Crédits pour l'hôpital : Gabriel Attal tacle Patrick Kanner
« J’entends les critiques et les questions qui sont posées, mais j’attends que l’on me montre un pays de l’Union Européenne qui s’engage autant que nous, un pays ayant réussi à réduire de 4% ses émissions de gaz à effet de serre, comme nous l’avons fait l’an dernier ! Quel pays a réussi à faire la même chose dans l’Union Européenne ? Aucun autre pays comparable au nôtre ne possède un niveau d’émission de CO2 par unité de production aussi faible que la France ! » (Gabriel Attal, le 17 janvier 2024 au Sénat).
Le Premier Ministre Gabriel Attal, nommé à Matignon le 9 janvier 2024, ne prononcera son discours de politique générale à l'Assemblée Nationale que le mardi 30 janvier 2024 à 15 heures. Pour autant, il n'est pas aphone au Parlement pendant ces vingt et un jours. En effet, le Parlement a repris ses travaux le 15 janvier 2024 après la trêve de Noël, et comme c'est prévu, les deux assemblées organisent une séance de questions aux gouvernement chaque semaine, le mardi pour l'Assemblée Nationale et le mercredi pour le Sénat.
Très habitué aux joutes parlementaires, Gabriel Attal était donc très à l'aise à ces premières séances de passage sur le grill parlementaire. Il a même été excellent au Sénat qui, par sa représentation, est pourtant beaucoup plus "hostile" au gouvernement que l'Assemblée Nationale.
Président du groupe socialiste au Sénat depuis janvier 2018 (son prédécesseur Didier Guillaume était entré au gouvernement), Patrick Kanner a un peu de mal à faire opposition à Emmanuel Macron car il est un homme raisonnable. À presque 67 ans, cet ancien militant proche de Jean-Pierre Chevènement a déjà une grande carrière politique derrière lui : adjoint au maire de Lille de 1989 à 2014 (sous Pierre Mauroy et Martine Aubry), président du conseil général du Nord de 2011 à 2014 (conseiller général puis départemental du Nord de 1998 à 2021, vice-président de 1998 à 2011, premier vice-président de 2004 à 2011), il a été nommé Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports du 26 août 2014 au 17 mai 2017 dans les gouvernements de Manuel Valls et de Bernard Cazeneuve. Soutien de Manuel Valls à la primaire du PS de janvier 2017, il n'a pas exclu de voter Emmanuel Macron au lieu de Benoît Hamon à l'élection présidentielle de 2017. Sa stature nationale a été consacrée par le parti socialiste en le faisant élire sénateur du Nord en 2017, réélu en 2023 (il était chaque fois tête de la liste PS du Nord).
Désormais chef de file des socialistes au Sénat (il a été deux fois candidat à la Présidence du Sénat en 2020 et 2023, contre Gérard Larcher), Patrick Kanner, bien que peu convaincu par la Nupes, doit montrer qu'il est dans l'opposition et a profité de la séance de question au gouvernement au Sénat du 17 janvier 2024, au lendemain de la conférence de presse du Président de la République, pour user d'un peu d'ironie : « Monsieur le Premier Ministre, dans un exercice assumé d’autosatisfaction, le Président Macron m’a hier rassuré. Notre pays va bien, l’ascenseur social fonctionne et nos services publics ont les moyens de remplir leurs missions ! J’ai sans doute été distrait, car, pour moi, la réalité est tout autre. ». Puis, a suivi la litanie de tout ce qui n'allait pas dans le pays, et évidemment, il y a beaucoup de choses : école, hôpital, pauvreté, logement, etc. Le dénigrement politicien consiste généralement à voir tous les problèmes, réels, sans voir les progrès réalisés depuis quelques années, eux aussi réels.
Il s'est ainsi complu à décrire un certain aveuglément élyséen : « Monsieur le Premier Ministre, il faut ouvrir les yeux. Tel est l’état de la France, dont vous êtes comptable. Les propos du Président de la République traduisent sa déconnexion avec le quotidien des Français. Pour lui, c’est la moralisation et l’ordre pour les citoyens, la dérégulation et le désordre pour les intérêts financiers. Ce n’est pas d’optimisme dont il a fait preuve hier soir : il cultive une amnésie politicienne pour conserver le mauvais cap qu’il a fixé voilà bientôt sept ans. ».
Jeu de rôle, un exercice sans intérêt constructif, uniquement politicien, une posture parlementaire, mais c'est très courant au Parlement (un peu moins au Sénat qu'à l'Assemblée Nationale), c'est même rassurant (les responsables politiques font de la politique et ne sont pas des machines technocratiques), mais cela n'apporte pas grand-chose au débat public.
Gabriel Attal a pu ainsi répondre à Patrick Kanner (plus longtemps que la durée réservée habituellement aux parlementaires et aux ministres car un Premier Ministre doit pouvoir s'exprimer dans les deux assemblées quand il le veut aussi longtemps qu'il le désire), et a commencé en jouant le jeu de son interlocuteur : « Monsieur le président Kanner, manifestement, nous n’avons pas assisté à la même conférence de presse. Les nombreux Français qui l’ont suivie à la télévision ont pu entendre, au contraire, un Président de la République lucide sur les difficultés de notre pays et les défis que nous avons à relever. Cette lucidité doit-elle nous empêcher de reconnaître et de mettre en avant un certain nombre de progrès intervenus ces dernières années dans notre pays ? Je ne le crois pas ! ».
A suivi alors la réponse en détail de tout ce que Patrick Kanner avait relevé comme dysfonctionnement, problème, crise, etc. dans le pays (d'où la réponse un peu longue). Gabriel Attal est resté humble en mesurant les défis à relever : « Cela me rend-il aveugle ou sourd aux difficultés que traversent les Français et à la situation du pays ? La réponse est non. Je crois l’avoir dit dès ma prise de fonction à Matignon, lors de la passation de pouvoir : je suis lucide sur les difficultés, les angoisses, les inquiétudes, les doutes et les colères de nombreux Français. Je pense aussi à ceux qui n’expriment pas de colère, tout simplement parce qu’ils n’attendent plus rien. J’en suis conscient. Je le sais, tous les Français qui travaillent chaque jour, qui sont toujours au rendez-vous de leurs responsabilités, et qui ont toujours le sentiment d’avoir un peu plus de ce qu’il faut pour être accompagnés par la solidarité nationale et un peu moins de ce qu’il faut pour s’en sortir tout seuls, attendent beaucoup de nous. ».
Et de répondre sur le chômage, l'apprentissage, et sur la santé. Prenant l'exemple de la santé et des hôpitaux, Gabriel Attal n'a pas hésité à renvoyer le leader socialiste aux propres errements de son parti lorsqu'il était au pouvoir. En effet, Gabriel Attal était conseiller de Marisol Touraine, Ministre de la Santé et des Affaires sociales entre 2012 et 2017, à ce titre, d'ailleurs, le plus jeune membre d'un cabinet ministériel, à 23 ans, et a bien vu le peu de considération que François Hollande portait à la santé : « J’en suis conscient, les Français attendent évidemment beaucoup en matière de santé, d’accès aux soins et d’hôpital. Monsieur Kanner, chacun le sait, j’ai été membre du parti socialiste et j’ai travaillé auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé. Or les budgets et l’investissement alloués à l’hôpital public depuis 2017, notamment au travers du Ségur de la santé, nous en aurions rêvé dans les précédentes majorités ! Les arbitrages financiers rendus à l’époque n’avaient pas été ceux-là ! Nous avons fait le choix clair et résolu de soutenir l’hôpital. Bien évidemment, l’argent ne suffit pas. Il faut poursuivre la transformation, particulièrement en travaillant sur les coopérations, pour l’accès aux soins de tous les Français. Tel est le mandat de Catherine Vautrin. ».
Le Premier Ministre a ensuite poursuivi sur l'école, la laïcité, la sécurité, la justice, la transition écologique... au point de terminer sa réponse en concluant amusé : « Je n’ai pas l’intention de faire ici ma déclaration de politique générale. Quoi qu’il en soit, vous le voyez, j’ai des choses à vous dire. Je suis sûr que nous aurons, au Sénat, de très beaux débats. ».
Patrick Kanner, qui a pu répliquer à la réponse du Premier Ministre (c'est le cas quand le parlementaire qui questionne n'utilise pas tout son temps de parole lors de sa question), s'est simplement contenté de dire : « Je vous le dis comme je le pense, changer de premier violon ne change pas la partition. Alors que le Président de la République vous a qualifiés de soldats de l’an II lors du premier conseil des ministres situé à côté de son bureau, à l’Élysée, je ne voudrais pas que ces soldats de l’an II, qui ont sauvé la République, se transforment demain en cavaliers de l’Apocalypse, qui permettraient à l’extrême droite de s’installer dans ce pays. ».
Une remarque assez hypocrite lorsqu'on sait que c'est quand le PS est au pouvoir que l'extrême droite se renforce électoralement (1984, 2002, 2017) et, au contraire, la candidature d'Emmanuel Macron a permis une plus efficace réponse politique aux idées reçues du FN/RN. Sans Emmanuel Macron, Marine Le Pen aurait eu de meilleures chances d'être élue en 2022. Mais écrire cela, c'est de l'uchronie sans utilité et discutable.
En tout cas, Gabriel Attal était égal à lui-même, tout à fait apte à diriger et défendre l'action du gouvernement devant les parlementaires, comme il l'avait toujours fait dans ses fonctions antérieures, et en particulier comme porte-parole du gouvernement.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 janvier 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Gabriel Attal répond à Patrick Kanner sur les crédits pour l'hôpital.
Patrick Kanner.
Pour que la France reste la France !
Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
Gabriel Macron.
Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.
Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
Élisabeth Borne remerciée !
Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240117-gabriel-attal.html
https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/credits-pour-l-hopital-gabriel-252674
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2024/01/17/40184571.html