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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
23 novembre 2022

La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...

« On dira ce qu’on voudra mais la police française est quand même l’une des meilleures du monde. » (Une réplique dans le film "Dupont Lajoie" en 1975).



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Après les meurtres de Lola (12 ans) à Paris et de Justine (20 ans) à Brive le mois dernier, le meurtre de Vanesa, une adolescente de 14 ans qui a été violée, à Tonneins, entre Agen et Marmande, dans le Lot-et-Garonne, a monopolisé les canaux médiatiques ce week-end. On en reste toujours au même point de départ : une très forte émotion doublée d'une indignation, et, il faut bien l'admettre, une certaine impuissance et même un certain fatalisme. On a l'impression de toujours revivre le viol et meurtre racontés dans le film "Dupont Lajoie" d'Yves Boisset (sorti le 26 février 1975). Un film qui a suscité de fortes réactions, au point que son acteur principal Jean Carmet était parfois insulté dans la rue à son passage.

Comment dire aux parents qu'il n'y avait rien à faire pour l'éviter ? Le problème dans une société de liberté, c'est justement que la société laisse tous ses individus agir comme bon leur semble, et ce n'est qu'a posteriori, à la suite d'enquête policière et de procès judiciaire, qu'on "corrige" dans le cas où certains d'entre eux s'écarteraient de la loi. N'a-t-on rien fait ? Cela fait plus de cinquante ans que les gouvernements successifs ont fait adopter lois sur lois pour renforcer les outils et les moyens pour éviter, empêcher ces crimes odieux.

Si les médias se sont emparés du meurtre de Vanesa (une marche blanche est organisée pour le 25 novembre 2022), c'est parce que tous les faits-divers sont pris d'assaut par les médias en quête d'audience, au même titre que les procès en assises sont très suivis. La faute à qui ? Probablement à "nous", j'ose utiliser un nous-collectif qui embrigade tant les lecteurs que moi, mais c'est vrai que finalement, c'est aussi le rappel que les polars sont un type de littérature très courue par "les gens" en général. Sommes-nous donc tant fascinés par le sang ? Désolé d'utiliser encore le "nous".

Chaque histoire est différente, il faut malheureusement plus scruter le meurtrier que connaître la victime qui, souvent, se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment, pour tenter de comprendre qui déclenche, enclenche le meurtre et pour imaginer des moyens de les éviter à l'avenir. Encore une fois, pour Vanesa, l'étude du passé du meurtrier présumé laisse froid dans le dos (des poursuites pour des faits d'agression sexuelle en 2006), même si depuis onze ans, il n'avait plus commis de faute.

Je note au moins que pour ce meurtre-là, aucune récupération politique n'a eu lieu, je n'espère pas écrire : n'a encore eu lieu, car je crois savoir que les forces politiques qui avaient tenté de récupérer odieusement le meurtre de Lola, au grand dam de la famille en pleurs, n'auraient aucune raison de s'emparer de celui de Vanesa. En effet, le meurtrier présumé, qui a avoué son crime le 19 novembre 2022 au cours de sa garde-à-vue, n'est pas une personne étrangère en situation irrégulière, il est un jeune père de famille, au nom et prénom qui laissent entendre une ascendance française de longue date (du moins, cela en a l'apparence).

Chaque meurtre, surtout s'il s'agit d'une victime peu âgée, d'enfant ou d'adolescent, est insupportable, intolérable, scandaleux, c'est un choc définitif pour les parents, les proches, les amis, avec parfois des sentiments qui ne sont pas très intelligents de vengeance mais qu'on pardonnera parce qu'on pourrait les comprendre.

C'est la singularité des personnes lorsqu'on les prend en tant que telles, des individus qui sont d'autant de mondes riches et imaginaires que d'êtres, qui sont des bibliothèques entières. Et le risque, lorsqu'on les prend en statistique, c'est de s'écarter de l'émotion et de l'humain pour se rapprocher d'une froideur comptable et mathématique.

Et pourtant, sans aucune intention de relativiser le chagrin infini qu'a engendré le meurtre d'un enfant, il faut constater qu'en France, chaque année, il y a très grossièrement environ 1 000 homicides, inclus les victimes d'attentats terroristes, les victimes de meurtres et les victimes d'assassinats (je rappelle la différence juridique du meurtre et de l'assassinat : l'assassinat est un meurtre prémédité, alors que le meurtre peut être un homicide imprévu, par exemple, un témoin gênant se trouvant par hasard sur un lieu de cambriolage). C'est beaucoup, un millier de morts évitables par an, même pour 67 millions d'habitants, même un meurtre par an, ce serait un meurtre de trop, mais il faut signaler l'amplitude de ces faits tragiques. Depuis une trentaine d'années, ces homicides ont d'ailleurs tendu à décroître jusqu'à il y a une quinzaine d'années pour se stabiliser.

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On aura beau imaginer tous les outils pour mettre les meurtriers potentiels hors d'état de nuire avant de commettre leur crime, il y aura toujours des situations imprévues, singulières, des personnes bien sous tout rapport qui plongeront dans le meurtre. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas grave, car un seul meurtre est une atteinte à toute la communauté nationale. Cela ne veut pas dire non plus que la société ne doive pas réagir, mais face à la détermination d'un seul individu, il y aura toujours des trous dans la raquette, c'est le problème du terrorisme. On peut du reste observer que la peine de mort n'a aucun effet dissuasif, il suffit de mesurer le niveau de criminalité dans les pays dont la peine de mort est encore appliquée (je pense notamment aux États-Unis).

Pour la puissance publique, mais aussi pour chaque personne issue d'une société qui a pour principe de protéger ses membres, d'assurer leur sécurité, bien sûr qu'il faut les protéger de tous les possibles meurtriers, mais ce n'est pas suffisant. Il y a aussi des fléaux, des décès qui peuvent, eux aussi, être évités, ou du moins dont le nombre peut être limité, et ne rien faire signifierait laisser ces décès se produire.

Dans cet ordre d'idée, il y a, entre autres, deux séries de décès qui ont pu être en baisse grâce à une politique publique.

La première est la mortalité routière. En 1972, elle était de 18 000 décès par an, avec un nombre d'habitants, un nombre d'automobilistes, un nombre de véhicules circulants et un nombre de kilomètres de route très inférieurs à ceux d'aujourd'hui. La politique publique consistait à renforcer le code de la route avec la ceinture de sécurité obligatoire, le contrôle technique, le permis à points et l'impunité zéro pour les excès de vitesse (grâce aux radars automatiques). En deux générations, cette mortalité est tombée à environ 3 500 décès par an sur les routes, c'est réjouissant même si elle est encore beaucoup trop importante (qui n'a pas perdu un ami cher ou un membre de la famille sur la route ?).

La deuxième série est très rapprochée dans le temps puisqu'il s'agit des victimes du covid-19. En deux ans et demi, près de 160 000 personnes sont décédées du covid-19 en France. Certains diront que ce n'est rien, c'est leur droit, c'est leurs valeurs, pas les miennes. Des politiques publiques ont été engagées pour réduire ce fléau, au début avec l'invisibilité de ce qu'était le covid-19 : confinement, masque, passe sanitaire puis passe vaccinal, ces contraintes sont du même registre que le code de la route, avec le même objectif, celui du "vivre ensemble" avec le moins de dégât possible. Depuis plusieurs mois, la France et l'Allemagne suivent des courbes de nouveaux cas sensiblement similaires, et pourtant, il y a environ deux fois plus de décès du covid-19. Des explications simples ne suffisent évidemment pas, mais c'est certain que les politiques publiques ont des incidences directes et concrètes sur la vie des personnes. Actuellement, en France, il y a environ 80 à 90 décès par jour dont la cause est le covid-19 : l'épidémie est loin d'être finie, et il y a lieu de rester encore très prudent, mais, étrangement, elle semble être sortie des écrans radars des médias, alors qu'elle fait plus de dégâts humains que la route (et que les meurtres).

Je peux en citer évidemment d'autres. La série de décès qu'on a réussi le mieux à réduire, je pense, ce sont les accidents du travail. Il y en a moins d'un millier par an. Les politiques publiques ont été très contraignantes : les employeurs sont responsables de la sécurité de leurs employés, les cotisations pour accident du travail sont augmentées de manière drastique en cas de survenue d'un accident du travail et la responsabilité pénale du chef d'entreprise est aussi engagée. Si bien que les entreprises, avec un enthousiasme plus ou moins contraint, ont mis en place des procédures pour réduire efficacement les accidents du travail. Cela montre bien que les politiques publiques peuvent réduire les tragédies si l'État et donc les électeurs s'en donnent la peine.

Un domaine où l'on pêche encore par la pauvreté des mesures, en sachant que prendre des mesures de sécurité doit rester compatible avec garder notre société de libertés, individuelles et collectives, d'où des difficultés quasi-philosophiques pour trouver le bon compromis, le bon équilibre, ce sont les victimes des dévastations écologiques en général. Certes, le scandale de l'amiante fait l'objet de procès (beaucoup trop longs), mais plus généralement, la nourriture transformée (ou pas) contenant des produits chimiques, des conservateurs, trop de sel, trop de sucre, etc. engendre des quantités de maladies et de décès, les pollutions aussi, à un niveau qui n'a rien à voir avec la mortalité du covid-19 ou de la route.

Bien sûr, tout n'est pas abouti, et les futures victimes des bouleversements climatiques qui seront à venir aimeraient déjà que les pays commencent au plus tôt à tenter de prévenir certaines catastrophes, mais en sachant rester humble dans notre condition humaine qui peut peu face à la puissance de la nature.

En résumé, cette réflexion ne tend pas à relativiser le drame infini que constitue le meurtre d'un enfant qui, peut-être, aurait pu être évitée si des mesures restreignant plus la liberté de tous étaient prises, mais à le mettre en perspective d'autres drames tout autant infini de la perte d'un être cher dans d'autres conditions. J'aurais ainsi apprécié que ceux qui s'époumonent à défendre les enfants de leurs meurtriers soient tout aussi motivés à réduire les décès par covid-19, les décès sur la route (j'aurais tendance pourtant à croire que ces mêmes ont plutôt milité comme des forcenés poujadistes contre le vaccin ou contre les radars automatiques), et aussi, puisque c'est hélas encore l'actualité, contre les malheureux qui chavirent en Méditerranée dans leur quête désespérée d'une vie meilleure.

C'est cela la sécurité. C'est le rôle des États de protéger leurs citoyens, de tous les dangers, et pas seulement de certains dangers auxquels on ne porte qu'une attention exclusive pour d'évidentes récupérations idéologiques.


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...
Meurtre de Lola.
7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
Covid-19 : alerte au sous-variant BQ1.1 !
100 ans de code de la route.
80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.
Le terrorisme en France.
Fête nationale : cinq ans plus tard…
Protéger, sauver des vies.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20221119-meurtre-vanesa.html

https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-securite-des-personnes-face-aux-245064

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2022/11/08/39702082.html








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