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Le canalblog de Sylvain Rakotoarison
10 mars 2023

Le choix du vote bloqué (article 44 alinéa 3 de la Constitution)

« Si le gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. » (Article 44 alinéa 3 de la Constitution).



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On attendait une nouvelle application de l'article 49 alinéa 3 du côté du Palais-Bourbon et c'est l'article 44 alinéa 3 de la Constitution qui vient d'être brandi ce vendredi 10 mars 2023 par le gouvernement au Sénat. Les sénateurs examinent le projet de réforme des retraites depuis le 1
er mars 2023 et il a jusqu'au dimanche 12 mars 2023 minuit pour le faire.

Certes, les sénateurs ont été plus sages que les députés mais il y a quand même près de 5 000 amendements déposés par l'opposition, c'est le quart des députés mais c'est quand même beaucoup. Et finalement, l'obstruction est bien là, certes plus douce, plus feutrée (les pas des sénateurs sont toujours plus calmes, même s'ils sont parfois plus jeunes que des députés), mais il y a bien obstruction de l'opposition de gauche.

Or, la volonté tant du gouvernement que du Président du Sénat Gérard Larcher, c'est d'achever entièrement l'examen du texte, c'est-à-dire, de voter l'ensemble du texte. Certes, ils ont mieux bossé que les députés puisqu'ils ont pu au moins se prononcer sur l'article 7, celui qui repousse l'âge de la retraite à 64 ans. Cet article a été voté le mercredi 8 mars 2023 avec un jour de retard car les sénateurs de gauche ont déposé des centaines d'amendements peu constructifs.

Sur 345 sénateurs votants, 201 ont approuvé les 64 ans, 115 ont voté contre et 29 se sont abstenus (Gérard Larcher a fait partie des rares sénateurs à n'avoir pas pris part au vote, en sa qualité de Président du Sénat). Une rapide analyse du scrutin a montré d'ailleurs quelques défections. Ont voté pour : 127 LR sur 145 (2 LR ont voté contre, dont Alain Houpert, et 15 se sont abstenus), 35 UC (centristes) sur 64 (12 ont voté contre, dont Arnaud de Belenet, et 10 se sont abstenus, dont Valérie Létard, Loïc Hervé, Hervé Maurey et Jean-Marie Vanlerenberghe), 22 LREM sur 24, 12 Les Indépendants – République et Territoires sur 14, 5 RDSE sur 14.

Le choix du gouvernement d'utiliser l'article 44 alinéa 3 de la Constitution est d'autant plus justifié que cet outil est constitutionnel (rappelons que notre Constitution a été très largement ratifiée par le peuple français lors du référendum de 1958). La procédure du vote bloqué consiste à imposer un seul vote sur soit un article donné, soit le texte complet du projet, sans vote sur les (nombreux) amendements. Le vote bloqué n'empêche pas le débat puisque les amendements peuvent être défendus par ceux qui les ont déposés (le droit d'amendement est toujours respecté). En revanche, cela permet d'accélérer la procédure en supprimant les explications de vote (parfois, cela peut être long). L'objectif est bien de procéder au vote du texte global avant la fin de la journée du dimanche 12 mars 2023. La procédure n'a rien d'exceptionnel, elle a été utilisée plus d'une centaine de fois au Sénat et en particulier pour la réforme d'Éric Woerth en 2010 et la réforme de Marisol Touraine en 2013.

Quand des sénateurs de gauche expliquent qu'on les bâillonne après déjà dix jours de débat (y compris le samedi et le dimanche), ils se discréditent tout seuls. La sénatrice communiste Éliane Assassi (présidente du groupe PCF) voudrait « pousser le débat » pour empêcher d'aller jusqu'au vote global. La gauche est d'ailleurs divisée car les sénateurs écologistes ont quitté l'hémicycle, mais leurs collègues socialistes et communistes ont voulu les retenir pour continuer à faire de l'obstruction.

Le point crucial est la position du parti Les Républicains. À l'évidence, Élisabeth Borne a accepté les aménagements proposés par les sénateurs LR. Invité de Public-Sénat le 9 mars 2023, Gérard Larcher rappelait que, depuis quatre ans, la majorité sénatoriale adoptait tous les ans cette réforme des retraites dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (mais l'Assemblée Nationale a toujours le dernier mot). Le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau a été le fer de lance de ces négociations avec la majorité présidentielle.

En revanche, la position du groupe LR à l'Assemblée Nationale, présidé par Olivier Marleix et composé notamment d'Aurélien Pradié (opposé) et Éric Ciotti (favorable), est moins claire mais elle est extrêmement importante pour un vote à l'Assemblée Nationale. La présidente du groupe Renaissance Aurore Bergé a déjà annoncé qu'elle évincerait de son groupe tous les sénateurs qui ne voteraient pas le texte (ce qui paraît logique, étant donné l'importance politique d'un tel texte). Assigné à son canapé de commentateur en pantoufles, Jean-Luc Mélenchon n'a pas hésité à ajouter de la confusion et de la zizanie au sein des parlementaires LR dans un tweet publié le 10 mars 2023 : « Seuls les nigauds de LR pouvaient croire au dialogue avec Macron. Retailleau domestiqué. À l’Assemblée, Ciotti peut aller acheter sa laisse. ».

Certains opposants se mettent alors à espérer : lors du retour du texte à l'Assemblée Nationale, certains députés LR pourraient être tentés de joindre leurs voix à d'autres groupes (Nupes et RN) lors du vote d'une motion de censure. Leurs voix seront alors capitales pour renverser le gouvernement. Cela resterait politiquement incohérent car les candidats à l'élection présidentielle issus de ce parti (François Fillon en 2017 et Valérie Pécresse en 2022) ont toujours prôné une telle réforme des retraites, et ce serait très risqué pour leur survie politique car en cas d'adoption d'une motion de censure, comme en 1962, il ne ferait aucun doute que le Président Emmanuel Macron prononcerait la dissolution de l'Assemblée et de nouvelles élections législatives auraient lieu... dans le but d'avoir la majorité absolue qui lui manque tant aujourd'hui. En toute connaissance de cause de la part des électeurs (dans un schéma de campagne assez simple : la majorité veut agir en faisant des réformes et les oppositions ne savent que faire de l'obstruction stérile en oubliant l'intérêt national).


Aussi sur le blog.


Sylvain Rakotoarison (10 mars 2023)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le choix du vote bloqué (article 44 alinéa 3 de la Constitution).
La retraire de Philippe Martinez.
Réforme des retraites 2023 : le Sénat évitera-t-il l'obstruction ?
Réforme des retraites 2023 : après les enfants terribles, les sages.
Discours de la Première Ministre Élisabeth Borne dans la nuit du 17 au 18 février 2023 à l'Assemblée Nationale (texte intégral).
Réforme des retraites 2023 : chemin de Croix à l'Assemblée.
Olivier Dussopt.
Aurore Bergé.
Assemblée Nationale : méthode de voyou !
Sauver nos retraites par répartition.
Réforme des retraites 2023 : le projet du gouvernement est-il amendable ?
Dossier des retraites du gouvernement publié le 10 janvier 2023 (document à télécharger).
Conférence de presse de la Première Ministre Élisabeth Borne le 10 janvier 2023 à Matignon (texte intégral et vidéo).
Comprendre la réforme des retraites présentée par Élisabeth Borne ce mardi 10 janvier 2023.
Le non-totem d'Élisabeth Borne sur les retraites.
Le coronavirus supplante la réforme des retraites de 2019-2020.

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https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20230310-vote-bloque.html

https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-choix-du-vote-bloque-article-44-247258

http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2023/03/08/39837480.html









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