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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
2 décembre 2021

VGE en mai (1968)

« Le gouvernement (…) doit s’en aller ; en revanche, le Président de la République (…) doit rester. » (VGE, le 30 mai 1968).



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Il y a un an, le 2 décembre 2020, l’ancien Président de la République Valéry Giscard d’Estaing est mort, énième victime de la pandémie de covid-19, à quelques semaines de la vaccination. Ce n’était malheureusement pas la première personnalité politique qui en est morte, ni la dernière, et la disparition de l’ancien chef de l’État a eu lieu discrètement, en pleine deuxième vague. VGE lui-même avait souhaité un départ tout en discrétion (aucun hommage militaire, aucune cérémonie officielle), ce qui pouvait être étonnant pour cet ancien jeune et brillant Président de la République qui avait fait de la communication politique son expertise novatrice. La disparition de sa fille pourrait expliquer cette discrétion absolue.

Comme lors de la disparition de Jacques Chirac l’année précédente, le Président Emmanuel Macron a alors prononcé une allocution télévisée pour rendre hommage à son prédécesseur : « Il aura été une figure centrale de l’histoire de notre République (…). Il devint Président de la République à 48 ans, soutenant un projet de modernisation à un rythme sans précédent puis s’engageant pour donner à l’Europe l’idéal et la volonté qui lui ont souvent manqué. J’appartiens à une génération qui est née sous sa Présidence et qui, sans doute, n’a pas toujours mesuré à quel point Valéry Giscard d’Estaing avait, pour elle, changé la France. ».

Les deux Présidents partageaient plusieurs de points communs, pas seulement la jeunesse et l’innovation en politique, mais aussi cette envie de rassembler les centres, coupés par la droite et la gauche pendant quarante ans (VGE n’a pas réussi à cause de François Mitterrand et à cause de l’union de la gauche tandis qu’Emmanuel Macron a pu saisir l’occasion d’une décomposition du parti socialiste en 2016).

Au contraire d’Emmanuel Macron, Valéry Giscard d’Estaing était présidentiable une dizaine d’années avant son élection, probablement qu’il y pensait dès le début des années 1960. Comme Ministre des Finances, il rencontrait toutes les semaines le Général De Gaulle en entretien privé, privilège que n’ont pas eu bien des gaullistes historiques. En revanche, à partir de 1966 et son éviction du gouvernement, VGE s’est clairement mis à son propre compte et souhaitait se présenter à l’élection présidentielle.

Ce n’était donc pas étonnant qu’il prononçât ces phrases le 30 mai 1968, juste avant le retour de De Gaulle de Baden Baden, et avant le conseil des ministres, l’allocution, la dissolution et la grande manifestation aux Champs-Élysées : « Le gouvernement a été dans l’incapacité de régler la crise. Il doit s’en aller ; en revanche, le Président de la République, qui incarne la légitimité nationale et républicaine, doit rester et c’est autour de lui que doit se rétablir l’État. ».

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C’est très étrange que l’histoire a oublié cette initiative de Valéry Giscard d’Estaing. Elle était aussi audacieuse et aussi fallacieuse que la déclaration de François Mitterrand qui voulait prendre le pouvoir. Pour Alain Peyrefitte, qui a démissionné au cours du mois de mai 1968 et qui n’avait pas été compris par Georges Pompidou, c’était un coup de traître : VGE voulait la démission de Georges Pompidou (sans doute le remplacer à Matignon, mais il n’y comptait certainement pas) et voulait surtout que De Gaulle terminât son second septennat jusqu’au bout, en 1972 : alors, il serait prêt, à 46 ans, à tenter l’aventure présidentielle.

Au contraire, Georges Pompidou était pressé, il savait qu’il prendrait un coup de vieux avec VGE comme concurrent. Alain Peyrefitte a alors apporté à Georges Pompidou tout son soutien et sa fidélité, car il considérait que le Premier Ministre avait réussi à remettre de l’ordre dans les universités sans effusion de sang, en étant souple et tolérant.

On connaît la suite : De Gaulle gagna une nouvelle majorité à l’Assemblée Nationale, mais a évincé Georges Pompidou de Matignon. Et le Général recommença l’année suivante avec son histoire de référendum qui fut un échec et provoqua son départ. Georges Pompidou lui a succédé, soutenu entre autres par les gaullistes, mais aussi par Valéry Giscard d’Estaing qui fut de retour au Ministère des Finances pendant cinq ans encore, de 1969 à 1974.

Pourtant, Georges Pompidou n’avait pas du tout l’intention de rappeler VGE au gouvernement, il avait proposé ce ministère clef à Antoine Pinay. C’est Jacques Chaban-Delmas qui voulait VGE avec insistance pour avoir un professionnel aux finances, et de la stabilité. Finalement, Valéry Giscard d’Estaing remporta l’élection présidentielle suivante …contre Jacques Chaban-Delmas.

Dans ses notes publiées dans "C’était De Gaulle", Alain Peyrefitte conclut ainsi sur VGE : « Avec le recul, on peut être frappé que Giscard, six ans avant d’accéder à la charge suprême, obéisse déjà à un réflexe légitimiste à l’égard de la fonction. Il la protège d’avance, en montrant la prééminence du Président sur le Premier Ministre, fusible qui doit sauter quand les circonstances l’exigent. Il défend la fonction qu’il occupera un jour. » (On peut noter toutefois que dans sa pratique institutionnelle, il n’a jamais utilisé un Premier Ministre comme un fusible).

S’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, on peut dire quand même qu’on ne devient pas Président de la République ; on naît d’abord Président de la République, avant d’être élu. Avis aux "impétrants" de 2022 !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (28 novembre 2021)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
VGE en mai (1968).
Michel Debré aurait-il pu succéder à VGE ?
Le fantôme du Louvre.
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron d’hommage à VGE le 3 décembre 2020 (texte intégral et vidéo).
Le Destin de Giscard.
Giscard l’enchanteur.
Valéry Giscard d’Estaing et les diamants de Bokassa.
Valéry Giscard d’Estaing et sa pratique des institutions républicaines.
VGE, splendeur de l’excellence française.
Propositions de VGE pour l’Europe.
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (1).
Le septennat de Valéry Giscard d’Estaing (2).
Loi n°73-7 du 3 janvier 1973.
La Cinquième République.
Bouleverser les institutions ?

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20211202-vge.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/vge-en-mai-1968-237589

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/11/28/39239243.html









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