Virginie Efira l’authentique
« Le vrai danger, me semble-t-il, c’est l’immobilité. Reproduire un petit endroit confortable. Ça peut être dangereux pour la santé mentale. » (Virginie Efira, octobre 2018).
L’actrice Virginie Efira fête son 45e anniversaire ce jeudi 5 mai 2022. Née Belge et devenue Française, j’ai découvert cette actrice (c’est elle qui est née et devenue, pas moi !) en regardant le très beau film d’Éric Besnard "Le Goût des merveilles" (sorti le 16 décembre 2015).
Cela aurait pu être une comédie sentimentale comme les autres… mais non, grâce à Virginie Efira et à son "partenaire" Benjamin Lavernhe (qui joue un homme atteint d’autisme), ce film sent le vrai, le sincère, le calme, le doux, le subtil, le complexe.. Rien de téléphoné, des thèmes importants de société peu souvent abordés (la vision de la société sur les personnes atteintes d’autisme, leur richesse, mais aussi les reconversions dans l’agriculture, le risque du gel au début du printemps et les moyens d’éviter la désastre, etc.).
Bien sûr, elle a un visage de poupon, bâtie comme une star du cinéma ou du mannequinat, ce qui reste assez commun au cinéma, mais Virginie Efira a aussi deux caractéristiques qui lui sont propres : une sorte de candeur, de légèreté à peine perceptible, et surtout, cette solidité qu’on pourrait sentir en elle, un roc, un profil de manager, de femme responsable, qui contrôle les événements, qui anticipent, qui sait où aller, une personne à la charge mentale forte, un trait probablement renforcé par son passé d’animatrice de télévision.
Car c’est aussi une actrice sur le tard, qu’elle regrette d’ailleurs, elle a commencé assez tard de faire du cinéma (encore que tout est une question de relativité, car cela fait plus d’une quinzaine d’années qu’elle est dans le métier, elle n’avait pas 30 ans quand elle a commencé), mais elle a passé son début de vie professionnelle principalement à la télévision, d’abord belge puis française (M6 puis Canal+) entre 1998 et 2009, comme présentatrice d’émissions télévisées, métier qu’elle ne souhaite plus du tout faire. Elle a fait aussi un peu de théâtre, mais sa notoriété, elle la doit surtout d’avoir présenté "Nouvelle Star" sur M6 (à la suite de Benjamin Castaldi).
Cette notoriété, bien sûr, c’est plus facile pour faire du cinéma après. Même toute petite, elle a toujours rêvé de faire du cinéma mais elle avait trop la trouille d’en faire, alors, elle s’est penchée sur la télévision. L’avantage, c’est qu’elle n’a pas eu des premiers rôles "ultrasexués". Elle a d’ailleurs souvent des rôles de femmes à la situation compliquée et qui sont avec des hommes "diminués".
Autodérision, doute sur elle-même, dépréciation, timidité, complexe d’infériorité auprès des réalisateurs, elle manie souvent ce genre de choses tout en restant positive et très ambitieuse, c’est cela qui fait sa force, cette ambivalence qui peut surprendre. L’actrice l’affirme : « Je suis du genre à conclure des pactes faustiens. Je tords le trac en diminuant ou dévalorisant l’enjeu d’un film ou d’une rencontre, même en amour. ».
Il y a aussi une autre valeur ajoutée chez Virginie Efira l’authentique, c’est qu’elle choisit ses films. Ou plutôt, elle a eu la chance d’être "bien" servie. À ma connaissance (mais je peux me tromper), elle n’a joué dans aucun navet (jouer dans un navet n’est pas un problème en lui-même, Jean Rochefort le justifiait pour des raisons alimentaires, ses passe-temps étant très coûteux, et un bon acteur dans un mauvais film permet quand même "relever la sauce", le film aurait pu être bien pire).
Alors, certes, elle a surtout commencé dans du cinéma populaire parce qu’une actrice venant des métiers de la télévision s’y acclimate mieux selon les producteurs et les réalisateurs, mais elle a aussi eu la chance de séduire dans le cinéma d’auteur. De même, au-delà de la comédie sentimentale, elle a pu faire ses preuves dans le dramatique, notamment avec l’excellent film de Justine Triet "Victoria" (sorti le 12 mai 2016), où Virginie Efira, le personnage principal, est une avocate un peu dépassée par les nombreux événements de sa vie personnelle, élevant seule ses deux enfants, et elle se retrouve à défendre un de ses amis accusé d’avoir blessé une femme.
Selon Toma Clarac, c’est « assurément son rôle le plus accompli, le plus dense, parce qu’il est à la fois le plus léger et le plus grave ». Dans ce film, lui aussi très authentique, on y trouve de nombreux thèmes contemporains, la dépression, le vide affectif, la protection de la vie privée, les blogs sur Internet, etc. Le scénario est conforté par un jeu d’acteurs plein de justesse. Elle a récidivé avec Justine Triet dans "Sibyl" (sorti le 24 mai 2019) où elle joue la psychothérapeute qui utilise une de ses patientes comme source d’écriture. Justine Triet a adoré travailler avec Virginie Efira : « Même si elle est tétanisée à l’intérieur, qu’elle est hyperbosseuse et superambitieuse, rien n’est vraiment grave. ».
Son premier grand rôle peut être considéré dans "20 ans d’écart" de David Moreau (sorti le 6 mars 2013), où elle joue une future rédactrice en chef pleine d’avenir amoureuse d’un étudiant joué par Pierre Niney, lui aussi intimidé par le rôle. "Le Grand Bain" de Gilles Lellouche, passé de l’autre côté de la caméra (sorti le 24 octobre 2018), a été aussi une grande aventure humaine pour Virginie Efira dans le rôle du coach alcoolique et ancienne championne pour mener à la victoire un groupe d’éclopés de la vie dans une épreuve de natation synchronisée, et dans ce groupe, il y a Mathieu Amalric (ici marié avec Marina Foïs), Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade, Philippe Katrine, Félix Moati, etc.
On peut citer aussi quelques autres films (sans être exhaustif) très représentants du cinéma franco-belge contemporain : "L’amour, c’est mieux à deux" de Dominique Farrugia et Arnaud Lemort (sorti le 5 mai 2010), aux côtés de Clovis Cornillac et Manu Payet ; "La chance de ma vie" de Nicolas Cuche (sorti le 5 janvier 2011), avec François-Xavier Demaison et Armelle Deutsch ; "Mon pire cauchemar" d’Anne Fontaine (sorti le 9 novembre 2011), avec Benoît Poelvoorde, Isabelle Huppert et André Dussolier ; "Caprice" d’Emmanuel Mouret (sorti le 22 avril 2015) avec Anaïs Demoustier et Laurent Stocker ; "Un homme à la hauteur" de Laurent Tirard (sorti le 4 mai 2016), avec Jean Dujardin, une "personne de petite taille" amoureux de la brillante avocate divorcée qu’est Virginie Efira ; "Un amour impossible" de Catherine Orsini (sorti le 7 novembre 2018), avec Niels Schneider qui est devenu le compagnon de Virginie Efira depuis le tournage de ce film.
Enfin, toujours le premier rôle dans "Benedetta" de Paul Verhoeven (sorti le 9 juillet 2021) où Virginie Efira est la sœur Benedetta Carlini, une religieuse lesbienne du XVIIe siècle, abbesse italienne très vénérée mais ensuite, opprimée pour homosexualité, avec Charlotte Rampling, Lambert Wilson, Daphné Patakia, Clotilde Courau, Louise Chevillotte, etc.
Plusieurs fois membre de jury de festival, cette étonnante joueuse de poker a été nommée cinq fois pour les Césars de la meilleure actrice ou meilleur second rôle féminin (en 2017, 2019, 2021, 2022). Nul doute qu’avec les nombreux films de grande qualité qu’elle ne manquera pas de tourner dans les prochaines années (pas moins de quatre films devraient sortir cette année 2022), elle ne se contentera pas de simples "nominations". Bonne anniversaire !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (05 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Article de Toma Clarac dans "Vanity Fair France" n°62 (octobre 2018).
Guy Marchand.
Christian Clavier.
Virginie Efira.
Jacques Perrin.
Michel Blanc.
Michel Bouquet.
Patrick Chesnais.
Jean Roucas.
Z.
Michel Sardou.
Michel Jonasz.
Jane Birkin.
Philippe Noiret.
Jean Amadou.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-202200505-virginie-efira.html
https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/virginie-efira-l-authentique-241383
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/05/01/39458977.html