choix d’y mettre l’ancienne journaliste Audrey Pulvar a été une grande erreur. Certes, elle est connue, mais gérer une grande région et surtout, convaincre les électeurs, c’est autre chose que savoir lire les prompteurs et créer d’inutiles polémiques sur divers sujets qui n’ont rien à voir avec les élections et qui ont pollué la plupart de ses messages. Dans son équipe, elle ne peut vraiment se reposer que sur Jérôme Guedj, ancien député, énarque et ancien président du conseil général de l’Essonne, qui tient la route en matière politique et électorale (je l’écris bien que j’apprécie très peu ses choix politiques).

Alors, évidemment, avec de telles carences, les socialistes pourraient se faire distancer par une candidate qui a la politique dans la peau, qui passe très bien à la télévision même si je suis opposé à peu près à toutes ses idées mais dont j’admire la combativité et aussi la bonne foi, à savoir Clémentine Autain, qui mène les listes de la gauche radicale (FI, PCF, etc.). À noter que parmi les têtes de listes dans les départements, il y a Sophia Chikirou (75) qui sera donc probablement élue. Ou pas.

Autre concurrent sérieux à gauche, les listes écologistes de Julien Bayou, qui, si j’ose le calembour, ne manque pas d’air pour être centriste (comprenne qui pourra), qui passe plutôt bien, a un look ni arrogant ni démago, avec une communication très efficace. Lui pourrait créer la surprise. Dans les sondages, Pulvar, Autain et Bayou seraient en parts égales autour de 10% d’intentions de vote. Si l’un convainquait les électeurs des deux autres qu’il serait le mieux à même de représenter la gauche, un glissement de voix de derrière minute pourrait le favoriser, et Julien Bayou est certainement le mieux placé pour ce déplacement de voix.

Le parti présidentiel LREM est mené par Laurent Saint-Martin. Ce député est le rapporteur général du budget, c’est l’une des plus importantes fonctions au Palais-Bourbon, en revanche, dans les débats, sa communication est très mauvaise, on dirait qu’il vendrait un baril de lessive que cela serait le même exercice, on ne sent pas d’incarnation d’un discours politique, au contraire de deux de ses colistières, qui ont bien appris de la politique, Marlène Schiappa (75) et Amélie de Montchalin (91). L’objectif de LREM serait d’arriver devant le RN au premier tour et de se présenter comme une solution alternative crédible face à Valérie Pécresse, mais cette dernière, modérée, a déjà largement séduit sinon convaincu un électorat centriste et même macroniste.

Le RN, quant à lui, est mené par Jordan Bardella, qui fut tête de liste RN aux élections européennes de 2019, liste arrivée en tête au niveau national. Vice-président du RN, il est donc un grand espoir du RN et un bon débatteur, posé, très loin de l’image du FN version Stirbois qui était beaucoup plus facile de combattre par ses excès.

Parmi les "petits candidats", citons la liste LO de Nathalie Arthaud, l’insubmersible Nathalie Arthaud, notre Arlette Laguiller contemporaine, dont l’expression verbale qui insiste toujours sur son dégoût de la société actuelle n’incite pas beaucoup à lui faire confiance même si je ne doute pas qu’elle a des faces cachées particulièrement riches (et agréables).


Le Grand Est (Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes)

Le président sortant du conseil régional du Grand Est est Jean Rottner (LR) qui a été sur le front de la crise sanitaire, à la fois médecin urgentiste (qui a repris son stéthoscope) et président de la région d’où est partie la première vague (Colmar). Sa réélection serait méritée et est probable. Dans le cadre d’une large union regroupant LR, mais aussi l’UDI et le Mouvement radical dont le président est l’ancien ministre et ancien maire de Nancy Laurent Hénart, Jean Rottner peut s’appuyer sur une base solide d’élus locaux ou de parlementaires, dont ses têtes de liste départementale, en particulier Arnaud Robinet (51), Valérie Debord (54), François Grosdidier (57) et Daniel Gremillet (88). Jean Rottner a refusé la présence sur sa liste de Nadine Morano, ce qui était déjà le cas avec son prédécesseur Philippe Richert.

La majorité sortante est concurrencée par LREM mené par l’actuelle ministre Brigitte Klinkert (qui fut élue présidente LR du conseil départemental du Haut-Rhin pour remplacer Éric Straumann, député touché par le cumul et devenu l’actuel maire LR de Colmar). La ministre est donc politiquement très proche de la majorité régionale sortante.

À leur droite, deux listes s’opposent. Celle de Florian Philippot (ancienne tête de liste FN en 2015) qui a de grande probabilité de faire un score microscopique (comme aux européennes), soutenu par le microparti de Jean-Frédéric Poisson, et celle du RN dirigée par Laurent Jacobelli, porte-parole du RN et un peu instable (candidat DLF aux départementales en Essonne en 2015, candidat FN aux législatives aux Bouches-du-Rhône en 2017, etc.). À noter que deux élus anciennement LR ou UMP sont des têtes de liste RN dans le Grand Est : le sénateur Jean-Louis Masson (57) et Philippe Morenvillier (54), ancien suppléant de Nadine Morano et devenu député quand elle a été nommée ministre et ancien maire de Velaine-en-Haie.

À gauche, une surprise, l’ancienne ministre socialiste (devenue romancière) Aurélie Filippetti est …tête de liste FI pour le Grand Est et s’oppose à la candidate EELV, PS, PCF Éliane Romani.


L’Auvergne-Rhône-Alpes

La situation semble être assez proche de l’Île-de-France : un candidat LR à sa réélection qui serait le favori mais un risque d’une surprise écologiste, en sachant que dans cette région, Lyon, Grenoble et Annecy sont dirigés par des maires écologistes. Les sondages aussi sont peu éloignés de ceux de l’Île-de-France : LR et alliés sortant très loin devant, puis RN assez fort, LREM très solide, et la gauche divisée et en perte de représentativité.

À la différence des Hauts-de-France et de l’Île-de-France, le président sortant de cette région, l’ancien président LR Laurent Wauquiez, ne semble pas, à l'heure actuelle, candidat à la candidature LR à l’élection présidentielle, ce qui lui permet de se focaliser sur les seules questions d’ordre régional (à moins qu'une bonne performance ne le remette en situation pour 2022). Il bénéficie du soutien de LR, mais aussi de l’UDI.

À gauche, celle qui voudrait être l’opposante numéro une est l’ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, qui doit néanmoins concurrencer deux autres listes de gauche, celle de FI et du PCF menée par la communiste Cécile Cukierman et celle de EELV menée par Fabienne Grébert.

Tête de liste LREM, le député Bruno Bonnell, qui a créé l’un des premiers fournisseurs d’accès Internet français, Infonie, avait très largement battu Najat Vallaud-Belkacem aux élections législatives de 2017 à Villeurbanne. Ce proche de Gérard Collomb a adhéré au Mouvement radical en 2019 et est soutenu aussi par le MoDem, Agir, le microparti de Jean-Yves Le Drian et le microparti de Barbara Pompili.

J’ai gardé les deux dernières régions pour la fin… Ce sont les deux régions dont on dit régulièrement qu’elles pourraient basculer en faveur du RN, c’était déjà le cas en décembre 2015.


Les Hauts-de-France

La situation politique du président sortant Xavier Bertrand, ancien ministre UMP qui a quitté son parti pour être plus libre, est assez compliquée. D’une part, en 2015, il a obtenu le désistement de la liste de gauche (qui n’a eu aucun élu pendant cinq ans et demi, donc) et c’était le seul moyen, pour lui, de gagner la région. D’autre part, il a entremêlé régionales et présidentielle, et à mon sens, à contretemps. En gros, il dit : si je suis réélu à la tête de la région, je me présente à la présidentielle (et j’oublie la région), et si je suis battu aux régionales, je quitte la vie politique (c’est le cas aussi de Valérie Pécresse), et donc, adieu la présidentielle. Dans les deux cas, il montre peu de respect à ses électeurs régionaux et confirme que sa région n’est qu’un tremplin et pas une vocation.

Xavier Bertrand a pourtant bien géré la région, avec une réelle démarche pragmatique qui vise à clarifier les problèmes et à rechercher efficacement des solutions, une méthode plutôt appréciée de tous. Il jouit d’ailleurs d’une bonne image à gauche et les sondages montrent que les électeurs de gauche sont prêts à voter pour lui dès le premier tour pour éviter la victoire du RN. La liste menée par Xavier Bertrand est soutenue par LR, l’UDI et le Mouvement radical. Il s’est entouré notamment de deux femmes maires, Brigitte Fouré (UDI) à Amiens et Natacha Bouchart (LR) à Calais.

En face de lui, faisant jeu égal dans les sondages, se dresse le RN mené par Sébastien Chenu, porte-parole du RN, un apparatchik élu député. Il n’a pas la notoriété de Marine Le Pen mais a déjà une grande expérience politique. Ancien encarté du parti républicain (PR) puis de l’UMP (il a même travaillé dans le cabinet de Christine Lagarde à Bercy), Sébastien Chenu a la capacité d’attirer l’électorat populaire qui était originellement favorable à la gauche.

Et cette gauche a réussi à s’unifier autour de la députée européenne EELV Karima Delli, soutenu par EELV, le PS, le PCF, FI, etc. Elle est quand même en retard sur les deux précédentes équipes. Rappelons que cette région au nord de la France (en haut de la carte) était un bastion historique de la gauche.

En quatrième position, avec un véritable questionnement sur sa stratégie régionale, LREM est mené par le ministre Laurent Pietraszewski, ancien DRH chez Auchan et celui qui, au gouvernement, s’est occupé de la réforme des retraites. À moins d‘un miracle, sa liste n’a aucune chance de gagner et pourtant, il y a des ministres qui se battent. Ainsi, le bruyant Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti est la tête de liste pour le Pas-de-Calais. Pourquoi ne pas l’avoir mis en têts de liste régionale alors qu’il a une notoriété mille fois supérieure à Laurent Pietraszewski et un talent de communication sans égal ? Mystère.

L’autre contradiction, c’est que le combat (sincère) d’Éric Dupond-Moretti est de lutter contre l’extrême droite de toutes les manières. Or, en mettant son talent en concurrence avec le seul candidat capable d’éviter la conquête de la région par le RN, à savoir Xavier Bertrand, il va à l’encontre de l’efficacité de son combat moral. À moins qu’il soit en mission spéciale pour éviter à tout prix que Xavier Bertrand devienne un adversaire un peu trop encombrant en 2022 ? Ces deux incohérences laissent entrevoir une défaite inéluctable et cinglante.de LREM dans cette région.


La Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA)

La PACA est sans doute la région qui a le plus probabilité de passer au RN. Avant de justifier cette phrase, prenons les (principales) listes en présence. Je n’évoque pas des petites listes, comme celle du sympathique "écologiste centriste" niçois Jean-Marc Governatori (ancien membre de l’UDF). Trois principales listes s’affrontent : LR (majorité sortante), RN et la gauche.

La liste de gauche est menée par Jean-Laurent Félizia (EELV) et soutenue par EELV, le PS et le PCF. Au contraire de la liste socialiste menée par Christophe Castaner en 2015, Jean-Laurent Félizia a refusé de dire s’il se retirerait s’il était très loin de la victoire afin d’éviter l’élection d’un RN à la tête d’une région. Il considère que la gauche doit avoir des élus et donc se maintenir.

Le président sortant du conseil régional est le gaulliste Renaud Muselier. Il est bien connu de la vie politique marseillaise : cet ancien ministre a été longtemps le dauphin de Jean-Claude Gaudin à la mairie de Marseille. L’actualité a provoqué des polémiques lorsque le Premier Ministre Jean Castex a accepté le 1er mai 2021 un accord entre Renaud Muselier et LREM qui, donc, s’est retiré (normalement, la ministre Sophie Cluzel aurait dû mener la liste LREM). Résultat, Renaud Muselier, après un psychodrame un peu trop ridicule pour le conter, est soutenu par LR, LREM, l’UDI, le MoDem, le Mouvement radical, etc. Christian Estrosi (qui a claqué la porte de LR comme Hubert Falco, respectivement maire de Nice et maire de Toulon), fait encore partie de l’aventure à la tête du département des Alpes-Maritimes.

Son principal adversaire est l’ancien ministre Thierry Mariani qui mène la liste RN (où est placé à la tête du département du Var le maire de Fréjus David Rachline). La principale caractéristique, c’est qu’il est un transfuge de LR et il a quitté LR pour RN le jour où Marine Le Pen lui a offert un siège de député européen en 2019. La haine entre Thierry Mariani et Renaud Muselier est assez palpable et va bien au-delà des considérations politiques. Les deux sont de la même génération, ils se sont connus à 20 ans en voisins régionaux, l’un était délégué des jeunes RPR du Vaucluse (Thierry Mariani) pendant que l’autre était délégué des jeunes RPR des Bouches-du-Rhône (Renaud Muselier).

Renaud Muselier n’a jamais gagné une élection régionale sous sa direction. S’il est président sortant aujourd’hui, c’est parce que Christian Estrosi, qui a mené la liste LR en 2015, a quitté la présidence le 15 mai 2017 pour reprendre la mairie de Nice après le terrible attentat du 14 juillet 2016. Par ailleurs, il suffisait d’assister au débat télévisé du 16 juin 2021 sur LCI pour se rendre compte de la légèreté de Renaud Muselier. Je suis désolé de l’exprimer ainsi si crûment, et son alliance LR-LREM ne m’a pas paru moralement inepte (même si je doute de son efficacité électorale), mais les arguments développés contre son adversaire étaient largement stupides, et probablement contreproductifs.

Pour comprendre la guéguerre entre Muselier et Mariani, je crois qu’il faut revenir très loin dans l’histoire des élections régionales en PACA. En mars 1986, Jean-Claude Gaudin a gagné le conseil régional sur les socialistes Michel Pezet (président sortant) et (son rival) Gaston Defferre, l’inébranlable maire de Marseille qui allait succomber quelques jours après la défaite socialiste. Jean-Claude Gaudin, dynamique parlementaire, a gardé la région durant deux mandats (réélu en 1992) mais le cumul l’a obligé à ne pas solliciter le renouvellement de son mandat : il venait d’être élu maire de Marseille en 1995 et avec son mandat de sénateur, c’était plus qu’assez (légalement).

Ont suivi alors trois mandats du socialiste Michel Vauzelle, entre 1998 et 2015, ancien ministre et surtout, ancien proche de François Mitterrand. Pour quelle raison ? Un problème de candidats à droite et au centre ? Non, simplement parce qu’au second tour, avec un FN très fort, la triangulaire s’est toujours terminée à l’avantage du PS, malgré une majorité …à droite et à l’extrême droite.

En mars 1998, ce fut François Léotard qui a représenté l’UDF-RPR : il a obtenu 30,1%, jeu égal (avec quelques voix de retard) avec la liste FN menée par Jean-Marie Le Pen (30,1%), coiffés tous les deux par le PS et alliés, menés par Michel Vauzelle (39,8%). À l’époque, il n’y avait qu’un seul tour (proportionnelle intégrale). En mars 2004, avec deux tours (et prime majoritaire), même problème : ce fut Renaud Muselier qui a représenté l’UMP et l’UDF, il a eu 26,1% au premier tour et 33,8% au second tour, plombé par la liste du FN qui a fait 22,9% au premier tour et 21,0% au second tour. Michel Vauzelle, en tête avec 150 000 voix d’avance au premier tour, a été réélu (35,0% au premier tour, 45,2% au second tour).

En mars 2010, nouvelle situation : ce fut Thierry Mariani qui a représenté l’UMP et le NC (il y a une liste MoDem mais négligeable). Lui non plus n’a pas réussi à vaincre : 26,6% au premier tour et 33,0% au second tour. Plombé par la liste FN de Jean-Marie Le Pen, 20,3% au premier tour et 22,9% au second tour. La gauche s’est présenté divisée au premier tour, Michel Vauzelle n’a obtenu que 25,8% (Laurence Vichnievsky, pour les Verts, a obtenu 10,9%, elle fut par la suite élue députée MoDem). Au second tour, Michel Vauzelle a emporté une nouvelle fois l’élection avec 44,1%.

En mars 2015, la situation fut troublée par l’effondrement des socialistes. Christophe Castaner (16,6% au premier tour) a renoncé à rester au second tour, Christian Estrosi (26,5% au premier tour) a su trouver les mots pour rassembler autour de son nom également les électeurs de gauche (ce qui a montré une grande part d’habileté politique), et Marion Maréchal a échoué finalement à conquérir la région malgré sa très grande avance du premier tour à 40,6% (au second tour 45,2% contre 54,8% à Christian Estrosi).

Comme on le constate, la gauche n’a jamais gagné parce qu’elle était majoritaire, elle ne représentait que 45% de l’électorat, mais parce que la droite et le centre étaient plombés par le FN/RN. Or, et c’est la grande malice de Marine Le Pen, en plaçant Thierry Mariani en tête de liste RN, nécessairement, elle peut réussir à attirer des électeurs de droite modérée qui avait déjà voté pour Thierry Mariani en 2010. On peut même se demander si tous les futurs électeurs de Thierry Mariani savent qu’il a quitté LR pour RN. En quelque sorte, Thierry Mariani arrive à point nommé pour faire ce que les électeurs de "droite dure" rêvent depuis longtemps, la synthèse entre LR et RN.

Et cette proximité d’origine de Thierry Mariani et Renaud Muselier encourage les candidats de gauche à ne pas se désister au second tour et à dire simplement : c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Du reste, rien n’empêchera Thierry Mariani d’atteindre la majorité absolue (50%) même dans le cas d’une triangulaire, tant je trouve l’argumentation de Renaud Muselier très déplacée.


Dans trois jours…

Pour conclure sur ces enjeux des élections régionales et départementales, il faut être clair, les élections départementales seront très transparentes, on ne parlera que des régionales aux soirs des deux prochains dimanches. Il y aura inévitablement une part de participation/abstention spécifiquement due au covid-19 et à la crise sanitaire, comme cela a été le cas aux élections municipales de 2020. Or, les sondages qui laissent entendre des résultats plus ou moins assurés (sauf pour PACA), à mon sens, ont une forte probabilité de se tromper car ils sont incapables d’imaginer la sociologie des abstentionnistes ou des électeurs qui vont aller voter ; cela ne peut pas être modélisable car singulier.

Or, on l’a bien vu en juin 2020, cette incertitude rend tous les possibles réellement possibles, au contraire des précédents scrutins plus "ordinaires" car sans crise sanitaire. Ainsi, en juin 2020, la vague de conquêtes des mairies des grandes villes par les écologistes ne signifiait pas nécessairement une vague verte en faveur de ce courant politique, mais simplement une meilleure capacité à mobiliser leurs électeurs, ce qui n’étaient pas le cas pour les autres partis (et en particulier auprès des personnes âgées, particulièrement vulnérables au covid-19). La situation très rassurante de l’épidémie et la vaccination massive font que le modèle de juin 2020 ne pourra pas se renouveler en juin 2021, situation sanitaire complètement différente.

Tout cela pour en venir à dire quoi ? Qu’une vague écologiste au niveau régional pourrait surprendre de nouveau les observateurs politiques, surtout dans des régions favorables aux écologistes (l’Île-de-France par exemple) et dans des régions où les candidats sont plutôt habiles avec un bon "ton". Je ne le souhaite pas pour les régions car on voit déjà les dégâts ans les grandes villes et j’espère que cela suffira à "vacciner" les électeurs de toute nouvelle tentation écologisante.

Pour terminer, je ne peux pas m’empêcher de recommander à revoir l’excellente série télévisée française "Fais pas ci, fais pas ça" qui, avant 2017, prévoyait, avec un humour irrésistible, l’élection de Nicolas Hulot en 2022 à la Présidence de la République et les loures contraintes qui en ont suivi, comme l’obligation d’avoir dix poubelles de recyclage différentes ! Les scénaristes n’avaient pas imaginé que l’ancien animateur de télévision serait nommé ministre dès 2017, pour une durée relativement courte et que maintenant, il est tombé dans les oubliettes de la vie politique…


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (16 juin 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Régionales et départementales 2021 (2) : les enjeux.
Marine Le Pen et l’effet majoritaire.
Les Républicains et la tentation populiste.
Rapport de Jean-Louis Debré du 13 novembre 2020 (à télécharger).
Avis du Conseil scientifique sur la tenue des élections du 29 mars 2021 (à télécharger).
Régionales et départementales 2021 (1) : à propos de leurs dates et de l’âge du capitaine.
Municipales 2020 (5) : la prime aux… écolos ?
Municipales 2020 (4) : bientôt, la fin d’un suspense.
Municipales 2020 (3) : et le second tour arriva…
Municipales 2020 (2) : le coronavirus s’invite dans la campagne.
Municipales 2020 (1) : retour vers l’ancien monde ?
Régionales 2015 : sursaut ou sursis ?
Les enjeux du second tour des régionales de 2015.
Le premier tour des régionales du 6 décembre 2015.
Les enjeux des élections régionales de décembre 2015.
Les départementales 2015 au second tour.
Les départementales 2015 avant le second tour.
Départementales 2015 : le pire n'est jamais sûr.
Les 4 enjeux nationaux des élections départementales de mars 2015.
La réforme territoriale.
La réforme des scrutins locaux du 17 mai 2013.
Le référendum alsacien.
Le vote par anticipation.
Le vote proportionnel.
Le vote obligatoire.
Le vote électronique.
Vive la Cinquième République !

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210616-regionales-2021b.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/regionales-et-departementales-2021-233708

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